• Aucun résultat trouvé

Caractérisation des différences de transcription de l'ADNr entre ES et les cellules de type

Chapitre 4 : Caractérisation de la transcription ribosomique dans des cellules

4.3. Résultats

4.3.4. Caractérisation des différences de transcription de l'ADNr entre ES et les cellules de type

l'ADNr entre ES et les cellules de type fibroblaste

Afin de vérifier cette nouvelle hypothèse nous avons essayé de déterminer différents paramètres de la production des ARNr dans les deux lignées cellulaires que sont les NIH3T3 et les E14. Dans des cellules en culture, un des paramètres mesurable est la quantité d’ARN ribosomique généré à chaque réplication. En effet, à chaque division, une cellule doit doubler sa quantité d’ARN, et donc mesurer la durée du cycle cellulaire est un bon moyen d’estimer la productivité nécessaire en ARNr. La durée du cycle cellulaire mesurée est de 20.6 heures pour les cellules NIH3T3 et de 12.6 heures pour les cellules E14 (figure 4.11A).

Étant donné la différence significative de temps, nous avons choisi de prendre en compte la durée du cycle cellulaire moins 60min (Cooper 2000) durant lesquels la mitose empêche la transcription ribosomique (Fan, H., Penman 1971) et qui est considérée comme fixe entre nos deux lignées cellulaires. L'ARN total pour chaque lignée cellulaire a été extrait, précipité puis dosé par spectroscopie (nanodrop et QuBit). De manière surprenante en raison de la taille apparente des cellules (Embryonnaire très petite comparés aux cellules NIH3T3), les cellules E14 contiennent plus d'ARN que les cellules NIH3T3 dans nos conditions avec respectivement 20pg et 16pg RNA / Cellule (figure 4.11B). Environ 80% du total d'ARN dans une cellule est l'ARN ribosomique ce qui fait pour nos lignées: 16pg/cellule pour les cellules E14 et 12.8pg/cellule pour les NIH3T3.

Figure 4-11 : Mesure de la durée et de la quantité d’ARN par type cellulaire. A.

Duré d'un cycle cellulaire dans des cellules NIH3T3 et des cellules E14. Moyennes de 3 expériences indépendantes, la barre rouge représente la déviation standard de la mesure. B. Mesure de la quantité d'ARN par cellules dans des cellules NIH3T3 et des cellules E14. Moyennes de 3 expériences indépendantes, la barre rouge représente la déviation standard de la mesure.

Comme calculé dans le tableau 4, la quantité de transcription nécessaire pour permettre la division dans les cellules E14 est de 6.8x105nt/s

(nucléotides/secondes) et de 3.24x105nt/s pour la lignée NIH3T3. Comme 0 3 6 9 12 15 18 21 24 12.6 20.6

Temps de doublement (Heures)

A

NIH3T3

E14

0 6 12 18 24 20.0 16.1 pgARN/Cellule

B

NIH3T3

E14

mentionné dans la première partie, tous les gènes ribosomaux ne sont pas actifs à un même moment. La quantification de l'incorporation au psoralène montre que 91% des gènes d'ARNr dans les cellules E14 sont actifs et seulement 29% dans les NIH3T3. De plus, si l’on considère que les cellules de souris possèdent environ 400 copies du gène ribosomique par génome diploïde on obtient une quantité de gènes transcrits dans une population de cellules données.

Figure 4-12 : Expérience de marquage métabolique par de l'uridine marqué au 3H

(le marquage des temps 2.5 à 30 a été réalisé avec 3 fois plus de 3H-UTP que pour

les temps supérieurs). Chaque gel a été réalisé en duplicata et chaque expérience a été réalisée en duplicata également.

Prenant en compte ces paramètres, chaque gène "actif" doit être transcrit à la vitesse de 1.87x103 nt/s pour les cellules E14 et 2.79x103 nt/s pour les

cellules NIH3T3. Par marquage métabolique, nous avons mesuré les vitesses d'incorporation d'UTP marqué avec du 3H (figure 4.12). Ce marquage permet

d'obtenir la vitesse moyenne d'élongation d'une polymérase en transcription (V. Stefanovsky et al. 2006) et en conséquence, de calculer le temps de synthèse d'un ARNr (voir matériel et méthode). Les mesures suggèrent un temps de production de l'ARNr de 8 min pour les cellules E14 et 10 min pour les cellules NIH3T3. En rapportant ce temps à la taille des ARNr on obtient une vitesse d'élongation de 22.34 nt/s pour les cellules NIH3T3 et de 28 nt/s pour les cellules E14. Ces

données sont similaires à celle observée chez la levure (Zenklusen, Larson, and Singer 2008) mais significativement moins que la vitesse maximale mesurée dans la lignée NIH3T3 après activation de la transcription par ajout de sérum après une période de privation (V. Stefanovsky et al. 2006).

