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1.1 Information et calcul quantique

1.1.3 Calcul quantique

Le calcul quantique vise `a exploiter les propri´et´es quantiques des qubits afin de r´ealiser certaines tˆaches de fa¸con beaucoup plus efficace que n’importe quel ordinateur classique.

Avant de survoler certaines de ces tˆaches, il est utile de pr´esenter les portes logiques et les crit`eres n´ecessaires `a la r´ealisation d’un ordinateur quantique. C’est ce que je fais dans les prochaines sous-sections.

Portes logiques

La fa¸con la plus intuitive d’imaginer un calcul est probablement de commencer avec un ´etat initial puis d’effectuer un ensemble d’op´erations logiques (math´ematiques) afin d’obtenir un r´esultat. C’est la fa¸con dont fonctionnent les ordinateurs classiques et un ordinateur quantique peut aussi ˆetre imagin´e de cette fa¸con. C’est ce que l’on appelle le mod`ele en circuit [4,8], car on peut dessiner un algorithme comme un circuit logique. Bien qu’il existe d’autres mod`eles de calcul, tels le calcul bas´e sur la mesure (aussi appel´e le calcul quantique `a sens unique) [9,10] et le calcul adiabatique [11], l’´equivalence de ceux-ci avec le mod`ele en circuit a ´et´e d´emontr´ee [9,12]. J’aborderai donc le calcul quantique en ayant le mod`ele en circuit en tˆete. Ce mod`ele est bas´e sur des portes logiques qui agissent sur des qubits.

D´efinition 9 (porte logique quantique)

On appelle porte logique quantique une op´eration unitaire qui change l’´etat d’un ou plusieurs qubits. Par exemple, une porte NON inverse l’´etat d’un qubit, i.e. |0i ↔ |1i.

Plusieurs portes logiques classiques sont non-r´eversibles. C’est le cas par exemple d’une porte ET, qui retourne 1 si deux bits valent 1 et 0 sinon. Il y a ainsi deux valeurs de sorties pour quatre combinaisons de valeurs d’entr´ee, ce qui la rend non-r´eversible. Au contraire, les portes logiques quantiques ´etant d´efinies comme des op´erations unitaires sont n´ecessairement r´eversibles. Cela pourrait sembler une limitation. Il est cependant possible de faire du calcul classique en utilisant uniquement des portes logiques

r´ever-12 Chapitre 1 : Information et ´electrodynamique quantiques en cavit´e sibles, et en particulier en utilisant la porte dite de Toffoli, une porte `a trois (qu)bits [4].

L’id´ee est alors d’utiliser un troisi`eme bit connu pour stocker le r´esultat de la porte, alors que les deux autres bits sont inchang´es.

D´efinition 10 (porte `a un qubit)

On appelle porte `a un qubit une porte logique qui agit sur un seul qubit. Un exemple serait la porte NON.

D´efinition 11 (porte `a deux qubits)

On appelle porte `a deux qubits une porte logique qui agit sur deux qubits. Un exemple classique serait la porte ET, qui retourne 1 si les deux bits valent 1, et 0 sinon. Cette porte est cependant non-unitaire. Une fa¸con de la rendre unitaire serait de conserver la valeur de l’un des deux bits.

On pourrait ainsi avoir des portes logiques agissant sur un nombre arbitraire de qubits.

Ceci ne serait cependant pas tr`es physiquement r´ealiste. Heureusement, il est suffisant d’avoir un nombre fini de portes logiques `a un qubit ainsi qu’une seule porte logique `a deux qubits afin de r´ealiser un calcul arbitraire sur un nombre arbitraire de qubits avec une pr´ecision finie [13].

Crit`eres de DiVincenzo

Les crit`eres ´enonc´es par David DiVincenzo [14] sont au nombre de cinq. Ce sont des crit`eres que toute impl´ementation physique visant `a r´ealiser un ordinateur quantique doit remplir.

1. Un syst`eme physique extensible avec des qubits bien d´efinis

2. La facult´e d’initialiser l’´etat des qubits de fa¸con contrˆol´ee (vers l’´etat |0i par exemple)

3. Des temps de coh´erence longs, beaucoup plus longs que les temps d’op´eration 4. Un ensemble universel de portes logiques

5. La facult´e de mesurer l’´etat des qubits

Le premier crit`ere exprime simplement que l’on doit avoir un syst`eme avec des ´etats quantiques bien d´efinis, et que l’on doit pouvoir impl´ementer un grand nombre de qu-bits, c’est-`a-dire que cr´eer N+1 qubits n’est pas beaucoup plus difficile que d’en cr´eer N. Le deuxi`eme crit`ere sp´ecifie que l’on doit pouvoir cr´eer un ´etat initial. Typiquement,

§1.1. Information et calcul quantique 13 ce crit`ere est rempli en refroidissant le syst`eme et en laissant les qubits relaxer dans leur ´etat fondamental. Le troisi`eme crit`ere implique que l’on doit pouvoir r´ealiser plu-sieurs op´erations logiques avant que le syst`eme perde sa nature quantique `a cause de la d´ecoh´erence.

