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1. Le système visuel

1.2. Organisation et fonction du système visuel

1.2.2. Cartes rétinotopiques et ségrégation visuelle

À travers les différentes connexions entre les structures du système visuel (la rétine, le CGL, les noyaux du SOA, le CS et le cortex visuel), les informations précises relatives à l’information visuelle perçue (emplacement, mouvement, direction d’un objet) vont être traitées. À cette fin, l’espace visuel a été cartographié, de la rétine jusqu’au cerveau. On parle de deux types de cartes dans le système visuel : les cartes rétinotopiques et la ségrégation visuelle, que nous détaillerons chez la souris dans les deux prochaines sections.

1.2.2.1. Cartes rétinotopiques

Les projections axonales terminales des cellules ganglionnaires de la rétine (CGRs) sont réparties topographiquement dans les structures sous-corticales. Notre compréhension de l'organisation rétinotopique dans les structures sous-corticales provient, en grande partie, d’expériences réalisées avec des injections intravitréennes de traceurs antérogrades au niveau des CGRs. Ces traçages antérogrades permettent d’identifier des zones de projections topographiques restreintes (Grubb et al., 2003; Pfeiffenberger et al., 2006; Xu et al., 2011). Par exemple, selon l’axe temporo-nasal dans la rétine, les CGRs projettent controlatéralement selon l’axe dorso-ventral dans le CGLd et selon l’axe médio-temporal dans le CS (Assali et al., 2014; Pfeiffenberger et al., 2006) (Figure 8). De même, une petite proportion de CGRs de cette même rétine projette du coté ipsilatéral au niveau du centre du CGLd et au niveau médian du CS (Figure 8).

Figure 8. Représentation schématique des cartes rétinotopiques au niveau du corps genouillé latéral et du collicule supérieur chez la souris.

Selon leur localisation spatiale dans la rétine et sous l’influence de molécules de guidage pendant le développement, les cellules ganglionnaires vont projeter sur des zones sous- corticales visuelles spécifiques. Abréviations : D, dorsal ; N, nasal ; V, ventral ; T, temporal ; L, latéral ; M, médial ; P, postérieur ; A, antérieur ; NO, nerf optique ; TO, tractus optique ; CGLd, corps genouillé latéral dorsal ; CS, collicule supérieur. (Adapté de (Assali et al., 2014)).

La formation des cartes rétinotopiques est en grande partie établie avant l’ouverture des yeux chez la souris au jour postnatal 10. Le développement des cartes rétinotopiques se fait en plusieurs étapes (McLaughlin et al., 2003; Simon and O'Leary, 1992). D'abord, les axones rétiniens projettent de façon non-spécifique dans l'ensemble des structures sous-corticales. Puis, des molécules de surface / de guidage, exprimées de façon complémentaire et selon des gradients précis dans la rétine et les structures sous-corticales, agissent comme guides pour les projections des CGRs (Drescher et al., 1995; Simon and O'Leary, 1992; Simon et al., 1992; Sitko et al., 2018; Sperry, 1963). Parmi les molécules de guidage assurant l’établissement de cartes rétinotopiques, on trouve les molécules de la famille des éphrines (McLaughlin and O'Leary, 2005). À la suite, s’opère une ramification des projections terminales au niveau de chaque structure. Enfin, d’après des enregistrements électrophysiologiques réalisés au niveau du CGLd, un raffinement final après l’ouverture des

yeux avec une réduction du nombre de CGRs innervant un neurone du CGLd a lieu (Chen and Regehr, 2000; Jaubert-Miazza et al., 2005). Par ailleurs, il semble que l’établissement de cartes rétinotopiques dépende également de l’activité neuronale intrinsèque des CGRs elles- mêmes avant l’ouverture des yeux. Au stade embryonnaire, chez le rat, les CGRs présentent une activité neuronale spontanée. Si cette activité est bloquée alors les terminaisons des projections des CGRs sur leur cible restent imprécises et non-raffinées (Galli and Maffei, 1988).

On retrouve également au niveau du cortex visuel une carte rétinotopique. Le transfert d'informations visuelles du cortex visuel primaire vers d’autres structures corticales représente une étape importante dans le traitement d’une information visuelle. La dynamique spatio-temporelle de l'activité neuronale dans le cortex visuel en réponse à des stimuli visuels peut être étudiée grâce à de l’imagerie in vivo (voltage-sensitive dye imaging ou VSD). Pour caractériser les propriétés spatio-temporelles des réponses visuelles, il est nécessaire d'utiliser des techniques capables de déterminer l'activité de grandes populations neuronales avec une excellente résolution spatiale et temporelle. Récemment, des chercheurs ont montré pour la première fois chez la souris que l’activation du cortex visuel et de ses aires corticales associées dépendent de la nature et de l’intensité d’un stimulus visuel (Polack and Contreras, 2012) (Figure 9).

