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Avis des enseignants sur les orientations préconisées par la grammaire textuelle

CHAPITRE 4 Résultats des analyses

4.9 Avis des enseignants sur les orientations préconisées par la grammaire textuelle

la grammaire du texte sur la didactique du français, nous avons recueilli plusieurs types de réponses dont nous présentons ici les grandes lignes.

« La grammaire du texte est pratiquée dans les établissements. Ils en font allusion lors des séminaires. Durant les cours de français, tout part d’un texte. » Lymar 1

« Le Ministère demande que tous les cours dispensés soient appuyés sur le texte. » Lycla 4

« Aujourd’hui on demande à l’enfant de découvrir des éléments de grammaire dans la définition d’un texte. » Colmaz 11

Les remarques des enseignants illustrent bien les réponses qu’ils ont données face aux propositions didactiques issues de la grammaire du texte. On peut donc affirmer que la grammaire du texte n’est pas inconnue des enseignants camerounais et qu’elle est prise en charge dans l’enseignement. Lors des séminaires de formation ou de mise à niveau, elle est prise en considération. Pour Lymar 1, la grammaire du texte est un passage obligé car le cours de français est fondé sur le texte. Lymar ne semble pas comprendre que partir d’un texte et maîtriser l’articulation et le fonctionnement d’un texte sont deux choses différentes. L’enseignement, comme le dit bien Lymar, considère toujours le texte comme un point d’ancrage. Cependant, la grammaire du texte est une approche didactique plus récente qui puisse ses sources dans la sémiotique textuelle et dans la linguistique textuelle et qui distingue l’approche thématique traditionnelle et les approches textuelles et discursives.

183 Les remarques de Lycla 4 et Colmaz 11 vont dans le même sens : les cours dispensés s’appuient sur un texte. Pourtant, la notion de texte et ses exigences linguistiques ne sont pas bien cernées par les enseignants.

Colmaz 11 reconnaît, sans donner de précisions, qu’il existe des faits linguistiques pour construire le texte et qu’il est demandé à l’élève de les découvrir. La phase de découverte n’est cependant pas mentionnée.

Lycla 14 avance que les enseignants ne reçoivent pas de formation universitaire sur la grammaire textuelle. C’est seulement lors de leur formation pédagogique à l’École normale qu’ils entendent parler de passage d’une linguistique de la phrase à celle du texte. Pour Lycla14, les inspecteurs, c'est-à-dire les conseillers pédagogiques, n’y font pas référence lorsqu’ils rencontrent les enseignants. De même, les livres de grammaire sont peu explicites sur ce sujet. Ces propos indiquent bien que même si le texte est un support pédagogique et que la formation à l’École normale tient compte de la grammaire textuelle, cette dernière dimension a peu d’impact sur l’enseignement.

Si Lymar 14 parle de texte, elle est cependant peu familière avec l’expression «grammaire textuelle». Elle dit ne pas savoir ce qu’est une grammaire textuelle. Pour Lymar 14, l’enseignement de la grammaire se fait tout naturellement. Elle semble découvrir qu’il existe une grammaire dite traditionnelle et une grammaire du texte dont on tiendrait de plus en plus compte.

Lymar 14 et Colmar 8 insistent sur le manque de formation et de mise à niveau des enseignants. Selon eux, ils sont peu informés de l’évolution de la didactique du français. Ils disent ne pas disposer de matériels didactiques nouveaux et appropriés. Ils se servent des livres qu’ils utilisaient il y a plus de 15 ans.

Nous avons constaté que les enseignants de français au Cameroun qui ont participé à cette étude sont peu au courant des orientations didactiques qui exigent d’accorder une attention particulière à la construction du texte et à sa cohérence. Ils ne connaissent pas les

184 caractéristiques d’une grammaire textuelle, ce qui fait qu’ils sont souvent démunis face aux erreurs textuelles des élèves.

Ce chapitre nous a permis de cerner ce que font réellement les enseignants lorsqu’ils évaluent les textes des élèves, mais également de comprendre leur perception sur la façon dont ils élaborent leur évaluation. Il a été possible de constater qu’autant à travers l’examen des copies qu’à travers les deux types d’entrevues, les difficultés des enseignants face à l’évaluation des productions argumentatives écrites sont les mêmes malgré les différentes expériences (nouvel enseignant, ancien enseignant, diplômé universitaire ou diplômé de l’École normale de pédagogie). Les pratiques nouvelles introduites par la grammaire textuelle dans l’évaluation sont peu connues et peu prises en charge par les enseignants de français avec lesquels nous avons travaillé au Cameroun. Nous pensons que cette lacune est due au manque de formation dans ce domaine et d’un déficit dans la formation permanente des enseignants. Encore aujourd’hui, l’enseignement et l’évaluation de la production textuelle demeurent axés sur la grammaire de la phrase.

Notre étude révèle que les évaluations des enseignants sont peu formatives pour les élèves, que les signes qu’ils utilisent ne sont pas toujours compris par ces derniers : soulignement, cercle, rature, flèche, points d’exclamation ou d’interrogation. Alors que les marques renvoyant à l’évaluation et à la correction des fautes sur la phrase et ses constituants sont bien présentes, celles qui concernent la clarté, les liens, les suites de phrases, l’organisation des paragraphes sont vagues quand elles ne sont pas tout simplement absentes. Cette imprécision sur les faits textuels ne permet pas une évaluation formative puisque l’élève ne peut recevoir aucune rétroaction rigoureuse. Nous comprenons qu’il s’agit d’une tâche longue qui demande beaucoup de temps, mais il est important que l’enseignant prenne le temps de bien lire les travaux des élèves et de faire des remarques appropriées et ce, à des fins de régulation du côté des élèves.

À la suite de ces différentes observations sur les pratiques des enseignants et sur leur propre connaissance de ces pratiques, nous allons revenir, dans le chapitre qui suit, sur

185 l’interprétation des résultats et ensuite nous allons proposer quelques pistes didactiques sur l’évaluation, pistes destinées aux des enseignants camerounais.