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L’objectif de cette expérience était d’étudier le développement précoce des capacités de transfert intermodal émotionnel (dégoût et colère) de 1 à 6 mois grâce à un protocole longitudinal. Le but étant d’étudier les capacités de transfert au niveau inter et intra personnel.

Dans l’expérience 10, par rapport à l’expérience 8, les stimuli de joie ont été remplacés par des stimuli de dégoût. Cette expérience a opposé deux émotions de la même valence, cependant la colère est une émotion qui suscite une tendance à l’approche alors que le dégoût, lui, une tendance au retrait. Si un transfert intermodal émotionnel est retrouvé après ces deux émotions de même valence. Nous pourrons conclure à un transfert intermodal très robuste.

Méthode expérience 10 8.3.1.1. Participants

Vingt bébés (8 filles) nés à terme (au moins 37 semaines de gestation) ont été vus à quatre reprises à 1, 2, 4 et 6 mois. Les bébés ont été inclus à l’échantillon final pour avoir participé aux quatre passations. À 1 mois : âge moyen = 31.25 jours ± 5.25, à 2 mois : âge moyen = 61.40 jours ± 5.51, à 4 moi :s âge moyen = 120.50 jours ± 10.79, à 6 mois : âge moyen

= 187.25 jours ± 9.16. Quatorze bébés supplémentaires ont été exclus en raison de passation impossible (pleurs, problème technique, rendez-vous annulé, bébés dépassant l’âge limite (âge + 2 semaines)) pour au moins une passation. Les caractéristiques descriptives de l’échantillon final étaient les suivantes : à la naissance de leur enfant, l’âge moyen des mères était de 34.62 ans (± 4.3) et de 35.41 ans (± 5.3) pour les pères. Les parents ayant participé à cette étude étaient principalement mariés (60%) ou vivaient en concubinage (40%). Le statut socioéconomique (SSE) de la famille a été calculé à l’aide de l’échelle Largo basée sur l’occupation paternelle et l’éducation maternelle, allant de 2 (le SSE le plus élevé) à 12 (le SSE le plus faible) (Largo et al., 1989). Le statut socioéconomique (SSE) moyen des familles de l’échantillon était de 4.00

± 2.58, intervalle = 2-11. L’étude a été approuvée par le comité d’éthique de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de Genève et tous les parents ont donné leur consentement éclairé, par écrit, à la participation de leur enfant à cette expérience.

8.3.1.2. Stimuli

Les stimuli visuels étaient des visages émotionnels virtuels féminins de dégoût et de colère créés avec FACSGen (Roesch et al., 2011) (Figure 28) et les stimuli auditifs étaient des

voix neutres et émotionnelles de colère et de dégoût féminines prononçant des pseudo-mots provenant de la base de données « GEMEP » (Bänziger et al., 2012). Pour le détail de ces stimuli voir le chapitre II Contributions expérimentales, point 4.2 stimuli.

8.3.1.3. Procédure expérimentale

La procédure expérimentale était exactement la même que celle de l’expérience 8, sauf que dans l’expérience 10, les stimuli de dégoût ont remplacé les stimuli de joie.

8.3.1.4. Analyse des données

Toutes les vidéos ont été double codées avec le logiciel BORIS (Friard & Gamba, 2016) par deux observateurs naïfs avec une moyenne d’accord de 0.94 (Pearson’s r). L’analyse des données s’est déroulée de la même manière que pour l’expérience 8, sauf que dans l’expérience 10, les stimuli de dégoût ont remplacé les stimuli de joie. La DTRT a été calculée de telle sorte qu’un nombre supérieur à 0% correspondait à un temps de regard plus élevé pour le visage de dégoût et un nombre inférieur à 0% correspondait à un temps de regard plus élevé pour le visage de colère.

Résultats expérience 10 8.3.2.1. « Baseline » : voix neutre

Nous avons analysé le temps de regard sur les visages émotionnels après l’écoute d’une voix neutre. Une ANOVA à mesures répétées a été réalisée sur le temps passé à regarder les visages avec les visages émotionnels (dégoût, colère) et l’âge des bébés (1, 2, 4 ou 6 mois) comme facteurs intra-sujets.

L’effet principal des visages émotionnels était non significatif, F(1, 19) = 2.85, p = .108, ηp2 =.130. L’effet principal de l’âge était non significatif, F(3, 57) = 2.15, p = .104, ηp2 =.101.

L’interaction entre les visages émotionnels et l’âge était également non significative, F(3, 57)

= 0.91, p = .440, ηp2 = .046.

