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3.3 Elargissement du domaine d’étude

3.3.1 Changement de moule : liner 2L

Le moule "liner 2L" est de forme cylindrique d'un volume d'environ 2 litres et inclut deux inserts métalliques en ces fonds. Le "liner 2L" constitue une version à plus petite échelle du liner d'un réservoir de type IV. Ces deux inserts en inox constituent les connectiques du réservoir et sont appelées les "embases". Elles sont glissées dans le moule afin d'être surmoulées. Elles sont retenues contre la paroi par un ressort. Du ruban ou de la graisse téflon assure l'étanchéité du moule aux plans de joints.

Les pas de vis des deux embases ont été utilisés pendant le procédé. Un évent rentrant en silicone a été installé à travers le 1er pas de vis afin d'égaliser les pressions internes et externes ainsi que pour réaliser une seconde injection. Dans le second pas de vis a été vissée une pièce en téflon jusqu'à ce qu'elle affleure la surface interne de l'embase. La pièce a été percée de deux trous d'1,5 mm de diamètre sur toute sa longueur. Ainsi, deux thermocouples K peuvent traverser la pièce. Le premier thermocouple dépasse de 10 cm à l'intérieur du moule et enregistre donc la température "interne". Le second thermocouple dépasse à peine du téflon et suit l'écoulement de la matière. Contrairement au moule cubique équippé d’un presse-étoupe, la longueur dépassante du thermocouple n'est pas parfaitement contrôlée pour le liner. De plus, le téflon possède une tension de surface très faible et n'est pas représentatif de celle du moule. Enfin, la pièce en téflon tend à écranter la température perçue. Ainsi, au regard des nombreuses incertitudes, la viscosité SBR n'a pas été mesurée dans ce moule. Néanmoins, les mesures thermiques sont parfaitement répétables comme illustrées sur la Figure 167.

80 90 100 110 5 10 15 20 Temps (minutes) T em pér at ur e m at ièr e ( °C )

Figure 167 : Suivi thermique de la formulation DER 332 MXDA lors du rotomoulage en 8/2 sur liner 2L (3 essais identiques décalés en ordonnée)

L'analyse des oscillations du thermocouple "matière" met en évidence qu'à vitesses équivalentes, les moules cubique et liner provoque la même fréquence d'oscillations (Figure 168) liée à une rotation angulaire identique.

90 95 100 105 110 115 4 6 8 10 12 14 16 Temps (minutes) T em pér at ur e (°C ) cube liner 2L

Figure 168 : Comparaison des oscillations perçues par le thermocouple "matière" en rotation 6 / 6 rpm dans le moule cubique et liner2L

De même, des défauts d'écoulement identiques sont retrouvés entre le liner et le cube comme illustrés sur la Figure 169. Si la masse et/ou la température sont trop élevées des vagues apparaissent en surface interne et peuvent aller dans les cas extrêmes jusqu'à la prise en masse de la flaque rebondie sur les parois (cristal jauni + toile d'araignée).

Sans défaut Hydrocystes Prise en masse de la flaque

Figure 169 : Défauts d'écoulement dans le liner 2L

Il s’avère que les fenêtres de processabilité des formulations sont plus petites pour le moule « liner 2L » que pour le cube. En effet, pour une même épaisseur de matière et les mêmes conditions de rotomoulage, la répartition est toujours meilleure dans le cube. Ce phénomène s’explique parce que l’épaisseur de la paroi du moule « liner » est bien plus faible que celle du moule cubique. Ainsi, le préchauffage du moule transmet peu de chaleur à la matière au départ. Et inversement, le moule peut difficilement absorber l’exothermie de la matière lors d’une réaction chimique violente (Figure 170). Le fort ratio longueur sur diamètre du moule induit aussi la tendance de la flaque à persister dans les fonds du cylindre. Enfin, pour une même vitesse de rotation, la vitesse tangentielle moyenne dans le cube est plus élevée que dans le liner car le rayon moyen du cube est largement supérieur à celui du liner. Ainsi, pour une même épaisseur, la viscosité SBR est plus élevée dans le liner et exige donc une polymérisation plus lente.

