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Caractéristiques organisationnelles des services de physiothérapie 75

Chapitre 3 Résultats 50

4.1.   Caractéristiques organisationnelles des services de physiothérapie 75

L’offre de services. Sur un total de 145 centres hospitaliers recensés dans la province de Québec, 101 centres hospitaliers offraient des services de physiothérapie en clinique externe pour une clientèle majoritairement adulte et souffrant principalement de troubles musculosquelettiques. Les centres hospitaliers qui ont répondu à notre enquête provenaient de 17 des 18 régions sociosanitaires du Québec et ils étaient répartis dans les régions rurales, urbaines et semi-urbaines. Le détail des milieux exclus de l’étude, qui se retrouve à l’Annexe H, indique que 27 centres hospitaliers de la province de Québec ont été exclus puisqu’ils n’offraient pas de services de physiothérapie en clinique externe, ce

qui correspond à une proportion de 18,6% des 145 centres hospitaliers recensés. Les résultats obtenus en Ontario par Cook et al. [64] révèlent qu’une proportion similaire (environ 15%) de centres hospitaliers n’offraient pas de service de physiothérapie en clinique externe. Les auteurs de ce rapport de recherche concluaient d’ailleurs qu’il y avait une sous-utilisation des installations de santé dans l’offre de services en réadaptation physique. Ils suggéraient d’explorer les Community Health Centres (un type d’installation similaire aux CLSC au Québec) comme une alternative potentielle pour offrir des services en réadaptation physique [10, 64]. À notre connaissance, l’accessibilité des services de physiothérapie en CLSC n’a pas été documentée au Québec et elle pourrait faire l’objet de prochaines études.

Les services de physiothérapie en clinique externe étaient offerts dans différents domaines de pratique. La majorité des centres hospitaliers offraient des services de physiothérapie dans les domaines de l’orthopédie, la neurologie, la douleur chronique et la perte d’autonomie. Les services étaient offerts à des clientèles de tous les âges dans la majorité des centres hospitaliers. Les services de physiothérapie en clinique externe étaient offerts à la clientèle pouvant bénéficier d’une couverture d’assurance de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST)3 dans 56,7% des centres hospitaliers et de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) dans 22,7% des cas. L’organisme qui paie pour les services était d’ailleurs utilisé en tant que critère de priorisation par 36,2% des centres hospitaliers. Une enquête réalisée par le Protecteur du citoyen du Québec recommandait pourtant que les services de physiothérapie en clinique externe dans les centres hospitaliers soient offerts à toute personne qui y est admissible, « que cette personne soit accidentée de la route ou non » [212]. Selon nos résultats, cette recommandation ne serait pas prise en compte dans tous les centres hospitaliers du Québec. Dans son rapport annuel d’activité 2010-2011, ce même organisme faisait aussi

3 Le 1er janvier 2016, la CSST a fusionné avec deux autres organismes pour former la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Cette nouvelle appellation n’était pas en

mention de l’impact des couvertures d’assurances sur les services de réadaptation en clinique externe :

la coexistence du régime d’assurance hospitalisation avec les autres régimes publics d’assurance – notamment ceux de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) et de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) – a un impact sur la prestation de services de réadaptation […] Le Protecteur du citoyen concluait qu’une part de la population, notamment les personnes qui se présentent aux consultations externes, subissait une forme d’iniquité [101 p.95].

Cette forme d’iniquité quant à l’accès aux services s’explique du fait que les personnes qui se blessent au travail ou en voiture peuvent se voir rembourser en tout ou en partie les coûts des services de physiothérapie dispensés en clinique privée [101]. La trajectoire de services peut donc nettement différer si la blessure est survenue au travail plutôt qu’à la maison. En contrepartie, l’orientation des patients couverts par la CSST ou la SAAQ vers des ressources privées pourrait permettre d’améliorer l’accessibilité aux services pour les personnes qui ne sont pas couvertes par une assurance.

Les services de physiothérapie étaient offerts en accès direct dans seulement 4,1% des centres hospitaliers. L’accès direct en physiothérapie a pourtant été instauré au début des années 90 et depuis ce temps, la référence médicale n’est pas nécessaire pour y avoir accès [143]. Par contre, les conditions d’accès aux services de physiothérapie dépendent aussi de règles administratives établies dans chacun des milieux [213]. Nos résultats indiquent donc que, probablement en raison d’une politique interne, la référence médicale est toujours nécessaire pour accéder aux services de physiothérapie dans la grande majorité des centres hospitaliers. Cela pourrait désavantager les personnes qui n’ont pas de médecin de famille et qui représentent 21% de la population québécoise [214 p.35].

