• Aucun résultat trouvé

1. 1. Le capital humain : concept et définitions

Beaucoup d‘économistes, d‘Adam Smith à Alfred Marshall et Irving Fisher, s‘étaient déjà intéressés à ce concept de capital humain. La vision des économistes classiques (Ricardo, Marx) est que l‘humain est avant tout quantité/nombre ou force de travail (un nombre d‘heures de travail ou d‘hommes et de femmes), avant le sous-entendu qu‘il s‘agit là avant tout d‘un travail physique, relativement indifférencié, synonyme de souffrance et pénibilité.

La rupture intervient lorsque émerge l‘idée que l‘humain, et la capacité de ce dernier à contribuer à la production, sont affaire de qualité. Et surtout, cette qualité peut être améliorée, augmentée, démultipliée, et, partant, la production elle-même. Nous avions vu précédemment

77 comment A. Smith – en décalage par rapport aux autres auteurs classiques – affirme dès la fin du XVIIIème siècle que « La dextérité améliorée [par l‘éducation] du travailleur peut dès lors être considérée de la même manière qu‘une machine qui abrège le travail et qui, bien qu‘entraînant une certaine dépense, compense cette dernière par un profit ».

Les économistes se sont s‘intéressés à l‘ensemble des comportements et mécanismes, notamment institutionnels, susceptibles d‘améliorer la qualité de l‘humain. Ceux-ci sont a priori nombreux. Ils incluent l‘éducation parentale ou domestique, l‘expérience et l‘auto-apprentissage, la formation professionnelle directement liée à l‘exercice d‘un métier, l‘école (de la maternelle à l‘université). Ainsi, Becker définit le capital humain comme un stock de ressources productives incorporées aux individus eux-mêmes, constitué d‘éléments aussi divers que le niveau d‘éducation, de formation et d‘expérience professionnelles, l‘état de santé ou la connaissance du système économique. Toute forme d‘activité susceptible d‘affecter ce stock (poursuivre ses études, se soigner, etc.) est définie comme un investissement.

CAPITAL TOTAL

CAPITAL FINANCIER CAPITAL INTELLECTUEL CAPITAL HUMAIN COMPETENCE COMPORTEMENT AGILITE INTELLECTUELLE CAPITAL STRUCTUREL RELATION ORGANISATION RENOUVELLEMENT ET DEVELOPPEMENT

78 III. 1. 2. Le capital humain : analyse microéconomique

Au niveau microéconomique, la logique du capital humain est simple : on investit, à un moment donné de la vie, un certain montant de ressources (en temps, en argent, en effort) dans le but d‘en récolter ultérieurement des bénéfices. La théorie du capital humain pose donc la question de l‘allocation des ressources : en effet, il se pourrait qu‘un même investissement en temps, en argent ou en effort, mais pour l‘acquisition d‘autres compétences, donne naissance à des bénéfices plus élevés. C‘est en comparant deux décisions envisageables (par exemple en matière d‘enseignement des langues) que l‘on pourra, du moins en principe, choisir celle qui promet la «rentabilité» la plus élevée de l‘investissement en capital humain. Ainsi, nous sommes en droit de dire que dans la théorie de Gary BECKER, il est question d‘appliquer à l‘investissement dans le capital humain les mêmes règles d‘analyse que l‘on applique dans la théorie néoclassique à l‘investissement traditionnel.

Ainsi et selon la théorie du capital humain appliquée à l'investissement dans l'éducation, l'étudiant peut être vu comme une entité ou une firme possédant un niveau initial de connaissances ou stock de capital humain. Tout comme une firme peut investir pour accumuler du capital physique, l'étudiant peut accroître ou améliorer son stock de capital humain par des activités comme l'éducation. L'éducation augmente les capacités productives de l'individu par une hausse des aptitudes, de l'habileté et des connaissances. Les intrants servant à la production de capital humain incluent les ressources disponibles sur le marché, le temps alloué par l'étudiant et son stock initial de capital humain.

