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Les cellules stellaires hépatiques : de la fibrose au cancer

Chapitre 1 : Introduction

1.5. Pathophysiologie du développement des métastases hépatiques

1.5.3 Les cellules stellaires hépatiques : de la fibrose au cancer

1.5.3.1 Fibrose hépatique

La fibrose consiste en une accumulation excessive de collagènes par la formation de nouvelles fibres, telle que définie par l’Organisation Mondiale de la Santé en 1978 (Anthony et al., 1978). La fibrose hépatique représente une réponse suite à l’exposition, aiguë ou chronique, à des stimuli tels que l’éthanol, les virus, les drogues, les toxines et les médicaments, la cholestase ou les maladies métaboliques (hémochromatose, maladie de Wilson, etc.) (Hernandez-Gea & Friedman, 2011). Ces stimuli résultent en une déposition de protéines matricielles avec une perte de l’architecture du microenvironnement physiologique

(Schuppan, 1990). Ensuite, la fibrose hépatique peut progresser en cirrhose, soit une distorsion sévère de l’architecture hépatique normale, avec modification de la circulation hépatique causant l’hypertension portale, l’insuffisance hépatique ou le CHC (Anthony et al., 1978). La fibrose et la cirrhose sont donc des conditions précancéreuses où la MEC subit un important remodelage et où un recrutement ou une activation de cellules stromales survient (Hernandez-Gea et al., 2013).

1.5.3.2 Tumeurs primaires hépatiques secondaires à la fibrose

Le CHC est la principale tumeur primaire du foie, qui se développe en général dans un contexte d’inflammation et de fibrose chronique des tissus hépatiques, dont les causes ont été énumérées précédemment (El-Serag & Rudolph, 2007). Le cholangiocarcinome intrahépatique (CCI) est la seconde tumeur primaire du foie et survient dans les cellules épithéliales des canaux biliaires intrahépatiques. Les principaux facteurs de risque du CCI sont également des conditions qui prédisposent à l’inflammation et à la fibrose, soit la cholangite, l’hépatite B ou C chronique, les maladies inflammatoires de l’intestin, le diabète et l’obésité (Lee et al., 2008; Shaib et al., 2005; Welzel et al., 2007). Autant le CHC et le CCI sont des cancers parmi les plus mortels puisqu’ils sont résistants à la majorité des thérapies disponibles et associés à des hauts taux de récidive. Les études sur le CHC et le CCI ont permis de dériver des connaissances sur les cellules stellaires hépatiques et le microenvironnement, ainsi que leur rôle dans le développement métastatique.

L’activation des CSH, soit l’adoption d’un profil plus myofibroblastique et prolifératif, est une étape importante de la fibrose hépatique, puisque les CSHa expriment des médiateurs de l’inflammation et de la fibrose impliqués dans l’accumulation de MEC dans le microenvironnement fibrotique/pathologique (Hernandez-Gea & Friedman, 2011). Plusieurs études ont démontré que les CSHa jouent un rôle important dans la progression tumorale du CHC et CCI (Coulouarn et al., 2012) (Thompson et al., 2015) (Amann et al., 2009) (Wu et al., 2012), notamment par des interactions bilatérales entre les CSHa et les hépatocytes tumoraux (Friedman, 2008a). Les CSHa peuvent faciliter l’invasion du foie par les cellules de CHC par la sécrétion de facteurs impliqués dans l’angiogenèse, la prolifération, l’inflammation, la tumorigénèse ou la régulation immunitaire.

