• Aucun résultat trouvé

2. Évaluation de l’impact vaccinal par le suivi des données de surveillance

2.3 Collecte, analyse et notification des données

Pour permettre une analyse des données qui soit suffisamment parlante, il faut que les données de la surveillance soient enregistrées de manière correcte, précise, complète et en temps utile. Les données doivent être régulièrement inscrites dans une base de données électronique ou dans un registre qui permette de mettre à jour et de vérifier facilement les relevés, tant sur les sites de surveillance qu’au niveau du bureau centralisateur national.

Il faut rechercher les données manquantes et les introduire dans la base de données.

Les données complémentaires externes, par exemple celles qui proviennent d’un laboratoire de référence, doivent être enregistrée dès réception. Il faut en outre prévoir un système simple de contrôle des données afin de maintenir leur qualité. Par exemple, lorsque la surveillance porte sur les enfants de moins de cinq ans, seuls les âges compris entre 0 et 59 mois doivent figurer dans la base de données. Il est nécessaire que chaque pays dispose d’un service ou d’une institution dotés de moyens suffisants pour prendre en charge la gestion générale des données et qu’un membre de ce service soit désigné pour effectuer des contrôles de qualité systématiques, consistant par exemple à déterminer le nombre de ponctions lombaires (PL) chez les cas suspects de méningite et à compléter les données manquantes. Les indicateurs de performance de la surveillance qu’il est recommandé de collecter dans le cadre du système OMS de surveillance coordonnée des MBI EV sont indiqués à l’annexe 4.

Une analyse préliminaire des données de surveillance doit être effectuée périodiquement par des personnes qui ont l’expérience de leur interprétation afin de relever les tendances et de remédier aux problèmes qui pourraient encore subsister au niveau des données.

L’analyse des données en vue de l’évaluation de l’impact vaccinal ne doit commencer qu’après les avoir nettoyées (c’est-à-dire une fois qu’elles seront aussi exactes et complètes que possible). S’il est possible de les obtenir, il est préférable d’utiliser les taux d’incidence plutôt que le nombre de cas du fait qu’au fil du temps, ils prennent en compte les variations de l’effectif de la population qui figure au dénominateur.

On peut corriger de manière approximative l’incidence de tous les syndromes pour tenir compte de l’accès aux soins en divisant l’incidence mesurée par la proportion estimative d’enfants présentant ces syndromes qui sont amenés dans un établissement de soins, chiffre que l’on tire habituellement d’enquêtes sur le recours aux soins soit dans le lieu en cause, soit dans un lieu comparable. La méthode la plus simple pour mesurer l’impact du VPC ou du VCHib sur la morbidité lorsqu’on ne dispose que des données fournies par des sites sentinelles consiste à observer la variation du nombre absolu de cas de la pathologie prise comme critère de jugement en prenant comme point de comparaison les chiffres de l’année ou des années précédant l’introduction du vaccin. On peut aussi se baser sur la variation du pourcentage d’infections à pneumocoque ou à Hib parmi l’ensemble des cas de méningite bactérienne. Le tableau 4 indique quelques types d’analyse que l’on peut utiliser pour la surveillance en population ou la surveillance par sites sentinelles. Un statisticien ou un épidémiologiste familiarisé avec la mesure de l’impact vaccinal devra être consulté au sujet des calculs à effectuer ou associé à cette opération. Le manuel de l’OMS consacré à la surveillance des maladies évitables par la vaccination (14) ainsi que les lignes directrices relatives à la surveillance des MBI EV donnent un certain nombre d’informations sur l’analyse des données de la surveillance (http://www.who.int/nuvi/surveillance/resources/en/index.html).

Il y a plusieurs points importants à prendre en considération lorsqu’on analyse les données de surveillance dans le but de mesurer l’impact vaccinal.

Il peut y avoir, indépendamment de la vaccination, des variations saisonnières 1)

ou des variations naturelles d’une année sur l’autre dans les taux de morbidité imputables à la méningite, à la pneumonie, ou aux maladies infectieuses dues à Hib. Ces variations peuvent être à l’origine de changements importants dans les taux de morbidité qui sont particulièrement sensibles lorsque la surveillance porte sur une seule communauté ou sur un petit nombre d’hôpitaux.

