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Caractéristiques liées à la dimension multiutilisateur

Chapitre 2 : Etat de l’art des notations

1 Caractéristiques des notations

1.3 Caractéristiques liées à la dimension multiutilisateur

La dimension multiutilisateur d’un système interactif introduit plusieurs éléments qui doivent être considérés lors de la conception. Cette section aborde dans l’ordre : la modélisation de la coopération et de la collaboration entre les utilisateurs, la modélisation des objets partagés entre les utilisateurs et enfin, la répartition spatiale et temporelle des utilisateurs.

1.3.1 Coopération et collaboration

Nous avons présenté au Chapitre 1 section 1.3 la distinction entre activité coopérative et collaborative. Ainsi, une activité coopérative implique une répartition du travail a priori entre les participants, tandis que l’activité collaborative implique une répartition dynamique du travail. Ainsi, la répartition du travail entre les participants ne peut être décrite lors de la conception dans le cas d’activités collaboratives tandis qu’elle peut l’être pour des activités coopératives.

Les notations CTT [Paterno 1999], K-MAD [Lucquiaud 2005, Baron 2006], MABTA [Lim 2004] et GTA [Veer 2000] entre autres, permettent de décrire les activités coopératives. Dans le cas de la notation CTT, l’activité coopérative est représentée par la description conjointe d’un arbre de tâches coopératives avec plusieurs arbres de tâches individuelles. D’autres notations telles que CUA [Pinelle 2003] et CIAN [Molina 2006] introduisent le concept de tâche collaborative pour modéliser les activités collaboratives.

La spécification de l’interaction multiutilisateur qu’elle soit coopérative ou collaborative est un point central de notre étude. Nous portons donc un intérêt particulier à la capacité des notations à exprimer la coopération et la collaboration. Les deux sections suivantes décrivent en détail les concepts utilisés pour décrire l’une et l’autre.

1.3.2 Coopération

La coopération implique une division du travail entre des participants ayant des responsabilités données. Pour exprimer la responsabilité de la réalisation d’une partie du travail, les notations font intervenir le concept de rôle. Un rôle est ainsi défini comme un ensemble de responsabilités qui peuvent être endossées par un utilisateur. Un utilisateur jouant un rôle est qualifié d’acteur.

Ainsi, la notation CTT [Paterno 1997, Mori 2002] permet d’associer des rôles aux tâches d’un arbre de tâches coopératives, et un arbre de tâches individuelles est associé à chaque rôle. La notation K-MAD [Lucquiaud 2005, Baron 2006] quant à elle propose de décrire séparément les utilisateurs et le rôle qu’ils jouent, puis d’associer les utilisateurs aux tâches de l’arbre. D’autres notations, tels que TOUCHE [Penichet 2006], CIAN [Molina 2006] et TaskMODL [Treatteberg 2002] proposent de décrire d’une part les rôles, les acteurs et leurs relations dans une représentation appelée sociogramme (ou diagramme organisationnel), puis d’associer ces rôles au sein des modèles de tâches. La notation TOUCHE introduit également dans son sociogramme la possibilité de décrire des tâches coopératives qui relient deux rôles. Enfin, la notation MABTA [Lim 2004] offre la possibilité de diviser son modèle de tâches en colonnes, où chaque colonne correspond à un rôle.

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Chapitre 2 : Etat de l’art des notations

Certaines des notations, telles que la notation GTA [Veer 2000], considèrent qu’un rôle n’est pas nécessairement joué par un utilisateur. C’est pourquoi GTA définit la notion d’Agent qui peut être un utilisateur ou un agent logiciel et peut jouer un rôle. La notation CIAN [Molina 2006] reprend le concept d’agent dans la description de son sociogramme, mais le limite à la notion d’agent logiciel. Ainsi, le concept d’acteur dans la notation CIAN concerne uniquement des utilisateurs.

1.3.3 Collaboration

Actuellement, peu de notations permettent la modélisation de la collaboration entre des utilisateurs même si le terme de tâche collaboratives ext explicitement utilisé. Par exemple la notation CTML (Collaborative Task Modeling Language) [Wurdel 2008a] propose de décrire la collaboration de tuples formés d’un ensemble de rôles, d’un ensemble d’acteurs, d’un ensemble de tâches collaboratives (un ensemble pour chaque rôle) et d’un ensemble d’objets du domaine. Les tuples sont utilisés pour simuler l’utilisation de l’application au sein de parcours d’arbres. Dans ce cadre, la définition est conforme à celle de la collaboration puisque elle se réfère à l’exécution des tâches, c'est-à-dire aux cas où les éléments du tuple sont alors connus. Néanmoins elle ne correspond pas à la définition de la collaboration si on se place dans le cadre de la description à priori de l’interaction, ce qui est l’objet de notre démarche. De ce point de vue, CTML ne permet pas de décrire la collaboration.

Nous notons néanmoins deux notations : CIAN [Molina 2006] et CUA [Pinelle 2003] qui explicitent de façon assez similaire la collaboration.

La notation CIAN [Molina 2006] utilise le concept de tâche collaborative en complément du concept de tâche coopérative. Pour CIAN, une tâche collaborative est une tâche abstraite (elle-même décomposée en sous-tâches) à laquelle sont associés un ensemble de rôles participant à la collaboration. La décomposition en sous-tâches ne fait apparaître aucun rôle conformément à la définition.

