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5. Le guide de bonnes pratiques

5.3 L’avenir de l’éditorial

4.2.1 Qu’est-ce qu’une communauté de pratique ?

Dans les années 90, des chercheurs en sociologie du travail ont commencé à étudier ce qu’ils nomment les « communautés de pratique » (CoP) 128. Elles désignent des groupes informels, spontanés, qui se créent dans l’entreprise autour d’une pratique commune par besoin d’échanger autour de celle-ci. Etienne Wenger 129 décrit, à titre d’exemple, la journée d’une jeune femme chargée des réclamations dans une compagnie d’assurance. Heure après heure, il expose toute l’aide que lui apportent ses collègues dans le bon déroulement de sa mission : celui qui connaît bien le logiciel, celle qui travaille depuis de longues années et sait comment organiser au mieux les tâches pour remplir son quota, une troisième qui fournit les chocolats et la pause bienvenue pour échanger les dernières nouvelles du service, le dernier qui n’y arrive pas et lui indique par là les erreurs à ne pas commettre... C’est un exposé très parlant de l’importance, pour la vie professionnelle, du groupe de collègues et des échanges informels qui s’y pratiquent. Etienne Wenger nomme ces groupes des communautés de pratique, il y étudie les pratiques sociales d’apprentissage en commun.

Voici sa définition : « les communautés de pratique sont des groupes de personnes qui se rassemblent afin de partager et d’apprendre les uns des autres, face à face ou virtuellement.

Ils sont tenus ensemble par un intérêt commun dans un champ de savoir et sont conduits par un désir et un besoin de partager des problèmes, des expériences, des modèles, des outils et les meilleures pratiques. Les membres de la communauté approfondissent leurs connaissances en interagissant sur une base continue et à long terme, ils développent un ensemble de bonnes pratiques. » 130

Appropriation, réseaux, groupes virtuels (1996) pour désigner un ensemble de technologies informatiques qui permettent la création et le développement de communautés virtuelles. Site du laboratoire disponible en http://www.lca.uqam.ca/ (consulté le 2 avril 2007).

128 Ce chapitre est largement inspiré de l’ouvrage publié par le CEFRIO [44]. Le thème « Les communautés de pratique (CoP) » de la bibliographie regroupe différents articles sur le sujet.

129 Wenger, Etienne [47, 48, 49]. Il a créé le concept de CoP, et en reste l’un des spécialistes.

130 CEFRIO [44]

Ces réseaux d’échange basés sur une pratique 131 peuvent réunir des personnes travaillant dans des services différents, voire, à l’heure de la mondialisation, dans des lieux différents. La position hiérarchique des membres de la CoP dans l’entreprise est peu importante, tant que tous ont le désir du partage. On échange des astuces, les « ficelles du métier », des solutions aux problèmes rencontrés, des expertises, des bonnes pratiques, on y coordonne certaines opérations, on documente pour la collectivité des problèmes récurrents et leurs solutions. Les CoP sont animées par des valeurs et des intérêts communs, elles sont liées par les connaissances partagées et développées ensemble. Les membres se connaissent, ce qui leur permet d’adapter leurs réponses au niveau de compétence du demandeur. La reconnaissance s’y base sur la participation et non sur le statut, dans une optique d’engagement, d’entraide et de réciprocité. Les liens et les rapports personnels y ont une grande importance, l’engagement personnel et l’attention à l’apprentissage une caractéristique. Des experts peuvent s’y dessiner, expert dans des tâches ou en assistance.

Les communautés de pratique ont une fonction essentielle dans la formation des nouveaux venus. Thomas Durand explique : « la compétence est un stock accumulé résultant d’un flux continu d’apprentissages qui vient renforcer et élargir la base de compétence de l’entreprise. [...] C’est par l’action que les tours de main et les techniques se construisent avant d’être intégrés dans des savoir-faire qui eux-mêmes nécessitent d’être

‘transcendés’ et ‘fusionnés’ pour déboucher sur l’expertise. De façon similaire, c’est par l’interaction que se construisent les identités, se façonnent les comportements et se forgent les volontés collectives. » 132

Les communautés de pratique sont issues de la pratique et du goût pour cette dernière.

