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CHAPITRE 4 Résultats des analyses

4.2 Que font les enseignants quand ils évaluent? Et comment l’explicitent-ils?

4.2.2 Cohérence textuelle

La cohérence équivaut à la représentation mentale construite par le lecteur à partir du texte et qui doit, de préférence, être logique, sans contradiction et interprétable. Si on se base sur les propos de Charolles (1978), il faut que les idées soient reprises, qu’elles progressent, qu’il n’y ait pas de contradiction entre elles, qu’on y décèle un lien et enfin que la consigne de production soit respectée.

Au niveau des différentes évaluations, mais également dans les explicitations fournies, on constate qu’aucun des enseignants ne mentionnent les règles générales de cohérence textuelle. Les annotations faites portent généralement sur la compréhension générale du texte comme que nous l’avons signalé plus haut. Aussi, tous veulent dans un premier temps savoir si l’élève a compris l’instruction donnée, qui est de produire un texte argumentatif avec des consignes, et s’il la respecte durant sa production. Il peut parfois constater que l’élève a fait deux affirmations contradictoires. Cependant, il ne s’attarde pas à attirer l’attention de l’élève sur ce fait.

« Sujet compris et assez bonne expression. Mais quelques maladresses dans l’organisation des idées. Des fautes dans l’expression. » Lymar 1

Pour cet enseignant, l’élève a bien compris la consigne qui lui a été donnée et cela semble déterminant dans son évaluation. Même lorsqu’il décèle des contradictions,

159 l’enseignant reste vague dans les directives qui pourraient aider à corriger cette lacune. Pourtant, la règle de non-contradiction est essentielle à la sémantique discursive. Bien sûr un texte peut comporter des oppositions fortes et des oppositions faibles (concession). Le fait que l’enseignant n’intervienne pas sur cette dimension peut signer une non-maîtrise des exigences textuelles de la règle de non-contradiction.

« Assez bonne introduction. Le sujet semble être compris, mais la rédaction ne consiste pas à énumérer les idées sous forme de plan détaillé! » Colmaz 3

L’enseignant affirme que l’élève a compris le libellé du sujet. Malheureusement, au niveau de la rédaction proprement dite, il n’a pas pris la peine de bien développer les idées car il les a présentées sous forme de points. L’élève doit justifier ses idées par des arguments cohérents et bien enchaînés pour bien se faire comprendre par le lecteur.

« Médiocre, compréhension approximative du sujet, MD, orth » Lycla 4

L’enseignant note que le sujet n’a pas réellement été compris par l’apprenant, mais il n’explique pas à ce dernier la partie de la consigne qui n’a pas été respectée. Pour lui, avoir une bonne rédaction signifie que l’élève doit comprendre ce que veut dire le sujet qui lui a été proposé.

« Le problème que vous traitez n’est pas celui du sujet, même s’il vous arrive d’y faire allusion! Apprenez à séparer les mots. L’organisation n’est pas bonne d’où ce problème de logique. Début raté. De quoi traitez-vous finalement?» Colmaz 10

L’enseignant dit que l’élève n’a pas tenu compte de la consigne. Ce dernier traite d’un problème qui ne renvoie pas à la consigne ou n’y fait référence que de manière périphérique. Selon cet enseignant, le travail de l’élève est mal organisé et il s’en suit un problème de logique dans les idées. L’élève ne respecte pas les directives de la consigne.

160 Ici encore, l’enseignant fait référence à la consigne qui n’a pas été respectée par l’élève. Il affirme que l’élève ne s’est attardé que sur les aspects positifs. L’enseignant conclut à une certaine négligence ou peut-être un oubli de la deuxième partie du sujet, c’est- à-dire celle qui consistait à montrer l’influence négative de la radio, du cinéma et de la télévision sur un jeune de son âge.

« Vous avez quand même saisi le sujet, mais l’introduction et la deuxième partie sont absentes presque. Simplifiez certaines expressions et évitez les moindres fautes. » Lycla 13

L’enseignant affirme que le sujet est peu compris par l’élève et que certaines parties de l’argumentation sont sous-développées. Il reproche à l’élève d’être resté superficiel lorsqu’il a traité le sujet. Le fait que certaines parties du texte ne soient pas explicitée crée un certain déséquilibre textuel.

Pour les enseignants de français avec qui nous avons travaillé, il est important que l’élève comprenne la consigne. En effet, pour mieux rédiger un devoir de rédaction, ils pensent que la consigne doit pouvoir orienter l’élève, lui dire ce qu’on attend exactement de lui et comment le travail devrait être présenté. Il veut s’assurer que l’élève, durant sa rédaction, a pris le soin de diviser son texte en trois parties principales : la prise de position, l’opposition à l’idée émise et ensuite la synthèse. Enfin, ils veulent que le texte ait une certaine logique. Les enseignants de français notent que le texte argumentatif a pour but de soutenir une thèse, d’invalider la thèse adverse et de faire une synthèse. Chaque thèse doit s’articuler autour d’un certain nombre d’arguments qui s’appuient sur des exemples.

Au niveau de la cohérence textuelle, nous avons constaté que les éléments qui font la cohérence d’un texte ne sont pas pris en compte par la majorité des enseignants lors de la correction des textes. Ainsi, lorsqu’on considère la règle de répétition, on constate que tous les enseignants ne tiennent pas compte des éléments qui constituent le fil conducteur du texte pour assurer la continuité (reprises de l’information par répétition, emploi des substituts, des anaphores, des cataphores, de définitivisation (déterminants définis), référenciation déictique (ici, demain, etc.) et de substitution lexicale (synonymes, périphrases)). Pour la règle de

161 progression, nous voyons que les enseignants ne tiennent pas compte du renouvellement de l’apport sémantique. Pourtant un texte cohérent doit présenter des informations nouvelles suscitant un intérêt communicatif. Lorsqu’il s’agit de la règle de relation, ils ne soulignent pas si les faits que les élèves présentent dans le monde représenté sont reliés entre eux ou non. Pour finir avec la règle de non-contradiction, ils n’ont pas fait ressortir le fait que dans les textes, il y avait parfois des éléments sémantiques contradictoires. Nous avons constaté que c’est le respect de la consigne qui oriente leur lecture de la cohérence et que c’est aussi cela qui crée la structuration du texte.

Après l’explicitation de leur mode de correction, les enseignants ont répondu à un certain nombre de questions qui nous ont permis de connaître leurs connaissances sur la nouvelle réforme de la grammaire et sur son évaluation.