40 60 80 100 120 140 0 5 10 15 20 Temps (minutes) T e m ra tur e ( °C ) prise en masse de la flaque T° matière = T° air interne

Figure 170 : Suivi de la température matière dans le moule liner 2L – Prise en masse de la flaque

Ainsi, afin d’améliorer le chauffage de la flaque et de disperser l’exothermie, la majorité des pièces ont été réalisées en double couche. La 2nde couche est toujours soumise à une température de consigne du four plus faible que la 1ère quelque soit la matière. Le refroidissement est lancé dès la gélification afin que la réaction soit la moins avancée possible. Ce défaut de conversion maximise les liaisons covalentes avec la structure composite lors de la cuisson de ce dernier.

Les embases sont dégraissées et sablées avant d’être insérées dans le moule pour y être surmoulées. Le dégraissage au dichlorométhane permet d’éliminer les traces d’huile provenant de l’usinage. Cette étape permet d’élever la tension de surface de l’embase diminuant alors l’angle de contact. La rugosité de l’embase apportée par le sablage quant à elle permet d’augmenter la surface de contact entre l’embase et la matière. Cependant, le mouillage de cette rugosité par la matière est critique. Ainsi, les formulations très visqueuses et/ou aux tensions de surface élevées sont incapables de remplir la rugosité et démouille très facilement en raison du lit d’air perçu par la matière (phénomène d’hyperhydrophobie). Ce phénomène provoque une adhésion médiocre à cause de la faible surface de contact entre l’embase et la matière. De plus, l’air coincé entre l’embase et la matière provoque des concentrations de contraintes importantes pouvant aller jusqu’à la rupture. Ce paramètre de rugosité sur insert constitue un des avantages du rotomoulage réactif par rapport au procédé classique. En effet, les monomères liquides possèdent des tensions de surface et des viscosités moindres par rapport au polymère fondu. Ainsi, ils épousent mieux la rugosité. Un autre avantage de cette rugosité sur l’adhésion est le phénomène d’hystérèse de l’angle de contact. Lors du passage du liquide sur la surface rugueuse, l’angle de contact est plus élevé que celui sur une surface lisse. Et inversement, lors du démouillage de la matière l’angle de contact devient bien plus faible que celui de la surface lisse. Ainsi, bien que le mouillage d’une surface rugueuse soit difficile, son démouillage s’avère encore plus difficile. De plus, pour le rotomoulage réactif la rugosité de l’embase limite les flux en cascades liées à une trop faible tension de surface par rapport aux forces de gravité lorsque la matière passe à la verticale. L’épaisseur minimale dispersable est ainsi bien plus faible sur l’embase que sur le moule surfacé avec du démoulant.

La présence des inserts constitue néanmoins une difficulté supplémentaire pour le rotomoulage en raison de leur géométrie. En effet, l’embase possède une rigole permettant une fois surmoulée de retenir mécaniquement l’insert. Cependant, au fond

de cette rigole, le rayon de courbure est négatif et l’épaisseur de polymère maximale. Ainsi, la déformation due au retrait y est la plus sévère et se produit dans le sens de la décohésion embase-polymère. Ce défaut indétectable pour une pièce opaque est parfaitement visible sur une formulation transparente comme l’époxy. En effet, la lame de vide présente entre la matière et l’embase fait apparaître l’acier plus clair par réflexion optique (Figure 171).

Figure 171 : Lame de vide entre l’insert et la matière

Un second défaut provoqué par l’embase est la présence de trous de matière sur la surface externe de l’embase (Figure 172) associés à une fine pellicule collante au fond de ces cavités lors du démoulage. Les pellicules sont présentes côté embase et côté moule.

Figure 172 : Cavitations sur l’embase

La formulation à l’état quasi initial (avant gel) possède un faible nombre de Reynolds, ainsi elle est accélérée quand elle s’écoule sur l’embase en raison de la diminution de la section, puis décélère en sortie de l’embase quand la section s’aggrandit. Selon le théorème de Bernoulli, une augmentation de la vitesse d’un fluide provoque une diminution de la pression tel que :

V²/(2g) + z + P/(ρ.g) = constante

Avec v la vitesse du fluide, z l'altitude, P la pression, ρ la masse volumique et g l’accélération de la pesanteur.

La formulation et l’embase étant considérées incompressibles, ce sont les bulles d’air piégées dans la formulation ou dans la rugosité de l’embase sablée qui cavitent provoquant une séparation de l’écoulement et des cavités sur la pièce finie. Plus la dépression augmente, plus le rayon de courbure des cavitations s’agrandit d’après la loi de Laplace Young. Cette loi explique que les cavitations sont d’autant plus larges que l’écoulement se rapproche du sommet de l’embase où la section est la plus petite. Ces cavitations provoquent une difficulté très nette du démoulage des fonds en raison de la dépression créée entre le liner et le moule.