Par ailleurs, Aux Etats-Unis, où les statistiques sont disponibles pour de très longues périodes, on observe que la part des travailleurs adultes sans diplôme secondaire est passée de 69% à moins de 10% entre 1940 et 1995, la diminution s'accélérant même depuis 1970. Mais au cours de la même période, le pourvoir d‘achat salarial de ces individus diminuait de plus de 25% (The Economist, 2000). Autre phénomène, la tertiarisation de l‘économie. Le taux de tertiarisation de l‘économie gagne du terrain. La grande majorité des emplois actuels correspondent à des prestations de service. Et au fur et à mesure que ces secteurs gagnent en importance, aux dépens de l‘industrie, on voit s‘élever le niveau de scolarité des personnes employées. Enfin, l‘émergence des nouvelles technologies est là aussi pour expliquer ce phénomène. Il y a donc la question des compétences requises pour utiliser telle ou telle

79 technologie. Programmer un ordinateur en MSDOS requiert des compétences analytiques plus importantes que celles nécessaires au serrage des boulons sur une chaîne d‘assemblage.

Il donc aisé de comprendre que celui qui met en oeuvre ces technologies a des exigences recrutement qui sont plus élevées que son collègue qui utilise une technologie plus simple. Et la décision d'embaucher tel ou tel travailleur sera moins dépendante des écarts de salaires que des écarts de compétences qui existent entre eux.

Le moment fort de la théorie du capital humain et donc d‘A. SMITH ou plus récemment de G. BECKER (1963) a consisté à faire basculer l‘éducation dans le registre de l‘investissement et du capital, au départ d‘une situation où l‘on avait plutôt tendance à les considérer soit comme de simples activités de consommation ou comme des activités qui échappent à l‘analyse économique.

Par ailleurs, les actions éducatives à l‘âge adulte peuvent entretenir, améliorer ou modifier l‘enseignement reçu auparavant, voire servir à compenser certaines lacunes ; il n‘est donc pas toujours facile d‘identifier le rôle principal de l‘apprentissage. Enfin, les retombées de l‘éducation ne sont pas immédiates. Les effets de l‘apprentissage peuvent varier sur la durée de vie et interagir avec un certain nombre de facteurs personnels, mais aussi avec les paramètres du contexte dans lequel les retombées sont susceptibles de se matérialiser.

1. 3. Le capital humain : analyse macroéconomique

Tous les pays attendent de leurs systèmes d‘éducation et de formation qu‘ils jouent un rôle stratégique et favorisent le bien-être, notamment en renforçant la compétitivité et le dynamisme d‘économies de la connaissance, mais aussi la cohésion sociale et la citoyenneté active. Quels que soient les objectifs affichés, de nombreuses retombées de l‘éducation sont recherchées ; toutefois, nombre d‘entre elles ne sont pas intentionnelles. Les retombées associées à l‘apprentissage peuvent être conceptualisées et étudiées de différentes façons. Elles peuvent concerner l‘apprenant individuel, le cercle familial, l‘entreprise, la collectivité et, de façon plus générale, l‘économie et la société dans leur ensemble. Ces retombées peuvent être directes ou indirectes et, comme cela a été évoqué ci-dessus, intentionnelles ou non.

80 Les retombées sont issues des contextes multiples d‘apprentissage, et non d‘un seul et unique contexte tel que la scolarité obligatoire ou la formation continue. Sur le plan conceptuel, faire la distinction entre l‘apprentissage réalisé à l‘école, à la maison, sur le lieu de travail et au sein de la collectivité permet de souligner l‘interdépendance de ces cadres d‘éducation, mais aussi l‘importance relative potentielle de ces sphères vis-à-vis des différentes retombées. L‘apprentissage se transforme en compétences au sens large. Celles-ci se traduisent à leur tour par un large panel de retombées que l‘on distingue selon qu‘elles relèvent de la sphère économique et sociale, individuelle et collective, ou encore financière et non financière.

La diversification de la palette des produits éducatifs (filières et diplômes) réclamés par les milieux économiques, mais aussi l‘exigence de ces derniers d‘un plus grand professionnalisme dans la sphère de l‘éducation montre, s‘il faut le dire, la dimension stratégique au niveau macroéconomique du secteur de l‘éducation. Par ailleurs et s‘il est clair que le chômage relève prioritairement de l‘insuffisance du nombre d‘emplois disponibles, les analyses conviennent que certains groupes de jeunes sont défavorisés parce qu‘ils sont dépourvus de qualifications requises par le marché du travail.