8.3.2.2. Condition expérimentale : voix émotionnelles

Nous avons analysé le temps de regard sur les visages émotionnels après l’écoute des voix émotionnelles. Une ANOVA à mesures répétées a été réalisée sur le temps passé à regarder

les visages avec les visages émotionnels (dégoût, colère) et les voix émotionnelles (dégoût, colère) et l’âge des bébés (1, 2, 4 ou 6 mois) comme facteurs intra-sujets.

L’effet principal des visages émotionnels était non significatif, F(1, 19) = 0.01, p = .908, ηp2 =.000, aucune différence de temps de regard entre le visage de dégoût (3.51 ± 0.14 s) et le visage de colère (3.48 ± 0.17 s) n’a été mise en évidence. L’effet principal des voix émotionnelles était non significatif, F(1, 19) = 0.01, p = .927, ηp2 =.000. L’effet principal de l’âge était non-significatif, mais tendentiel, F(3, 57) = 2.62, p = .06, ηp2 = .121. Cependant, l’analyse post-hoc réalisée avec Bonferroni n’a révélé aucune différence significative.

L’interaction entre les voix émotionnelles et les visages émotionnels n’était pas significative, F(1, 19)= 0.15, p = .701, ηp2 = .008. De plus, la triple interaction entre l’âge, les visages émotionnels et les voix émotionnelles n’était pas significative, F(3, 57) = 0.67, p = .573, ηp2 = .034.

8.3.2.3. Distribution du temps de regard total (DTRT)

Une ANOVA à mesures répétées a été réalisée sur la distribution du temps de regard total (DTRT) avec les voix (dégoût, colère, neutre) et l’âge des bébés (1, 2, 4 ou 6 mois) comme facteurs intra-sujets. Un résultat positif représente le pourcentage du temps de regard en faveur du visage de dégoût et un résultat négatif représente le pourcentage du temps de regard en faveur du visage de colère.

L’effet principal des voix était non significatif, F(2, 38) = 0.75, p = .480, ηp2 =.038.

L’effet principal de l’âge était non significatif, F(3, 57) = 1.62, p = .195, ηp2 =.078. L’interaction entre les voix émotionnelles et l’âge était également non significative, F(6, 114) = 0.44, p = .850, ηp2 =.023.

Nous avons également effectué un test T à un échantillon sur la DTRT aux visages émotionnels en fonction de chaque voix (neutre, dégoût, colère) et de l’âge des bébés (1, 2, 4 ou 6 mois) comparé au niveau de chance de 0%. Nous n’avons retrouvé qu’une seule différence significativement supérieure au niveau de chance, à 2 mois, après l’écoute de la voix neutre avec une DTRT pour le visage de colère comparé au visage de dégoût, supérieure au niveau de chance (24% ± 11%), t(19) = -2.09, p = .049, toutes les autres ps > .32 (Figure 55).

Figure 55. DTRT sur les visages de colère et de dégoût en fonction de l’âge (1, 2, 4, 6 mois) et des voix (neutre, dégoût, colère). Les barres verticales représentent l’erreur standard.

8.3.2.4. Nombre de regards

Nous avons également analysé le nombre de regards sur le visage de joie ou de colère en fonction de la voix et de l’âge. Une ANOVA à mesures répétées a été réalisée sur le nombre de regards, les visages avec les visages émotionnels (dégoût, colère), les voix (dégoût, colère ou neutre) et l’âge des bébés (1, 2, 4 ou 6 mois) comme facteurs intra-sujets.

Cette analyse a mis en avant un effet principal de l’âge, F(3, 57) = 28.15, p =.0000, ηp2

= .597. L’analyse post-hoc réalisée avec Bonferroni a révélé que le nombre de regards dirigés sur chaque visage émotionnel était moins élevé pour les bébés de 1 mois (2.05 ± 0.21) que les bébés de 4 mois (4.28 ± 0.36) (p <.001) et ceux de 6 mois (5.46 ± 0.46) (p <.001). Nous n’avons trouvé aucune différence du nombre de regards sur les visages émotionnels, F(1, 19) = 1.24, p

= .279, ηp2 =.061, en fonction des voix, F(2, 30) = 2.34, p=.114, ηp2 = .135 ou de l’interaction entre les visages et les voix, F(2, 38) = 0.22, p = .802, ηp2 = .012.

Discussion expérience 10

L’objectif de cette expérience était d’étudier le développement des capacités de transfert intermodal émotionnel de 1 à 6 mois grâce à une étude longitudinale. Les bébés étaient vus à quatre âges différents, à 1, 2, 4 et 6 mois. Dans cette expérience nous avons essayé de

-40%

-30%

-20%

-10%

0%

10%

20%

30%

40%

1 mois 2 mois 4 mois 6 mois

DTRT sur les visages de colère (<0%) et de dégoût (>0%)

voix neutre voix dégoût voix colère

*

ColèreDégoût

déterminer si un transfert intermodal émotionnel pour les émotions de dégoût et de colère était possible. Cette expérience a opposé deux émotions de la même valence, cependant la colère est une émotion qui suscite une tendance à l’approche alors que le dégoût, lui, une tendance au retrait. Si un transfert intermodal émotionnel est retrouvé après ces deux émotions de même valence, nous pourrons conclure à un transfert intermodal très robuste.