En effet, dans le CHC, un excès en facteurs pro-angiogéniques tels le VEGF-A, les angiopoïétines et le PDGF-B, produits par les cellules cancéreuses, endothéliales, immunitaires et les CSH, joue un rôle important dans l’initiation et la progression tumorale (Zhu et al., 2011). En 2012, Coulouarn et al. ont utilisé un modèle de co-cultures de CSH et de lignées dérivées de CHC (HepaRG et HuGB) pour étudier les interactions entre ces cellules physiologiques et pathologiques. La co-culture a modifié le profil d’expression génique des

CSH, notamment en induisant l’expression de VEGF-A et de MMP-9, et a modifié le phénotype des hépatocytes de CHC en un phénotype plus motile (Coulouarn et al., 2012). Les interactions entre les CSH et les cellules de CHC ont donné naissance à un microenvironnement aux caractéristiques pro-angiogéniques. Les gènes surexprimés dans les co-cultures étaient associés à un mauvais pronostic et à une tendance des cellules à métastaser. Ces travaux ont permis de démontrer que les interactions entre les CSH et les cellules de CHC sont bidirectionnelles, qu’elles modifient le phénotype des hépatocytes pour faciliter la migration, qu’elles génèrent un microenvironnement pro-inflammatoire et pro-angiogénique et qu’elles permettent l’expression de marqueurs de mauvais pronostic du CHC.

Zhu et al. ont étudié la sécrétion de l’interleukine 8 (IL-8) sur les tissus dérivés de 22 patients atteints de CHC (Zhu et al., 2015). L’IL-8 est une cytokine pro-inflammatoire et pro-angiogénique associée à un mauvais pronostic dans le cancer de la prostate (Maxwell et al., 2013; Rossi & Zlotnik, 2000). Zhu et al. ont démontré que les stromas tumoraux étaient enrichis en IL-8 et que cette cytokine était sécrétée par les CSHa et non par les cellules du CHC (Hep3B et Huh-7). De plus, ils ont observé que l’angiogenèse était plus importante au niveau du front cellulaire envahissant, soit celui en contact direct avec les CSHa. Également, l’angiogenèse a significativement diminué suite à l’ajout d’un anticorps dirigé contre l’IL-8 in vitro et in vivo (Zhu et al., 2015). Cette équipe a révélé une des voies de communication entre les CSH et les cellules de CHC: les cellules de CHC activent les CSH, qui en réponse, sécrètent l’IL-8. Cette dernière stimule l’expression de facteurs angiogéniques par les cellules de CHC, comme le VEGF-A, et entraîne une augmentation de STAT3 sous sa forme phosphorylée (Ser727), donc active.

Une autre cytokine pro-tumorigénique qui est impliquée dans toutes les étapes du développement du CHC est le TGF-β. Cette cytokine promouvoit l’invasion des cellules de CHC/CCI en favorisant une transition épithélio-mésenchymateuse. L’inhibition de cette cytokine s’est avérée efficace en bloquant les interactions entre le stroma et la tumeur et en limitant la progression tumorale du CHC. Finalement, les cytokines impliquées dans la régulation immunitaire comme MCP1 (Monocyte chemoattractant protein 1), RANTES (Regulated on activation, normal T cell expressed and secreted), CCL21 (C-C motif chemokine ligand 21), permettent la chimiotaxie, l’adhérence et l’activation de cellules inflammatoires (Friedman, 2008a; Mallat & Lotersztajn, 2013). Des études de profilage génique dans le CHC ont permis de constater l’importance des cytokines des lymphocytes T des sous-types Th1 et Th2 dans le microenvironnement adjacent au tissu tumoral et leur association avec les métastases (Budhu et al., 2006). Dans le CCI, des changements dans l’expression génique du stroma tumoral comparativement au microenvironnement du foie non tumoral ont permis de reconnaître des altérations importantes qui ont été corrélées avec l’agressivité du cancer (Sulpice et al., 2013). De plus, le sorafenib (inhibiteur de plusieurs récepteurs tyrosine kinase, PDGF et ERK), le seul

traitement systémique recommandé pour le CHC, résulte en une diminution de l’accumulation de collagènes, ce qui suggère une implication des voies de la tumorigenèse dans le remodelage de la MEC (Wang et al., 2010).