Leur moteur est essentiellement la passion et elles fonctionnent d’autant mieux que leur mission leur permet une certaine dose d’autonomie et de prise de décision. Elles ont essentiellement besoin, pour apporter à l’entreprise tous les fruits de leurs savoirs, de se faire entendre, que leur avis compte lors des prises de décision et que soit reconnue leur compétence basée sur la pratique.

Parce que les communautés de pratique se trouvent hors du cadre hiérarchique, il arrive que, ne pouvant les contrôler, les dirigeants les ignorent, voire tentent de restreindre le

131 Il existe aussi des communautés de métier, autour d’un métier.

132 Durand, Thomas [42]

temps passé à la participation. L’organisation de telles communautés va pourtant dans le sens de la performance des entreprises puisqu’elles favorisent, dans un cadre transversal, la circulation de l’information, le partage de la connaissance et la capitalisation du savoir, libérant la créativité et favorisant la souplesse 133. Reconnaître une communauté de pratique et la dynamiser, c’est créer le lieu d’une collecte d’informations concrètes, opérationnelles, d’une valeur inestimable pour l’entreprise, un lieu de mutualisation et d’élaboration de connaissance dans le but de l’amélioration de la pratique de tous. C’est également un espace de valorisation humaine, personnelle et collective. Circulant de manière non formelle, valeurs et connaissances diffusées au sein des CoP ne sont la plupart du temps pas repérées par l’encadrement : on parle alors de connaissances tacites. Les dirigeants gagneront à faire confiance aux opérationnels, à reconnaître que, au contact permanent de la pratique, ils connaissent l’information nécessaire et font émerger des connaissances qui ne sont dans aucun manuel.

Une CoP, pour être efficace dans l’entreprise, a besoin d’être comprise et soutenue.

Mais non institutionnalisée, ou alors à un degré qui lui permette de conserver une dose d’auto-organisation. Une bonne pratique consiste à en reconnaître l’existence et à lui allouer ce que l’entreprise a de plus cher : un peu de temps. Temps que les salariés consacreront à la participation, à l’entraide, à la réalisation de documents, à l’auto-formation. L’entreprise pourra également mettre à disposition de la CoP des logiciels sociaux facilitant les contacts et l’échange, lui proposer des formations ou d’intégrer les savoirs dans un plan de carrière.

Dans le cas d’un soutien institutionnel, le CEFRIO précise : « il ne s’agit donc pas de communautés de pratique spontanément créées; ce sont des communautés de pratique intentionnelles au sens où elles s’inscrivent dans un axe de préoccupations important pour les organisations partenaires du projet. » 134

Dans un monde où l’apprentissage et l’acquisition de connaissances sont indispensables durant toute la vie professionnelle, les communautés de pratique enrichissent la pratique d’un métier, dans une logique mutualiste, coopérative et non concurrentielle. En constante exploration et échange, elles sont un lieu d’innovation et de recherche dont les applications sont bien concrètes. Leur culture du travail en groupe les prédispose à travailler

133 L’étude des communautés de pratique fait partie de la formation des futurs entrepreneurs, à l’EM Lyon (l’Ecole de management de Lyon), dans le cadre du cours « L’entreprise-réseau ».

134 CEFRIO [44]

efficacement en équipes projets 135. Enfin, les communautés ne connaissent pas les frontières des services ou des silos, ni désormais les éloignements géographiques, grâce aux outils sociaux d’Internet. Ainsi, donner les moyens aux rédacteurs web de s’organiser en réseau de type communauté de pratique peut avoir des conséquences très bénéfiques pour le portail web de l’entreprise.

4.2.2 Les bénéfices de la constitution d’un réseau des