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Cartographier la tribu dans la ville : une conception problématique

FIGURE 1 : ÉTATS ET VILLES DU SAHARA

3. Cartographier la tribu dans la ville : une conception problématique

Lorsque l’on entreprend de cartographier la répartition des tribus au sein d’une ville, mieux vaut ne pas savoir à quoi l’on s’engage ; et lorsqu’il s’agit de le faire pour quatre villes, dont l’une - Kiffa - regroupe 50 000 habitants, soit près de 150 communautés tribales à identifier, réparties sur un continuum urbain de plus de 8 km de long, et que l’ensemble va vous occuper au moins deux années, mieux vaut être totalement inconscient. Dès le départ, pourtant, notre engagement dans une telle entreprise s’est avéré une évidence. D’une part, parce qu’il nous fallait préciser rapidement à qui nous avions affaire. Or, très vite, les informations recueillies auprès de nos interlocuteurs (habitants, administrateurs, hommes politiques) se sont contredites : il y avait de toute évidence un décalage entre les discours tenus et la réalité. S’agissait-il d’une simple question d e connaissance des structures sociales locales (on connaît bien sa communauté, très peu celle des autres) ? ou de perception (on ne visualise que ceux q u e l’on fréquente, c’est-à-dire d’abord son voisinage) ? S’agissait-il d’occulter à un Occidental une réalité bien prégnante, mais contraire au discours propagé par les autorités sur la “modernité” ? Fallait-il y voir une véritable stratégie politique (minimiser le “poids” des communautés concurrentes) ? Quoi qu’il en soit, il était nécessaire de procéder d’une autre manière pour “révéler” la tribu dans la ville ; mieux encore, en confectionnant par nous- même des cartes de répartition des communautés tribales dans l’espace urbain, nous pouvions ensuite confronter ces discours afin d’en préciser le sens.

D’autre part, il se trouve précisément que nous avions engagé, à l’occasion de notre maîtrise sur la ville de Douz, une première approche cartographique de la tribu, et que celle-ci avait montré combien elle pouvait être instructive en matière de décryptage des stratégies résidentielles et d e s dynamiques urbaines en cours. Or, à la même époque, à l’autre extrémité du Sahara tunisien, N. Puig (1997 : 84) annonçait, à propos de la ville d e Tozeur, “la désuétude du lignage et de sa projection au sol”. “Les liens

lignagers tendent à se dissoudre dans l’intégration croissante à l’ensemble urbain, ce que le quartier lignager masque en produisant un effet d’optique” (1997 : 87). La projection urbaine des ‘açabiyyât tribales ne serait donc qu’une relique formelle ? un legs de l’histoire et, de plus en plus, une vue d e l’esprit ? Était-ce simplement parce que l’auteur n’avait pas investi davantage le champ politique et l’articulation entre espace et tribu, privilégiant une approche socioculturelle ? ou bien parce que Tozeur et Douz n e répondent pas aux mêmes critères d’organisation et de fonctionnement ? Par conséquent, dans le cadre d’une étude comparée, il nous semblait opportun de nous emparer d’un tel sujet et de tester l’apport de la cartographie tribale à la compréhension des dynamiques urbaines. Or la confection d’une telle cartographie s’est révélée dès le départ doublement problématique : d’une part, parce qu’elle pose problème quant au choix de conception à faire et, d’autre part, parce qu’elle ne laisse pas de susciter de multiples questionnements scientifiques.

