• Aucun résultat trouvé

2. São Paulo : la capitale culturelle du Nordeste

2.2. Le monde de la littérature de cordel à São Paulo

2.2.2. Les circuits de coopération

Howard Becker compare le monde de l’art à une activité collective. Il montre que l’artiste a besoin d’un réseau de coopération d’autres professionnels pour que son œuvre soit réalisée. Cela concerne aussi les étapes de l’approvisionnement du matériel, de la production, de la distribution, de la divulgation, etc… Bien que le cordel ait subi des préjudices qui limitèrent son accès aux moyens de production et de distribution conventionnels, il a su

46 José Cortez, Editeur en chef de la maison d’édition Cortez Editora. Entretien réalisé dans les locaux de la maison d’édition, le 09.02.17.

développer d’autres moyens ingénieux et se faire des alliés parmi les éditeurs, intellectuels et journalistes. Ces derniers étaient la plupart nordestins ou descendants de nordestins et ils formèrent la majorité du réseau de coopération de ce monde. Parce qu’ils étaient déjà introduits dans les circuits conventionnels, ils ont permis à la littérature de cordel d’avoir accès au « monde chef » et d’utiliser les normes reconnues par la doxa brésilienne. En plus d’être des professionnels insérés dans les circuits du monde de l’art, ils constituent pour les

cordelistas un public privilégié et sensibilisé qui comprend et peut soutenir leur travail.

Figure 1 : Le monde de la littérature de cordel à São Paulo et son réseau de coopération

Dans presque tous les entretiens réalisés avec ces professionnels, nous avons observé les chaînes de coopération entre les universitaires, les éditeurs, les spécialistes et les poètes. Ces alliances entre eux avaient comme but de promouvoir la littérature de cordel. L’événement « Cordel da Cortez – Cultura popular na escola » en est un exemple. De la conceptualisation de l’événement jusqu’à sa réalisation, nous retrouvons la coopération de ces divers partenaires.

C’est le professeur Gilmar de Carvalho qui en fut le grand instigateur. A cette époque [2002], il faisait un doctorat à l’Université Pontificale Catholique de São Paulo [PUC-SP] et une des disciplines qu’il défendait à l’université était justement la littérature de cordel. Comme il était aussi un habitué assidu de la librairie Cortez, lors d’une de ses visites, j’ai parlé de manière élogieuse de l’événement réalisé au SESC Pompéia [SP] de 2001. Et lui, heureux et surpris de mon admiration pour la littérature de cordel, il s’est immédiatement mis à disposition pour m’aider à réaliser un événement à la librairie Cortez, offrant de faire venir à ses frais deux graveurs sur bois, Zé Lourenço et Francorli, de mettre à disposition un fonds de folhetos et de matrices de xylogravure. Et de ce fait, cela s’est produit. Les deux graveurs sur bois sont venus et le travail de la librairie a été de préparer l’espace et d’embaucher un attaché de presse pour faire la communication de l’événement. L’événement s’est répercuté et plusieurs adeptes du genre, entre autres, qui habitait déjà à São Paulo sont venus, comme la Potigar Nireuda Longobardi [graveuse sur bois], le Cearense Moreira de Acopiara [cordelista], le pernamboucain Waldeck de Garanhuns [théâtre de mamulengo]47.

Dès lors, le poète Moreira de Acopiara a commencé à s’occuper de l’événement puis est devenu le programmateur quand le poète Marco Haurélio pris la relève. Le premier était chargé de réunir les poètes, graveurs sur bois, repentistas et autres professionnels de l’imaginaire artistique du cordel pour construire la programmation, et le second était en charge de la communication de l’événement tant orale qu’écrite.

Howard Becker explique que ce sont les propres conventions reconnues par le monde de la littérature qui le modélisent. C’est pourquoi, si une œuvre ne rentre pas dans les critères du monde de l’art, elle sera rejetée. Et comme la littérature de cordel ne correspond pas aux normes définies par le monde littéraire national pour un ensemble de facteurs, elle est mise à l’écart. Néanmoins, il précise que c’est ainsi que se développe des circuits de distribution parallèles (Becker, Bouniort, Menger 1988, p. 52). Les professionnels de l’édition, comme Ednilson Xavier et José Cortez, forment un pont entre les deux mondes, celui de la littérature de cordel et de la littérature conventionnelle. Ce sont des professionnels engagés dans la défense du cordel, considéré, selon eux, comme sous-estimé. Ainsi, ils se lancent le défi de monter des projets précurseurs.

