• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2 Assises théoriques

2.4 Cohésion et cohérence dans le texte argumentatif

Le texte argumentatif doit appliquer et respecter les règles de cohésion et de cohérence textuelle pour être compréhensif au lecteur et ainsi atteindre ses objectifs de communication. Pour respecter ces règles, le texte argumentatif, comme n’importe quel autre type de texte, utilise des procédés qui lui sont propres (des connecteurs logiques, des connecteurs organisationnels ou énumératifs, la logique et l’enchaînement dans les idées). Plusieurs auteurs se sont penchés sur la problématique de la cohésion et de la cohérence du texte argumentatif.

Pour Moeschler (1985), une argumentation « consiste en une relation entre un ou plusieurs arguments et une conclusion » (p.12). Toujours selon l’auteur, un discours D est argumentativement cohérent si les instructions argumentatives posées par les connecteurs argumentatifs sont satisfaites en D et si toute contradiction argumentative est résolue dans le mouvement discursif qui génère D. Deux conditions sont à respecter :

a) la première est liée aux connecteurs argumentatifs. Cette condition permet de prédire qu’un discours D n’est pas cohérent argumentativement s’il ne satisfait pas les instructions argumentatives. Les enchaînements constituants D doivent se faire sur les orientations argumentatives imposées par les connecteurs composant D. Les conclusions argumentatives doivent aussi être compatibles avec ces instructions.

b) La deuxième condition est liée à la notion de contradiction argumentative et nécessite quelques précisions. La notion d’argumentation est discursivement intéressante, car elle permet de rendre compte du fait qu’un discours peut présenter une contradiction et la rendre en même temps discursivement acceptable. Pour Moeschler (1985), le discours doit

67 contenir des marques indiquant que cette contradiction est résolue et cela dans le même mouvement discursif qui la présente. Selon le même auteur, l’organisation argumentative d’un énoncé est la direction générale qui permet, à partir des faits présentés, de reconnaître la visée argumentative du locuteur et de mieux comprendre sa conclusion.

Pour résumer, deux points principaux ressortent lorsqu’il est question de la manière d’envisager la cohérence argumentative : les parties constitutives du discours doivent être reliées entre elles par des relations d’ordre cognitives et doivent aussi être pertinentes à un thème commun. C’est ce que Charolles (1978) appelle la règle de relation pour le premier point et la règle de non-contradiction pour le second. Ainsi, la bonne textualité d’un texte argumentatif vise, entre autres, à énoncer une thèse (une idée directrice) qu'on justifie à l'aide d'arguments, eux-mêmes soutenus par des exemples. L'ensemble du texte forme un raisonnement qui se veut cohérent et au moyen duquel l'auteur cherche à convaincre l'interlocuteur de la justesse de son opinion et éventuellement à modifier le point de vue initial de son interlocuteur. Connor (1984, 1987) et Connor et Lauer (1988) ont décelé l’importance pour la qualité textuelle de la présence de certaines composantes de la structure argumentative, mais n’ont pas insisté sur leur façon d’être présente. Selon Gagnon (1998),

La cohérence dans un texte argumentatif se présente tant au niveau local, entre les énoncés, qu’au niveau global, entre les séquences d’énoncés. Un texte est jugé globalement cohérent si, aux niveaux macrostructurel et microstructurel, les nombreuses ressources linguistiques propres à assurer les quatre dimensions de la cohérence sont utilisées adéquatement, en ce sens qu’elles sont aptes à activer, explicitement ou implicitement, toutes les informations nécessaires au recouvrement, par l’interlocuteur, de la pertinence des énoncés (p. 243).

