• Aucun résultat trouvé

B. Résultats d’analyse des vidéos de consultations SBI

1. Côté patient

i. Plaintes caractéristiques des patients SBI

a. Plaintes multiples

Les consultations pour SBI concernent très souvent des patients qui se présentent avec des multiples plaintes, que ce soit plusieurs symptômes d’origine « fonctionnels », des symptômes « fonctionnels » associés à des symptômes/maladies d’origines organiques ou d’autres demandes.

A titre d’exemple, nous pouvons citer la vidéo de consultation PC 14 dans laquelle la patiente, désireuse de « tomber enceinte », consulte pour une vérification de ses vaccins, des maux de tête et une fièvre ainsi que pour faire un bilan biologique car elle se sent fatiguée.

Un autre exemple concerne la vidéo FB 27 où la patiente consulte pour des douleurs de dos, des bouffées de chaleur, une toux et une demande de bilan biologique.

32

b. Plusieurs consultations pour un même symptôme

Il est courant que ces patients reviennent consulter pour le même symptôme. En effet, dans la vidéo de consultation AD 12, la patiente se plaignant de « maux de ventre », n’en est pas à sa première consultation pour ce motif. De même, dans la vidéo de consultation PG 10, le patient aurait consulté ce médecin pour des symptômes identiques trois ans auparavant.

c. Une fatigue associée

Parfois, le symptôme est accompagné d’un état de fatigue, soit identifié par le médecin, soit exprimé par le patient lui-même (RV 11, CAR 01, MVD 05).

d. Symptômes « inhabituels », inconstants

Les patients peuvent présenter leur symptôme comme un symptôme « inhabituel » de par les caractéristiques qu’ils décrivent.

Dans la vidéo de consultation MVD 05, le patient décrit ses céphalées comme intenses et uniquement localisées à droite.

« Forte douleur », « gêne au niveau de la tête qui me tire…c’est pas comme un mal de tête habituel »

Une autre patiente décrit son symptôme comme « constant », « quotidien » et « chronique » (depuis 2-3 mois). (FB 27)

Le symptôme peut également être inconstant : « j’ai l’impression que c’est par période » (AD 12), « au

fur et à mesure ça s’estompe » (CA 19), « c’est pas toute la journée mais c’est des moments où ça crampe sérieux ». (MC 26)

e. Le caractère expressif de la plainte

La présentation des symptômes par ces patients est souvent expressive dans les mots employés.

« Gros problèmes gynéco […] au niveau de l’intimité c’est une catastrophe » (RV 25), « Grosses crampes » (AD 12),

« je suis crevée », « hyper fatiguée ». (PC 14).

Beaucoup de gestes sont effectués, pour montrer avec insistance la zone douloureuse, en mimant parfois le ressenti du symptôme. (AD 23, MC 26)

Parfois, l’expression du visage du patient laisse penser qu’il exagère la présentation du symptôme. (Disproportion entre les caractéristiques de la plainte et l’expression du visage) (MVD 05)

Dans la vidéo MC 26, la patiente renvoie l’image d’une personne qui est dans un « investissement infantile » de son corps et de ses symptômes, dans sa manière de décrire son symptôme.

« …Habituellement j’vais faire pipi comme tout le monde, je déjeune, je fume une cigarette et puis après j’vais avoir des selles alors que là je me lève et c’est pipi caca aussi bien que l’autre… »

33

f. La résolution/amélioration spontanée du symptôme avant de consulter

« Là, ça vient de se calmer » (MC 26)

g. Expression d’une anxiété verbale/non verbale

Les patients présentant des SBI expriment et dégagent souvent une certaine anxiété en consultation par des mots et/ou des gestes parlants.

« C’est surtout que je suis nerveuse et anxieuse » (MC 26)

« J’ai demandé un gros bilan » « j’ai vu marqué "présence de bactéries"…je me suis dit « bon

qu’est-ce que c’est encore…» (AD 12).

« J’ai…j’suis oppressée j’sais pas alors j’me dis est-ce que j’ai un cancer du poumon, est-ce que j’ai un cancer des intestins du moins, je psychote un petit peu quoi en fait » ou « Dès que je touche j’me dis ça c’est un ganglion…j’sais pas… » (CAR 01).

