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L’organisation de la fonction achats au centre hospitalier d’Aix-les-Bains était fortement liée à celle du centre hospitalier de Chambéry depuis 2013 avant d’être totalement intégrée à celle de Chambéry avec la fusion au 1er janvier 2015.

5.1- Des acteurs multiples et non coordonnés, une politique achat inexistante

En 2014, la fonction achat au centre hospitalier d’Aix-les Bains est assurée par cinq services acheteurs :

 le service pharmacie ;

 la direction achats et logistique (DAL) ;

 le service biomédical ;

 le service travaux ;

 la direction des systèmes d’information (DSIO).

Un audit externe réalisé en juillet 20139 avait notamment fait ressortir l’absence de politique achat dans l’établissement, l’inexistence de pilotage dû à l’éclatement de la fonction entre différents acteurs opérant chacun dans leur domaine sans outil commun ni procédure harmonisée. L’absence de coordonnateur des achats et le manque de compétence avaient également été soulignés.

En dépit des recommandations issues de cet audit, le CH d’Aix-les Bains - aujourd’hui le centre hospitalier métropole de Savoie - n’avait toujours pas recruté de coordonnateur des achats mi-2015. Il en découle l’absence de vision globale, d’harmonisation et de pilotage de

9 Un audit de la fonction « achat » a été réalisé entre mai et septembre 2013 par un prestataire externe, sous l’impulsion et avec le financement de l’ARS, avec six autres établissements (dont Chambéry et Belley).

Il a débouché sur la rédaction de trois livrables :

une cartographie des achats au CH d’Aix-les Bains ;

un bilan des pratiques achats au CH d’Aix-les Bains ;

un plan d’action achat qui avait préconisé:

de recruter un coordonnateur général des achats pour harmoniser les pratiques en matière d’achat;

d’animer la stratégie achats de l’établissement en définissant et mettant en œuvre les plans d’actions achats ;

d’accompagner les acheteurs dans les objectifs de gains d’achats (programme PHARE) et évaluer les résultats obtenus ; d’harmoniser, sécuriser et formaliser les pratiques d’achats des différents services acheteurs autour de la cellule des marchés ; de mettre en place un plan d’actions achats commun à Aix et Chambéry.

la politique en matière d’achats, le directeur en charge des affaires logistiques sous la responsabilité duquel devrait être placé le coordonnateur achats n’ayant qu’une vision des achats réalisés par sa direction (DAL).

Le centre hospitalier d’Aix-les-Bains fait cependant partie des six groupements régionaux d’achats - pour la pharmacie (coordonné par le CH Annecy), la droguerie (coordonné par le CH Bourg-en-Bresse), la papeterie et les fournitures de bureau (coordonné par le CH Valence), les produits d’incontinence (coordonné par les hôpitaux Drôme Nord) et la restauration (groupement de 40 M€ annuels de CA et 130 établissements, coordonné par le CH Chambéry - ce qui pallie partiellement ses défaillances en matière de pilotage et de procédures.

En réponse aux observations de la chambre, l’établissement indique avoir procédé au recrutement du coordonnateur unique Achats avec une prise de poste en novembre 2015 afin de remédier aux lacunes susmentionnées.

5.2- Des procédures internes récentes

Jusqu’au 1er janvier 2015, il n’existait aucune procédure ou règle interne écrite en matière d’achats au centre hospitalier d’Aix-les-Bains. L’ordonnateur justifie cette situation par le fait que les acheteurs étaient les mêmes que ceux du centre hospitalier de Chambéry et que les procédures interne au centre hospitalier de Chambéry s’appliquaient dans les faits au centre hospitalier d’Aix-les-Bains - à l’exception du recours à la commission d’aide à la décision d’attribution des marchés.

Sous la responsabilité de son chef de service, chaque service, jusqu’en janvier 2015, organisait ses achats, dans le cadre de règles internes au centre hospitalier de Chambéry retranscrites dans deux documents à destination des acheteurs :

 le règlement intérieur des marchés du CH de Chambéry (datant d’avril 2005) ;

 un document, élaboré en décembre 2013, suite à l’audit, qui définit les bonnes pratiques d’achats à observer en dehors des procédures formalisées passant en CADAM (marchés à procédure adaptée – MAPA).

Certaines des dispositions de ce dernier document de procédures internes appellent les observations suivantes.

