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D - Des charges lourdes et dynamiques pour les finances publiques

La progression des dépenses de retraite des fonctionnaires pèse fortement sur les finances publiques, mais de manière différenciée selon les régimes.

1 - Le financement des dépenses de retraite des fonctionnaires de l’État

En application de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF), le régime de retraite des fonctionnaires de l’État, dont les charges et les produits sont retracés dans le compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, doit obligatoirement être équilibré. En conséquence, pour faire face à la croissance des dépenses, les recettes issues des contributions patronales des employeurs de fonctionnaires de l’État ont crû de plus de 30 % sur la période 2006–2014, soit une croissance annuelle moyenne de 3,5 %. Compte tenu de la diminution du nombre de cotisants, cette progression n’a pu être obtenue que par une augmentation du taux de contribution de près de moitié sur la période.

Tableau n° 3 : taux de contribution employeurs FPE (%)

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 49,90 50,74 55,71 58,47 62,14 65,39 68,59 71,78 74,28 74,28 Source : PLF 2016 – Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique

Les contributions employeur versées par Orange et La Poste au titre des fonctionnaires d’État conservés parmi leurs personnels, calculées sur la base de taux d’équité concurrentielle différents du taux appliqué aux employeurs FPE (d’environ 50 % pour Orange et 35 % pour La Poste en 2015), diminuent tendanciellement au rythme des départs à la retraite des intéressés. S’élevant à 3,9 Md€ en 2006, elles n’atteignaient plus que 1,9 Md€ en 201419.

19 Par ailleurs, le CAS a bénéficié en 1997 du versement par France Télécom d’une soulte d’un montant de 5,7 Md€ en compensation du transfert à l’État de la charge des pensions de ses anciens fonctionnaires.

Les contributions versées par les autres employeurs que l’État d’agents titulaires relevant de la FPE (hors La Poste et Orange), ont été pour leur part multipliées par 7, passant de 798 M€ à 5,8 Md€, en raison de diverses modifications des conditions de leur participation au financement des retraites des fonctionnaires en détachement.

La forte augmentation de la contribution employeurs et son maintien à un niveau élevé pèsent directement sur les dépenses de l’État.

L’obligation d’équilibre du CAS Pensions a ainsi eu pour contrepartie une dégradation du solde budgétaire de l’État.

Les recettes liées aux retenues pour pensions (cotisations salariales) ont quant à elles progressé de près de 17 % sur la période 2006-2014, passant de 4,85 à 5,7 Md€. Leur croissance s’est sensiblement accrue depuis 2010, à la suite de l’alignement progressif du taux de retenue sur le traitement indiciaire sur la cotisation salariale du secteur privé, qui se prolongera jusqu’en 202020.

Tableau n° 4 : retenue pour pension à la charge des fonctionnaires et cotisations salariales vieillesse des salariés du secteur privé (en %)

2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 Public 7,85 8,12 8,39 8,76 9,14 9,54 9,94 10,29 10,56 10,83 11,10 Privé 10,55 10,55 10,55 10,65 10,9 11,05 11,15 11,20 11,20 11,20 11,20 Source : Cour des comptes d’après décrets n° 2010-1749, 2012-847, 2013-1290 et 2014-1531

2 - Le financement des dépenses de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers

La CNRACL, comme les autres caisses de retraite de la sécurité sociale, n’est pas tenue à la règle d’équilibre financier annuel applicable au CAS Pensions. Néanmoins la progression des dépenses pèse sur l’équilibre des finances publiques, tant par la charge qu’elle fait reposer sur les employeurs hospitaliers ou territoriaux que par les déficits qu’a connus le régime.

20 En l’état actuel des textes relatifs aux taux de cotisation, un écart de 0,1 point subsisterait néanmoins en 2020 entre le public et le privé, résultant de l’augmentation de 0,1 point des cotisations salariales à l’ARRCO décidée en 2013. Cette augmentation n’a pas été répercutée à ce jour dans le taux cible pour les fonctionnaires.