Allant dans le même sens, Baudet (2005) affirme que la cohésion du texte est une propriété du texte argumentatif qui permet au destinataire de lire et de reconnaître la structure d’ensemble de celui-ci et l’assemblage de ses parties. Elle est à la base du jugement de lisibilité porté du lecteur et fait suite à l’étape de l’organisation logique du propos, à savoir l’élaboration de la cohérence. Pour l’auteur, le rédacteur se sert des marqueurs de cohésion pour faire apparaître la structure logique au niveau de la phrase, des parties du discours ou du discours en entier. Pour lui, la cohérence du texte argumentatif s’appuie sur deux principes

68 importants : la continuité référentielle et la progression thématique. Le texte argumentatif est ainsi cohérent lorsque ses parties constitutives font référence à un même sujet, développé progressivement suivant une même intention. Selon Baudet (2005),

S’il existe des marqueurs permettant de lire l’emboîtement des parties d’un même texte, il existe d’autres marques, dans le texte, qui signalent les passages d’une idée à l’autre, les liens logiques entre ces idées et leur signification par rapport au sens global du texte, ainsi que la prise en compte de la situation de communication du lecteur (p.136)

La cohérence argumentative dépend de facteurs propres à la langue et à l’écriture et de facteurs propres à la compréhension de la situation de communication.

La qualité d'un discours argumentatif dépend donc en grande partie du degré de cohérence atteint par le scripteur, c'est-à-dire de sa capacité à créer un texte qui possède une certaine unité en s'assurant que les divers éléments qui le composent se rejoignent et que les idées s'accordent entre elles. Ainsi, les facteurs qui contribuent à la cohérence textuelle dans un discours argumentatif se situent sur le plan sémantique, qui couvre la compréhension des unités linguistiques, et sur un plan pragmatique, qui renvoie aux rapports de sens entre les énoncés et la situation où ils sont produits. Dès lors que la phrase est intégrée à un contexte discursif, des opérations linguistiques entrent en œuvre afin d’assurer une cohésion discursive locale et une cohérence textuelle globale. Cette cohérence textuelle, en plus de se réaliser au niveau microstructurel et macrostructurel dans les discours argumentatifs, se présente au niveau situationnel ou contextuel de la communication.

La cohérence situationnelle, appelée aussi énonciative, dépend de la capacité du scripteur à sélectionner l'information pertinente par rapport à la situation de communication, c'est-à-dire en fonction du destinataire et du but communicatif. Elle dépend également de sa capacité à utiliser un vocabulaire, des expressions et des structures syntaxiques appropriés à cette même situation. Elle s’inscrit dans le rapport qui existe entre le texte et la situation de communication qui en fonde la pertinence (Adam, 1985; Moirand; 1990). Elle s’établit à deux niveaux, celui du choix du contenu et celui du choix des moyens linguistiques employés pour l’exprimer. Au plan du contenu, pour que le texte soit cohérent, le scripteur doit

69 présenter des informations pertinentes du point de vue du destinataire, de l’objectif communicatif qu’il poursuit et de l’univers qu’il a créé dans son texte (Chartrand, 1999). Au niveau linguistique, cette cohérence résulte de la faculté du scripteur à choisir des mots et des tournures de phrases appropriés à la situation de communication (Moirand, 1990).

Pour sa part, Sperber et Wilson (1989) appellent principe de pertinence « l’idée fondamentale selon laquelle une information communiquée est assortie d’une garantie de pertinence » (p.7). L’intention du locuteur est que son auditeur reconnaisse son intention de les informer d’un certain état de choses. Les auditeurs ne s’intéressent au sens de la phrase énoncée uniquement pour saisir la pensée du locuteur. Une communication est donc réussie lorsque l’auditeur comprend le message, lorsqu’il comprend l’instruction. Ce message se définissant comme une forme d'information communiquée qui est à la fois une commande et une explication pour décrire l'action, le comportement, la méthode ou la tâche qui devra commencer, se terminer, être conduit ou exécuté.

Parler de la cohérence textuelle dans le cadre de la théorie de la pertinence, c’est l’envisager du côté de l’interprétation (Gagnon, 1998). Dans ce cas, le scripteur a pour rôle d’expliciter le contexte envisagé pour le traitement d’une information donnée. Par ailleurs, il doit s’assurer que les hypothèses nécessaires à l’interprétation de l’énoncé font parties de l’environnement cognitif de l’interlocuteur et qu’ils lui sont accessibles. Gagnon affirme que la cohérence textuelle découle du principe de pertinence : « les énoncés apparaîtront pertinents, s’ils engendrent, chez le récepteur, des bénéfices informationnels les plus grands possibles au prix d’un effort cognitif le plus réduit possible ». Aussi, la reconnaissance par le récepteur d’un lien de pertinence entre un énoncé et son contexte « […] garantirait […] la cohérence de la séquence formée de son énoncé et de son contexte » (p. 377-378).

