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Chirurgie conventionnelle de l’aorte thoracique

D. -Étiologies des dissections

D. Chirurgie conventionnelle de l’aorte thoracique

La plupart des études chirurgicales récentes rapportent des résultats en constantes améliorations malgré des morbi mortalités toujours conséquentes. Si la mortalité publiée des procédures touchant l’aorte ascendante est actuellement inférieure à 10%, celle de la chirurgie de la crosse aortique est plus proche de 20% à 25% et même supérieure à 50% en urgence. Enfin, la morbidité de telles interventions est loin d’être négligeable puisque certaines séries rapportent des taux supérieurs à 30% pour des chirurgies programmées et parfois proches de 60% en urgence. Cette morbidité est principalement due à des défaillances pulmonaires, rénales, cardiaques et / ou neurologiques d’origines diverses. A la

lumière de ces chiffres, la chirurgie de l’aorte thoracique ne peut actuellement être proposée qu’à des patients sélectionnés. Dans l’avenir, l’augmentation de l’incidence des pathologies aortiques et de l’âge de découverte poseront immanquablement des problèmes de prise en charge, tant au médecin qu’au chirurgien.

1. -La chirurgie de l’aorte ascendante et de la racine aortique

La chirurgie de l’aorte ascendante pose une tripe problématique. Elle comporte, d’une part, le traitement de l’aorte elle même, d’autre part celui de la valve aortique et de la gestion des ostiums coronaires. L’arsenal chirurgical se décompose en de multiples interventions allant du remplacement sus-coronaire de l’aorte ascendante jusqu’à l’intervention, décrite par Bentall en 1968 (66) (FIGURE A), emportant l’ensemble de l’aorte ascendante, la valve aortique et nécessitant la réimplantation des ostiums coronaires. Enfin, au cours des années 1980 et 1990, Sir Magdi Yacoub (67) puis Tiron David (68) (FIGURE B) introduisent la notion de préservation de la valve aortique lors de ces chirurgies radicales de la racine aortique, évitant ainsi le remplacement valvulaire prothétique.

Figure 33: A Intervention de BENTALL B Intervention de DAVID

Malgré une morbi-mortalité et des résultats à long terme acceptables, ces interventions justifient un suivi rigoureux de façon à détecter précocement certaines complications tardives, comme les faux anévrysmes anastomotiques, ou l’évolution de la pathologie sur d’autres segments aortiques. Du fait de la complexité de l’architecture dynamique de la racine aortique, il est actuellement inenvisageable de traiter ce segment aortique autrement que chirurgicalement.

2. -La chirurgie de la crosse aortique : a. Spécificité de la crosse aortique

La particularité de la crosse aortique provient de sa situation anatomique d’avant en arrière et de droite à gauche dans le médiastin supérieur, de la naissance des artères à destinée cérébrale et de la proximité des valves aortiques et du ventricule gauche. Par ailleurs, les variations anatomiques de naissance des troncs supra aortiques et des angulations entre les différents segments de la crosse sont fréquentes. Enfin, le processus pathologique peut être limité à un segment de l’aorte ou à plusieurs, voire s’étendre à l’aorte descendante. Les gestes de réparation, qu’ils soient par chirurgie conventionnelle ou par techniques endoluminales, doivent impérativement prendre en compte ces spécificités.

b. Les techniques de réparation

Le remplacement chirurgical d’une portion ou de la totalité de la crosse aortique nécessite l’interruption temporaire de la perfusion aortique distale. Pour prévenir les complications ischémiques, en particulier cérébrales, il existe différentes options:

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la dérivation temporaire par shunt (Denton Cooley, 1955),

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la mise en place d’une circulation extracorporelle (Michael De Bakey, 1957)

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l’hypothermie profonde entre 15° et 18 °C (Randall Griepp, 1975). Cette dernière technique réduit les besoins métaboliques des organes et permet d’effectuer un arrêt circulatoire total.

La crosse aortique peut ainsi être remplacée dans un champ opératoire parfaitement exsangue. Toutefois, la durée de l’arrêt circulatoire doit, dans la mesure du possible, ne pas dépasser 45 minutes. La combinaison des trois techniques, circulation extracorporelle, perfusion des troncs supraaortiques et hypothermie profonde, s’avère la méthode la plus fiable actuellement (69,70) .

L’abord chirurgical de la crosse aortique peut être difficile compte tenu des éléments anatomiques exposés précédemment. Les résultats sont bien évidemment fonction de l’étendue de l’acte opératoire et donc de la voie d’abord. Par sternotomie, on peut traiter les lésions qui ne s’étendent pas au-delà de l’isthme.