Pour commencer, les résultats de la « baseline » (voix neutre) démontraient une différence de préférence pour le visage de dégoût ou de colère en fonction de l’âge des bébés.

Si un transfert intermodal émotionnel est réalisé, on s’attend à ce que la voix neutre ne démontre pas de préférence significative pour l’un ou l’autre des visages, car les deux visages sont nouveaux vis-à-vis de la voix. Les résultats ont révélé que les bébés à 2 mois ont regardé plus longtemps le visage de colère que de dégoût. Alors que chez les bébés de 1, 4 et 6 mois, aucune différence de temps de regard entre le visage de colère et de dégoût n’a été trouvée.

Ensuite, après les voix émotionnelles, il semblerait qu’aucune différence de temps de regard n’ait été mise en évidence entre le visage de dégoût et de colère, et ce, peu importe l’âge des bébés. Ceci ne permet pas d’affirmer que les bébés de 1-6 mois seraient capables de transférer une information émotionnelle contenue dans la voix, à des visages émotionnels.

Finalement, au niveau développemental, l’absence de préférence pour le visage de dégoût ou de colère semble être stable à travers les quatre âges étudiés pour les voix émotionnelles, mais modulée par la voix neutre à 2 mois, avec une préférence pour le visage de colère. Par ailleurs, nous avons trouvé un effet de l’âge sur le nombre de regards. Il semblerait que les bébés de 1 mois ont réalisé un nombre de fixations plus faible que les bébés de 4 et 6 mois. Ce résultat suggère que les bébés les plus jeunes font moins de comparaison entre les deux visages et font des fixations plus longues.

En conclusion, les bébés de 1 à 6 mois n’ont démontré aucune préférence pour le visage de colère et de dégoût après les voix émotionnelles. Ainsi, cette expérience ne permet pas de révéler une capacité de transfert intermodal pour le dégoût ou la colère de 1 à 6 mois.

Discussion générale étude 4

L’objectif de cette étude était d’analyser le développement des capacités de transfert intermodal émotionnel de 1 à 6 mois grâce à trois expériences longitudinales. Les bébés étaient vus à quatre âges différents, à 1, 2, 4 et 6 mois. Les trois expériences avaient le même paradigme et le même type de stimuli : visages virtuels 3D et voix exprimant des pseudo-mots similaires à ceux des expériences 2 et 5 mais les émotions présentées différaient d’une étude à l’autre.

L’expérience 8 a présenté des expressions émotionnelles de joie et de colère, l’expérience 9, des expressions émotionnelles de joie et de dégoût et l’expérience 10 des expressions émotionnelles de colère et de dégoût.

Pour commencer, après la « baseline » (voix neutre), la préférence ou l’absence de préférence était différente en fonction de l’âge et des émotions présentées. Il est important de rappeler que pour la « baseline » des trois expériences, la voix neutre était la même. Dans l’expérience 8 (joie vs. colère), aucune différence de temps de regard n’a été observée. Dans l’expérience 9 (joie vs. dégoût), les bébés âgés de 1 mois ont regardé plus longtemps le visage de joie que celui de dégoût. Dans l’expérience 10 (colère vs. dégoût), les bébés âgés de 2 mois ont regardé plus longtemps le visage de colère que celui de dégoût. Ces résultats peuvent être sujets à deux interprétations différentes.

Premièrement, si l’on considère que les bébés ont réalisé un transfert intermodal, la voix neutre ne devrait pas révéler de différence significative entre le temps de regard des deux visages, car les deux visages sont nouveaux par rapport à la voix. Ainsi, les résultats obtenus pourraient suggérer qu’à 1 mois, pour l’expérience 9 et à 2 mois, pour l’expérience 10 le transfert de la voix n’a pas été effectué ou alors effectué avec une interprétation erronée de l’émotion des stimuli. Avec l’âge, la voix neutre serait ensuite bien interprétée comme neutre et donc aucun visage ne serait préféré.

