• Aucun résultat trouvé

3. Mesure de l’efficacité théorique et réelle des vaccins antipneumococcique

3.2 Études observationnelles

Une fois qu’un vaccin est introduit dans une population après avoir été homologué, il est nécessaire de procéder à des études observationnelles pour évaluer son impact sur le terrain en dehors des conditions idéales qui sont celles d’un essai contrôlé randomisé. Les études observationnelles sont le reflet de l’utilisation du vaccin dans les conditions normales et l’estimation de son efficacité réelle dépend d’un certain nombre de considérations pratiques telles que le fonctionnement de la chaîne du froid, la délivrance du produit, la protection indirecte ou encore certains effets potentiels qui varient d’un groupe de population à l’autre. Les études d’impact après homologation sont particulièrement importantes dans le cas des nouveaux vaccins VPC car ceux-ci seront homologués uniquement sur la base d’études de bioéquivalence fondées sur leur pouvoir immunogène et non sur des essais contrôlés randomisés. Lorsque l’impact du vaccin est moindre qu’attendu, les études de l’efficacité vaccinale dans les conditions normales peuvent aider à expliquer cette observation. Les études d’efficacité vaccinale en situation réelle peuvent également permettre de répondre à certaines questions particulières touchant le programme de vaccination, comme le taux de couverture, le respect des délais et l’efficacité relative des différents schémas.

Les différentes options qui sont envisageables sur le plan analytique pour l’estimation de l’efficacité réelle reposent soit sur la surveillance (voir le chapitre 2), soit sur des études épidémiologiques ciblées. Les pays ne sont pas toujours en mesure de mettre en place un système de surveillance avant l’introduction du vaccin pour pouvoir suivre l’évolution de l’impact du VPC ou du VCHib sur la morbidité. Par ailleurs, la surveillance peut ne pas être poursuivie depuis assez longtemps pour que l’on dispose de données initiales de référence et il se peut aussi que la couverture vaccinale soit trop faible pour produire un impact sur un échantillon de population de taille raisonnable. En pareil cas, les pays pourront envisager d’utiliser une méthode épidémiologique spécialisée, par exemple une étude cas-témoins, pour calculer l’efficacité réelle du vaccin. Ces études ne demandent pas forcément beaucoup de ressources et on a souvent la possibilité de les mener à bien en moins de temps qu’il n’en faudrait pour mettre en place des programmes de surveillance et analyser leur données.

3.2.1 Études de cohorte

Lorsqu’elles sont réalisables, les études de cohorte constituent une excellente méthode pour mesurer de manière rigoureuse l’efficacité théorique ou réelle d’un vaccin.

Le principe en est le suivant : on suit une population dont on connaît le statut vaccinal pendant une certaine période de temps. Les membres de la cohorte sont classés en fonction de leur statut vaccinal : vaccinés ou non vaccinés. On calcule l’incidence des maladies infectieuses dues au pneumocoque ou à Hib dans chaque groupe.

Si le vaccin était administré de manière aléatoire aux différents membres des groupes, on aurait effectivement affaire à un essai contrôlé randomisé. Si le vaccin est administré dans le cadre d’un calendrier de vaccination systématique des nourrissons, d’autres facteurs pourraient influer sur la mesure de son efficacité réelle : intégrité ou activité du vaccin (est-il toujours actif ou a t-il été exposé à des températures excessives

?), mode d’administration (injection intramusculaire profonde plutôt que sous-cutanée) ou protection collective. La méthode des cohortes peut être utilisée de manière prospective ou bien en utilisant des données historiques (rétrospectivement).

Ce type d’étude permet de calculer directement le risque relatif (RR) d’une maladie et par conséquent de déterminer directement son efficacité réelle en utilisant la formule algébrique qui la définit. La vaccination des enfants d’un pays n’est pas un évènement aléatoire, de sorte qu’il faut veiller attentivement à noter les variables de confusion possibles, par exemple habitat urbain ou rural, statut socio-économique ou possibilités d’accès aux services de santé, pour pouvoir ensuite apporter les corrections nécessaires lors de l’analyse. Une étude de cohorte qui considère les enfants vaccinés comme exposés et les enfants non vaccinés comme non exposés ne permettra pas de prendre en considération l’effet qu’une couverture suboptimale exerce sur l’impact du vaccin.

Les études de cohorte nécessitent un grand nombre d’enfants car une MBI confirmée en laboratoire est un évènement relativement rare. Il est nécessaire de disposer de registres vaccinaux et de systèmes de surveillance fiables pour pouvoir identifier correctement les cas et déterminer avec exactitude leur statut vaccinal, mais de tels systèmes ou dossiers sont rares et lorsqu’ils existent, ils sont souvent incomplets. On a couramment recours à une étude de cohorte pour mesurer l’efficacité réelle d’un vaccin lors de flambées épidémiques, comme ce peut être le cas avec la varicelle ou la coqueluche et on peut également utiliser ce type d’étude en cas de flambées d’infections à pneumocoque ou à Hib. Comme les infections à pneumocoques ou à Hib ne donnent pas souvent lieu à des flambées, la méthode n’est pas couramment utilisée pour mesurer l’efficacité du VPC ou du VCHib.

