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Dans la démarche marketing, la segmentation des publics peut donner lieu à plusieurs stratégies de ciblage qui induisent des offres de produits et de services et des stratégies de communication différentes103. On distingue ainsi :

- le marketing indifférencié : ignorer la segmentation en proposant un même produit ou un même service pour tous les consommateurs ;

- le marketing différencié : des produits ou des services différents proposés à des segments différents de consommateurs ;

- le marketing concentré : privilégier un seul segment de consommateurs : segment principal ou public de niche ;

- le marketing individualisé : proposer une offre sur-mesure aux consommateurs. En bibliothèque académique, on peut considérer que l’offre de ressources et de services obéit en partie à un marketing indifférencié – des horaires et des modalités d’accès aux ressources électroniques identiques pour tout le monde par exemple – mais principalement à un marketing différencié – des conditions de prêt différentes selon le statut de l’usager, des formations destinées aux primo-arrivants, des services pour les chercheurs. La collection semble relever à la fois du marketing indifférencié et différencié, dans la mesure où un ouvrage peut être utile à toutes les catégories des publics mais où les acquisitions peuvent être pensées pour des publics différents (documentation d’ordre pédagogique, comme les manuels, pour les étudiants, ouvrages de niveau recherche pour les étudiants en master, les doctorants et les enseignants-chercheurs par exemple). Ces deux stratégies de ciblage entraînent l’utilisation combinée de deux modes de communication complémentaires : une communication indifférenciée, « de masse », et une communication différenciée. Le choix de l’un ou l’autre de ces modes de communication affecte la construction du discours et le choix des canaux de communication.

En effet, les messages communicationnels empruntent des canaux différents selon le type de contenus et les publics visés, que ce soit un public de masse ou des segments différenciés d’usagers. La signalétique, le site web ou une lettre d’information peuvent par exemple être choisis pour communiquer des informations et des actualités d’ordre général à un public de masse, tandis que les médias sociaux peuvent cibler des catégories différentes de publics avec des messages les concernant spécifiquement. Si de nombreuses entreprises et institutions ont pu croire aux débuts du web 2.0 qu’être présent sur les sites de réseaux sociaux était un objectif en soi, il apparaît dorénavant que des objectifs doivent être assignés à ces outils104 : il faut déterminer les informations à délivrer, spécialiser les contenus et choisir des publics cibles en fonction des différents réseaux. Comme le souligne Benjamin Sarcy :

Les RSN [réseaux sociaux numériques] sont foncièrement générationnels. Nos publics, étudiants, enseignants ne les utilisent pas tous de la même manière. Il est donc capital de repérer ceux sur lesquels ils sont les plus actifs et où les

103 La segmentation en marketing [en ligne]. 14 décembre 2012. [Consulté le 22 janvier 2019]. Disponible à l’adresse : https://fr.slideshare.net/enams90/la-segmentation-en-marketing Voir aussi GRANGER, Sabrina. op.cit. p.43.

104 LIBAERT, Thierry et WESTPHALEN, Marie-Hélène. Communicator: toute la communication d’entreprise . Paris : Dunod, 2012.

différents en bibliothèque académique

bibliothèques gagne(raie)nt à s’exprimer. Jongler entre ces réseaux implique d’établir une stratégie qui s’appuie sur leur diversité et les potentialités de chacun105

– chaque réseau social numérique ayant en effet ses propres règles, fonctionnalités, pratiques et son propre langage. Cet aspect générationnel des réseaux sociaux s’observe à travers le choix des BU Jean Moulin Lyon 3 de dédier Instagram aux plus jeunes (lycéens et primo-arrivants), Facebook aux étudiants de licence et masters avec un ton décalé, des vidéos et des GIF106 animés et Twitter aux doctorants et aux chercheurs avec des publications sur les thèses et la valorisation de la recherche107. De même, à la bibliothèque Marie Curie de l’INSA de Lyon, Facebook est destiné aux étudiants pour présenter les actualités de la bibliothèque d’une façon plus ludique et humoristique par rapport aux autres canaux et pour interpeller la communauté étudiante et la vie associative, Twitter est utilisé en direction des professionnels des bibliothèques pour présenter les activités de la bibliothèque, Scoop it ! permet de diffuser une veille documentaire et technologique (innovation pédagogique…) à destination des spécialistes de l’information et du personnel enseignant108. L’univers des médias sociaux et leur utilisation ne sont pas exempts de phénomènes de mode auxquels il faut être attentif : ainsi, si Instagram gagne en popularité depuis quelques années, d’autres réseaux sont sur le déclin, ferment (comme Storify en 2018) ou sont peu utilisés par les publics visés par une bibliothèque académique (tel Pinterest au SCD de l’INSA de Lyon)109.

S’il paraît impossible de se passer de ce que nous appelons une communication « de masse » pour délivrer des informations générales au plus grand nombre, il reste nécessaire de s’interroger sur sa pertinence et son efficacité. Ainsi, Guillemette Trognot et Marie-Paule Voïta remarquent que la communication de masse, telles les lettres d’information, est facilement « poubellisée » par les publics. Elles évoquent l’exemple d’étudiants qui, saturés d’e-mails de toutes sortes, font un tri dans les informations lues en supprimant les e-mails dont l’expéditeur est institutionnel et l’objet du message non personnalisé, qui sont considérés comme de la communication de masse qui ne leur est pas destinée directement110. Ainsi, il semblerait qu’une communication davantage différenciée et personnalisée pourrait être plus efficace. Pour reprendre l’exemple de la lettre d’information, elle pourrait se décliner en plusieurs lettres d’information adressées à des publics différents (étudiants, doctorants, enseignants-chercheurs) via des listes de diffusion. Encore faut-il pouvoir le faire car qui dit différenciation accrue de la communication dit augmentation du temps de travail dédié à la communication.

105 SARCY, Benjamin. Communiquer en BU à l’ère des réseaux sociaux numériques. Ar(abes)ques. 2018, no 91, p.4-5. 106 Un GIF (Graphics Interchange Format) est un format d’image numérique, permettant de stocker plusieurs images dans un fichier et de créer ainsi des effets d’animation.

107 Voir le Livre blanc de la communication en bibliothèque académique de l’ADBU, juin 2017, p.16 [en ligne]. [Consulté le 31 juillet 2018]. Disponible à l’adresse : http://adbu.fr/competplug/uploads/2017/12/LivreBlanc_Communication_ADBU-1.pdf.

108 Je remercie Guillemette Trognot de m’avoir transmis le document sur le bilan et les perspectives de la communication externe de la bibliothèque Marie Curie de l’INSA de 2015 et l’étude de la communication de la bibliothèque sur les réseaux sociaux menée par Élodie Cuissard en 2016.

109 Entretien avec Guillemette TROGNOT, Responsable des services au public et de la communication du SCD de l’INSA de Lyon, le 19 juillet 2018.

110 TROGNOT, Guillemette, VOÏTA, Marie-Paule, « Communiquer autrement avec les étudiants : l’expérience du jeu en réalité alternée à la bibliothèque Marie Curie de l’INSA de Lyon », dans : DEVRIENDT, Julien (dir.). Jouer en

Le cas des enseignants-chercheurs : une communication