Les cotisations perçues par la CNRACL ont presque quadruplé sur la période 1990 - 2014, soit une augmentation annuelle moyenne de l’ordre de 5 %. Jusqu’en 2010, leur progression a été principalement portée par le niveau élevé des recrutements ainsi que par le dynamisme des traitements moyens. Depuis 2011, les deux composantes de l’assiette ont connu une évolution moins rapide du fait du gel de la valeur du point d’indice de la fonction publique et d’un début de ralentissement en fin de période du nombre de recrutements21.

Graphique n° 4 : évolution des cotisations, des pensions et du solde de la CNRACL (en Md€)

Source : comptes annuels de la CNRACL

Parallèlement, les taux de cotisation ont connu une augmentation importante, notamment en fin de période. Le taux de la retenue à la charge des agents, identique à celui en vigueur pour l’État, s’est accru régulièrement depuis 2010 (cf. tableau n° 4). Le taux de contribution des employeurs, qui était resté stable de 2005 à 2011 (27,30 %), a par la suite régulièrement progressé pour atteindre 30,40 % en 201422.

Tableau n° 5 : taux de contribution employeurs CNRACL (%)

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 27,30 27,30 27,30 27,30 27,30 27,30 27,32 28,85 30,40 30,50 Source : PLF 2016 – Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique

21 Ainsi, en 2014, l’effectif moyen des cotisants hospitaliers a été en légère décroissance (- 1 283 cotisants). Source : Rapport d’activité 2014, CNRACL

22 Le décret 2014-1531 du 17 décembre 2014 prolonge cette augmentation jusqu’à 30,65 % en 2017.

L’équilibre financier de la CNRACL s’avère néanmoins précaire.

Ses comptes ont ainsi été déficitaires 13 fois au cours des 25 dernières années. Alors que les principes d’une répartition provisionnée auraient exigé que la CNRACL profite d’une configuration démographique initialement favorable pour accumuler des réserves en vue d’une inéluctable détérioration, le niveau de celles-ci est très faible, en partie du fait du mécanisme de compensation spécifique entre régimes spéciaux mis en œuvre de 1986 à 2012 (cf. supra).

Une situation financière fragilisée

Le solde technique de la CNRACL, qui se définit comme la différence entre les cotisations et les seules charges de pensions, est resté positif tout au long de la période. S’il se situe en moyenne à 2,2 Md€ par an, il a connu une lente dégradation à compter de l’exercice 2008 avant que les effets conjugués de la hausse des taux de retenues et des différentes réformes des retraites (2003 et 2010) ne permettent son redressement.

Au cours des années 2011 et 2012, la CNRACL a cependant connu une situation d’urgence, pour partie imputable aux nombreux départs en retraite de parents de trois enfants et plus, compte tenu de la fermeture du dispositif de retraite anticipée. Elle a rendu nécessaire le recours à des ressources non permanentes pour éviter toute rupture de paiement. La CNRACL a obtenu une augmentation de son plafond autorisé de découvert, porté par les lois de financement de la sécurité sociale successives jusqu’à 1,45 Md€ en 2012 et 2013. Un plan de redressement a prévu une hausse de la cotisation employeur de 1,45 point en 2013 puis de 1,35 point en 2014, et le transfert à la CNRACL de ressources non pérennes qui ont permis de reconstituer ses réserves et d’éviter toute rupture de paiement. Ainsi, en 2012, la caisse a bénéficié de produits exceptionnels d’un montant de 690 M€ provenant de prélèvements sur les réserves du Fonds de l’allocation temporaire d’invalidité des agents des collectivités locales pour 450 M€, et sur celles du Fonds de compensation de cessation progressive d’activité pour 240 M€. De même en 2013, 200 M€ ont été transférés du Fonds pour l’emploi hospitalier (FEH). Sans ces apports, les réserves de la CNRACL n’auraient été que de 700 M€ au 31 décembre 2014. Les ressources de la CNRACL bénéficieront à court terme de l’impact de la prorogation jusqu’en 2018 du dispositif de titularisation des agents contractuels et des effets de la conversion d’une partie des primes en points d’indice en application de l’article 148 de la loi de finances pour 2016 qui génèrera des cotisations supplémentaires. Le cas échéant, les réserves dont disposent encore certains fonds pourraient de nouveau être mobilisées pour contribuer à son équilibre.