C’est aussi le but que s’est fixée la maison d’édition Nova Alexandria lorsqu’elle lança la collection Clássicos em cordel. Nelson Zuccherato, ancien éditeur en chef et défunt mari de Rose, fut l’idéalisateur de la collection. Avec l’envie de publier la littérature de cordel dans les circuits conventionnels par l’intermédiaire de la catégorie « littérature jeunesse », Nelson Zuccherato créa la collection afin d’opérer une synthèse entre les conventions des deux mondes. Il convia des poètes qui vivaient à São Paulo pour adapter des classiques de la littérature brésilienne et internationale, tels que : Mémoires posthumes de Brás Cubas, Les

47 Ednilson Xavier Cortez, ancien directeur général de l’événement « Cordel da Cortez » et de la librairie Cortez. Entretien réalisé à distance par questionnaire le 9.02.17.

misérables ou Le bossu de Notre-Dame, au format de cordel pour enfants et adolescents. Il a

eu l’intelligence de reprendre l’habitude de la littérature de cordel qui est d’adapter des œuvres littéraires en poésie, de choisir celles qui sont étudiées dans les programmes de l’enseignement primaire et secondaire, dans un format qui se rapproche du livre. Ainsi, la collection opère deux processus. Elle réussit à attirer l’attention du public encore novice qui est constitué du corps enseignant, des jeunes élèves et des parents, en choisissant des titres identifiés et reconnus par ces derniers, et, en même temps, elle les sensibilise à un univers littéraire et culturel qui leur est méconnu. L’éditrice Rosa Zuccherato raconte les retombés positives de l’insertion du cordel dans le circuit de la culture conventionnelle :

Et quand nous avons lancé la collection en format livre, nous avons éveillé l’attention, non pas seulement du public qui n’avait jamais acheté de cordel, mais aussi, des autres…de l’école et des autres maisons d’édition. Aujourd’hui, il y a plusieurs maisons d’édition qui font le cordel en format livre. Grosso modo, c’est ça l’histoire de la collection de cordel48.

La littérature de cordel s’est aussi ajustée aux contraintes des paramètres existants du monde littéraire avec pour finalité de s’y insérer chaque fois un peu plus. De cette manière, il est possible de constater que São Paulo, zone de contact, favorise le processus d’hybridation de la littérature de cordel. Par exemple, la maison d’édition Editora Luzeiro, qui est la plus ancienne maison d’édition de littérature de cordel et qui se situe à São Paulo, a adopté depuis la décennie dernière l’ISBN, la fiche de référencement bibliographique et la quatrième de couverture comporte désormais le résumé et non plus des publicités ou autres.

Nous observons que les mondes de la littérature de cordel et des manifestations culturelles insérées dans des circuits conventionnels cohabitent et opèrent des incursions l’un dans l’autre, s’inter-nourrissent. Cependant, Howard Becker explique que les conventions ne sont pas rigides et bien que le monde de l’art génère des résistances au changement, il passe par des transformations et reconnait des nouvelles formes d’art, à partir du moment où celles-ci réussissent à se doter d’un réseau de coopération comprenant des alliés institutionnels. Nous venons de démontrer que le monde du cordel est effectivement en train de monter son réseau institutionnel.

48 Rosa Zuccherato, Editrice en chef actuelle de la maison d’édition Nova Alexandria. Entretien réalisé dans les locaux de la maison d’édition, le 28.04.17.

La croissance du réseau de coopération

Audálio Dantas, qui fut le conservateur de l’événement « Cem anos de cordel », exprime clairement son propos sur la fonction culturelle de São Paulo :

São Paulo est le ministère de la culture parallèle. Le SESC est le ministère de la culture qui opère efficacement. […] À vrai dire, depuis que Rio de Janeiro n’est plus la capitale, il y a eu un grand déplacement de la culture, du mouvement culturel. Et un mouvement très grand vers São Paulo, en plus du fait que les ressources sont ici49.