Deuxièmement, si l’on suppose que les bébés n’ont pas pris en compte la voix neutre entendue pour regarder les visages émotionnels et donc qu’aucun transfert n’a été effectué, alors l’expérience 8 n’a révélé aucune préférence spontanée pour le visage de joie par rapport au visage de colère. Ce résultat serait ainsi contraire à ceux retrouvés dans la majorité des études qui ont démontré une préférence spontanée pour le visage de joie durant les premiers mois de vie (A. J. Caron et al., 1988; Farroni et al., 2007; Kuchuk et al., 1986; LaBarbera et al., 1976;

Montague & Walker-Andrews, 2002; Rigato et al., 2011; Rochat et al., 2002). Dans l’expérience 9, à 1 mois seulement, une préférence spontanée pour le visage de joie par rapport au visage de dégoût a été retrouvée. Ainsi, une discrimination précoce pour le visage de joie par rapport au visage de dégoût serait démontrée pour la première fois, mais s’estomperait avec le développement et pourrait même s’inverser comme mis en évidence par Godard et al. (2016) à 3, 5 et 7 mois. Dans l’expérience 10, les résultats ont révélé une préférence pour le visage de colère par rapport au visage de dégoût à 2 mois seulement. Cela pourrait suggérer, qu’à 1 mois, les bébés ne parviennent pas à discriminer deux visages de même valence, mais que, à 2 mois, ils auraient une préférence spontanée pour le visage de colère par rapport au visage de dégoût et que ensuite, cette préférence pour le visage de colère s’estomperait avec le développement.

Ensuite, après les voix émotionnelles, pour les trois expériences, les résultats n’ont indiqué aucune différence significative de temps de regard sur l’un ou l’autre des visages émotionnels. Du fait de cette absence de préférence en fonction des voix émotionnelles, nos études n’ont pas permis de confirmer la présence d’un transfert intermodal émotionnel dans ces trois expériences.

Nous pouvons émettre l’hypothèse que cette absence de préférence peut être due à la difficulté des stimuli employés dans cette condition expérimentale. En effet, les visages étaient des visages virtuels qui ont permis d’éliminer les éventuels biais liés aux autres propriétés physiques du visage. Cependant, les bébés sont exposés dans leur environnement à des visages réels et non à des visages virtuels, ces derniers pouvant peut-être ainsi déteriorer leurs capacités d’exploration. Mais encore, faire le lien entre ces visages virtuels et les voix entendues pourrait avoir été trop compliqué. D’autre part, les voix étaient des pseudo-phrases émotionnelles exprimées par trois identités différentes. Afin de comprendre que l’émotion présentée est la même pour les trois voix et en extraire les propriétés émotionnelles, les bébés doivent catégoriser l’expression vocale. Des études ont montré qu’une discrimination catégorielle entre la joie et plusieurs autres émotions (surprise, tristesse, peur) est possible à partir de 6-7 mois (A. J. Caron et al., 1988; R. F. Caron et al., 1982; Ludemann & Nelson, 1988; C. A. Nelson, 1987; C. A. Nelson & Dolgin, 1985). La capacité à catégoriser les émotions indépendamment de l’identité semble se développer après la capacité d’une simple discrimination entre deux émotions exprimées par la même personne. Il se peut que l’émotion vocale exprimée par ces différentes identités n’ait pas été catégorisée comme une émotion et, de ce fait, le transfert de

expliquée par la difficulté des stimuli employés chez de si jeunes bébés. Cette absence de résultats semble montrer que, jusqu’à 6 mois, les bébés ont besoin d’être exposés à des stimuli plus simples pour pouvoir correctement discriminer et créer une association entre les voix émotionnelles et les visages.

Au vu de l’absence de mise en évidence d’un transfert émotionnel avec les voix émotionnelles, après la voix neutre, l’hypothèse que les bébés n’aient pas effectué de transfert semble plus raisonnable. Ainsi, les résultats trouvés révéleraient une préférence spontanée pour le visage de joie par rapport au visage de dégoût à 1 mois et le visage de colère par rapport au visage de dégoût à 2 mois.

De plus, le but de cette étude longitudinale était d’étudier le développement intra-individuel des capacités de transfert intermodal. Ainsi, l’absence de préférence semble être constante au fil des âges. Malheureusement, de ce fait, il n’est pas possible d’établir de profils développementaux et de déterminer l’âge d’apparition d’un possible transfert intermodal émotionnel. Par ailleurs, nous retrouvons un effet de l’âge sur le nombre de regards. Il semblerait que les bébés produisent un nombre de fixations de plus en plus élevé avec l’âge.

Ces résultats suggèrent que les bébés les plus jeunes effectuent moins de comparaison entre les deux visages et font des fixations plus longues.

En conclusion, les résultats observés dans ces trois expériences ne suggèrent aucune différence de temps de regard entre les visages émotionnels, peu importe la voix émotionnelle préalablement entendue, et ce à tous les âges. Ainsi, ces résultats n’ont pas permis de mettre en évidence une capacité de transfert intermodal émotionnel chez ces bébés de 1 à 6 mois.

Etude 5: transfert intermodal émotionnel

chez des participants verbaux : analyses

eye-tracking