La notation CUA [Pinelle 2003] propose également d’utiliser le concept de tâche collaborative, selon une approche similaire à celle de CIAN. Néanmoins, CUA introduit en plus un ensemble de mécanismes de collaboration, qui référencent des primitives de collaboration possibles entre des utilisateurs. Ces mécanismes de collaboration peuvent être associés aux feuilles d’un arbre de tâches CUA, et décrivent les possibilités de collaboration entre les utilisateurs.

1.3.4 Objets partagés

Nous avons évoqué plus haut que le concept d’objet de la tâche est présent dans la plupart des notations. Dans le cadre d’applications multiutilisateur, de nombreux objets sont partagés entre les utilisateurs. Ces objets peuvent être soit utilisés directement par les utilisateurs lors de l’interaction, soit servir de support à la présentation d’informations permettant d’assurer la conscience des autres et de leurs actions.

La notation CIAN [Molina 2006] propose d’associer à une tâche coopérative ou collaborative donnée, un ensemble d’objets qui sont partagés entre les utilisateurs. Il s’agit ainsi de décrire des classes d’objets partagés mais également des instances. Pour chaque instance, il est possible de décrire si l’objet est créé par la tâche, ou s’il fait l’objet de modifications lors de la réalisation de la tâche. Pour compléter cette description, CIAN propose de décrire la dimension du partage pour chacun de ces

objets vis-à-vis de l’interface. Ainsi, un objet peut être présenté et manipulé en parallèle sur des espaces de travail à destination du groupe, présenté et manipulé en parallèle sur des espaces de travail individuels ou être partagé mais n’être modifiable qu’à tour de rôle.

La notation TaskMODL [Treatteberg 2002] permet également de décrire les objets partagés qui sont utilisés lors de la réalisation des tâches. Comme pour CIAN, il est possible de décrire des classes d’objets et des instances. La notation propose également de modéliser le lien d’utilisation d’instances d’objets entre deux tâches de l’arbre. Ainsi lorsque qu’un objet est créé suite à la réalisation d’une tâche et associé à la réalisation d’une autre tâche de l’arbre, un lien peut être décrit et porter mention de l’instance d’objet qui est manipulée par les deux tâches. Notons que la notation TaskMODL propose également de décrire le modèle de dialogue des interacteurs qui composent l’interface, sous la forme de diagrammes d’état-transition hiérarchiques. Ces descriptions complémentaires peuvent permettre de décrire le changement d’état d’un objet lors de la réalisation d’une tâche.

La notation NUAN [Venema 1999] permet quant à elle de décrire lors de séquences d’action-réaction les modifications d’état des objets partagés aussi bien pour l’utilisateur qui les manipule que pour les autres utilisateurs.

Enfin, la notation UML-G [Rubart 2004] se focalise sur la modélisation des objets partagés, et propose de décrire la politique de contrôle d’accès, de modification et de distribution sur les objets. Il est ainsi possible de décrire qu’un utilisateur peut poser un verrou sur un objet afin de le modifier. Il est également possible d’indiquer si les modifications d’un objet par un utilisateur entraînent une notification de ces modifications aux autres utilisateurs. Ceci est utile pour décrire l’observabilité et les moyens mis en œuvre pour la conscience de groupe. Par ailleurs, la distribution d’un objet entre des utilisateurs peut être décrite comme étant centralisée ou répliquée.

Pour notre analyse des notations existantes, nous considérons la capacité d’une notation à décrire les objets qui sont partagés entre les utilisateurs. Nous précisons aussi les extensions proposées par les notations pour décrire plus finement ce partage d’objets, comme les aspects liés à l’observabilité.

1.3.5 Répartitions spatiale et temporelle des utilisateurs

Un système coopératif ou collaboratif peut être utilisé de manière synchrone ou asynchrone, et de manière co-localisée ou distante par les utilisateurs. Selon les notations, il est possible de spécifier ou non la localisation des utilisateurs et l’aspect synchrone de l’interaction.

Une notation comme Orchestra [David 2006] permet de décrire la synchronisation temporelle sous la forme de situations d’utilisation. En effet, une situation regroupe des utilisateurs dans un espace de temps donné, ce qui exprime l’aspect synchrone. La description des situations d’Orchestra fait également intervenir la notion de contexte d’utilisation qui fixe, entre autre, le lieu de l’interaction pour les utilisateurs. C’est dans ce cadre qu’il est possible d’exprimer la co-localisation des utilisateurs ou la distance entre les utilisateurs.

Dans les autres notations, l’aspect de synchronisation entre les utilisateurs est implicitement décrit par le concepteur sans que des artéfacts particuliers ne soient proposés. Ainsi des tâches CTT [Mori 2002], CIAN [Molina 2006] ou TaskMODL [Treatteberg 2002] peuvent être liées par une dimension synchrone forte. Pour cela, le concepteur peut décrire au sein d’un même arbre de tâches l’ensemble

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Chapitre 2 : Etat de l’art des notations

des interactions se situant dans un même lieu, ou se déroulant au sein d’une période de temps donnée. De la même manière, les notations CIAN [Molina 2006] et TOUCHE [Penichet 2006] permettent de décrire des groupes dans leurs sociogrammes qui peuvent être utilisés pour décrire le caractère synchrone ou la localisation. Ainsi, un groupe nommé « participant à une réunion » indique une dimension de synchronisation, et un groupe nommé « utilisateurs d’une table tactile » indique une dimension spatiale.