Si l’on observe les travaux qui ont tenté de cartographier la tribu en milieu urbain, tout particulièrement ceux réalisés par les géographes, ce qui surprend en premier lieu, et dans la quasi-totalité des cas, c’est l’absence d’explicitation des méthodes de collecte de l’information, mais, plus encore, celle du choix des critères d’identification et de représentation, comme si cartographier la tribu dans la ville allait de soi. Quelques exemples sélectionnés parmi nos lectures vont illustrer notre propos. Dans son étude sur les oasis libyennes, L. Eldblom (1968) présente une carte d e répartition communautaire de la cité de Ghadamès (cf. Figures 1 et 6). Cette représentation, bien que très soignée sur le plan graphique, pose trois problèmes majeurs. Tout d’abord, la représentation s’effectue par zones, ce qui, en l’absence de précisions dans le texte, suppose également une identification de la donnée par zones. Ce type de procédé, le plus courant, n e permet pas d’assurer la fiabilité de l’information, car, généralement, il résulte d’une identification “à l’économie”, réalisée auprès de quelques interlocuteurs “privilégiés”, c’est-à-dire la plupart du temps des chefs de quartiers ou d e lignages. Par conséquent, ce qui est cartographié ne correspond pas à l’inscription spatiale des lignages, mais à la représentation que ces chefs e n ont. Or cette vision, par ailleurs très intéressante à étudier en tant que telle, ne permet pas de rendre compte correctement des réalités socio-spatiales, n e serait-ce que parce qu’elle intègre la subjectivité de son auteur ou des choix tout à fait stratégiques de sa part. Sans doute cette subjectivité est-elle

Figure 6 : Ghadamès (Libye). Répartition communautaire Source : L. Eldblom, 1968.

inévitable, à plus fortes raisons lorsque l’on enquête en milieu tribal ; mais elle est ici d’autant plus préjudiciable à l’analyse qu’elle émane d’un nombre limité d’interlocuteurs. C’est donc l’ensemble de la représentation qui risque d’être très orientée. En outre, un tel procédé d’identification conduit généralement à une localisation approximative des données, parce que celle- ci s’effectue de manière globale, au domicile de l’interlocuteur ou à l’occasion d’une visite de la ville, et non de manière individuelle et parcellaire. Ensuite, cette représentation pose un problème de détermination des critères d’identification. Identifie-t-on l’appartenance tribale du propriétaire d e s lieux ? ou bien celle du chef de famille ? ce qui n’est pas la même chose ; car, si souvent les deux se confondent, il arrive pourtant que la propriété soit celle de la femme (un cas fréquent en Mauritanie), et que celle-ci ne soit pas ressortissante de la tribu de son mari. Quelle identité faut-il alors représenter ? Si l’on décide de représenter les deux identités, ce qui peut s e justifier, selon ce que l’on veut montrer, alors la représentation change d u tout au tout. Enfin, le troisième problème de cette cartographie porte sur l e choix des figurés ; il s’agit donc d’une question de lisibilité de la donnée. Avec pas moins de huit trames en noir et blanc, dont l’une (le souk) n e concerne en rien l’identification tribale, la lecture de l’information et son analyse deviennent délicates. Elles sont à la rigueur tolérables dans le cas d’une représentation par zones, mais s’avèrent totalement inappropriées dans le cas d’une représentation parcellaire (cf. infra).

Trois décennies plus tard (2000), M. Ben Attou fait réaliser une cartographie tribale de la ville marocaine de Guelmim (cf. Figures 1 et 7 ; non publiée), dans le cadre d’enquêtes effectuées par des étudiants en Licence d e géographie. Si le problème de la lisibilité de la donnée est résolu par l’usage de la couleur, les critères d’identification ne sont pas clarifiés, et la fiabilité des données représentées n’est pas davantage assurée. Car s’il s’agit bien d’appropriations foncières, les précisions obtenues de l’auteur ont confirmé qu’il ne s’agissait pas de propriétés collectives, mais d’appropriations individuelles. Autrement dit, ce qui est représenté correspond à l’identité tribale des propriétaires, qui sont dans la majorité des cas les résidents. Or supposons par exemple que certaines habitations soient de type collectif, ce qui est courant dans les villes marocaines : comment prendre en compte la superposition d’habitants, propriétaires de leur logement, dont l’identité tribale diffèrerait ? Est-on certain que les habitants de Guelmim se réduisent à quatre identités tribales différentes ? Si, en apparence, ces données tribales

Figure 7 : Guelmim (Maroc). Appropriation foncière tribale du sol urbain Source : M. Ben Attou, 2000.