Nous avons déjà souligné la puissance économique de São Paulo, qui par les projets culturels, offrent aux cordelistas plus d’opportunités lucratives. Selon nous, ce qui distingue encore plus la capitale du Sudeste du reste du pays, c’est son potentiel à mettre en contact et faire travailler ensemble les poètes avec d’autres professionnels du circuit du monde de l’art. Howard Becker appelle ces derniers les fournisseurs en ressources. Elles peuvent être matérielles et/ou humaines. C’est pourquoi, avant, le cordelista était, en plus d’être poète, typographe, éditeur, distributeur et vendeur de sa poésie et actuellement, même s’il continue à endosser certains de ces rôles, il collabore de plus en plus avec des partenaires. Ce qui lui permet dorénavant de se dédier plus à son œuvre. Cette chaîne de coopération a ouvert au

cordelista d’autres espaces de coopération. Maintenant que la littérature de cordel a fait son

entrée dans les librairies, bibliothèques et écoles, les cordelistas sont de plus en plus demandés par ces institutions pour réaliser des ateliers ou conférences. Moreira de Acopiara raconte comment l’événement « Cordel da Cortez – A cultura popular na escola » supervisé par Ednilson Xavier Cortez, le directeur de l’ancienne librairie Cortez, a généré de nouvelles opportunités professionnelles:

Oui, cela a ouvert de nombreuses portes. Tout le monde est devenu plus connu. Plus tu es connu et plus les portes s’ouvrent. Encore aujourd’hui, il y a des écoles qui appellent Ednilson pour avoir des ateliers et il m’appelle pour me dire « Moreira, vas là-bas, vois avec eux pour une présentation, négocie le cachet », ou alors, il s’arrangeait avec les écoles. La littérature de cordel est allée à de nombreuses écoles50.

La librairie Cortez a fourni avec l’événement “Cordel na Cortez – A cultura popular na escola” un espace, une équipe de professionnels et des conditions financières afin que

49 Audálio Dantas, entretien réalisé à son appartement, le 18.02.17.

l’événement, promoteur et diffuseur de la poésie, se déroule. Elle a donc été un intermédiaire entre deux mondes, la poésie populaire et le système éducatif. Elle a aussi mis sur pied un dispositif culturel en déployant des ressources matérielles et humaines.

Les motivations

Howard Becker indique que le monde de l’art est sculpté par les relations entre les fournisseurs et les artistes. Bien que chaque éditeur interviewé ait montré de l’attachement à la littérature de cordel et que cela constituait un des moteurs pour la mise en place des divers projets énoncés précédemment, nous ne pouvons néanmoins pas négliger la motivation financière, puisqu’une maison d’édition est avant tout une entreprise. Le monde de la littérature de cordel est soumis aux restrictions des maisons d’éditions et de leurs intérêts économiques, elles-même, tributaires des lois de l’offre et de la demande et des contraintes du marché.

Editora Luzeiro

Nous choisissons d’utiliser l’exemple de l’Editora Luzeiro pour sa teneur symbolique comme étant actuellement la plus vieille maison d’édition de folhetos en fonctionnement, qui jouit d’un prestige d’antan et qui se situe à São Paulo. Elle est passée par différentes phases, souvent d’origine économique et sa ligne éditoriale s’adapta en fonction. Depuis 2004, elle se réduit à un sous-sol d’une maison, alors qu’elle a déjà été une imprimerie qui se trouvait dans les années 1970 dans un immeuble de sept étages avec cent vingt salariés. A cette époque, elle s’appelait Editora Prelúdio et son propriétaire était Arlindo Souza. Au fil des années, elle a acquis de nombreux droits d’auteurs. Actuellement, elle est propriétaire d’environ 1000 titres. C’est pourquoi, en 1995, quand Gregório Nicoló, l’actuel propriétaire, achète avec son frère l’entreprise réduite alors à huit salariés, il la voit toujours comme une affaire potentiellement lucrative. Actuellement, la maison d’édition Luzeiro a un catalogue de 400 titres et le réapprovisionne en effectuant des tirages limités à 1500 exemplaires pour les titres qui viendraient à manquer51. De plus, même si le catalogue est bien plus grand qu’avant, la maison d’édition n’inclut presque plus de nouveaux titres par manque d’argent. Constat que l’actuel propriétaire fait à de nombreuses reprises lors de l’entretien :