3.2.2 Études de cohorte indirectes

Les études de cohorte indirectes dans lesquelles on ne prend en considération que les cas sont des méthodes qui permettent d’évaluer avec succès l’efficacité réelle du VPC au cours des premières années qui suivent son introduction (75, 76). Dans ce type d’étude, on compare le statut vaccinal de cas de pneumococcie provoquée par des sérotypes vaccinaux au statut vaccinal de cas de la même maladie, mais provoquée par des sérotypes non vaccinaux. Cette méthode nécessite le sérotypage des pneumocoques dont sont porteurs tous les cas. Elle a avait été initialement conçue pour mesurer l’efficacité réelle du vaccin antipneumococcique polyosidique 23-valent (77, 78) mais on peut également s’en servir avec fruit pour calculer l’efficacité du VPC au cours des premières années qui suivent son introduction (75, 76). C’est une méthode qui nécessite des données de surveillance des sérotypes et des pneumococcies qui soient de très grande qualité et l’on se demande si l’utiliser pour mesurer l’efficacité réelle du VPC ne revient pas à contredire l’hypothèse selon laquelle le vaccin n’agit pas différemment sur la survenue d’une morbidité due aux sérotypes non vaccinaux chez les enfants vaccinés et chez ceux qui ne le sont pas.

3.2.3 Études cas-témoins

Les études cas-témoins sont devenues maintenant une méthode très utilisée pour mettre en évidence l’efficacité du VCHib en situation réelle et elles conviennent également pour le VPC. Dans une étude cas-témoins, on détermine par surveillance active ou passive quels enfants sont atteints d’une maladie infectieuse due au pneumocoque ou à Hib (cas) et on choisit un ou plusieurs témoins appropriés pour chacun d’entre eux (des enfants non atteints par la maladie). On détermine le statut vaccinal des cas et des témoins.

Pour calculer l’efficacité réelle du vaccin, on applique la formule correspondante et on pose par hypothèse qu’il s’agit de maladies rares pour pouvoir utiliser l’odds ratio (OR) à la place du risque relatif (RR), puisque l’odds ratio est une estimation du RR.

En utilisant des modèles statistiques de régression pour tenir compte de facteurs tels que les différences de nature géographique, de niveau économique ou d’accès aux soins qui peuvent exister entre les cas et les témoins, il est possible d’obtenir des estimations de l’efficacité réelle qui sont corrigées des facteurs de confusion et qui serrent donc de plus près « l’efficacité du vaccin sur le terrain » que des estimations non corrigées.

Si les témoins sont choisis en même temps que les cas sont identifiés (ce qui doit être le cas) on peut tenir dûment compte des variations temporelles de la morbidité due au pneumocoque ou à Hib. Ces cas et ces témoins peuvent ultérieurement être réutilisés comme cas ou témoins (79). Cet odds ratio (OR) avec son intervalle de confiance, est très similaire au RR correspondant avec son propre intervalle de confiance qui lui, ne peut pas être calculé directement dans une étude cas-témoins.

Contrairement aux études de cohorte, les études cas-témoins constituent une méthodologie plus facilement réalisable dans le cas d’évènements rares, comme par exemple des MBI confirmées par culture, car des détails tels que les antécédents vaccinaux ne sont nécessaires que pour les cas et un nombre relativement faible d’enfants témoins appartenant à la population sous surveillance (prière de se reporter à l’annexe 2 pour un exposé plus détaillé concernant le choix des témoins). Comparativement à d’autres types d’études, les études cas-témoins peuvent être économiques et permettre de gagner du temps. Comme elles sont idéales pour mesurer les effets produits sur des manifestations pathologies rares, on peut parfois les utiliser pour comparer l’efficacité d’une série complète par rapport à une série incomplète, les effets sur de multiples manifestations pathologiques (par ex. maladies provoquées par l’ensemble des sérotypes ou pneumococcie due à des sérotypes vaccinaux) ou encore pour évaluer l’impact de la co-administration d’autres vaccins sur l’efficacité réelle du vaccin en cause.

