• Aucun résultat trouvé

Caractérisation de l’adhésif H8000 en tension

Pour compléter la caractérisation in situ de l’adhésif H8000, on a besoin de mesurer le module apparent en tension, par le moyen d’une éprouvette ASTM D2095. Par contre, on doit utiliser l’éprouvette à adhérents cylindriques, car les relations analytiques interprétant les constantes Ea et νa à partir du test (§5.1.2) sont établies avec une configuration axisymétrique. Celle-ci

nous permettra aussi de réduire les concentrations de contraintes aux bords libres, en éliminant les coins. Toutes les éprouvettes sont testées avec une épaisseur de joint de 508 µm, afin de pouvoir corréler avec les résultats les plus réalistes.

5.3.1 Validation de l’essai en tension par simulation numérique

A priori, on simule le comportement de l’éprouvette en tension, comme on a fait dans la section 5.2.1. On modélise l’échantillon tel qu’illustré à la Fig.5.19, puis on garde la portion centrale pour garder une longueur de 25 mm, correspondant à l’empattement de l’extensomètre. Le volume cylindrique est alors simplifié par modélisation axisymétrique, toujours à l’aide du logiciel NX Nastran en SOL101. La région simulée le long de l’axe de révolution fait alors 25 mm × 6,35 mm (rayon de l’éprouvette). Le maillage du joint, dont une vue agrandie de la région d’intérêt est illustrée à la Fig. 5.21, est réalisé avec 500 éléments CQUAD8. Les constantes élastiques des matériaux choisis sont les mêmes que celles utilisées précédemment (§5.2.1). Dans cette analyse, on pose une condition limite de déplacement axial en translation (z) sur une extrémité (gauche de la Fig. 5.20) et un chargement de pression de 4F /πr2; les

rotations ne sont pas possibles dans ce genre de modélisation.

Axe de rotation (z)!

Fig. 5.19 – Modélisation CAO de l’éprouvette cylindrique en tension ; le volume utilisé dans la simulation est affiché en opaque et les parties rognées sont en translucide.

Après avoir lancé quelques simulations numériques, avec difféntes valeurs de F , on trouve qu’il est souhaitable de rester en deça d’environ 1500 N (350 lb) pour éviter la plastification de l’adhésif (15 MPa). À ce chargement, on peut oberver à la Fig. 5.22un déplacement total entre les bornes de l’extensomètre de 10,8 µm et un déplacement axial dans l’adhésif d’environ 8,5 µm. Ceci montre qu’on ne dispose pas de beaucoup de marge de manoeuvre pour mesurer

z r

Fig. 5.20 – Conditions limites de la portion de l’éprouvette en tension simulée par modélisation axisymétrique.

Fig. 5.21 – Vue agrandie du maillage de l’éprouvette cylindrique en tension ; l’axe de révolution est du côté gauche, tandis que l’extrémité libre du joint (où la densité de maillage est raffinée) se trouve à droite.

le module apparent E0, sans endommager l’éprouvette. Donc, les démarches d’étalonnage de

l’extensomètre à haute précision (§5.2.1) sont totalement justifiées.

Fig. 5.22 – Déformations axiales uz du joint en tension calculé par AÉF ; la déformée est

amplifiée de 100x afin qu’on puisse bien la visualiser.

Il est également intéressant d’observer les distributions de contraintes dans l’adhésif à la Fig. 5.23. Ce genre de distribution ressemble beaucoup à celui publié par Adams et al. [7]. On peut voir que pour une contrainte moyenne axiale de F/A = 12,3 MPa dans les adhérents, on obtient quand même des contraintes radiales (σrr) et tangentielles (σθθ) élevées au sein

de l’adhésif. Près des bords libres, ces contraintes chutent drastiquement, puisque le cisaille- ment τzr s’intensifie aux interstices. Donc même au centre du joint, on confirme que l’état de

contrainte est plutôt triaxial, et non uniaxial.

Design et fabrication de l’outillage expérimental

Ne disposant pas de gabarit pour les éprouvettes cylindriques à l’Université Laval, un ou- tillage spécialisé est conçu et fabriqué pour répondre aux exigences sévères en tolérancement dimensionnel et géométrique nécessaire à l’assemblage collé. On est conscient que les essais en tension sont beaucoup plus susceptibles d’avoir une variance élevée, souvent causée par un désalignement des adhérents, induisant des déplacements de rotation et des contraintes en clivage qui peuvent fausser l’acquisition de données en orientation axiale. Le gabarit en question (Fig. 5.24) comprend 5 emplacements de collage d’éprouvettes, de sorte qu’on ait plus de répétitions d’éprouvettes réalisées en simultané pour faire la compilation statistique des résultats. La base comprend des rainures en « v », servant à orienter l’axe des éprouvettes, usinées avec une tolérance de perpendicularité de 0,013 mm par rapport aux faces externes

0,0! 2,0! 4,0! 6,0! 8,0! 10,0! 12,0! 14,0! 0,0! 1,0! 2,0! 3,0! 4,0! 5,0! 6,0! Con train te (MP a) ! Position radiale (mm)! (centre)! (centre)! (centre)! (interstice)! rr ✓✓ zz

zr

Fig. 5.23 – Distributions de contraintes dans le joint en tension simulé par AÉF ; puisque la distribution de contraintes en cisaillement est nulle à la mi-épaisseur du joint, on prélève ses valeurs à l’interstice des adhérents.