Les lésions de la crosse débutant après la carotide primitive gauche ou de l’aorte thoracique descendante nécessitent une thoracotomie postérolatérale gauche. Les lésions plus extensives qui atteignent l’aorte ascendante, la crosse et qui s’étendent sur l’aorte thoracique descendante représentent une difficulté chirurgicale majeure. Le remplacement total de l’aorte thoracique en un temps est source de complications hémorragiques, respiratoires et fonctionnelles qui limitent la diffusion de cette technique (71).

On préfère actuellement la technique décrite en 1983 par C. Borst, appelée la technique de la trompe d’éléphant :

 Dans un premier temps, sous arrêt circulatoire et perfusion cérébrale, la crosse aortique est ouverte jusqu’à l’isthme et une prothèse en Dacron est introduite de manière antérograde dans l’aorte thoracique descendante. L’extrémité distale de cette prothèse flotte librement dans la lumière aortique. La portion moyenne de la prothèse est suturée à l’isthme aortique et sa portion

proximale permet de remplacer la crosse aortique. Les troncs supra-aortiques sont réimplantés par l’intermédiaire d’une palette ou par des pontages séparés. En fonction des lésions, l’aorte ascendante, voire la racine aortique (incluant la valve aortique et les coronaires), peuvent être réparées.

 Le deuxième temps est effectué par thoracotomie postérolatérale gauche, l’extrémité distale de la prothèse en Dacron précédemment introduite dans la lumière aortique est récupérée et est utilisée pour remplacer l’aorte thoracique descendante.

Le rationnel de cette stratégie est de diluer l’agression chirurgicale sur deux opérations au lieu d’une seule. L’artifice de la trompe d’éléphant facilite le contrôle chirurgical de la portion distale de la crosse aortique lors de la deuxième opération.

Cette approche chirurgicale constitue actuellement la technique de référence pour le traitement ouvert des lésions extensives de l’aorte thoracique. Toutefois, la mortalité de ces gestes reste importante, de l’ordre de 17 % pour les deux interventions. D’autre part, la lésion de l’aorte thoracique descendante n’étant pas complètement exclue après le premier temps opératoire, le patient est exposé à un risque de rupture aortique dans l’intervalle entre les deux interventions. Cet intervalle varie de 4 à 6 semaines et la mortalité durant cette période peut atteindre les 16 % (72).

Figure 34: Schéma de la technique dite de la trompe d’éléphant pour les anévrysmes intéressant la totalité de l’aorte thoracique.

3. -La chirurgie de l’aorte thoracique descendante

L’aorte thoracique descendante a été, du fait de la fréquence de ces lésions et de son accessibilité « relative », l’un des segments thoraciques les plus précocement approché par le chirurgien, surtout avant l’avènement des techniques de circulation extracorporelle. Le perfectionnement de cette technique a permis d’initier la chirurgie de l’aorte ascendante mais aussi de diminuer les complications des gestes touchant l’aorte thoracique descendante. Outre le problème du clampage de l’aorte horizontale, ces remplacements

aortiques, surtout prolongés sous le huitième métamère, exposent au risque de paraplégie. Cette complication est principalement liée à l’artère intercostale donnant naissance à la vascularisation médullaire spinale antérieure, via la redoutée artère d’Adamkiewicz. Cette dernière, quoiqu’inconstamment retrouvée, naît généralement d’une artère intercostale ou lombaire entre T8 et L2 avec une préférence gauche. Là encore, la chirurgie conventionnelle permet des remplacements extensifs au prix d’une morbi-mortalité non négligeable, malgré quelques raffinements comme le clampage étagé ou la réimplantation prothétique de paires d’artères intercostales. D’ailleurs, devant un risque de paraplégie compris entre 6 à 8%, nombre de patients refusent l’idée d’une chirurgie préventive qui risque de leur infliger un lourd handicap. Les causes de ces paraplégies sont multiples et parfois associées : arrêt total de la vascularisation médullaire, l’hypotension per-opératoire, l’annulation du gradient entre la vascularisation artérielle et le liquide céphalo-rachidien ou encore l’absence de suppléance. Cette multiplicité explique, là encore, l’imprévisibilité de cette complication majeure. Finalement, toutes indications et tous contextes confondus, la mortalité à 30 jours des remplacements de l’aorte thoracique s’établie entre 15 et 20% avec une lourde morbidité, essentiellement liée au terrain et à l’invasivité de telles chirurgies.

Parallèlement, les thérapeutiques endovasculaires de l’aorte thoracique ont rapidement progressé pour se positionner comme une alternative à la chirurgie. Ce « choc » des cultures a été initié et entretenu pendant plus de dix ans, freinant l’essor de nouveaux traitements de l’aorte thoracique. Un certain refus des concepts endovasculaires et le vieillissement des patients ont limité les indications chirurgicales alors que les limitations intrinsèques des endoprothèses

aortiques les ont fréquemment cantonnées aux traitements de l’aorte thoracique descendante. Aujourd’hui, la concurrence entre ces deux techniques pourrait bien s’effacer au profit d’une certaine complémentarité.