• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : L’ubérisation

I. Qu’est-ce que l’ubérisation ?

2. Caractéristiques

L’ubérisation comporte de nombreuses caractéristiques qui font d’elle un phénomène à part entière et inédit dans l’histoire du capitalisme. Malgré tout, afin d’avoir une vision claire des tenants et des aboutissants de ce modèle, l’ensemble de ces caractéristiques est regroupé sous trois grands piliers distincts mais complémentaires pour soutenir l’édifice et lui permettre

9 Jacquet, D., & Leclercq, G. (2016). Uberisation : Un ennemi qui vous veut du bien ? Editions Dunod (2016), Hors

de connaître un succès fulgurant : l’usage des NTIC, l’utilisation de l’économie collaborative, et le recours à la gig economy.

2.1. L’usage des NTIC

Les NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication) constituent l’outil de la révolution Uber. La particularité de la plupart des entreprises de type « Uber » est qu’elles s’appuient principalement sur les avantages offerts par les outils des NTIC pour prospérer. En effet, l’activité de ces entreprises est souvent dématérialisée, c’est-à-dire que leurs actifs (locaux, …) et leur nombre de salariés permanents sont réduits au minimum, ce qui permet de réduire les coûts de manière drastique et donc d’optimiser la rentabilité. Cette dématérialisation passe par différentes interfaces. La première d’entre elles est la plateforme en ligne, accompagnée le plus souvent d’une application disponible sur les smartphones. Celle-ci, créée, maîtrisée, et contrôlée par l’entreprise, permet la mise en contact des offreurs indépendants et des demandeurs. L’entreprise se rémunère en prélevant une commission sur ces transactions et/ou sur l’abonnement des offreurs à la plateforme. AirBnB et Uber utilisent précisément ces moyens d’intermédiation. Au-delà de ce rôle d’intermédiaire entre offre et demande, les NTIC revêtent également un autre avantage de taille pour les entreprises de type « Uber » : la visibilité. En effet, Internet et ses devices permettent à toutes les entreprises de créer un site attractif, et de populariser leur marque et leurs services à travers des publicités, encore une fois à moindre coût. Ainsi, l’ubérisation repose en grande partie sur la digitalisation de l’économie qui permet à la fois de réduire les coûts, de gagner très rapidement en notoriété grâce à la circulation ultra-rapide de l’information, et de toucher l’offre et la demande du monde entier. La numérisation de l’économie, à travers l’usage d’Internet et du mobile, a permis à l’économie du numérique et de l’ubérisation de prospérer.

2.2. L’utilisation de l’économie collaborative

L’économie collaborative10 constitue le second pilier sur lequel se fonde l’ubérisation. Elle repose sur le partage ou l’échange entre particuliers de biens (voiture, logement, etc.), de services (covoiturage, bricolage, etc.), ou de connaissances (cours d’informatique, etc.), avec échange monétaire (vente, location, prestation de service) ou sans échange monétaire (dons, troc, volontariat), par l’intermédiaire d’une plateforme de mise en relation. Le facteur technologique – avec l’émergence des NTIC –, le facteur économique – avec la crise de 2007- 2008 et l’accroissement des inégalités partout dans le monde – et le facteur social – avec la volonté des individus de renouveler et de recréer du lien social et de l’entraide – peuvent

10 http://www.vie-publique.fr/actualite/dossier/rub1859/economie-collaborative-nouveau-modele-