51 Dans les années 1970, le titre le plus vendu O pavão misterioso de José Camelo de Melo Rezende était tiré à environ 20000 exemplaires par an.

Commercialement parlant, pourquoi je vais m’aventurer avec un nouveau poète alors que j’ai 1000 titres ? Si j’avais de l’argent aujourd’hui, je déterrerais environ deux cents de mes œuvres et j’enrichirai mon catalogue. […] Je travaille avec les pieds sur terre. Je ne me risque pas comme je le faisais il y a vingt ans52.

L’Editora Luzeiro a incarné durant des décennies la consécration pour les cordelistas qui arrivaient à être publiés et cela pour trois raisons :

 Elle payait mieux que les autres maisons d’édition et/ou typographies de la littérature de cordel du Nordeste ;

 Elle avait un format, un papier de qualité supérieur et un visuel différent ;

 Elle avait le plus grand réseau de distribution.

Ces trois motifs étaient à la base de la souveraineté de l’Editora Luzeiro sur le marché national des folhetos. A tel point qu’elle se permettait innovation et audace, comme publier des œuvres dont elle ne possédait pas les droits. Encore aujourd’hui, son aura sur les poètes opère, même si c’est plus pour l’image mythique qu’elle a incarné que pour l’attrait financier.

A Editora Nova Alexandria

Dans le cas de la maison d’édition Nova Alexandria, l’influence de la demande sur la ligne éditoriale se manifeste sous une autre forme. Même si cela n’a pas été spécifié clairement par l’éditrice, nous comprenons qu’il y a eu une corrélation entre le lancement de la collection Clássicos em cordel et la phase la plus forte des programmes publics qui promeuvent la lecture. Ainsi, quand les premières œuvres de la collection sont sorties en 2007, toutes furent sélectionnées par le Programme National Bibliothèque de l’École (PNBE) et une partie par celui de la Bibliothèque Nationale (BN).

52 Gregório Nicoló, directeur et propriétaire de la maison d’édition Luzeiro. Entretien réalisé à la maison d’édition, le 03.03.17.

Rosa Zuccherato : Il y avait les programmes des bibliothèques, c’était quelque chose de continue. Dès que tu as un produit, tu montres aux personnes qui font des choix, les programmes…indépendamment s’il y a un programme ou pas. Quand est sorti l’appel à projet de la Bibliothèque Nationale, on a inscrit tous les cordéis qu’il y avait et ils ont été presque tous sélectionnés. Tous ont été sélectionnés par le programme des bibliothèques nationales [Elle se réfère au Programme National Bibliothèque de l’école (PNBE)]. Alors c’est aussi une manière de…

Paulo Zuccherato : Propager…

Rosa Zuccherato : De propager pour...du Sud jusqu’au Nord. Toutes les bibliothèques scolaires ont fini par recevoir des cordéis53.

Actuellement, des vingt livres de la collection, quatorze ont été sélectionnés par un ou plusieurs programmes. La collection eut comme effet positif d’atteindre un plus large public et, à l’échelle nationale de s’insérer dans les programmes des bibliothèques scolaires publiques.

Guilherme Zuccherato : Bon, le meilleur exemple c’est ça : si tu prends toutes les ventes gouvernementales qu’il y a eu jusqu’à maintenant, il n’y a jamais eu un cordel. Et à partir de la collection, en format livre, ils ont commencé à acheter. […]

Rosa Zuccherato : Et le travail que nous avons commencé à développer dans les écoles avec la participation des cordelistas d’ici de São Paulo a ouvert un champ de travail pour eux aussi dans d’autres…

Paulo Zuccherato : …maisons d’éditions54.