En dépit des avantages évoqués plus haut, les études cas-témoins sont sensibles aux facteurs de confusion et aux biais. Tout comme les études de cohorte, les études cas-témoins ne permettent pas d’appréhender la réduction de l’impact vaccinal due à une couverture suboptimale et ne donnent pas non plus un tableau de la performance globale du programme de vaccination ; cette information peut toutefois être obtenue au moyen d’essais randomisés par grappes, d’études par étapes du type

« stepped-wedge » et, dans une certaine mesure par le biais de programmes de surveillance qui suivent l’évolution des taux de morbidité au cours du temps. Par ailleurs, comme il y a un grand nombre de facteurs dont peuvent dépendre tant le fait de recevoir le vaccin que le risque de maladie - tels que l’âge, l’accès aux soins et les caractéristiques socio-économiques - il faut s’attacher à réduire l’influence de ces facteurs de confusion potentiels sur l’estimation de l’impact vaccinal en procédant à des corrections statistiques appropriées. Comme pour toutes les études cas-témoins, il est capital de disposer d’une définition claire des cas et seuls les cas incidents (cas nouveaux) doivent être pris en considération. Si l’on a par exemple un enfant qui vient juste de guérir d’une maladie

correspondant à la définition du cas ou qui contracte la maladie peu de temps après avoir été identifié, il doit pouvoir être admis comme témoin. En outre, les cas doivent pouvoir être à nouveau pris comme cas ou ultérieurement comme témoins et vice-versa.

Ne pas admettre ces enfants comme témoins dans l’étude risque de biaiser la mesure de l’impact vaccinal. Il est également primordial de définir la population dont proviennent les témoins et qui est censée constituer un échantillon représentatif de la population d’origine où se sont produits les cas. L’annexe 2 indique plus en détail comme effectuer des études cas-témoins pour évaluer l’efficacité réelle du vaccin antipneumococcique contre une maladie infectieuse invasive due au pneumocoque.

3.2.4 Méthode cas-population

Il faudra acquérir davantage d’expérience dans l’utilisation de la méthode cas-population pour savoir si elle se prête à la mesure de l’efficacité réelle du VPC (80, 81, 82). Ce type d’étude est une variante de la méthode cas-témoins dans laquelle, au lieu d’utiliser un ou deux témoins par cas, c’est la population tout entière qui constitue le groupe témoin (80, 81). Cette méthode a été utilisée pour évaluer l’efficacité réelle des vaccins anti-Hib, anticoquelucheux, antiourlien et antirougeoleux (83-86). C’est une méthode intéressante à utiliser lorsqu’on peut obtenir des données de surveillance de la morbidité mais qu’il n’y a guère d’autres ressources disponibles. Il n’y a que trois points sur lesquels des données sont à collecter pour calculer l’efficacité réelle du vaccin : le nombre total de cas de maladie et le nombre de cas qui se produisent chez des enfants vaccinés, que l’on peut l’un comme l’autre obtenir grâce à la surveillance, ainsi que le pourcentage de sujets vaccinés dans la population, chiffre que l’on peut tirer d’enquêtes sur la couverture vaccinale ou obtenir en consultant de registre national des vaccinations.

En raison de la simplicité arithmétique de cette analyse, à savoir qu’elle ne nécessite la connaissance que de trois paramètres, l’évaluation de l’efficacité fournie par la méthode cas-population est très sensible aux erreurs, même minimes, dont l’estimation de ces trois paramètres pourrait être entachée. Par ailleurs, il n’existe aucun moyen de tenir compte de manière explicite des facteurs de confusion. Il y a en outre un certain nombre d’hypothèses à respecter impérativement pour que le calcul donne une estimation fiable de l’efficacité vaccinale réelle. Il est primordial que les estimations de la couverture vaccinale correspondent exactement à la population dont proviennent les cas.

En outre, les données administratives ou celles du registre des vaccinations peuvent ne pas être suffisamment complètes et précises. L’efficacité réelle risque d’être surestimée si la couverture l’est également. L’exactitude des estimations fournies par les calculs est conditionnée par la stabilité de la couverture vaccinale de la population et les taux de morbidité due aux infections pneumococciques ou à Hib déclinent d’ordinaire rapidement après l’introduction du vaccin. On peut également avoir de la peine à obtenir des données administratives fiables au sujet de la couverture vaccinale du groupe d’âge en cause, dans la zone géographique de l’étude et pour la période de temps voulue.

En résumé, il faut accumuler davantage d’expérience pour savoir si cette méthode se prête à la mesure de l’efficacité réelle du VPC (82).

3.3 Réduire le plus possible les biais et les faiblesses

Des définitions de cas cohérentes et une vérification minutieuse des antécédents de vaccination permettent d’avoir le moins de biais possible dans les études observationnelles. En outre et si l’on en a la possibilité, on peut éviter au maximum les biais dans l’information en veillant à ce que les collecteurs de données ignorent si le sujet auquel ils ont affaire est un cas ou un témoin. Les biais potentiels liés à la sélection des témoins pour les études cas-témoins sont analysés plus en détail à l’annexe 2.