Figure 9. Carte rétinotopique du cortex visuel primaire et des aires corticales associées. A. Cartes rétinotopiques en réponse à une stimulation visuelle représentée par une barre

horizontale traversant l'écran de haut en bas ou de bas en haut.

B. Carte rétinotopique en réponse à une stimulation visuelle représentée par une barre

verticale traversant l'écran de gauche à droite ou de droite à gauche. Abréviations : A, zone antérieure ; AL, zone antérolatérale ; AM, zone antéromédiale ; LI, zone intermédiaire

postérieure ; LM, zone latéromédiale ; P, zone postérieure ; PM, zone postéromédiale ; RL, zone rostrolatérale. (Adapté de (Polack and Contreras, 2012)).

1.2.2.2. Ségrégation visuelle : la vision binoculaire

Les yeux de la souris sont positionnés latéralement et non frontalement comme chez le primate. De fait, le champ visuel perçu par les deux yeux (champ binoculaire) n’est que de 40° contre 180° pour chaque œil individuellement (champ monoculaire) (Drager, 1975; Wagor et al., 1980). Par conséquent, environs 95% des axones des cellules ganglionnaires rétiniennes se croisent au niveau du chiasme optique, innervant l'hémisphère controlatéral. Seulement 3-5% des axones qui proviennent de la rétine ventro-temporale vont innerver le côté ipsilatéral (Drager and Olsen, 1980). Il est à noter que chez le primate, le ratio de fibres nerveuses décussant au niveau du chiasma optique est de 1 :1 (Drager and Olsen, 1980; Godement et al., 1984; Herrera et al., 2003; Petros et al., 2008) (Figure 10).

Figure 10. Représentation schématique de la binocularité chez la souris.

A. La position latérale de l'œil de la souris permet à chaque œil de voir des régions largement

non chevauchantes du champ visuel (champ monoculaire). Les deux yeux voient les 40° centraux de l'espace visuel (champ binoculaire).

B. Organisation des cellules ganglionnaires rétiniennes projetant des côtés controlatéral

projection controlatérale ; D, dorsal ; I, projection ipsilatérale ; N, nasal ; T, temporal ; V, ventral. (Adapté de (Seabrook et al., 2017)).

Dans le corps genouillé latéral et le collicule supérieur, les projections des deux yeux sont régionalisées et ségrégées (Rossi et al., 2001). Au niveau du cortex visuel, bien que dominé par les projections controlatérales, il existe une région recevant les informations perçues par les deux yeux et donc des projections ipsilatérales, c’est le cortex visuel primaire binoculaire (V1b). Le cortex binoculaire est important pour l’étude de la plasticité visuelle, notamment l’étude de la dominance oculaire. Par opposition, la région du cortex recevant les informations visuelles ne venant que de l’œil controlatéral est appelée cortex visuel primaire monoculaire (V1m) (Figure 11).

Figure 11. Représentation schématique de la ségrégation des projections visuelles chez le primate et la souris.

Chez la souris, le cortex visuel primaire (V1) est divisé en cortex monoculaire et binoculaire, recevant les informations via le corps genouillé latéral de l’œil controlatéral (contro) ou des deux yeux (ipsi/contro), respectivement. Zoom : Représentation schématique des axones thalamo-corticaux avec une arborisation au niveau des différentes couches du cortex visuel (C1-C6). Chez le primate, la ségrégation des projections du corps genouillé latéral est

différente, elles sont regroupées sous forme de colonnes de dominance oculaires (Adapté de (Priebe and McGee, 2014)).

Chez la souris, le cortex binoculaire représente une région d’environ 1/3 de la taille du cortex visuel primaire dans le même hémisphère (Drager, 1975; Gordon and Stryker, 1996; Wagor et al., 1980). Chez le primate, l’organisation est différente. Le cortex visuel est composé de petites colonnes s’étendant sur la totalité du cortex visuel dominées par les projections d’un œil ou de l’autre. Ainsi, les neurones répondant aux stimuli similaires du même œil sont regroupés dans des colonnes d'orientation et de direction similaires (Bonhoeffer and Grinvald, 1991; Weliky et al., 1996). Ce sont les colonnes de dominance oculaire (Hubel et al., 1977; LeVay et al., 1978). En revanche, chez la souris, aucune organisation en colonne prononcée n’existe dans le cortex visuel (Metin et al., 1988; Schuett et al., 2002; Van Hooser et al., 2005). Du fait d’une ségrégation visuelle spécifique, on retrouve ce même phénomène de dominance oculaire au niveau du cortex visuel avec une dominance de l’œil controlatéral sur l’œil ipsilatéral (Figure 11).