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Le choix des entretiens semi-directifs

Chapitre 1 : Méthodologie

II. Justification des choix méthodologiques

1. Le choix des entretiens semi-directifs

Avant d’expliquer les raisons qui ont motivé la réalisation d’entretiens semi-directifs, il est important de rappeler un fait notoire. En effet, la démarche de ce mémoire est exploratoire en raison de l’inexistence, au sein de la littérature, d’hypothèses relatives à l’influence de l’ubérisation sur l’engagement des salariés. Le caractère vierge de ce sujet, qui pourrait s’avérer pourtant fondamental dans les années qui viennent, contraint à adopter une méthode scientifique qui s’apparente à celle de la « Grounded Theory » (Glaser & Strauss, 2012). En pratique, cela revient à établir des conclusions, et au-delà des théories, « non pas à partir d’hypothèses prédéterminées mais à partir des données du terrain et de situations de terrain que le chercheur a collectées ou peut collecter. »47.

1.1. Les avantages des entretiens

Comme le soulignent Gavard-Perret & al. (2012), les entretiens revêtent un intérêt scientifique appréciable puisqu’ils permettent au chercheur de collecter des données à la fois pratiques et objectives – des informations – mais aussi sensibles et subjectives – des représentations. Or, dans le cadre du présent sujet, c’est justement cela dont on a besoin puisque l’on cherche à comprendre si le phénomène de l’ubérisation influence l’engagement au travail et l’engagement organisationnel des salariés. Et on a vu précisément, dans la revue de littérature, que les caractéristiques du travail, de l’emploi, de l’organisation et même les valeurs des individus pouvaient potentiellement être modifiées sous l’effet de l’ubérisation. Ce double recueil de données objectives et subjectives est donc idoine.

Par ailleurs, la réalisation d’entretiens présente plusieurs vertus d’un point de vue pratique. D’abord, il est financièrement et matériellement plus aisé d’organiser des entretiens individuels plutôt que collectifs, que ce soit par rapport au coût de location du lieu des entretiens (s’ils sont collectifs) ou de la concordance des emplois du temps du chercheur et des différentes personnes que l’on souhaite interroger. Et ensuite, il semble qu’il soit meilleur, pour un chercheur néophyte, de préférer les entretiens individuels aux entretiens collectifs afin de limiter les risques de biais non maîtrisés.

De plus, comme on l’a dit précédemment, les entretiens réalisés sont semi-directifs, compte tenu du fait que le sujet fait l’objet d’une démarche exploratoire. Malgré l’implication sous-jacente – à savoir le caractère non comparable de certaines données entre elles –, il semble que ce type d’entretien soit le plus approprié pour mettre en évidence le phénomène de l’influence de l’ubérisation sur l’engagement des salariés.

Ainsi, douze entretiens semi-directifs ont été réalisés dans le cadre de ce mémoire de recherche, dont neuf consacrés au sujet de l’influence de l’ubérisation sur l’engagement des salariés.

1.2. Le cadre de réalisation des entretiens

La réalisation des entretiens a fait l’objet de différentes précautions afin de prévenir tout risque de biais parmi les réponses obtenues.

Premièrement, les douze personnes interviewées ont été contactées soit par e-mail – pour les neuf entretiens liés à l’ubérisation – soit par discussion instantanée sur les réseaux sociaux (Facebook, etc.) – pour les trois entretiens liés à l’engagement vis-à-vis d’une communauté de marque en ligne. Les personnes contactées n’avaient pas de proximité particulière avec l’intervieweur qui les connaissait au mieux de loin voire ne les avait jamais vues ou rencontrées auparavant. Cela répond à l’impératif de distanciation dans le cadre de l’observation du terrain et de son analyse (Hughes, 1970). De même, les entreprises pour lesquelles ces personnes travaillent n’étaient pas connues de manière très précise : l’objectif était aussi de partir d’idées reçues pour vérifier leur véracité. La prise de contact s’est établie entre le début du mois de juin et la mi-juillet 2017.

Deuxièmement, une fois le contact établi et les rendez-vous fixés, les entretiens se sont déroulés dans des lieux neutres (cafés, restaurants, etc.) en province et à Paris. Les échanges ont tous été très cordiaux et ont duré pour le plus succinct trente minutes, pour le plus long plus de deux heures. A partir du questionnaire élaboré en amont (voir annexes), les questions ont été vulgarisées et reformulées de manière à faciliter les réponses des interviewés. Cette flexibilité a permis de créer un climat empathique nécessaire à la qualité des informations reçues (Rubin & Rubin, 2011) où on retrouve un « équilibre subtil » « entre détachement et implication » (Hughes, 1970). Ces derniers ont tous accepté, sous couvert d’anonymat, d’être enregistrés sur un dictaphone. L’intégralité des douze entretiens a été retranscrite par écrit, et ce de manière artisanale, c’est-à-dire sans recourir à un logiciel de traitement de textes. Petit bémol, l’un des entretiens n’a pas pu être retranscrit suite à un problème technique (effacement accidentel de l’enregistrement) : les informations partielles émanent de souvenirs mais sont cependant tout à fait exploitables.

Troisièmement, l’élaboration du questionnaire a fait l’objet de nombreuses attentions. D’abord, il a bien évidemment été adapté à la catégorie à laquelle la personne interviewée appartenait, à savoir salarié d’entreprise traditionnelle/salarié d’entreprise ubérisée/indépendant/(consommateur). Ensuite, ce guide d’entretien comprenait un glissement subtil dans les questions pour passer du « comment » au « pourquoi » (Hughes, 1970) et a permis de passer de questions descriptives et neutres à des questions plus impliquantes et pouvant placer l’interlocuteur dans une position plus défensive (Yin, 2014).

Enfin, ce guide reposait sur un déplacement du curseur temporel (Chapoulie, 1984) afin que l’interviewé puisse confier son vécu et ses perspectives d’avenir.

Ainsi, diverses précautions ont été prises autour et au cours de ces entretiens semi- directifs afin qu’ils livrent des données primaires qui soient exploitables et non biaisées.