Pour en tenir compte, il faut que l’analyse porte au moins sur les deux années qui précèdent l’introduction du vaccin afin de déterminer les taux de référence initiaux (dans certains cas les données de l’année qui précèdent l’introduction du vaccin sont suffisantes mais dans d’autres, les données des deux années précédentes ne le sont pas). Pour pouvoir faire ressortir l’impact du VPC, il est recommandé d’analyser les données recueillies sur les trois ans qui suivent son introduction et si l’on veut déterminer les conséquences de l’introduction de ce vaccin sur le remplacement des sérotypes, c’est sur les cinq années suivant l’introduction qu’il faut faire porter l’analyse. ll faudra peut-être plus de temps pour évaluer l’impact maximal du vaccin si celui-ci est adopté avec lenteur et selon que les campagnes de rattrapage des enfants plus âgés seront ou non prises en compte.

Dans les pays où sévit la méningite épidémique on peut procéder à l’évaluation 2) de la méningite à pneumocoque ou à Hib en effectuant des mesures directes (comme les confirmations en laboratoire) en présence ou non d’une épidémie de méningite. Il ne faut toutefois analyser les données de la surveillance antérieures et postérieures à l’introduction du vaccin dans un lieu géographique particulier et n’utiliser de définitions de cas moins spécifiques (méningite purulente, par exemple) que pour les années au cours desquelles aucune épidémie de méningite à méningocoque n’a été déclarée dans la région sous surveillance.

Au fil du temps, selon les changements plus ou moins importants que va subir 3)

le système de surveillance, il va devenir plus difficile d’interpréter l’évolution de la charge de morbidité, de sorte qu’il est utile d’utiliser des indicateurs de performance de la surveillance. Ainsi, lorsqu’on passe, pour la surveillance, d’un système passif à un système actif, le nombre de cas identifiés augmente, même si l’incidence réelle de la maladie ne varie pas. Il peut également y avoir des changements artéfactuels dans les taux de morbidité si l’on améliore les méthodes d’identification des cas au moment de l’introduction du vaccin ou si ceux qui notifient les cas dans le cadre d’une surveillance passive se mettent à en notifier davantage, ce qui peut se produire par suite de la prise de conscience de la maladie suscitée par l’introduction du vaccin. Des changements dans les techniques de laboratoire, par exemple l’introduction de tests d’agglutination au latex ou l’absence de produits de laboratoire peuvent également avoir un retentissement sur les données ; de même l’adjonction de certains tests peut conduire à améliorer le dépistage des cas et un manque de fournitures à le faire reculer. Les données seront également influencées par les changements survenus dans le secteur desservi par les hôpitaux sentinelles ou par des migrations importantes vers l’extérieur où l’intérieur de ce secteur.

En cas de baisse de la morbidité ou de la qualité du système de surveillance, 4) il est possible d’en déterminer la cause en comparant les tendances de l’incidence d’une maladie due à autre germe pathogène. Supposons par exemple que l’on

cherche à mesurer l’impact du VCHib sur la méningite à Hib alors que le VPC ne figure pas dans le programme de vaccination systématique des enfants : en pareil cas, si le taux d’incidence de la méningite à S. pneumoniae reste stable, on pourra estimer avec une certaine confiance que le recul de la morbidité est effectivement dû au VCHib.

Là où la prévalence de l’infection à VIH est élevée, il faut tenir compte, 5) dans l’évaluation de l’impact, des changements survenus dans l’épidémiologie du VIH, notamment sous l’influence de la thérapie antirétrovirale ou de la mise en place de programmes visant à prévenir la transmission de la mère à l’enfant.

À mesure que la prévention et le traitement de l’infection à VIH s’améliorent, le taux de morbidité due au Hib ou au pneumocoque (dans le cas de la pneumonie notamment) a tendance à se réduire, ce qui peut créer de la confusion dans l’interprétation de l’impact du vaccin, voire conduire à le surestimer. La présence d’autres maladies importantes comme le paludisme peut également avoir un effet sur la pathologie prise comme critère de jugement et il faut en tenir compte.

Avant l’introduction du VCHib, on calculait dans certains pays la charge de 6)

morbidité imputable au Hib au moyen de l’outil d’évaluation rapide des infections à Hib mis au point par l’OMS (67) qui repose sur une estimation de la charge de morbidité due au Hib par extrapolation du nombre de cas confirmés d’infection à Hib dans un site donné. Si ce genre d’estimation peut se révéler utile à des fins de planification, l’outil en question n’est pas conçu pour mesurer l’impact du vaccin car les estimations qu’il fournit sont entachées de trop d’incertitude.