La priorisation des demandes de consultations. Nos résultats indiquent que la priorisation des demandes de consultation est une pratique largement répandue dans les services de physiothérapie en clinique externe dans les centres hospitaliers au Québec, une observation similaire à ce qui a été rapporté en Ontario et en Australie [22, 103]. Notre

enquête révèle que la raison de consultation était à la fois le critère de priorisation le plus fréquemment utilisé (par 98,9% des centres hospitaliers), mais aussi le critère considéré comme le plus important par 75,5% des responsables de la gestion des listes d’attente. En Ontario, c’était plutôt le stade de la condition (p. ex. condition aiguë ou chronique) qui était le critère de priorisation le plus utilisé [22]. Notre enquête a permis de documenter l’utilisation de certaines méthodes de priorisation, notamment la priorisation qui inclut une évaluation initiale et une intervention. Près du quart des centres hospitaliers utilisait toujours cette méthode afin de prioriser les demandes de consultations, alors que le tiers ne l’utilisait jamais. Ces résultats témoignent de la variabilité importante quant au processus de priorisation pour les services de physiothérapie en clinique externe au Québec, un constat qui correspond à ce qui a été démontré dans d’autres études sur la priorisation des demandes en physiothérapie et en ergothérapie [15, 22, 112].Selon Lewis et al. [84], une telle variabilité dans le processus de priorisation pourrait compromettre l’équité d’accès aux services de santé.

Les pratiques cliniques en lien avec l’accessibilité. À l’exception de l’enseignement de stratégies d’autogestion (70,1%), chacune des autres pratiques cliniques recensées (p. ex. interventions de groupe, critères de congé standardisés, etc.) était utilisée par moins de 40% des centres hospitaliers. Nos résultats diffèrent légèrement de ceux obtenus par Passalent et al. [22] en Ontario, où 85% des milieux utilisaient des stratégies d’autogestion et environ 45% utilisaient des interventions de groupes. Dans cette étude, la majorité des répondants considéraient ces deux types de pratique clinique comme efficaces pour réduire le temps d’attente. À l’inverse, les interventions de groupes étaient une pratique plus répandue que l’enseignement de stratégies d’autogestion dans les cliniques externes de physiothérapie au Royaume-Uni [21], et ces deux pratiques étaient jugées peu efficaces. Ainsi, les pratiques cliniques en lien avec l’accessibilité étaient peu fréquemment utilisées par les services de physiothérapie en clinique externe au Québec, et l’efficacité de ces pratiques à réduire le temps d’attente ne semble pas faire consensus dans la littérature scientifique.

Les stratégies administratives en lien avec l’accessibilité. Les stratégies administratives les plus utilisées étaient les politiques en cas d’annulation ou d’absence (99,0%) et la redirection des patients vers un autre milieu (86,6%). Ces deux stratégies étaient aussi parmi les stratégies les plus utilisées par les services de physiothérapie en clinique externe en Ontario et au Royaume-Uni [21, 22]. Cependant, les évidences divergent quant à l’efficacité de ces stratégies à gérer les listes d’attente [21, 22]. Selon nos résultats, les balises de temps d’attente maximum étaient utilisées par environ le tiers des services de physiothérapie, ce qui confirme que cette stratégie est peu fréquemment utilisée pour les services de réadaptation physique [22, 106].

Les ressources professionnelles en physiothérapie. En moyenne, les services de physiothérapie en clinique externe offerts dans les centres hospitaliers du Québec étaient prodigués par 2,82 physiothérapeutes, 1,52 thérapeute en réadaptation physique et dans plus de la moitié des centres hospitaliers, par un préposé en physiothérapie. Les moyennes de physiothérapeutes en équivalent temps complet (ETC) observées dans notre étude sont comparables à celles observées en Ontario (environ 2 ETC) [64], mais moindres que celles rapportées plus spécifiquement dans la région métropolitaine de Toronto (6,9 ETC) [13]. Plus du tiers des répondants à notre enquête ont rapporté une diminution du nombre de professionnels de la physiothérapie au cours des trois dernières années. Selon nos résultats, il est très peu probable que cette diminution s’explique par une difficulté à recruter de professionnels puisque seulement 7,2% des milieux avaient un poste vacant en physiothérapie. Considérant que le nombre de demandes de consultation en physiothérapie était à la hausse dans la majorité des milieux ayant répondu à notre enquête, la diminution du nombre de professionnels en physiothérapie pourrait mener à un déséquilibre entre les ressources et la demande pour ces services [7]. Il est important de rappeler que le manque de ressources humaines est une des principales raisons évoquées pour expliquer les problèmes de temps d’attente pour les services de physiothérapie en clinique externe [21, 64].

En résumé, nos résultats suggèrent que l’offre de services de physiothérapie en clinique externe serait sous-optimale, alors que plusieurs centres hospitaliers n’offrent pas ce type de services. Nos résultats indiquent aussi que la priorisation des demandes de consultations en physiothérapie est une pratique très répandue, mais très peu standardisée, étant donné la variabilité des méthodes utilisées dans les centres hospitaliers. Dans l’ensemble, les stratégies administratives sont plus fréquemment utilisées que les pratiques cliniques en vue d’améliorer l’accessibilité. Enfin, une réduction des ressources professionnelles en physiothérapie au cours des trois dernières années a été rapportée par une proportion substantielle de répondants.

4.2. Les listes d’attente et les temps d’attente pour les services