Les patients peuvent avoir un rire nerveux, passer du rire aux larmes, croiser les bras ou se gratter la tête à plusieurs reprises en consultation (AD 12), (CAR 01).

h. Incohérence et déni

On constate souvent une certaine incohérence dans l’attitude du patient par rapport à son symptôme. Un exemple qui illustre bien cette orientation est une patiente qui dit : « j’aimerais bien reprendre ma

vie normale », alors qu’elle a interrompu son traitement qui était efficace et lui permettait d’avoir une

vie « normale » (RV 25).

On constate également une absence de logique et de cohérence biomédicale dans la manière de présenter et d’expliquer le/les symptômes au médecin.

« Mais j’crois que à chaque fois que je suis très constipée j’fais des mycoses moi, donc euh… », « Même au niveau du clitoris, j’ai des dépôts blancs, j’ai rien au niveau vaginal, ça me gratte même pas… » en sont de bons exemples (RV 25).

« Le matin, c’est mes douleurs de dos qui me font aller aux toilettes, j’ai pas envie d’uriner […] ça dure un quart d’heure, faut que j’aille aux toilettes, que j’aille prendre mon café, que j’aille aux toilettes pour que ça se calme, c’est tous les matins depuis 2-3 mois » (FB 27).

Cette incohérence traduit parfois un certain déni. La présentation du symptôme tel que « j’ai mal

partout » et à la fois « non mais tout va bien…pour moi ! » (CAR 01) en est un exemple.

Un des patients consulte pour une douleur thoracique qu’il associe au fait de fumer puis réfute son association par la suite : « c’est surtout la journée, c’est même pas quand je fume, c’est le lendemain

et c’est là j’ai mal… ». (CA 19) Il parle également, à la fois, de l’absence de cette douleur lorsque son

psychisme est occupé au travail et la présence de cette douleur pendant le travail : « les moments où

c’était vraiment stressant j’le sentais plus » (CA 19).

Dans la vidéo de consultation PC 14, la patiente se présente avec une fatigue inexpliquée et formule une dernière plainte en fin de consultation, disant avoir oublié d’en parler, tout en formulant que c’était « ce qu’il y avait de plus important » pour elle. Elle évoque alors une douleur au pied suite à un traumatisme. (PC 14)

34 Dans la vidéo PG 10, le patient fait part du fait d’être « énervé » lorsqu’il arrête la cigarette. A contrario, lorsque le médecin lui soumet l’hypothèse d’une nervosité, le patient dit « même pas énervé » (PG 10). Dans la vidéo MC 26, la patiente associe également son mari dans l’histoire de son symptôme : « alors

moi j’ai ce problème-là, mon mari et moi on mange la même chose, alors lui il est tout le temps constipé ».

i. Propositions d’hypothèses explicatives par le patient

Lien avec un contexte de vie

Dans plusieurs vidéos de consultations, le patient exprime et présente au médecin un lien probable entre son contexte de vie et son symptôme.

Dans la vidéo AD 12, la patiente parle de « stress au travail » et soumet cette hypothèse au médecin. Dans la vidéo CAR 01, la patiente évoque d’elle-même une hypothèse psychique à ses troubles puisqu’elle dit : « je sais pas si je suis malade ou si c’est dans la tête […] oui oui y a quelque chose qui

va pas, suis d’accord, du moins c’est le stress quotidien […] c’est un psy qu’il faut que j’aille voir ».

Elle parle également de la peur d’avoir une maladie et de ne plus pouvoir s’occuper de son fils, qui l’inquiète beaucoup. Elle prend conscience et verbalise d’elle-même à la fin de la consultation le lien entre ses symptômes et cette inquiétude : « je me dis j’ai pas le droit de tomber malade et du coup il

me vient pleins de trucs alors que c’est peut-être rien, je me suis jamais écoutée… ». (CAR 01)

Dans la vidéo PG 10, le patient dit: « en plus quand quelque chose arrive, tout de suite beaucoup

réfléchir, énerver à cause de ça plus les problèmes ». D’autres patients formulent : « J’suis peut-être très fatigué aussi » (MVD 05), ou bien : « raisons personnelles », « je sais pas si c’est physique, si c’est psychologique… ». (MC 26)

Dans la vidéo AS 13, la patiente évoque d’emblée un lien entre sa douleur et son vécu : « alors est-ce

que c’est pas ça qui inconsciemment ? ».

