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La question du choix de l’itinéraire et de la fiabilité du temps de transport fait l’objet de plus d’études empiriques que le choix du mode de transport. Cette question a d’ailleurs été une des premières étudiées empiriquement (Jackson et Jucker, 1982). C’est également à partir des choix d’itinéraires que l’on voit ap- paraitre la prise en compte du risque sur le temps de transport. En effet, Jack- son et Jucker (1982) déterminent une distribution de l’aversion au risque à par- tir de leur approche moyenne-variance. Ils trouvent les niveaux d’indifférence pour les individus effectuant des déplacements de migrations alternantes entre un temps de transport certain et une probabilité de retard. Par exemple, pour un coefficient d’aversion au risque de 2,25, un individu est indifférent entre un temps de transport certain de 50 minutes et un temps de transport de 40 minutes avec un risque de retard de 5 minutes une fois dans la semaine. Jackson et Jucker (1982) concluent que seulement 4 % de l’échantillon est neutre au risque. Cette faible proportion est corroborée par une étude de De Palma et Picard (2005). Ces derniers analysent un échantillon d’individus sur la ville de Paris et sa banlieue pour des déplacements du matin. Ils concluent que seulement 6 % des individus sont neutres au risque et prennent leurs décisions uniquement en se basant sur le temps de transport espéré (Chen et al., 2002). Ensuite, De Palma et Picard (2005) trouvent que 60 % des individus sont hostiles au risque. Ces derniers sont prêts à échanger une réduction du risque avec une augmentation de leur temps de trans- port espéré (Chen et al., 2002). Enfin, les individus attirés par le risque sont prêts à choisir l’itinéraire caractérisé par la plus grande variabilité afin d’augmenter leur probabilité d’obtenir un temps de transport inférieur au temps de transport espéré (Chen et al., 2002). Ce dernier profil caractérise 33 % des individus de l’échantillon en région parisienne (De Palma et Picard, 2005).

Senna (1994) caractérise également les préférences à l’égard du risque. Il va regrouper les individus selon leurs motifs de déplacements et leurs flexibilités

aux horaires. Ainsi, les individus effectuant des trajets domicile-travail avec des horaires fixes sont attirés par le risque, alors que les autres usagers sont tous hostiles au risque. Les autres usagers sont ceux qui se déplacent pour d’autres motifs de déplacement et ceux qui effectuent des trajets domicile travail avec des horaires flexibles. De Palma et Picard (2005) concluent que les usagers en transit, les cadres et ceux qui se déplacent pour motifs professionnels ont une plus grande hostilité envers le risque ce qui corroborent les résultats de Senna (1994).

L’aversion au risque se traduit par une disposition à payer plus forte pour améliorer la fiabilité du temps de transport ou de manière équivalente, réduire la variabilité du temps de transport. Senna (1994) trouve que cette disposition à payer est plus importante pour les individus avec des horaires flexibles et pour ceux qui ont des horaires fixes effectuant des déplacements hors migrations alter- nantes (i.e. les individus sont hostiles au risque). Il estime même que la valeur de la fiabilité s’estime à plus du double de la V T T S, ce que nous pouvons traduire par un RR ≥ 2.

D’autres études sont réalisées pour des itinéraires plus précis, notamment en Californie sur la State Route 91 (Lam et Small, 2001 ; Small et al., 2005), à Barcelone (Asensio et Matas, 2008) et en Australie (Li et al., 2009 ; Li et al., 2010 ; Li et al., 2012).

Dans un premier temps, Lam et Small (2001) vont estimer un modèle de type moyenne-variance où ils utilisent la différence entre le 80eou le 90ecentile et la

médiane comme indicateur de la fiabilité du temps de transport, et non l’écart- type ou la variance du temps de transport. Les individus ont le choix entre plu- sieurs itinéraires, dont un gratuit et un à péage. Concernant la flexibilité des ho- raires de travail, Lam et Small (2001) avaient l’intuition que les usagers aux ho- raires flexibles allaient naturellement choisir l’itinéraire gratuit. Empiriquement, leur intuition ne se vérifie pas. Ils l’expliquent par le fait que les usagers avec des horaires flexibles sont certainement ceux qui ont le plus d’opportunité d’évolu-

tion de carrière. Ces usagers peuvent être incités à passer plus de temps sur leur lieu de travail ainsi que d’être plus ponctuel en vue d’une éventuelle promotion et ainsi, choisir l’itinéraire offrant le plus de fiabilité du temps de transport. En- fin, dans leur étude, il existe un effet lié au genre. Les femmes sont plus hostiles à la variabilité du temps de transport que les hommes. Par conséquent, ils dé- terminent que les femmes ont une disposition à payer pour améliorer la fiabilité plus forte que les hommes (le double de celle des hommes). Les usagers aux ho- raires flexibles ont également une disposition à payer pour améliorer la fiabilité élevée. En plus de la V T T S et de la V OR, ils déterminent une pénalité de retard de 2,52 $ pour le simple fait de subir un retard comme le suggère le modèle de Small (1982).

