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Cas particulier de la rupture par matage

CHAPITRE I : ETUDES BIBLIOGRAPHIQUES

2 Partie B : cas particulier des assemblages boulonnés/rivetés : comportement hors plan

2.5 Les modes de rupture des assemblages composites boulonnés

2.5.1 Cas particulier de la rupture par matage

2.5.1.1 Présentation du phénomène

Ce mode de rupture résulte d'une accumulation de phénomènes d'endommagements de compression sur le bord du trou habité et chargé (McCarthy, Lawlor, Stanley, & McCarthy, 2002) et (Wang, Banbury, & Kelly, 1998). La rupture en matage est nécessairement associée aux modes de rupture microscopiques suivant :

 rupture des fibres,  fissuration de la matrice,  délaminage.

Dans une zone de contact entre deux pièces, le matage peut se décrire physiquement comme une déformation localisée de la matière lorsqu'elle est soumise à un champ de pression trop important.

Trois phases successives, illustrées sur la Figure 22, sont distinguées dans les études (Xiao & Ishikawa, 2005) et (Kelly & Hallström, 2004) :

 une première phase d'endommagement par écrasement du matériau sur la surface de contact,

 une deuxième phase, caractérisée par l'accumulation des endommagements matriciels et de décohésions fibres/matrice et l'apparition de bande de micro-flambement des fibres à 0°. Des fissures de cisaillement traversant plusieurs plis convergent deux à deux ou vers une surface libre pour initier des délaminages,

 enfin, la propagation instable des délaminages jusqu'à l’effondrement de l’éprouvette par perte d’intégrité du stratifié et basculement vers un mode de rupture brutal, le plus souvent en

Romain HAMONOU – Institut de Recherche en Génie Civil et Mécanique – Ecole Centrale de Nantes 43 cisaillement. Selon la géométrie de l’éprouvette et la capacité du stratifié à tolérer l’endommagement de compression en bord de trou chargé, ce basculement peut intervenir de façon plus ou moins tardive. La rupture en cisaillement peut être vue comme une rupture en matage suivie d’une phase de propagation des fissures de cisaillement. Ce phénomène se produit pour une configuration de géométrie et de drapage faiblement tolérante envers l’endommagement de compression sur le bord chargé du trou.

Figure 22 - A gauche, les trois phases de la rupture en matage, (a) écrasement de contact, (b) endommagement confiné sous les rondelles de serrage, (c) propagation de l'endommagement hors de la zone de serrage. A droite,

micrographie des dommages à 75 % de Fmax (Xiao & Ishikawa, 2005).

D'après (Xiao & Ishikawa, 2005), c'est la deuxième phase qui est affectée par le serrage. Les déformations hors plan sont contenues par les rondelles et l'endommagement est contraint de se développer dans le plan, pas par pas, jusqu'à saturation de l'endommagement sous les rondelles et une propagation des fissures hors de la zone serrée. En s’opposant à l’amorçage et à la propagation des délaminages, le serrage permet ainsi d'élever la résistance au matage apparente du matériau.

Des éléments supplémentaires sont à prendre en compte lorsque l'on étudie les assemblages boulonnés sollicités en fatigue : l'usure du trou, la fissuration des plis en cisaillement, le prolongement des délaminages etc. Les dommages thermiques sont plausibles en raison de la nature cyclique du mode de sollicitation. Il faut donc réfléchir à la fréquence de sollicitation. Dans la littérature, on peut noter que celle-ci dépasse rarement 10 Hz (Westphal, 2014).

Le phénomène de matage a été étudié par de nombreux auteurs et sur des thèmes spécifiques. Voici une liste des différents facteurs qui jouent sur le comportement en matage des stratifiés (McCarthy & Gray, 2011) et (Kelly & Hallström, 2004) :

 la géométrie des éléments composites,  la séquence d'empilement des plis,  les défauts de perçage,

Romain HAMONOU – Institut de Recherche en Génie Civil et Mécanique – Ecole Centrale de Nantes 44  la position de la rondelle d'appui,

 le jeu boulon/trou,  la nature de la résine.

Les grandeurs géométriques du stratifié interviennent dans le mode de rupture de l'assemblage, mais également au niveau de la contrainte dans le matériau composite.