expliquer le succès de l’économie collaborative. Les individus, notamment les jeunes issus des générations Y et Z et les personnes maîtrisant les NTIC, ont pris conscience qu’elles pouvaient utiliser leurs ressources propres et celles des autres via un mode d’échange de pair à pair afin de satisfaire leurs besoins. Ce mode de pensée va même plus loin puisqu’il privilégie la location à la possession. On assiste en conséquence à de nouvelles relations économiques de type C to C ou C to B to C, dans le cadre d’une plateforme, qui viennent supplanter les traditionnels B to C ou B to B to C. Les entreprises classiques peuvent donc perdre des clients à cause de ces nouvelles formes de collaboration puisque leur statut de professionnel du secteur n’est plus reconnu comme argument n°1 par les clients qui recherchent avant tout la flexibilité, la praticité, les prix bas, le lien social, mais aussi une qualité de service améliorée, la fameuse UX. Les ressources stratégiques des entreprises sont donc remplacées par les ressources ordinaires d’individus lambda. De plus, le bouche-à-oreille viral d’Internet et de l’économie collaborative contribue à la vitesse exponentielle à laquelle croissent les entreprises ubérisées. Ainsi, les NTIC constituent le vecteur de propagation essentiel de l’économie collaborative qui constitue un changement profond du mode de consommation et des aspirations des consommateurs.

2.3. Le recours à la gig economy

La gig economy (ou littéralement « économie des petits boulots »)11 constitue le dernier pilier soutenant et favorisant l’ubérisation de l’économie et sa montée en puissance. En effet, de plus en plus d’individus veulent effectuer des tâches de courte durée ou des petits boulots, et ceci pour différentes motivations : volonté d’être son propre patron, flexibilité, absence d’horaires, perte d’un emploi antérieur, souhait de compléter d’autres revenus, diplômes non requis… Chacun de ces individus met à disposition ses ressources matérielles personnelles (voiture, vélo, perceuse, etc.) et/ou ses compétences immatérielles (bricoleur, etc.) pour répondre aux besoins d’autres individus. La rencontre entre ces offreurs individuels et ces demandeurs s’effectue, comme on l’a vu précédemment, à travers une plateforme en ligne – permise par l’émergence des NTIC – et grâce au succès du principe de l’économie collaborative. Ces « giggers » peuvent avoir différents statuts qui sont des formes hybrides d’emploi à la frontière du salariat : autoentrepreneur, freelance, indépendant, … Ces contrats plus ou moins déclarés ont des avantages (flexibilité, indépendance, peu ou pas de charges sociales, etc.) mais aussi des inconvénients majeurs. En effet, le revenu de ces individus dépend entièrement de l’activité qu’ils effectuent ainsi que du bon vouloir des plateformes collaboratives (s’ils en utilisent dans leur travail). Par ailleurs, ils ne bénéficient ni de la protection juridique offerte par le Code du travail, ni de la protection économique permise par une entreprise classique. Les « giggers » sont donc des travailleurs libres mais cette liberté a un coût très élevé en cas de problème. Par ailleurs, la gig economy implique une nouvelle

11 http://www.vie-publique.fr/actualite/dossier/rub1859/economie-collaborative-nouveau-modele-

distribution des flux financiers puisque d’une part les start-ups ubérisées constituent un nouvel intermédiaire qui prélève une commission sur chaque transaction, et d’autre part le règlement de la transaction entre offreurs et demandeurs est souvent opaque, au sens où il ne fait l’objet d’aucun contrôle de la part des autorités publiques et où il n’est soumis (pour le moment) à aucun prélèvement ni taxe (hormis pour les autoentrepreneurs officiellement déclarés). Ainsi, la gig economy est permise par l’émergence des NTIC, l’accroissement de l’économie collaborative mais aussi par les motivations diverses et variées d’individus désirant devenir des offreurs de biens et services particuliers.

Ainsi, pour résumer, l’ubérisation repose sur trois grands piliers, composés eux-mêmes de différentes variables, avec en premier lieu l’usage des NTIC qui se traduit concrètement par la création de plateformes en ligne et sur mobile (sans détenir le moindre actif physique) pour mettre en contact les offreurs et les demandeurs, l’utilisation de l’économie collaborative qui permet de révolutionner les modes de consommation et l’UX par le lien social et l’effet de masse, et enfin le recours à la gig economy qui mise sur les nouveaux indépendants et la redistribution des flux financiers.