En ce qui concerne les achats inférieurs à 15 000 € HT :

Les procédures internes déclinées dans ce document précise que pour les achats situés en dessous du seuil de 15 000 € HT, il est inutile de demander trois devis au minimum ainsi que de formaliser l’achat par la rédaction d’un acte d’engagement. Il s’appuie pour cela sur les dispositions du III de l’article 28 du code des marchés publics selon lesquelles « le pouvoir adjudicateur peut également décider que le marché sera passé sans publicité ni mise en concurrence préalables si son montant estimé est inférieur à 15 000 € HT. Lorsqu'il fait usage de cette faculté, il veille à choisir une offre répondant de manière pertinente au besoin, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même prestataire lorsqu'il existe une pluralité d'offres potentielles susceptibles de répondre au besoin. »

Il convient cependant de distinguer deux situations.

 lorsqu’il n’existe qu’une offre ou un faible degré de concurrence susceptible de répondre au besoin exprimé, il peut être fait application de la possibilité offerte par le II de l’article 28 du code des marchés publics qui dispose que « le pouvoir

adjudicateur peut décider que le marché sera passé sans publicité ni mise en concurrence préalables dans les situations décrites au II de l'article 35 ou lorsque ces formalités sont impossibles ou manifestement inutiles en raison notamment de l'objet du marché, de son montant ou du faible degré de concurrence dans le secteur considéré. » Cette position a été confirmée récemment par le Conseil d’État (Conseil d’État, 28 janvier 2013, département du Rhône, req n° 356670).

 en revanche, lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin, le pouvoir adjudicateur est tenu « à faire une bonne utilisation des deniers publics ». Cette condition oblige l’acheteur public à s’informer sur la structure de l’offre existante sur le marché et être ainsi en capacité de pouvoir démontrer que la connaissance qu’il a acquise de la structure du marché, lui permet d’effectuer un choix judicieux. Dès lors, le recours à trois devis différents ou à une consultation périodique de catalogues peuvent constituer une option intéressante qu’il convient de ne pas écarter d’emblée afin de s’assurer du respect des conditions énoncées précédemment. Telle est également l’analyse de la direction des affaires juridiques du ministère de l’économie (fiche explicative du décret n° 2011-1853 du 9 décembre 2011). Il revient à l’ordonnateur d’apporter la preuve de la satisfaction de cette condition. De même, lorsque la pluralité des offres potentielles existe, l’acheteur public est tenu de ne pas contracter systématiquement avec un même prestataire.

Dans l'état actuel des pratiques décrites par les procédures internes du centre hospitalier de Chambéry, la simple signature par les deux parties du bon commande n’est pas de nature à permettre de démontrer que l’acheteur public a satisfait aux conditions posées par le III de l’article 28 du code des marchés publics. Il serait souhaitable qu’il puisse justifier d’une analyse même sommaire du secteur économique considéré en produisant une trace écrite de son investigation dans le secteur concerné et préalable à l’achat.

En ce qui concerne les achats compris entre 15 000 € HT et à 90 000 € HT :

Les procédures internes introduisent une distinction entre les achats compris entre 15 000 € HT et 40 000 € HT et ceux compris entre 40 000 € HT et 90 00 € HT.

Le centre hospitalier estime en effet qu’entre 15 000 € HT et 40 000 €, la publicité n’est pas obligatoire, qu’une mise en concurrence sommaire avec trois devis serait suffisante et qu’il n’est pas utile de formaliser la rédaction d’un acte d’engagement.

Il est rappelé qu’aucune disposition au sein du code des marchés ne prévoit un seuil intermédiaire entre 15 000 € HT et 90 000 € HT en matière de publicité. En effet, le I de l’article 40 du code des marchés publics dispose qu’en « dehors des exceptions prévues aux II et III de l'article 28 ainsi qu'au II de l'article 35, tout marché ou accord-cadre d'un montant égal ou supérieur à 15 000 € HT est précédé d'une publicité, dans les conditions définies ci-après. » Il rappelle en outre au II de l’article 40 que « pour les achats de fournitures, de services et de travaux d'un montant compris entre 15 000 € HT et 90 000 € HT, ainsi que pour les achats de services relevant du I de l'article 30 d'un montant égal ou supérieur à 15 000 € HT, le pouvoir adjudicateur choisit librement les modalités de publicité adaptées en fonction des caractéristiques du marché, notamment le montant et la nature des travaux, des fournitures ou des services en cause. »