Dans leur deuxième étude, Small et al. (2005) étudient toujours la même por- tion de route, mais avec des données différentes. Ils utilisent des données issues d’une enquête en préférences révélées et en préférences déclarées. Ils trouvent des valeurs monétaires qui sont deux fois plus faibles que celles de 2001. Il existe éga- lement une disparité des valeurs monétaires de la V T T S et de la V OR qui sont reportés dans le tableau 2.2 ci-dessous. La V T T S est deux fois plus faible lors- qu’elle est estimée avec les données d’enquêtes en préférences déclarées que celle estimée avec les préférences révélées. Concernant les écarts de l’évaluation de la V OR, ils sont encore plus importants selon la méthode de recueil de données. La V OR avec les données de l’enquête en préférences révélées est quatre fois plus grande que celle avec les données de l’enquête en préférences déclarées. Fina- lement, Small et al. (2005) déterminent également une disposition à payer pour réduire la probabilité d’apparition d’un retard de 10 minutes. Si la fréquence de retard passe de 0,2 à 0,1, un individu est prêt à payer 0,54 $ par voyage.

Asensio et Matas (2008) analysent le choix d’itinéraire à Barcelone pour les déplacements domicile-travail. Ils estiment un modèle de type moyenne-variance afin d’en déduire la valeur du RR, tandis que les valeurs monétaires de la V T T S

et de la V OR sont déterminées à partir de l’approche en schedule delay. Comme les autres auteurs, ils trouvent que la flexibilité des horaires de travail des individus impacte fortement les dispositions à payer et, en particulier, la valeur monétaire du retard à l’arrivée. Notamment, les usagers avec des horaires flexibles ont une disposition à payer pour éviter le retard à l’arrivée deux fois plus faibles que ceux qui ne peuvent pas arriver avec plus de 10 minutes de retard. De plus, ces dispositions à payer sont plus élevées que la disposition à payer pour économiser du temps de transport, qui est identique pour les deux types d’usagers.

Finalement, le choix de l’itinéraire est largement étudié en Australie dans le contexte routier sous l’impulsion de David Hensher13. L’ensemble des travaux

empiriques concernant les questions de la fiabilité du temps de transport en Aus- tralie se base sur une enquête en préférences déclarées réalisée en 2008 sur le choix d’itinéraire autour de Brisbane14. Les travaux réalisés se tournent quasi-

ment tous vers la prise en compte de l’attitude à l’égard du risque des individus. Ainsi, il est estimé des fonctions d’utilité non-linéaires du temps de transport et parfois même avec une déformation des probabilités associées aux différentes conséquences sur le temps de transport. En général, les individus sont caractéri- sés par une aversion à l’égard du risque sur le temps de transport. Dans les dif- férents travaux, les auteurs remarquent qu’il existe des différences importantes entre les individus, notamment selon le motif de déplacement, ce qui est dans la lignée des travaux présentés précédemment. Les individus effectuant des trajets domicile-travail sont prêts à payer plus cher pour éviter une arrivée en retard par rapport à ceux qui se déplacent pour d’autres motifs. Les arrivées en avance

13. Depuis 2011, D. Hensher obtient régulièrement des subventions de recherches par le gou- vernement australien grâce à l’Australian Research Council (ARC). Entre 2011 et 2014, l’ARC a fi- nancé deux programmes de recherches pour 610 000 $A. Les deux programmes sont : Assessment of the commuters’ willingness to pay a congestion charge under alternative pricing regimes and revenue disbursement planset the valuation of reliability and crowding under risk and uncertainty : negleted dri- vers of demand for public transport. Pour la période 2014 - 2016, il a obtenu une nouvelle subvention pour financer un programme de recherche sur intregrate risk attitude decision heuristics into travel choice models that accommodate risk and perceptual conditioning. Ils mènent ces programmes en asso- ciation notamment avec Z. Li, J. Rose ou encore A. Tirachini.

sont plus coûteuses pour les individus n’effectuant pas de migrations alternantes. Cette différence s’explique par les conséquences négatives du retard pour les tra- vailleurs. Ces derniers peuvent être pénalisés par leur employeur en cas de retard. À l’inverse, être en avance sur son lieu de travail peut être bénéfique en vue d’une future promotion par exemple.

Au regard des évaluations monétaires présentées dans le tableau 2.2, nous observons des différences importantes sur les valeurs des dispositions à payer, alors que certaines estimations sont réalisées sur les même données.

monétair es de la fiabilité du temps de transport issues de la littératur Études V T T S V OR RR V SDE V SDL

Lam et Small (2001) 22,87$/h Homme : 15,17

$/h Homme : 0,66 – – – Femme : 31,91 $/h Femme : 1,4 – – Small et al. (2005) 21,46 $/h (RP) 19,56 $/h (RP) 0,91 (RP) – – 11,92 $/h (SP) 5,40 $ (SP) 0,45 (SP) – –

Asensio et Matas (2008) 14 e/h – 0,98 7 e/h Non flexible :

51,40 e/h

– – – – Flexible : 21,10

e/h

Li et al. (2009) 16,95 $A/h – – – –

Li et al. (2010) 30,40 $A/h 40,39 $A/h 1,33 24,1 $A/h 38,86 $A/h

Li et al. (2012) 14,54 $A/h – – 0,16 0,25