Si l'on rapporte ce chiffre à la vitesse de transcription calculée par gène on obtient: 67 PolI/gène pour les cellules E14 et 125 PolI/gène pour les cellules NIH3T3. Les différentes expériences issues de la technique d'étalement de Miller spread (O. L. Miller and Beatty 1969) ont toutes montré la célèbre structure en "arbre de noël" spécifique à la transcription des ARNr.

Tableau 4 : compilation des résultats de marquage métabolique, cycle cellulaire,

quantité d'ARN par cellule, Activité globale et nombre de polymérase par gène. Le calcul pour passer de F à G est détaillé dans le matériel & méthodes.

Ces clichés permettent d'évaluer, dans des cellules de souris, un nombre de PolI en transcription d'environ 125 également proche du nombre de 1 PolI par 100 nucléotides estimé vis-à-vis de la capacité maximale de chargement des gènes d'ARN ribosomiques (taille du gène/100) (Grozdanov, Georgiev, and Karagyozov 2003). En tenant compte du profil obtenu par ChIP-seq dirigé contre PolI, il est raisonnable de faire l'hypothèse que la situation dans les cellules

E14 NIH3T3

taille de l’ARNr 47S [A] Secondes par ARN 47S [B]

Vitesse d’élongation (nt/s) [C]= [A]/[B] ARNr/Cell (pg) [D]

Cycle cellulaire (hours) [E]

Production d’ARN (pg/hours) [F]= [D]/[E] Production Nécessaire (nt/s) [G]

Gènes actifs(Psoralen) (%) [H] Activité globale [I] = 400*[H]/100 Ratio Prod/gène (nt/sec) [J] = [G]/[I] Nombre de Poll /gene [K]=[J]/[C]

13,403.00 13,403.00 480.00 600.00 28 22 16 12.88 11.60 19.60 1.38 0.66 6.80E+05 3.24E+05 91 29 364 116 1,867 2,791 67 125

NIH3T3 représente uniquement des gènes transcrits suggérant ainsi que tous les gènes actifs sont transcrits et, par association, que ces gènes possèdent la protéines UBF. Deuxièmement, la situation de la transcription ribosomique dans les cellules ES est différente de celle dans les cellules fibroblastiques en partie par la quantité d'ARNr générée par gènes. Une première interprétation peut être que tous les gènes actifs sont transcrits et dans ce cas la différence vient de la quantité de PolI chargée sur chaque gène. Cette hypothèse suggère également que l'initiation peut être différente entre les deux types cellulaires.

La deuxième hypothèse est que seulement une partie des gènes actifs sont transcrits mais ils le sont de la même manière que dans les fibroblastes. Cette hypothèse parait moins probable en raison de la différence des signaux de ChIP- seq pour la PolI. Le fait de voir un signal pour PolI au niveau du promoteur des cellules souches embryonnaires suggère fortement que la quantité d'initiation est limitante contrairement aux cellules NIH3T3 où le signal de PolI au promoteur se mélange au signal de la région transcrite. En complément, le signal de ChIP-seq de la protéine Rrn3 qui nécessaire dans l'étape d'initiation de la transcription, suggère que cette étape varie entre les deux lignées cellulaires.

4.4. Discussion

Dans ce chapitre, nous avons identifié les différentes populations des gènes codant les ARN ribosomiques pour les cellules ES ou fibroblastiques. La population active transcriptionnellement (figure 4.13A et C) est dépourvue de nucléosomes, recouverte d'UBF et définie par la localisation des facteurs CTCF et TTF-1 respectivement en amont du SpPr et au niveau de la région terminatrice. Étant donné les résultats de ChIP-seq des histones dans les cellules ES, nous avons également confirmé la présence de la barrière nucléosomique sur les gènes transcrits spécifiquement. Une différence cependant existe entre les lignées embryonnaires et fibroblastiques au niveau de la densité de PolI en transcription imputable à une différence d’initiation entre les lignées. Il me semble nécessaire de spécifier que malgré les variations potentielles de nombre de copies des gènes d’ARNr qu’il reste à étudier, les résultats restent consistants. Ce travail a également permis d'identifier une sous-catégorie de gènes fermés non-méthylés représentée par les figures 4.13B et D. Cette forme est minoritaire dans les

cellules ESCs et serait potentiellement une forme de transition entre activation et méthylation. En conséquence les signaux observés en ChIP-seq pour les FGTs étudiés représentent uniquement les formes actives des gènes ribosomiques. En revanche, aucune donnée ne permet de montrer l'absence de la barrière nucléosomale ou de TTF-1 sur la population inactive. Finalement, cette étude a mis en évidence la présence dans les lignées fibroblastiques d'une forme méthylée et réprimée transcriptionellement représentée sur la figure 4.13E.