Au voisinage le plus immédiat de la paroi, la vitesse est très faible voire nulle ce qui permet d’expliquer la fine pellicule de matière présente sur l’embase et sur le moule dans le fond des cavitations. Cette fine pellicule est collante laissant supposer que la réaction n’y est pas terminée contrairement au reste de la pièce. La dépression a dû entraîner une diminution proportionnelle de la température (loi des gaz parfaits) limitant alors la cinétique de réaction en surface. Cette fine pellicule continue de polymériser après démoulage. Elle est aussi la preuve que ces cavités ne proviennent pas d’un démouillage de la matière.

Afin d’éviter ces cavitations, il faudrait retirer le ruban téflon assurant l’étanchéité au sommet de l’embase pour provoquer la coalescence des cavitations avec l’air externe par égalisation des pressions. Cependant, les formulations très fluides seraient susceptibles de fuir. Une formulation plus visqueuse empêcherait les fuites et préviendrait l’augmentation du diamètre des bulles lors de la dépression. La solution la plus simple consiste à diminuer la section en rapprochant l’embase le plus près possible du moule. Cette conformation prévient une trop forte accélération du fluide à cœur et supprime totalement le phénomène de cavitations. Néanmoins, ces cavitations ne constituent pas un dommage mécanique pour le réservoir car la matrice époxyde du préimprégné peut fluer librement à l’intérieur lors de la cuisson.

Pour valider le potentiel des polyépoxydes pour le stockage hyperbare, des liners époxys ont été fabriqués comme démonstrateurs. Ils ont été soumis au test de mise sous pression hydraulique décrit par la norme pour l’application. Une résistance minimale de 4 bars pendant 5 minutes est exigée pour un liner sans coque composite. Ce test a été réalisé avec une pompe à main hydraulique et a été suivi d’une montée continue de la pression jusqu’à la rupture du liner. Pour ce test, une post-cuisson a été effectuée afin de simuler la cuisson du composite et ainsi terminer la polycondensation. Les résultats sont décrits dans le Tableau 57.

Formulation Conditions de rotomoulage 4 bars

(5 min) Pression rupture DER 332 MXDA 200 g en 8/2 à 55°C 200 g en -8/-2 à 45°C OK 19 bars DER 332 MXDA 200 g en 8/2 à 55°C 200 g en -8/-2 à 40°C OK 18 bars DER 332 Jeffamine D400 200 g en 8/2 à 90°C 200 g en -8/-2 à 80°C OK 22 bars DER 332 Jeffamine D400 200 g en 8/2 à 90°C 200 g en -8/-2 à 80°C OK 20 bars

Tableau 57 : Résultats des tests hydrauliques réalisés sur les liners époxys

Tous les liners ont résisté au test des 5 minutes à 4 bars. L’augmentation de la pression a vu la rupture de tous les liners autour des 20 bars. Les analyses vidéos et post-mortem ont mis en évidence un seul mode de rupture lié à la décohésion de l’époxy en fond de rigole de l’insert dans la zone supérieure (Figure 173). La décohésion tend à suivre le profil de la rigole jusqu’àu déchaussement complet de l’embase provoquant la fracture du polymère sur la circonférence.

Captures d’écran ante-mortem

1 seconde avant tR tR – 0,7 s tR – 0,5 s

tR – 0,2 s tR – 0,1 s tR – 0,05 s

Photos post-mortem

Figure 173 : Décohésion symptomatique du polymère en fond de rigole de l’insert provoquant la rupture des liners sous pression hydraulique (tR=moment de la rupture) Ce mode de rupture indique que l’adhésion entre l’insert et le polymère constitue le point mécaniquement le plus fragile de l’ensemble. Néanmoins, dans le cadre du réservoir complet, le déchaussement de l’embase est prévenu par la structure composite surbobinant les fonds par rapport au cylindre. Ainsi, deux liners époxy ont été sablés bobinés puis post-cuits comme démonstrateurs d’un réservoir de type IV (Figure 174). Les radios aux rayons X faites sur les réservoirs selon 3 angles confirment l’absence de jeu entre le liner et la structure composite contrairement aux liners en PEA6 ou en polyuréthane. La frontière entre le liner époxy et le composite n’est d’ailleurs pas clairement définie sur un cliché zoomé (Figure 175).

Figure 174 : Liners époxy rotomoulés, sablés puis bobinés

Figure 175 : Radios aux rayons X d’un liner époxy bobiné