semblent localisées - et donc identifiées - avec précision, en définitive, il s’agit simplement d’un effet visuel, lié à un fond cartographique qui distingue les rues et les îlots construits. La représentation est en effet tout aussi schématique et approximative que pour le cas de Ghadamès, dans la mesure où l’identification s’est faite ici à partir d’un panel de 500 habitants, lequel a ensuite permis des “extrapolations qui ont donné naissance à la carte des groupes dominants”. En effet, “la logique de disposition des tribus à l’intérieur de la ville a facilité l’extrapolation et, par là, l’élaboration de l a carte”15. Ce qui signifie qu’à partir d’une identification ponctuelle et partielle, et sur la foi des seuls habitants ciblés, l’auteur a fait procéder à l a délimitation d’aires de domination tribale. Or, s’il arrive que cette méthode conduise à une représentation à peu près conforme à la réalité (cas d e petites villes où les habitants se mélangent peu), dans la très grande majorité des cas, elle donne de la ville une image erronée, ségréguée, comme s’il était normal (la norme), ou “logique”, pour reprendre l’expression de M. Ben Attou, que des communautés tribales ne se mélangent jamais. Faut-il nécessairement que les ressortissants d’une tribu vivent groupés pour que leur ‘açabiyya existe ? O. Roy (1996) explique pourtant qu’une ‘açabiyya n’est pas forcément territorialisée ; elle peut être simplement en réseau. Pourquoi faudrait-il que “la logique des liens impose [toujours] une pratique des lieux” (Métral, 1989a : 165) ?

Ce procédé d’identification et de représentation par regroupements tribaux ne pose pas seulement un problème de méthode ; il est aussi à la base d’un véritable mode de pensée, celui qui présidait déjà à l’établissement de registres classificatoires par les administrateurs coloniaux. Il s’agit ici non de remettre en cause une tendance résidentielle a u regroupement par affinité tribale (nous verrons jusqu’où nous pouvons éprouver scientifiquement cette tendance), mais de ne pas en faire une donnée absolue et immuable, autrement dit, un dogme. La présence d’un seul individu “étranger” au cœur d’un quartier lignager peut totalement modifier le sens de l’analyse : ce qui pouvait être perçu comme une règle impérieuse (la défense d’un territoire, par exemple), tout à coup ne l’est plus. Nous verrons combien les configurations peuvent différer entre villes, ce qui nécessite, en tout état de cause, la réalisation d’une cartographie autrement plus précise que les exemples que nous venons d’évoquer.

Celle qui est présentée par O. Legros (1991) dans son mémoire d e maîtrise, au sujet de la petite ville tunisienne de Souk Lahad (cf. Figure 8), et qui donne l’impression d’une cartographie beaucoup plus fine, est e n réalité une figuration en trompe l’œil. Car l’observateur peu attentif serait tenté d’y voir une représentation tribale individualisée, c’est-à-dire une identification par foyers ; or il n’en est rien : l’auteur a procédé, là-encore, à une identification par zones d’implantation des fractions tribales, puis il a “garni” les espaces ainsi délimités par des figurés géométriques ; une manière de recréer manuellement une trame. La représentation est donc d e type zonal et non de type ponctuel, comme elle pourrait le laisser penser. Quant aux données de fond, est-on certain que les communautés représentées relèvent d’une même tribu ? Si tel n’est pas le cas, ces communautés sont-elles comparables ? Se situent-elles au même degré d’emboîtement de la structure tribale ? Dans la négative, pourquoi les avoir représentées à l’égal les unes des autres ? Le texte ne le précise pas.

Le résultat visuel de la cartographie produite par O. Legros est très proche de celui obtenu par N. Puig (1998) à partir de la ville tunisienne de Tozeur (cf. Figures 1 et 9), à cette différence près qu’il s’agit, dans ce dernier cas, d’une véritable identification par foyers. Mais là aussi, l a représentation ne peut donner entière satisfaction : elle est partielle (certaines implantations n’ont pas été identifiées) ; elle présente d e s erreurs graphiques (la représentation des commerces, à l’égal des données “ethniques”) ; elle indique l’identité des habitants par un figuré qui s e superpose approximativement à une parcelle, sans que l’on sache si l’identifié en est le propriétaire ou s’il s’agit simplement du chef de foyer, éventuellement locataire des lieux. On suppose également que les conjoints relèvent de la même communauté. Ces différentes lacunes se retrouvent sur la cartographie de la cité mauritanienne de Ouadane (cf. Figures 1 et 10), réalisée par M. Falcone (1996). Certes, la localisation des données gagne e n précision, l’identification étant parcellaire, mais sa lecture devient un véritable tour de force. Dans tous les cas qui viennent d’être présentés, les méthodes d’enquête, les critères précis d’identification et de représentation, voire leur combinaison éventuelle entre eux, ne sont jamais explicités, ce qui rend l’analyse très aléatoire.