Le quatri`eme crit`ere indique qu’il faut pouvoir r´ealiser un calcul arbitraire. Tel que mentionn´e `a la sous-section pr´ec´edente, il a ´et´e montr´e [13] qu’il est suffisant d’avoir des portes `a un qubit arbitraires ainsi qu’une porte `a deux qubits pour r´ealiser un calcul arbitraire. Il a aussi ´et´e montr´e que s’il est possible d’effectuer des mesures combin´ees sur deux qubits, il est suffisant d’avoir des portes `a un qubit [15]. Finalement, le cinqui`eme crit`ere assure qu’il est possible de lire le r´esultat d’un calcul. C’est principalement ce crit`ere que j’´etudie dans cette th`ese dans le cadre de l’architecture d’´electrodynamique quantique en circuit.

Il est ´evidemment essentiel que les crit`eres ci-dessus soient remplis avec un degr´e de pr´ecision ´elev´e. En effet, contrairement `a du calcul classique qui est fait sur une base discr`ete (1 ou 0), le caract`ere continue de l’information quantique la rend plus sujette `a l’accumulation et `a l’amplification des erreurs. Si les erreurs sont suffisamment faibles et qu’elles agissent sur un seul ou sur un petit nombre de qubits `a la fois, il est possible d’encoder l’information et de cr´eer des codes correcteurs [16]1. On peut alors d´efinir des seuils de probabilit´e d’erreur par porte logique en de¸c`a desquels un code correcteur am´eliore la pr´ecision du r´esultat. Les seuils de pr´ecision requis diff`erent selon les algorithmes, les hypoth`eses sur le syst`eme physique et les codes de correction d’erreur consid´er´es. On retrouve ainsi des seuils de probabilit´e d’erreur par porte variant de 10−5 [17] `a 10−2 [18,19]. Dans le cadre de cette th`ese, on cherchera ainsi `a obtenir la probabilit´e d’erreur la plus faible possible.

Algorithmes et applications

La premi`ere application envisag´ee pour un ordinateur quantique a probablement ´et´e celle de la simulation de syst`emes physiques quantiques. C’est Feynman, en 1982, qui se questionnait `a ce sujet [20]. En rendant possible la simulation de mat´eriaux complexes difficiles `a simuler, cette simple r´ealisation provoquerait probablement en elle-mˆeme une acc´el´eration substantielle de la recherche en physique fondamentale.

Les promesses de l’ordinateur quantique ne s’arrˆetent cependant pas l`a. Parmi les

1Pour une introduction `a la correction d’erreur, voir le livre de Nielsen et Chuang [4].

14 Chapitre 1 : Information et ´electrodynamique quantiques en cavit´e exemples les plus c´el`ebres de probl`emes qui seraient r´esolus plus rapidement sur un or-dinateur quantique qu’un oror-dinateur classique, on retrouve la factorisation en facteurs premiers. Cet algorithme, dˆu `a Shor [21], permet de d´ecomposer un nombre en ses fac-teurs premiers en un temps qui croˆıt polynomialement avec la taille de ce nombre. Il a ´et´e r´ealis´e exp´erimentalement pour la premi`ere fois en r´esonance magn´etique nucl´eaire pour le nombre 15 [22]. En comparaison, le temps requis par le meilleur algorithme classique connu croˆıt plus rapidement que n’importe quel polynˆome. L’algorithme de Shor procu-rerait donc un gain qu’on appelle exponentiel. Ce probl`eme `a priori de nature th´eorique a des impacts tr`es important au niveau de la s´ecurit´e informatique. En effet, la difficult´e de factoriser des grands nombres est `a la base de l’algorithme de cryptographie RSA [23], l’un des plus utilis´es sur Internet. L’av`enement d’un ordinateur quantique cr´eerait ainsi une faille de s´ecurit´e importante pour beaucoup de communications informatiques.

Un autre algorithme c´el`ebre est celui de Grover [24] pour la recherche dans une base de donn´ees d´esordonn´ee. Alors que les algorithmes classiques requi`erent O(N) requˆetes

`a une base de donn´ees d´esordonn´ee contenant N entr´ees afin de trouver celle recherch´ee, l’algorithme de Grover permet de la trouver en O√

N

requˆetes. Il offre ainsi un gain quadratique, moins important que l’algorithme de Shor, mais tout de mˆeme appr´eciable lorsque N est grand. Cet algorithme a aussi ´et´e r´ealis´e exp´erimentalement, entre autres avec des qubits supraconducteurs [25].

Ces trois applications ne sont que les plus c´el`ebres de celles qui ont ´et´e d´evelopp´ees.

Pour une liste d´etaill´ee d’algorithmes, on peut se r´ef´erer au site webQuantum Algorithm Zoo[26] qui r´ef´erence plus d’une quarantaine d’algorithmes en date d’aoˆut 2011, ou encore

`a la r´ef´erence [27].