2.4 Résumé et points essentiels

Une surveillance de bonne qualité de la morbidité due au pneumocoque et au Hib dans une vaste population constituée d’enfants de moins de cinq ans permet de mesurer l’impact du VPC et du VCHib et d’en suivre l’évolution ; ces données peuvent constituer des éléments d’appréciation factuels sur lesquels s’appuyer pour prendre des décisions concernant l’utilisation du VPC et du VCHib.

Une surveillance active en population des cas de MBI confirmés en laboratoire constitue la méthode qui permet de suivre avec le plus d’exactitude les tendances de l’incidence de la morbidité au fil du temps et elle permet en outre de déterminer l’impact direct et indirect du vaccin.

Chaque pays pourra souhaiter effectuer une surveillance de la méningite basée sur des sites sentinelles en milieu hospitalier (niveau 1, surveillance des MBI EV), méthode qui peut permettre de mesurer l’impact des vaccins antipneumococcique et anti-Hib sur la survenue des maladies dans des situations où ni une surveillance active en population, ni une surveillance de toutes les maladies infectieuses invasives (notamment la pneumonie bactériémique) ne sont possibles ou souhaitées en raison de leurs exigences sur le plan financier ou en matière de ressources humaines. Cela dit, s’il est vrai qu’une surveillance limitée à la méningite permet de mesurer l’impact du vaccin sur une maladie grave et facilement identifiable, cette dernière ne représente qu’un sous-ensemble limité des cas de maladie infectieuse à Hib ou à pneumocoque que permettrait d’identifier une surveillance portant sur la totalité des syndromes infectieux invasifs (et notamment la pneumonie bactériémique). Une surveillance limitée à la méningite va donc conduire à sous-estimer l’impact réel du vaccin sur la morbidité globale due au pneumocoque ou au Hib puisque son effet sur la pneumonie ou la septicémie ne sera pas pris en compte.

Tableau 4. Mesures qu’il est proposé d’effectuer pour mettre en évidence, à partir des données de la surveillance, l’impact du vaccin sur les suites indésirables des infections Mesure à effectuerCalcul/méthodeObservations

Réduction en pourcentage de l’incidence des maladies dues au Hib ou au pneumocoque (y compris les syndromes cliniques

dus à Hib ou au pneumocoque).

Taux d’incidence : l’incidence des bactériémies est calculée en divisant le nombre d’enfants de < 5 ans souf

frant de la maladie

dans la zone desservie par l’hôpital par le nombre total d’enfants de < 5 ans dans cette zone. Réduction en pourcentage : comparer le taux d’incidence pour chaque année consécutive à l’introduction du vaccin au taux de référence initial (avant l’introduction).

Données obtenues par une surveillance active en population ; la surveillance

passive est utilisable mais il faut en interpréter les résultats avec prudence car des cas peuvent probablement passer inaperçus. Collecte de données recommandée sur au moins les deux années précédant

l’introduction du vaccin ou les trois années suivant son introduction. Pour déterminer la distribution des sérotypes pneumococciques, il est recommandé de recueillir des données sur au moins les 5 années qui suivent l’introduction du vaccin. Un recul de l’incidence ou du nombre de cas peut être observé dans l’année qui suit l’introduction du vaccin.

Réduction en pourcentage du nombre de cas de maladies dues à Hib ou au pneumocoque.

Réduction en pourcentage : comparer le nombre de cas pour chaque année suivant l’introduction au taux de référence initial avant l’introduction.

Données obtenues par une surveillance sur des sites sentinelles ou une surveillance active en population. Il est à noter qu’un recul en valeur absolue des maladies infectieuses dues au pneumocoque ou à Hib résultant de l’utilisation du vaccin va nécessairement provoquer une augmentation de la proportion de maladies bactériennes probables ayant d’autres étiologies.

Réduction en pourcentage de la proportion de cas de méningite à Hib ou à pneumocoque Réduction en pourcentage : comparer le pourcentage de cas dus à Hib ou au pneumocoque dans l’ensemble des cas confirmés en laboratoire au cours des années précédant et suivant l’introduction du vaccin.

Données obtenues par la surveillance sur des sites sentinelles ou la surveillance active en population. Il est à noter qu’un recul en valeur absolue des maladies infectieuses dues au pneumocoque ou à Hib résultant de l’utilisation du vaccin va nécessairement provoquer une augmentation de la proportion de maladies bactériennes probables ayant d’autres étiologies.

