• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 Introduction 1

1.4.   Caractéristiques organisationnelles en lien avec l’accessibilité aux services de

1.4.4.   Allocation des ressources 31

Un manque de ressources professionnelles serait l’une des deux principales raisons évoquées par les gestionnaires pour expliquer le problème des listes d’attente pour les services de physiothérapie en clinique externe, l’autre raison étant la hausse des demandes de références [21, 64]. Par conséquent, l’embauche de cliniciens supplémentaires serait considérée comme une stratégie très efficace pour réduire le déséquilibre entre les ressources et les demandes et pourrait avoir un effet positif à long terme sur le temps d’attente [22, 28]. Par contre, cette stratégie serait dépendante des ressources financières et c’est possiblement pour cette raison qu’elle était peu utilisée dans les services de physiothérapie en clinique externe [22]. Par ailleurs, mobiliser des ressources supplémentaires temporairement afin de procéder à un blitz de prises en charge avait peu d’effet à long terme sur le temps d’attente, qui avait tendance à revenir à son niveau initial après la fin de l’affectation des ressources temporaires [28, 84, 85].

Le recours à des assistants ou des préposés en physiothérapie était aussi une méthode jugée très efficace par les gestionnaires pour réduire le temps d’attente en Ontario [22]. La réduction des postes de cliniciens et la hausse des demandes auraient favorisé

l’implantation des préposés en physiothérapie [157]. En plus d’assister le physiothérapeute ou le thérapeute en réadaptation physique dans leur travail, les préposés peuvent réaliser eux-mêmes certaines interventions auprès du patient, généralement sous supervision [158, 159] et peuvent jouer un rôle important dans l’allocation des services de physiothérapie [157]. La supervision de stagiaires serait aussi une stratégie permettant d’augmenter la productivité au sein des services de physiothérapie, selon certaines études [160-162].

Tel que mentionné précédemment, l’allocation des ressources professionnelles dans les établissements publics au Québec est influencée par des considérations budgétaires [64 p.16]. Les établissements doivent répartir leur budget entre les différents services, ce qui contraint les gestionnaires à prendre des décisions en matière d’allocation des ressources.

1.4.4.1. Décision en matière d’allocation des ressources

Dans un contexte de contraintes budgétaires, les gestionnaires du système de santé doivent prendre des décisions au regard de l’allocation des ressources en tenant compte de plusieurs facteurs. Les concepts d’équité et de besoin sont souvent mentionnés par les décideurs, mais ils se mêlent à plusieurs autres considérations : effet thérapeutique, ratio coût-bénéfice, sécurité, qualité de vie, efficacité, efficience, faisabilité, facteurs administratifs et politiques, opinion publique et disponibilité des ressources [163]. Ainsi, la place de la physiothérapie dans le système de santé public peut être considérée sous plusieurs angles, à partir d’informations et de critères variés. Dionne et al. [55] ont présenté une analyse des bienfaits de la physiothérapie réalisée par l’Association canadienne de physiothérapie comme un exemple d’application du modèle d’analyse décisionnelle multicritères (ADM). L’ADM, ou multi-creteria decision analysis, est un processus de décision clinique qui aide les gestionnaires et administrateurs à établir des priorités dans un contexte donné [164]. La première étape de ce processus est d’établir et définir les critères qui guideront la prise de décision [55]. Ces critères peuvent inclure, par

exemple, la satisfaction du patient et du clinicien, l’équité des services, l’efficacité, les défis d’implantation et les impacts potentiels sur l’utilisation ultérieure de services de santé. La deuxième étape du processus d’ADM est de considérer les alternatives possibles au service évalué. La troisième étape consiste à évaluer et coter le service et ses alternatives en fonction de chacun des critères établis à la première étape. À la quatrième et dernière étape, les alternatives sont ordonnées selon leur score global et des recommandations sont énoncées en fonction de cette liste [55]. Lorsque ce processus a été appliqué à l’évaluation de la physiothérapie pour les conditions musculosquelettiques, les évidences suggèrent que ce service serait d’une grande valeur, qu’il favoriserait efficacement la récupération suite à une blessure et qu’il pourrait réduire les coûts de santé [55].

Un autre cadre de référence peut guider les gestionnaires et les décideurs dans leurs prises de décisions en matière d’allocation des ressources. Le concept d’accountability for reasonableness [165] est basé sur quatre principes : 1) rendre les décisions et leurs justifications accessibles au public (publicity condition), 2) baser ces justifications sur les évidences et sur un consensus obtenu auprès de tous les groupes d’intérêts, incluant les gestionnaires, les cliniciens, et les patients (relevance condition), 3) instaurer un processus de révision des décisions en cas de contestation (appels condition) et 4) règlementer les prises de décisions afin d’assurer le respect des trois premières conditions (enforcement condition). Ce cadre a d’ailleurs été utilisé dans les analyses de processus d’établissement de priorités en santé au Canada et ailleurs dans le monde [166]. Dans les analyses qualitatives de Kapiriri, Norheim et Marin [167] et de Menon et al. [168], des mesures concrètes faisant référence aux conditions de l’accountability for reasonableness ont été identifiées : être attentif aux préoccupations du public, laisser place aux discussions et aux débats pour favoriser un consensus, répondre aux contestations des décisions, avoir un processus structuré et objectif (c.-à-d. basé sur les évidences, sans favoritisme, apolitique, valide et explicite), etc. Malheureusement, bien qu’elles soient reconnues par les organisations de santé, ces conditions étaient rarement appliquées en pratique dans les contextes de prises de décisions [166, 168].

Réaliser un tel processus de prise de décision en matière d’allocation des ressources peut représenter une démarche pertinente et transparente, mais encore faut-il que les ressources professionnelles soient disponibles. Les régions rurales, par exemple, font parfois face à des pénuries de professionnels de la santé, ce qui peut compromettre la prestation des services. Afin d’améliorer l’accessibilité aux services de santé dans les régions rurales, une des recommandations du rapport Romanow [60 ch.7] était d’investir dans l’attraction et la rétention des professionnels de la santé, d’amener les étudiants en santé à expérimenter la pratique en milieu rural et de développer des approches novatrices de télésanté.