qui positionnent les butées longitudinales du collage. Les dimensions critiques sont usinées avec une tolérance de ±0,03 mm. Pour corriger l’erreur d’usinage de la longueur des adhé- rents, chaque emplacement d’éprouvette comprend son ajustement de longueur, contrôlé par des cales d’espacement (rondelles) indépendantes. L’usinage des éprouvettes se fait à partir de tiges en aluminium 6061-T6 dont le diamètre extérieur est contrôlé à ±0,025 mm. Pour assu- rer un bon alignement de l’éprouvette dans les goupilles de fourches à traction, on s’assure de respecter une tolérance de position (et implicitement en perpendicularité) de 0,013 mm. Pour plus de détails, une mise en plan des pièces critiques se trouve à l’annexeG. Suite à l’usinage des éprouvettes et du gabarit de collage, un contrôle de qualité est effectué avec une machine de mesure tridimensionnelle numérique (MMT) pour s’assurer de respecter les tolérances de fabrication requises.

L’adhésif utilisé pour fabriquer les échantillons en tension provient du même lot commandé du manufacturier ayant servi à tester les échantillons TAST. La méthode de préparation de surface est également la même. Ainsi, il ne peut pas y avoir d’erreur de biais liée à la nature de chimique de l’adhésif ou aux manipulations, autre que la date d’utilisation du produit lors de la confection des éprouvettes.

Fig. 5.24 – Modèle CAO du gabarit de positionnement du collage des éprouvettes en tension ; les rondelles en rouge font office de cale de positionnement de la butée (vis).

5.3.2 Mesure du module apparent en tension

Le protocole expérimental utilisé sur échantillons en tension est le même que celui employé pour les essais TAST (§5.2.2). L’extensomètre est centré de la même façon, mais maintenu en place par des ressorts tendus, aidant le centrage des pattes contre la surface courbée (Fig. 5.25). Chaque essai de traction est réalisé avec un chargement allant jusqu’à 1,5 kN, puis un déchar- gement jusqu’au point initial.

Pour calculer le module apparent en tension à partir des données en traction, il faut obtenir la pente de régression des points d’acquisition de la contrainte moyenne en tension (σz) en

fonction des déformations axiales de l’adhésif (εa

z). Puisque l’extensomètre prend une mesure

au delà du joint, on réécrit l’équation 5.2 en utilisant la relation5.7 pour corriger la lecture δiextà chaque instant i avec

E0= σz εa z = F i A ta δi ext− δis (5.18) où la contribution de la déformation des substrats (δi

s), dans la déformation totale mesurée,

est exprimée par

δsi = F

i

A

δ1+ δ2

Es (5.19)

Les mesures du diamètre et de l’épaisseur du joint sont effectuées avec précision lors du contrôle de qualité de chaque éprouvette, tandis que la dimension δ1+ δ2 est considérée comme étant

(25− 0,508)/2 = 12,246 mm. De toute façon, cette dernière ne peut faire varier δi

Fig. 5.25 – Montage expérimental de la prise de mesure des déformations axiales du joint en tension.

l’appareil n’est pas parfaitement centré, puisqu’on utilise une correction avec la loi de Hooke. Un exemple de mesure du module apparent en tension (E0), à partir de la courbe de traction,

est illustré à la Fig.5.26. On voit notamment que la présence de bruit du signal est beaucoup plus élevée avec la configuration en tension. La déformation maximale de l’adhésif durant cet essai est de seulement 5,5 µm. La qualité de régression affichée (R2=0,965) est typique pour

les cinq essais, montrant que la caractérisation est beaucoup plus sensible et délicate qu’en cisaillement. De plus, par la nature de la rupture très fragile des éprouvettes D2095, les limites linéaires de l’adhésif en tension n’ont pu être identifiées, par souci d’éviter d’endommager l’extensomètre. Les résultats des cinq essais sont compilés dans le Tab.5.2. On remarque une plus grande variabilité des données en comparaison avec les résultats des essais TAST. On associe cette dispersion des résultats à la sensibilité de l’assemblage en tension, que ce soit par la rigidité de la configuration bout à bout, par la faible marge de déplacements allouée pour réaliser l’essai (§5.3.1), par le haut niveau de précision de mesure requis avec l’extensomètre ou par la possibilité de désalignement axial des adhérents (configuration susceptible au clivage).

Tab. 5.2 – Résultats de mesure des différents modules apparents en tension (E0). Essai E0 (MPa) 1 1241,3 2 1651,9 3 1665,8 4 2385,8 5 2746,5 moy. 1938,3

y = 1665,8x + 2,8529! R² = 0,96531! 0! 2! 4! 6! 8! 10! 12! 14! 0! 0,001! 0,002! 0,003! 0,004! 0,005! 0,006! z (MP a) ! z (mm/mm)!

Fig. 5.26 – Exemple de courbe de traction servant à déterminer le module apparent en tension (E0).