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Les cycles de fonctionnement des tokamaks ne sont pas constants. Le maintien d’un plasma sur des durées de l’ordre de l’heure n’est pas encore atteint (record de 6 min 30 s sur Tore Supra en 2003 [15]) et cela implique des durées d’impulsion plutôt courtes suivies de périodes plus longues de récupération du système. Au cours de ces phases, les aimants vont donc subir des charges thermiques variables et le dimensionnement du réfrigérateur devra par conséquent prendre en compte ce type de fonctionnement.

I.2.1 Origine des charges pulsées

I.2.1.1 Fonctionnement cyclique

Le fonctionnement d’un tokamak consiste en une répétition de cycles de plasma. Le déroulement des cycles suit différentes étapes nécessaires à l’établissement d’un plasma et à la récupération du système :

• Pré-magnétisation des aimants (pre-mag) • Initialisation du plasma (init)

• Montée du courant des aimants (ramp up) • Plasma (flat top)

• Descente du courant des aimants (ramp down) • Période de veille (dwell period)

Chacune de ces phases va dissiper une plus ou moins grande quantité d’énergie dans les aimants: la charge thermique à extraire est pulsée (Figure I.13). Cette phase de dépôt d’énergie pulsée sera appelée pulse dans la suite. Sur l’exemple, cette phase de pulse dure 170 s.

Figure I.13 Puissance variable totale attendue sur les différents types d’aimant de JT-60SA pour un cycle d’une durée totale de 1800 s (document interne JT-60SA)

La périodicité de ces cycles ne sera pas forcément atteinte sur les machines de recherches (incluant JT-60SA) mais c’est un cas dimensionnant pour l’étude de leur fonctionnement et c’est sous cette condition que sera mené le travail de cette thèse.

I.2.1.2 Mécanismes des pertes

Malgré le caractère supraconducteur des CICC, et donc l’absence de dissipation par effet Joule dans les brins supraconducteurs, d’autres apports de chaleur justifient une puissance de refroidissement. Il existe quatre principaux mécanismes physiques responsables de la puissance transmise aux CICC :

• Les pertes par effet Joule dans les jonctions électriques des aimants : même extrêmement faibles (de l’ordre de 5 nΩ) ces résistances dissipent de la chaleur à cause des courants élevés qui sont appliqués aux bobines (plusieurs dizaines de kA).

• Les pertes par effet Joule dues aux courants de Foucault dans les structures des aimants : par induction électromagnétique sous l’effet de variations du champ magnétique environnant, les structures conductrices vont être parcourues par un courant qui va engendrer des pertes thermiques par effet Joule.

• Les pertes alternatives ou AC dans les supraconducteurs : elles se décomposent en une part principale dite pertes de couplage inter-brins (courants induits entre les brins dus à l’inductions variables et se refermant via les brins conducteurs) et les pertes par hystérésis (dissipation de l’énergie dans le supraconducteur par le biais de la création, la suppression et le déplacement des vortex de flux) [16].

• Les pertes par flux neutronique : les neutrons rapides créés à l’intérieur du plasma vont s’en échapper et ceux qui ne sont pas stoppés par la première paroi ou l’écran radiatif vont être freinés ou stoppés dans les aimants et leurs structures déposant ainsi de l’énergie. Ce flux n’est présent que lorsque la réaction de fusion a lieu.

Ces quatre mécanismes vont avoir des importances relatives différentes en fonction de l’étape du cycle, des types de câbles (matériaux, géométrie) et de leurs positions par rapport à la chambre de

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Temps (s)

pre-mag ramp up flat top ramp down Init dwell

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réaction du tokamak. Dans le cas de JT-60SA par exemple, les aimants TF restent constamment alimentés en courant contrairement aux aimants CS et EF dont les courants appliqués varient (Figure I.14). Les pertes AC des aimants CS vont être très importantes à cause des fortes variations de courant qui sont imposées. Ces pertes seront comparativement moins élevées sur les aimants EF. De façon inverse, les aimants TF, puisque alimentés en permanence pendant un cycle, auront de faibles pertes AC mais d’importantes pertes dues à la résistance des jonctions électriques (277 W en moyenne sur un cycle contre moins de 5 W pour les CS et EF).

Figure I.14 Variations du courant des aimants CS et EF de JT-60SA pour un scénario de 1800 s (document interne JT-60SA)

Des charges thermiques pulsées, variables dans le temps et fonction des types d’aimant vont devoir être évacuées par le système de refroidissement.

