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7.3 R´egime de forte puissance : mesure par avalanche

7.3.1 Approche auto-coh´erente

Pour un syst`eme `a deux niveaux, on sait que l’hamiltonien de Jaynes-Cummings peut ˆetre diagonalis´e analytiquement et exactement via la transformation dispersive, tel qu’expliqu´e `a la section 3.1.4. L’exactitude de la transformation est permise dans ce cas par la structure diagonale par bloc de l’hamiltonien, de mˆeme que par la taille (2×2) des blocs. En effet, dans le cas de blocs de taille deux, la diagonalisation peut ˆetre r´ealis´ee par la r´esolution d’une ´equation quadratique. Dans le cas `a plus de deux niveaux, la diagonalisation analytique est ardue pour trois et quatre niveaux, puis devient impossible pour plus de quatre. La diagonalisation num´erique de chaque demeure cependant tr`es facile et rapide `a r´ealiser.

En vertu de la sym´etrie de son terme d’interaction lumi`ere-mati`ere, chaque bloc de l’hamiltonien de Jaynes-Cummings est compos´e d’´etats avec un nombre total d’excita-tions qubit-r´esonateur n fix´e. On peut ´ecrire le sous-espace soutenant le bloc n comme En ={|n,0i, . . . ,|n−M + 1, M −1i}, o`u M est le nombre d’´etats du qubit et o`u |i, ji est l’´etat nu qui est produit tensoriel de i photons et du qubit dans l’´etatj. La taille du bloc correspond au nombre de niveaux du qubit qui, en pratique est au plus de l’ordre de 10. On peut ainsi facilement diagonaliser chaque bloc et obtenir les ´energies propres E¯n,i et les ´etats propres (´etats habill´es)

n, i

est une superposition de tous les ´etats du sous-espace En et, pour n grand, le poids de chaque ´etat nu peut ˆetre du mˆeme ordre de grandeur.

La correspondance entre n, i

et |n, ii est alors non-triviale `a effectuer. Pour faire cette correspondance je pose ainsi que l’´etat

n, i

qui correspond `a l’´etat |n, ii est celui qui

156 Chapitre 7 : Lecture de l’´etat du qubit par le r´esonateur

n. C’est de cette fa¸con que j’ai obtenu la correspondance entre les ´etats propres des blocs pour n grand et ceux o`un est faible.

Pour donner un exemple, prenons l’´etat n,1

correspondant au qubit dans le premier

´etat excit´e etn photons dans le r´esonateur. On peut facilement identifier l’´etat 0,1

, qui correspond `a un photon de plus que l’´etat 0,1

2. On peut alors identifier, de proche en proche, tous les ´etats

n,1

correspondant au qubit dans le premier ´etat excit´e avec n photon dans le r´esonateur.

Lorsque la correspondance est faite, je d´efinis ensuite la fr´equence effective du r´eso-nateur pour l’´etat i du qubit telle que

ωri(n) = ¯En+1,i−E¯n,i. (7.5) Cette fr´equence effective d´epend de fa¸con non lin´eaire du nombre moyen de photons.

Pour une amplitude et une fr´equence de mesure ωm, ce nombre de photons moyen est donn´e, dans l’´etat stationnaire, par

ni(, ωm) = 2

ri(ni)−ωm]2+ [κ/2]2. (7.6) L’´equation pour ni peut s’obtenir en solutionnant l’´equation (5.30) pour αi,d avec K = κNL = K0 = Sdi = Kdi = 0, d =, ωd = ωm et ωrri(ni) puis en posant ni = |αi,d|2. Les ´equations (7.5) et (7.6) peuvent alors ˆetre r´esolues de fa¸con auto-coh´erente afin de d´eterminer `a la foisωr,i et ni en fonction de etωm.

Je trace `a la figure 7.4 la fr´equence ωri et le nombre de photons ni correspondant

`a la solution auto-coh´erente obtenue pour les cas d’un syst`eme `a deux, trois ou six ni-veaux, pour ωmr tel que dans la r´ef´erence [122]. On constate que, peu importe M, la fr´equence effective du r´esonateur [panneaux (a)–(c)] s’approche de sa fr´equence intrin-s`equeωr `a haute puissance. Il s’agit du r´egime classique. Comme le qubit est limit´e `a un nombre fini de niveaux, si la puissance est suffisamment grande, l’effet du qubit devient n´egligeable et le r´esonateur r´epond comme s’il n’y avait pas de qubit. La transition vers le r´egime classique se produit `a une puissance relativement bien d´efinie et le changement ra-pide de fr´equence effective ωri est accompagn´ee par une augmentation rapide du nombre