Des travaux que nous avons pu recenser, seule la réalisation cartographique conçue par R. Bocco (1996) sur la localité jordanienne d’Al Hussainiyah (cf. Figures 4 et 4bis, pp. 28 et 29) mentionne un certain

Figure 9 : Tozeur (Tunisie). Structuration du quartier “Derrière le cimetière” selon l’origine ethnique des habitants – Source : N. Puig, 1998.

nombre d’informations indispensables à l’analyse d’un tel document : ce qu’elle représente (l’identité tribale du propriétaire de la parcelle) ; à partir d e quelle base sociologique (différents niveaux d’emboîtement de la structure tribale) ; selon quelle méthode (consultation des registres et des plans cadastraux). La représentation est précise et suffisamment lisible. Mais l a démarche de l’auteur n’est pas de procéder à une analyse spatiale. Or ce qui surprend le plus, de la part des géographes qui ont cartographié la tribu dans la ville, c’est précisément l’absence de véritable analyse spatiale établie à partir de ces cartes. Non pas que la tribu ne soit pas prise en compte dans l’analyse géographique ; en tant que force politique ayant un impact sur les affaires locales, la ‘açabiyya tribale apparaît de plus en plus dans les études géographiques, depuis le début des années 1990 tout particulièrement. De ce point de vue, la légende commentée qui vient enrichir la carte de Guelmim est bienvenue. Mais la tribu est rarement abordée dans sa projection au sol, telle que la cartographie la révèle, et dans les implications spatiales que cela induit : son importance numérique, comparée à son emprise foncière ou à son rôle politique local ; sa disposition relative aux autres groupes, comme facteur d’explication des phases de la croissance urbaine ou comme témoin de son intégration à l’espace urbain. Dans toutes ces études, la cartographie tribale ne délivre qu’un message : il y a des tribus dans la ville. Elle n’est p a s considérée comme un outil de l’analyse spatiale. Elle est ce qu’il convient d’appeler “une carte-alibi”. Or, de même que l’on parle d’un discours performatif, on ne peut ignorer la dimension performative de la cartographie tribale. Pour dépasser le stade de l’énoncé et entrer dans l’analyse, il nous faut donc préciser quelle méthodologie nous avons mise en œuvre et quels critères nous avons retenus pour aboutir à l’élaboration de nos propres cartes de tribus, que l’on consultera en fin de manuscrit (cf. Figures H-T : Tijikja, Kébili, Douz et Kiffa)16.

Au début de notre recherche, la question de la définition de critères d’identification précis ne s’est pas réellement posée, parce que ces critères résultaient de nos premières tentatives cartographiques sur la ville de Douz, et que cette dernière présente des caractéristiques tout à fait particulières. Dans cette ville tunisienne, en effet, toutes les “entrées” d’analyse possibles

16. Ces figures hors-texte ont été rangées dans un ordre qui facilite leur consultation (de la plus petite taille à la plus grande) et non dans l’ordre de leur traitement. Elles peuvent ainsi être maintenues dépliées les unes sur les autres et être facilement consultées pendant la lecture du manuscrit. Elles sont toutes présentées à la même échelle, afin d’optimiser leur comparaison.