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C

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ur

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t (

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A

)

Temps (s)

CS1

CS2

CS3

CS4

EF1

EF2

EF3

EF4

EF5

EF6

pre-mag

flat top ramp up

ramp down

I.2.2 Effets sur le dimensionnement

I.2.2.1 Interface avec les aimants

Figure I.15 Principe du système de distribution d’hélium pour le refroidissement d’aimants supraconducteurs en CICC avec une seule boucle

Dans le cas de CICC, les aimants sont refroidis par convection forcée à l’aide d’hélium supercritique. Le système est composé de plusieurs boucles permettant de refroidir différents groupes d’éléments (exemple de JT-60SA : une boucle pour les aimants TF et les structures et une seconde pour les aimants CS et EF). Ces boucles transfèrent ensuite leur énergie à un bain d’hélium à saturation en interface avec le réfrigérateur. La géométrie optimale d’une boucle comporte deux échangeurs de chaleur: un en amont du circulateur, qui échange l’énergie venant des aimants et contribue à un fonctionnement stable du circulateur, et un en aval pour permettre d’évacuer la puissance dissipée par celui-ci et conserver une température d’entrée des aimants la plus basse possible. Cet ensemble (boucles + bain) constitue le système de distribution (Figure I.15). Les débits massiques d’hélium fournis par les circulateurs doivent permettre aux aimants de fonctionner normalement sans jamais transiter vers l’état résistif même pendant les pics de puissance déposée.

Figure I.16 Effet de lissage d’une boucle de refroidissement

L’utilisation d’une boucle de refroidissement joue également le rôle de premier lissage thermique (Figure I.16). En effet l’énergie dissipée est répartie sur une longueur de câble importante (une centaine de mètres pour les aimants CS) et donc sur un volume d’hélium tout aussi important (d’environ 2.3 m3). Au final, cette masse est donnée par l’expression ( I.8 ):

��� �ℎ����é=���� �������+�̇������∆������ ( I.8 )

Le temps de transit de l’hélium chaud dans l’échangeur de chaleur vaut donc en divisant ( I.8 ) par �̇������:

∆��������=∆��������+∆������ ( I.9 )

Puisque le temps de transit de l’hélium dans les aimants (∆��������) n’est pas nul, ∆�������� est toujours supérieur à ∆������ et comme l’énergie totale déposée est conservée, la puissance maximale transmise au bain par la boucle est inférieure à celle transmise des aimants vers la boucle.

I.2.2.2 Réfrigérateur

Les cycles thermodynamiques d’un réfrigérateur décrits précédemment sont optimisés autour d’un point de fonctionnement : la taille des échangeurs, des turbines ainsi que les débits mis en jeu sont optimisés par rapport à l’utilisation (réfrigérateur ou liquéfacteur). Or dans le cas de cycles dont la puissance est pulsée il existe une différence importante entre la puissance maximale atteinte et la puissance moyenne sur le cycle. Si aucune action n’est effectuée lors d’un pic de charge alors le débit retour de vapeur risque de déséquilibrer tous les échangeurs et à terme risque de forcer l’arrêt du réfrigérateur (à cause de températures d’entrée de turbines trop froides par exemple). Dans le cas de JT-60SA (Figure I.17), la puissance maximale attendue venant des aimants à l’interface avec le réfrigérateur est d’environ 12 kW tandis que la puissance moyenne nécessaire n’est que de 6.5 kW à 4.4 K. Se pose alors le problème du choix de la puissance totale à installer. Installer la puissance maximale est le plus simple à réaliser mais nécessite des coûts d’installation et de fonctionnement élevés tout en nécessitant également un moyen de stabiliser la charge à son maximum.

Figure I.17 Puissance de réfrigération à 4.4 K attendue à l’interface du réfrigérateur de JT-60SA [17]

En revanche, pour pouvoir n’installer que la puissance moyenne attendue, et donc réduire les coûts, il est nécessaire de lisser la charge thermique provenant des aimants et des structures. Cela revient à stocker temporairement l’énergie déposée, puis à la libérer progressivement vers le réfrigérateur. Bien entendu, ce stockage temporaire doit être compatible avec la garantie de la marge en température spécifiée pour le supraconducteur (inférieure à Tc).