2.5.1.2 Relations entre la géométrie du stratifié et le matage

Dans un assemblage boulonné, le mode de rupture et le niveau de contrainte sont directement liés à la géométrie du stratifié. La méthode la plus courante pour analyser ce facteur est d’évaluer la contrainte maximale en fonction des rapports géométriques du substrat : le rapport D/t (diamètre du trou divisé par l’épaisseur de la plaque), le

rapport D/w (le diamètre du trou, par rapport à la largeur de la plaque), et le rapport e/D où e est la distance jusqu’au bord libre de l’éprouvette.

 Le rapport D/t

Le paramètre prédominant concernant la tenue d’un assemblage au matage est l’épaisseur des plaques à assembler. La rupture du boulon peut être évitée en choisissant un diamètre pour celui-ci supérieur à l’épaisseur de la plaque. Ils existent plusieurs travaux dans la littérature sur ce sujet, dont ceux de (Munjal & Wilks, 1984) qui soulignent une augmentation de la résistance de l’assemblage de 14,5 % pour un passage du rapport D/t de 1 à 0,69 (diminution du diamètre à une épaisseur t constante). A l’inverse, lorsque le ratio D/t passe de 1 à 3 (augmentation du diamètre), la tenue de l’assemblage diminue d’environ 30 %.

 Le rapport D/w

Le ratio D/w influe sur la résistance de l'assemblage comme l'indique la Figure 23.

Romain HAMONOU – Institut de Recherche en Génie Civil et Mécanique – Ecole Centrale de Nantes 45 Nous remarquons pour des valeurs de D/w strictement inférieures à 0,2, que la rupture de l'ensemble a lieu par matage. De plus, nous observons également qu'au-delà d'un certain rapport D/w, il existe un seuil où la contrainte de matage sature et n'augmente plus. Lorsque la largeur de l'éprouvette n'est plus suffisante (D/w dépasse 0,5) un autre mode de rupture intervient, la traction nette. Le basculement entre ces deux modes de rupture est également lié à la géométrie du boulon, au serrage et à la dimension des rondelles.

 Le rapport e/D

Si ce rapport n'est pas suffisant, il est probable que l'éprouvette se rompe en cisaillement, en clivage ou encore en orthotraction/traction. La rupture par matage s'effectue lorsque le rapport e/D est important. Pour des stratifiés quasi-isotropes, il n'est généralement pas utile de dépasser la valeur de 3,5 pour le rapport e/D.

Figure 24 - Influence du rapport e/D sur la contrainte à rupture (Stellbrink, 1992).

2.5.1.3 Influence du serrage du boulon

De nombreuses études indiquent que le comportement en matage des composites s'améliore avec le serrage des assemblages boulonnés (Park H. J., 2001). D'autres travaux mettent en évidence l'intérêt de la présence d'une rondelle entre le mors métallique et l'éprouvette en composite afin de diminuer les concentrations de contraintes. Ces serrages "mixtes" révèlent trois zones d'endommagement :

 une première au niveau de la zone de contact boulon/paroi du trou,  une seconde située près de la zone de serrage,

 une troisième, extérieure à la zone de serrage qui apparaît lorsqu'il y a saturation de celle-ci.

La présence de rondelles sert à minimiser les déformations hors plan et favorise une propagation progressive de l'endommagement en compression dans ce même plan. Pour une sollicitation en fatigue, ce moyen technique permet alors de passer de modes d'endommagements catastrophiques à des modes d'endommagements progressifs et de retarder les délaminages.

Romain HAMONOU – Institut de Recherche en Génie Civil et Mécanique – Ecole Centrale de Nantes 46 Figure 25 - Evolution de la contrainte à rupture en fonction de la contrainte de serrage (Starikov & Schön, 2002).

2.5.1.4 Influences combinées de l’effort de matage et de l’effort passant

La rupture de l'assemblage dépend dans une large mesure du rapport entre l'effort de matage Fm et l'effort passant Fp. La résistance au matage est peu sensible aux efforts passants de traction. Une transition entre les modes de matage et d'élongation s'opère pour un certain ratio Fm/ Fp au-delà duquel la résistance en traction de l'assemblage croît linéairement lorsque l'effort de matage décroît. Les interactions sont plus complexes pour un effort passant de compression. Néanmoins, on observe toujours une transition entre rupture en matage et rupture dans la section nette.

Romain HAMONOU – Institut de Recherche en Génie Civil et Mécanique – Ecole Centrale de Nantes 47 Figure 27 - Courbe de matage standard d’un assemblage composite boulonné. La non-linéarité au début de la contrainte de matage est associée à une phase de reprise des jeux et de stabilisation de la surface de contact entre la

fixation et le trou.

2.6 Dimensionnement et modèles analytiques actuels des liaisons boulonnées