Les concepts de cohérence et de pertinence sont ainsi vus par (Gagnon, 1998) :

La cohérence, tout comme la pertinence, est une question de degré : plus un énoncé P est pertinent à l’égard d’un contexte C, plus la séquence CP sera cohérente. Autrement dit, plus l’information véhiculée par un énoncé P entraîne des effets contextuels importants dans un contexte C, et ce, à un coût de

70 traitement le plus faible possible, plus l’énoncé P est pertinent, et plus la séquence CP dans laquelle il apparaît est cohérente (p.90).

L’intérêt pour la globalité des textes a suscité et développé des recherches sur la typologie des textes (sur la catégorisation textuelle globale) autant dans la sémiotique textuelle européenne avec les schémas actanciels ou narratifs de Greimas (1966) ou avec les descriptions de compétence textuelle avec les modèles génératifs, Kintsch et Van Djik, (1984), et cognitifs, Hayes et Flowers (1980, 1986).

Si dans le cadre du texte, la cohérence textuelle renvoie aux règles textuelles de Charolles et à l’organisation macrostructurelle des textes, lorsqu’il s’agit du discours, la cohérence renvoie à l’adéquation d’une production textuelle dans un contexte communicatif. La cohérence porte alors sur le respect des règles communicationnelles qui favorisent l’interprétabilité d’un texte. Riegel, Pellat et Rioul (1994) avancent que la cohésion s’évalue en fonction de l’organisation interne alors que la cohérence dépend de l’insertion du texte dans une situation et dans l’interaction entre un énonciateur et un destinataire. Dans cette optique, la cohérence textuelle est un phénomène de discours. C’est un concept qui tient compte des faits linguistiques textuels, mais qui ne se limite pas à cela.

Si la linguistique textuelle se renferme dans le cadre interne, l’analyse du discours va tenir compte des différentes dimensions linguistiques, mais aussi extralinguistiques qui permettent la production et l’interprétation d’un texte dans un cadre communicatif, dans une interaction, avec des interlocuteurs, des intentions de locuteurs et une situation; Moirand (2007); Fall, Forget et Vignaux (2005); Adam (2005); Charaudeau et Maingueneau (2002); Orecchioni (2001); Ducrot (1972). L’analyse du discours étudie le fonctionnement de la langue utilisée par un individu. Donc, selon Benveniste (1966), elle étudie la langue comme activité énonciative entre des locuteurs, dans un lieu et avec la volonté d’agir sur autrui (pragmatique : Austin (1962) ; Ducrot et Anscombre (1983), Moeschler et Reboul (1994). L’approche énonciative et pragmatique des textes fait que l’on parle davantage de genre discursif pour catégoriser les textes plutôt que de type de texte (Charaudeau, 1994 ; Maingueneau, 2004 ; Beacco, 2004 ; Adam, 2005).

71 De l’ensemble de ces travaux fort diversifiés, il ressort les concepts marquants suivants qui ont attiré l’attention des théoriciens du texte et du discours : texte, discours, cohésion, cohérence, microstructure, macrostructure, type de texte et genres discursifs. On remarque une volonté, dans la recherche théorique, de ne pas opérer une distinction tranchée entre la cohésion et la cohérence, car le matériau linguistique est toujours un phénomène de discours et les éléments de cohésion existent pour également contribuer à faciliter l’interprétabilité d’un texte. Adam (2005) illustre bien cette position en utilisant l’expression « analyse textuelle des discours ».

Rappelons que notre étude porte sur l’évaluation de la bonne textualité par les enseignants et s’intéresse à un genre de discours spécifique à savoir le texte argumentatif, qui est un texte dont la visée illocutoire est de faire admettre un point de vue, donc de persuader et de convaincre le lecteur. En effet, l’élève est amené, dans sa vie de tous les jours à persuader, à prendre position dans différentes discussions.

Après avoir présenté les concepts de la cohésion et de la cohérence textuelle du texte argumentatif qui constitue la production textuelle évaluée, la section suivante est consacrée au choix du discours argumentatif.