coïncident : les familles sont, dans leur quasi-totalité, propriétaires d e leurs terrains d’habitation ; les conjoints sont pratiquement tous issus d e s mêmes tribus, des mêmes fractions de tribus, voire des mêmes lignages ; le propriétaire officiel de la parcelle est toujours le mari et la patrilocalisation est la règle absolue ; rares sont les propriétaires qui disposent de plusieurs parcelles ; le nombre de locataires est insignifiant ; il n’y a aucun habitat collectif à étages et les maisons à étages sont d’ailleurs encore rares dans l a ville. Par conséquent, quel que soit le critère d’identification privilégié, tous les autres lui correspondent, et la cartographie qui en résulte est exploitable de multiples manières. On peut en faire une analyse en terme d’emprise foncière, mais également en terme démographique : il suffit pour cela d e multiplier le nombre de parcelles identifiées par le nombre moyen d’enfants par foyer ; on peut se faire une idée du “poids” politique local de chaque communauté, si l’on part du principe que celui-ci dépend - en partie - de l a démographie et de l’emprise foncière de chacune dans la ville. On dispose d’un document très fiable pour procéder à une analyse spatiale.

D’un point de vue pratique, l’identification des individus en fonction d e leur identité tribale est grandement facilitée par le fait que les mélanges entre tribus ou fractions de tribus sont rares (cf. Figure H-T : Douz), que ces dernières sont peu nombreuses dans la ville et que tout le monde se connaît. En outre, les parcelles sont toutes parfaitement délimitées et bornées, et l’existence d’un plan d’aménagement permet une localisation et une représentation précise. Par conséquent, la collecte de l’information s’est faite, dans un premier temps, grâce au technicien municipal chargé d e l’aménagement urbain et de l’habitat, celui par lequel transitent tous les permis de construire de la ville, et qui sait - à quelques détails près - o ù passe la limite entre les implantations de deux fractions ou de deux lignages. Puis, dans un second temps, nous avons affiné ce repérage initial par regroupements tribaux, avec l’aide de quatre ou cinq “vieux” résidents d e chaque quartier et excellents connaisseurs des ressortissants de leurs communautés respectives. La vérification s’est faite au fil de nos missions, à chaque fois qu’une rencontre en fournissait l’occasion. D’ailleurs, l’identification d’une implantation “étrangère” (i.e., un ressortissant d’un autre lignage, d’une autre tribu ou qui n’est pas originaire des communautés locales) au sein d’un quartier lignager est d’autant plus aisée dans une ville comme Douz que les habitants ne se mélangent pas. Cette implantation est donc connue de tous et facilement localisable. Dans de telles conditions, l e

travail d’identification a pu se faire en grande partie chez l’habitant, plan d’aménagement en mains, et sa marge d’erreurs peut être considérée comme très faible. Dans une ville aussi “compartimentée”, rares sont ceux, en effet, qui passent à travers les mailles du filet. En somme, Douz est u n vrai cas d’école pour apprenti-chercheur.

Tout a changé lorsqu’il s’est agi de transposer une telle démarche a u cas mauritanien de la ville de Kiffa. Ce n’est pas tant la taille de la ville en soi - dont nous avons souligné l’étalement considérable et la démographie conséquente - qui s’est avérée être un problème, mais ce sont d’abord ses caractéristiques sociales et résidentielles. Dans cette ville, en effet, les “entrées” d’analyse évoquées précédemment ne sont plus forcément applicables à l’ensemble de la ville et ne coïncident plus toujours entre elles : les notions de résidence et de propriété foncière sont à géométrie variable, parce qu’une partie des habitants, sédentarisés depuis peu, quittent la ville pendant plusieurs mois pour rejoindre leurs campements d’origine, et parce que nombre d’entre eux se sont accaparés des terrains alors qu’ils n’en sont pas les propriétaires officiels ; au sein des familles, les conjoints sont fréquemment issus de tribus différentes ; lorsqu’il y a détention légale d’une parcelle par une famille, il arrive souvent que la femme en soit la propriétaire et, par conséquent, que ce soit son mari qui vienne habiter “chez elle” ; il est courant que certains habitants, des notables locaux principalement, possèdent un nombre considérable de parcelles, et le nombre de locataires n’est plus une donnée aussi insignifiante que dans la ville tunisienne. La seule variable réllement identique entre Douz et Kiffa concerne l’absence d’habitat collectif et le faible nombre de maisons à étages. Autrement dit, si