3 - Les taux de cotisation : des écarts significatifs même après des retraitements destinés à les rendre comparables

Les régimes de retraite des fonctionnaires affichent des taux de cotisation globaux, pour l’essentiel des taux employeurs, beaucoup plus élevés que ceux des autres régimes. L’écart de taux faciaux entre le SRE civils et les régimes des salariés du secteur privé (régime général et régimes complémentaires) dépasse 50 points. Moins important, ce différentiel est néanmoins de l’ordre de 10 points pour la CNRACL.

Ces écarts résultent cependant pour une large part d’une assiette plus étroite - le seul traitement indiciaire pour les régimes des fonctionnaires contre la rémunération plafonnée pour ceux du secteur privé, à des niveaux différents pour le régime de base et les régimes complémentaires ARRCO d’une part, AGIRC d’autre part23 -, d’un champ de dépenses couvertes différent et de situations démographiques contrastées.

Dans son rapport annuel de juin 2016, le COR présente un exercice de normalisation afin de comparer des taux de prélèvement d’équilibre des différents régimes, corrigés des différences d’assiette, de champ de dépenses et de situations démographiques (voir annexe n° 2).

Les résultats présentés dans le tableau ci-dessous sur cette base font apparaître un resserrement important des écarts initiaux affichés, même s’ils demeurent significatifs.

23Cf. Cour des comptes, Rapport public thématique, Garantir l’avenir des régimes complémentaires des salariés (AGIRC et ARRCO), décembre 2014, disponible sur www.ccomptes.fr

Tableau n° 6 : taux de prélèvement corrigé des écarts de champs

Source : COR, rapport annuel juin 2016 - Cour des comptes

L’écart initial de cotisations salarié et employeur entre régime des fonctionnaires civils de l’État et régimes du secteur privé, de l’ordre de cinquante points (80,54 % contre 26,35 % en 2013), se trouve ramené ainsi à 6 points (10,2 points en ne prenant en compte que les retraités de plus de 65 ans).

24 Les calculs prennent en compte les cotisations au régime général et à l’ARCCO (y compris AGFF) pour la fraction du salaire inférieure au plafond de la sécurité sociale.

25 Cette correction vise à neutraliser l’effet sur le rapport démographique (nombre de retraités/nombre de cotisants) de dispositions permettant de partir plus tôt à la retraite dans les fonctions publiques. Elle conduit à accroître le taux de prélèvement.

Ce différentiel reste substantiel : le taux de cotisation d’équilibre du régime de la fonction publique civile de l’État est ainsi supérieur d’un tiers à celui des régimes du secteur privé. Il peut s’expliquer par des dispositions plus favorables en matière de retraite et/ou des rémunérations par tête moins dynamiques sur la dernière période. En effet, le taux de prélèvement nécessaire pour assurer l’équilibre financier s’avèrera d’autant plus élevé que l’assiette à laquelle il s’applique progresse peu.

S’agissant de la CNRACL, ces différentes opérations aboutissent à un taux de prélèvement d’équilibre corrigé de 27,9 %, de 10 points supérieur à celui du régime des salariés du secteur privé (21,5 points en ne prenant en compte que les retraités de plus de 65 ans). Cette différence peut avoir les mêmes origines qu’entre régimes de droit commun et de la fonction publique d’État.

Par ailleurs, l’alignement sur le ratio démographique moyen (deux dernières lignes du tableau ci-dessus) se traduit par une augmentation du taux d’équilibre (contrairement aux deux autres régimes), signe que le taux actuel de cotisation (notamment le taux de contribution des employeurs) est inférieur au taux d’équilibre du régime.

Portées par la forte progression des effectifs de retraités, les dépenses de pensions des régimes de fonctionnaires ont augmenté à un rythme élevé au cours de 25 dernières années. Afin d’assurer leur financement, les taux de contribution des fonctionnaires ont augmenté depuis 2010. Ceux des employeurs ont été très sensiblement majorés, plus fortement pour l’État que pour la CNRACL. Même en tenant compte des effets de champ de dépenses et des différences de situations démographiques, ils demeurent significativement plus élevés pour les régimes de la fonction publique que pour ceux du secteur privé.