Il découle de ces dispositions que si les modalités de publicité peuvent être adaptées au montant de l’achat, le centre hospitalier de Chambéry ne peut se prévaloir d’une exonération générale de publicité pour les achats compris entre 15 000 € HT et 40 000 € HT en dehors des exceptions prévues au II de l’article 35 du CMP. Dans tous les autres cas, la publicité étant obligatoire, il découle donc de cette obligation que le pouvoir adjudicateur ne peut se contenter d’une simple consultation avec trois devis. Une consultation avec trois devis est en

effet contradictoire avec le principe d’une publicité qui implique le libre accès à la commande publique de tous les candidats et pas seulement de ceux sélectionnés en amont par l’acheteur public. Il est enfin recommandé de signer un acte d’engagement afin que le centre hospitalier de Chambéry s’assure de la bonne exécution par le co-contractant de ses engagements surtout lorsque ceux-ci impliquent une bonne exécution sur une période donnée.

Ces lacunes en termes de procédures se traduisent par différentes irrégularités relevées dans certains marchés passés par l’établissement.

Ainsi pour le marché passé pour le nettoyage de la chambre mortuaire, l’établissement n’a pas été en mesure de fournir la preuve d’une quelconque publicité visant à garantir la concurrence et l’égal accès à la commande publique pour cette prestation dont le montant annuel s’élève à 22 k€. Par ailleurs, le marché a été prolongé, par voie d’avenant, pour une durée d’un an dans l’attente de la fusion.

S’agissant d’un marché de traitement des déchets (2011), aucun document ne permet d’attester d’une concurrence effective et de la motivation du choix du fournisseur par l’établissement, aucun rapport d’analyse des offres n’ayant pu être fourni.

Un achat biomédical de matériel d’échographie (MEPY Systèmes) a été réalisé en 2013 pour un montant de 38 k€ sans publicité ni mise en concurrence préalables tracée. Il en est de même pour un marché relatif aux infrastructures informatiques (Resiliences) pour un montant de 32 k€.

Un contrat a en outre été passé en 2011 puis reconduit en 2012 et 2013 avec un organisme d’optimisation fiscale (CTR) pour une prestation d’un montant de 35,6 k€, sans publicité ni mise en concurrence préalables. En outre, le montant de la prestation facturée a été calculé en pourcentage de la réduction fiscale obtenue par l’établissement et ce indépendamment du travail fourni par le prestataire.

A la suite des observations adressées par la Chambre au centre hospitalier de Chambéry, l’ordonnateur a élaboré, en janvier 2015, un nouveau tableau de procédure, répondant partiellement à ces observations notamment en matière de publicité et de mise en concurrence par la demande de trois devis pour les achats entre 4000 et 15 000 € et par la signature d’un acte d’engagement pour les achats entre 15 000 € et 40 000 €. Ce tableau de procédure, bien qu’élaboré, n’a toujours pas été diffusé aux acheteurs internes, l’ordonnateur attendant le recrutement du coordonnateur général des achats pour le faire.

5.3- Une définition, formalisation et appréciation des besoins à améliorer

L’expression du besoin est souvent limitée et formalisée par un simple mail, le questionnaire d’expression du besoin n’étant le plus souvent pas utilisé. En outre, le besoin ne fait que rarement l’objet d’une traçabilité dans le logiciel de commande.

De surcroit, le recensement des besoins ne s’effectue pas par code nomenclature ni par famille homogène de biens. Cette absence d’appréhension des achats par catégorie homogène a pour conséquence une appréciation erronée des seuils édictés par le code des marchés publics conduisant notamment l’établissement à s’affranchir du respect de certaines procédures pour des achats isolés qui, s’ils avaient été dûment rattachés à une famille homogène d’achats, auraient dû être acquis dans le cadre d’une procédure adaptée (MAPA) ou formalisée (appel d’offres).

En réponse aux observations de la chambre l’ordonnateur a indiqué que « le nouveau coordonnateur unique des achats dont la prise de fonction aura lieu en novembre 2015 – aura une mission sur ce point dès le premier trimestre 2016. »

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Sur la période sous revue, le cycle achats a présenté un certain nombre de lacunes majeures en termes d’organisation interne, de procédures et de pratiques qui ont conduit l’établissement à s’affranchir régulièrement des exigences du code des marchés publics et notamment du respect des seuils de publicité.

La chambre invite l’ordonnateur à assurer la diffusion et l’appropriation par les acteurs internes de procédures conformes à la réglementation, afin de sécuriser les achats inférieurs à 40 000 € notamment en apportant la preuve par une traçabilité écrite, de sa bonne

Le centre hospitalier doit également améliorer la définition de ses besoins et impérativement procéder à leur recensement par catégorie homogène de biens.

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