Il existe un changement de la régulation de la transcription de l'ADNr entre les cellules ES et les cellules de type Fibroblastes. Ce changement se fait au niveau de la production des ARNr lors de la différenciation cellulaire. Il se traduit par une fermeture épigénétiques de certaines populations des gènes d'ARNr autant par simple invasion de nucléosome que de méthylation d'une partie de l'ADNr. La conséquence de ces changements serait une densification de la transcription des gènes d'ARNr actifs pour permettre de conserver un niveau de transcription suffisant. Ce changement permet d'apporter un avantage non négligeable en protégeant une grande partie des gènes ribosomiques sous forme d’hétérochromatine. Il est cependant difficile de comprendre pourquoi les cellules souches embryonnaires adopteraient une situation si critique en terme de dommages potentiel. Une hypothèse serait que cette accessibilité permet de servir de senseur aux dommages pour le reste du génome également. Dans un contexte où de nombreux dommages arriveraient sur l’ADN sans système de réparation suffisant, la cellule serait entrainée automatiquement vers la mort cellulaire.

Figure 4-13 : Modèle de la transcription ribosomique dans les cellules ES et les

cellules Fibroblastiques. Les régions en couleur correspondent aux régions régulatrices ou transcrites (dans l’ordre): Gris barrière Nucléosomique; Bleu 1/SpPr 2/prom; Rouge 1/Tsp 2/T0 3/Terminateur; Orange répétitions enhancer; Vert région transcrite. Panneau du haut : représentation des formes active (A) & inactive (B) de la transcription ribosomique dans les cellules ES. Panneau du bas : représentation des formes actives (C) potentiellement active (D) et inactive constitutivement (E) dans des cellules fibroblastiques.

La densification au niveau des gènes transcrits suggère, d'une part que la présence d'UBF n'est pas incompatible avec la transcription, mais également que dans les cellules souches embryonnaires, le nombre d'occurrence des évènements d’initiation est limitante. Une fois densifiée, la production des ARN ribosomiques pourrait être régulée au niveau de l'élongation de la transcription comme suggéré précédemment ou la vitesse d'élongation peut être augmentée

jusqu'à 110nt/sec environ (Stefanovsky et al., 2006). Le CX-5461 avait, dans un premier temps été montré comme impliqué dans l'inhibition de la transcription ribosomique en bloquant le recrutement de PolI au niveau du complexe SL-1. Par la suite, il a été montré comme stabilisant les structure de l'ADN appelées G- quadruplex ce qui avait pour conséquence d'entraîner une sur-activation du facteur anti-cancéreux C-Myc et de l'apoptose (Musso et al. 2018). Notre étude tend à montrer que le CX5461 à l'instar du cis-platine a un impact direct sur la transcription des ARNr. Une hypothèse suggèrerait qu’il existe un mécanisme qui permet à Rrn3 de relâcher PolI et de permettre l’initiation. Ce mécanisme serait directement ciblé par le CX-5461 qui permet donc d’étudier un mécanisme jusqu’à présent jamais mis en évidence. Dans tous les cas, à l’instar de nombreuses molécules étudiées, le CX-5461 a besoin d’être d’avantage étudié pour montrer l’effet in vivo et potentiellement comprendre/améliorer son efficacité.

Conclusion

La biogénèse des ribosomes est une des plus importantes fonctions dans la croissance, la prolifération et la survie de toutes les cellules. Sa dérégulation chez l’humain est la source d’un grand nombre de maladies allant de la neuro- dégénérescence et la sénescence précoce à l’hyper-prolifération et au cancer. C’est un processus complexe utilisant plusieurs centaines de composants. La biogénèse des ribosomes est centrée sur la synthèse du précurseur des ARNr dans le nucléole, là où la majorité des étapes d’assemblage du ribosome a lieu. En fait, les étapes initiales du processus d’assemblage ont lieu de manière co- transcriptionnelle, suggérant que la régulation de la synthèse du précurseur des ARNr est le facteur clé dans la régulation de la production des ribosomes. Nous avons concentré nos efforts sur la compréhension des mécanismes derrière la transcription des gènes ribosomiques, les rôles du facteur PolI au cours de ce processus, ainsi que la structure de la chromatine ainsi que sa relation avec l’activité du gène. Nous avons approché ces problèmes en utilisant une large variété de techniques en parallèle, incluant des lignées de cellules souche et différenciées conditionnelles pour les facteurs généraux de transcription, du marquage métabolique, de l’accessibilité différentielle au psoralène, et en particulier la cartographie des interactions ADN-protéines par immuno- précipitation de chromatine et séquençage à haut débit.

Une importante étape de cette étude fut le développement de la technique de déconvolution qui améliore significativement la fiabilité et la résolution des profils d’interaction protéines-ADN générés par ChIP-seq, améliorant également les conclusions qui peuvent en être tirées (Chapitre 2). Cette déconvolution nous a permis de mettre en évidence le profil de liaison des FGTs le long de l’ADNr et plus largement à travers le génome. La première observation que l’on a pu ainsi faire est le profil d’UBF. Il recouvre la totalité du gène ainsi que les régions régulatrices allant du SpPr au terminateur. Une corrélation intéressante a été observée entre la présence d’UBF et le taux en GC de l’ADN (figure 3.1B) sur lequel je reviendrai plus tard.

A) UBF stabilise la liaison de SL-1 au niveau du