Mesure à effectuerCalcul/méthodeObservations

Bilan des cas de maladies dues à Hib ou au pneumocoque survenant après l’introduction du VPC.

Consulter les notes sur les cas ou les carnets de vaccination des cas de maladie à Hib ou dues au pneumocoque. Raisons pouvant expliquer que des cas continuent à se produire :

Enfant non vaccinable (en raison de son âge).1) Enfant vaccinable mais non vacciné ou incomplètement 2) vacciné. Enfant complètement vacciné mais immunité déclinante.3) Enfant complètement vacciné mais une maladie sous-jacente 4) (par ex.VIH/sida) a pu réduire son immunité. Enfant complètement vacciné mais porteur d’un sérotype 5) non vaccinal. Enfant complètement vacciné mais chez qui le vaccin n’a 6) pas fonctionné.

Données habituellement obtenues par une une surveillance à la recherche des

cas, ceux-ci étant ensuite soumis à une investigation en profondeur pour en décrire les caractéristiques. Pour obtenir des données de bonne qualité sur le statut vaccinal des cas, les agents de la santé publique doivent généralement recueillir des données supplémentaires (par ex. examen des carnets de vaccination) pour compléter les informations fournies par les hôpitaux sentinelles. Il est essentiel de disposer de données sur le statut vaccinal des cas pour pouvoir interpréter la présence de cas de maladies dues à Hib ou au pneumocoque et agir en conséquence (68).

On entend par efficacité théorique d’un vaccin, la part qui lui est attribuable dans le recul de l’incidence d’une maladie lorsqu’il est administré dans des conditions idéales (12, 69, 70), telles qu’elles sont notamment réunies dans le cadre d’un essai contrôlé.

L’efficacité réelle, en revanche, est définie comme la part qui est attribuable à la vaccination dans le recul de l’incidence d’une maladie, mais dans les conditions qui sont celles du monde réel, compte tenu entre autres de l’effet de facteurs liés au programme comme les techniques d’injection utilisées, la réduction de l’activité du vaccin consécutive à un stockage défectueux, la protection indirecte contre la maladie visée (immunité collective), une immunité préexistante vis-à-vis de cette maladie comme celle que confère une immunité indirecte (dans le cas des vaccins vivants) ou encore un épisode antérieur de ladite maladie, certaines caractéristiques de la population comme la malnutrition et tout autre facteur qui distingue un programme de vaccination communautaire d’un essai de vaccin en situation contrôlée (12, 69, 70). Cette définition, qui correspond à ce que l’on a aussi appelé « l’efficacité sur le terrain » (71), ne rend pas compte de l’effet limité du programme de vaccination sur la population lorsque la couverture vaccinale est faible, alors que c’est une cause importante de l’impact suboptimal des programmes de vaccination dans nombre de pays à revenu faible ou intermédiaire.

Il y a protection indirecte lorsque la vaccination de la population cible confère une immunité à une population qui n’est pas censée recevoir le vaccin en réduisant la transmission de la maladie au sein de la population. Par le même mécanisme, des sujets qu’il était prévu de vacciner mais qui n’ont pas pu être atteints par le programme de vaccination se trouvent également protégés. Il y a immunité indirecte lorsque la vaccination de la population cible confère également une protection aux sujets non vaccinés grâce à la transmission d’une souche vaccinale vivante entre vaccinés et non vaccinés. En l’absence de protection indirecte, l’efficacité réelle est normalement inférieure à l’efficacité théorique du fait qu’au niveau de la population, des facteurs extrinsèques comme la couverture, les techniques d’injection, l’intégrité de la chaîne du froid et la stabilité du vaccin peuvent avoir une influence sur les suites de la vaccination.

En présence d’une protection indirecte, l’efficacité réelle peut par contre être meilleure que l’efficacité théorique, pour autant que la couverture soit suffisamment élevée.

L’immunité indirecte peut biaiser l’estimation de l’impact vaccinal de la même manière que la protection indirecte (72, 73), mais ce point n’est pas abordé ici car l’immunité indirecte n’entre pas en ligne de compte dans le cas de vaccins tués comme le VCHib ou le VPC. La protection indirecte est susceptible d’accroître l’impact d’une vaccination bien au-delà de ce à quoi l’efficacité théorique du vaccin et la couverture vaccinale permettraient de s’attendre et elle a largement contribué à éliminer la poliomyélite de vastes régions du monde et à réduire la charge de morbidité pneumococcique aux États-Unis et ailleurs (41).