Il y a eu de nouveau un élargissement des chaînes de coopération mais cette fois-ci par l’initiative d’une collection de livre de cordel. Pour reprendre l’expression de Moreira de Acopiara, elle a « ouvert aux poètes les portes » d’autres maisons d’édition, après que ces dernières se sont aperçues qu’il y avait une réception favorable de la part des programmes éducatifs gouvernementaux et donc un marché. C’est ainsi que le cordel est devenu une source lucrative pour les maisons d’édition qui travaillaient avec les secteurs livre jeunesse et livre didactique.

En résumant l’histoire des deux maisons d’édition, nous avons cherché à mettre en évidence les contraintes du marché qui induisent les lignes éditoriales de chacune. Pour l’une, il s’agit de limiter les tirages pour ne dépenser qu’un minimum et pour la seconde, elle saisit les opportunités du marché pour innover.

De la même manière que les maisons d’édition cherchent à conjuguer défense de la littérature de cordel aux exigences économiques, les cordelistas comprennent également la nécessité de s’adapter au marché éditorial et le cordelivro constitue une voie d’accès pour rentrer dans le monde de la littérature conventionnelle.

53 Entretien collectif avec l’équipe de la maison d’édition Nova Alexandria dans ses locaux, le 28.04.17.

L’innovation qui est dans le cordel, je pense, est le soin apporté à la grammaire, aux rimes, le cordelista-poète d’aujourd’hui ne fait pas de mauvaise rime, suit la métrique, soigne le contenu. Il y a aussi une attention à la présentation. Ça c’est du cordel ? [Montre la collection d’un livre cordel] Oui ! Coloré, papier couché, pour concourir d’égal à égal dans les librairies et dans les classes, comme n’importe quel livre. Parce qu’il est bien plus présentable qu’un simple petit comme cela [Montre un folheto imprimé et relié par ses soins]. Si le poète fait un bon travail, les maisons d’éditions vont s’y intéresser. Si tu présentes un bon projet pour une maison d’édition, elle va s’intéresser55.

Tout comme Marco Haurélio qui a publié plusieurs cordelivros chez différentes maisons d’édition du circuit conventionnel (Editora Nova Alexandria, Editora Paulus, Editora IMEPH, Conhecimento Editora, SESI-SP Editora, Cortez Editora), Moreira de Acopiara et d’autres poètes ont connu l’expérience d’être sélectionnés par un des programmes cités antérieurement et de voir leur carrière prendre un tournant différent.

Je vais te dire ce qui a changé ma vie. C’est quand ce livre [montre le cordelivro « Medo ? Eu, Hem ? », Ed. Duna Dueto, São Paulo, 2009.], le livre “ O cordel em arte-versos56” et le livre "As aventuras de Robinson Crusoé57" ont été sélectionnés par le Ministère de l’Education (MEC) pour le programme PNBE et ont été envoyés dans toutes les écoles municipales du Brésil. Ça, ça m’a apporté du respect, ça m’a apporté de la crédibilité58.

Paradoxalement, les exigences de l’uniformisation de l’industrie culturelle, généralement critiquées par les maisons d’édition ou autres agents du monde de l’art, représentent, plutôt qu’une entrave, une opportunité pour que la littérature de cordel soit considérée et reconnue par le monde de la littérature. Car ainsi identifiée, l’uniformisation représente pour les cordelistas la porte d’entrée au monde de la littérature nationale et la voie pour son intégration. En outre, au lieu de se brider, la littérature de cordel s’est adaptée aux contraintes du monde standardisé de la littérature, encore mieux, elle a fait tomber des barrières et l’a enrichi avec d’autres formes de création littéraire.

L’esprit critique et l’exigence dénotée dans le récit de Moreira de Acopiara vis-à-vis de son art est une vision partagée par la majorité des poètes. Elle constitue une opération de distanciation qui démontre qu’une réflexion par les poètes est depuis plusieurs années

55 Moreira de Acopiara, entretien réalisé à la maison de l’auteure, le 08.02.17.