§7.3. R´egime de forte puissance : mesure par avalanche 157

Figure7.4 –Fr´equence effectiveωri(a)–(c) et nombre moyen de photonsni(d)–(f) en fonction de l’amplitude de mesure pour i= 0 (lignes rouges pleines), i= 1 (lignes pointill´ees bleues) eti= 2 [lignes tiret´ees grises, (c) et (f) seulement]. Les panneaux [(a),(d)], [(b),(e)] et [(c),(f)]

sont pour M = 2, 3 et 6, respectivement. Dans les panneaux (a)–(c), la ligne tiret´ee verte est ωr. Les param`etres sont les mˆemes que dans la figure 7.1. Pour clarifier la pr´esentation, les panneaux ont des ´echelles horizontales diff´erentes. Une unit´e de l’´echelle horizontale correspond

`

a un d´ecibel de puissance. Figure adapt´ee de [123].

de photons. On peut imaginer la transition comme un r´egime o`u, en rapprochantωri de la fr´equence intrins`eque ωr et donc de la fr´equence de mesure ωm, l’ajout de quelques photons facilite l’ajout d’autres photons, `a la mani`ere d’une avalanche.

Puisque les coefficients Spi et Kpi sont sym´etriques dans le cas d’un syst`eme `a deux niveaux, la transition vers le r´egime classique se produit `a la mˆeme puissance pour les deux ´etats du qubit. Le r´esultat est cependant tr`es diff´erent pour un syst`eme `a plus de deux niveaux. Dans ce cas, et tel qu’illustr´e aux panneaux (b) et (c), l’avalanche se produit `a des puissances diff´erentes selon l’´etat du qubit. Le r´esultat quantitatif change selon le nombre de niveaux, mais demeure qualitativement le mˆeme. Aux panneaux (e) et (f), on peut voir qu’il y a un intervalle de quelques d´ecibels de puissance de mesure o`u le nombre de photons moyen peut diff´erer par autant que ∼ 105 photons entre les r´eponses pour les deux premiers ´etats du qubit. C’est cette diff´erence dans le nombre de photons, beaucoup plus grande que le nombre de photons de bruit typiquement rajout´es par un amplificateur, qui a permis `a l’´equipe de Yale d’obtenir une mesure monofrappe de l’´etat du qubit [122]. La courbe tiret´ee grise du panneau (f), trac´ee pour l’´etat |2i du qubit indique qu’il est r´ealiste de faire fonctionner ce type de mesure `a plus basse puissance en induisant une transition de l’´etat |1i `a l’´etat |2i avant la mesure, tel que

158 Chapitre 7 : Lecture de l’´etat du qubit par le r´esonateur fonction de la fr´equence et de la puissance de mesure. La ligne pleine blanche repr´esenteωri(ni) pour ωm/2π =ωr/2π = 7 GHz. Les lignes verticales indiquent la fr´equence de mesure utilis´ee pour les courbes correspondantes de la figure 7.4. Les lignes pointill´ees horizontales indiquent le r´egime de puissance de mesure o`u la diff´erence de nombre de photons est grande entre les deux

´etatsidu qubit. Les param`etres sont les mˆemes qu’`a la figure 7.1. Figure adapt´ee de [123].

r´ealis´e exp´erimentalement [82,122].

A la figure 7.5, je trace le nombre de photons moyen` ni en fonction de la fr´equence et de la puissance de mesure, pour les ´etats i = 0 et i = 1 du qubit. Bien qu’une com-paraison quantitative avec les r´esultats exp´erimentaux de Reedet al.[122] pr´esent´es `a la figure 7.3 requerrait un mod`ele `a quatre qubits pour d´ecrire l’´echantillon exp´erimental, le graphique montre un accord qualitatif avec les r´esultats exp´erimentaux. Pr`es des courbes de fr´equence effective du r´esonateur (courbes blanches), on peut voir une zone o`u le nombre de photons calcul´e est bruyant. Ce bruit t´emoigne de probl`emes de convergence dans la r´esolution des ´equations auto-coh´erentes, ce qui pourrait indiquer que le syst`eme est bistable dans cette zone, en accord avec les r´esultats obtenus par Bishop et al. [124]

et d´ecrits ci-dessous.