Autres hypothèses

Certains patients proposent des hypothèses au médecin, orientant vers une cause leur paraissant organique : « j’sais pas si ça a un lien mais j’ai éternué…alors j’sais plus si c’était il y a 3-4 jours ou peut-

être il y a un peu plus d’une semaine…j’ai senti que ça m’avait tiré au niveau de l’oreille…c’était pas non plus…ça a pas pété… » (MVD 05).

Dans la vidéo VP 03/04, la patiente se plaint d’une douleur thoracique qu’elle présente comme des douleurs « musculaires » : « j’ai peut-être le sympathique et le parasympathique qui font que… ». (MC 26)

ii. Attitude du patient

On constate plusieurs réactions du patient en consultation, qui vont des réactions positives exprimant son accord/satisfaction, aux réactions exprimant un désaccord du patient envers le médecin.

35

a. Demandes d’examens complémentaires/avis spécialisés

L’angoisse des patients se ressent dans les demandes d’examens complémentaires et avis spécialisés. (FB 27, PC 14, CA 19)

b. Propositions/demandes de conseil/traitement

Certains patients réclament des conseils, un traitement face à leur symptôme quand le médecin ne semble pas en prescrire.

« Peut-être une ordonnance… », « Vous avez pas de conseils par rapport à ça ? » (MC 26)

c. Insiste/répète ses propos pour faire passer un message

« J’étais vachement stressé, quand j’avais mal, j’me dis peut-être pas les poumons, plutôt le cœur…j’en sais rien du tout », « mon travail est très stressant alors euh j’sais pas » (CA 19)

Dans la vidéo VP 03/04, la patiente réagit sur la défensive et insiste pour faire passer un message au médecin: « on va dire que je suis pas spécialement médecin non plus ». « Non mais j’vous dis j’pense

que…enfin…c’est plus musculaire ! »

Dans la vidéo MC 26, la patiente relance le médecin sur le stress évoqué en amont en apportant un complément d’information : « on a peut-être été un peu secoué ces derniers temps…vous avez vu mon

mari…bon prothèse de genou, opéré trois fois en deux mois…ça va avec le reste quoi c’est… », « Là elle est dedans mais je ne vous cache pas qu’on a pas eu un peu d’anxiété avec tout ça ! », « Après c’est peut être juste de la gestion de stress, c’est possible ?! »

d. Valide les propositions du médecin

Le patient semble accepter le refus du médecin de l’envoyer consulter un spécialiste, le médecin l’ayant rassurée sur son symptôme et accepte la prise en charge thérapeutique qui lui est proposée. (CA 19)

Le patient adhère et marque son accord :

« D’accord, ben en même temps on n’a pas essayé » (RV 25),

« ça marche », « ok, ça me va ! » (MVD 05)

Le patient réagit positivement au commentaire humoristique du médecin comme pour exprimer son accord à la proposition du médecin :

« J’fais plus de yoga depuis...combien...trois ans...quatre ans...et j'crois que ça doit y jouer... ».

« Vaut mieux aller faire un tour dehors... » (RV 11)

e. Réfute les propositions du médecin

Dans la vidéo RV 11, la patiente n’a pas validé la mise en évidence d’un état de fatigue par le médecin, pouvant expliquer le symptôme.

Dans la vidéo PG 10, le patient ne semble pas comprendre et valider la proposition d’explication du médecin : « même pas énervé », « ah je sais pas… » (PG 10).

36 Dans la vidéo CAR 01, au début de la consultation, la patiente est dans le déni face à la réalité de son état psychique.

f. Cherche la « collusion »

Certains patients semblent chercher la « collusion » :

« j’vous envoie des patients ». (FB 27)

« j’ai une collègue comme ça qui a un mauvais fluide…comme ça…ça marche pas ! » (VP 03/04)

g. Discute des incohérences du médecin

Le médecin émet l’hypothèse d’une mycose chez sa patiente, alors que la patiente a déjà été traité pour une mycose : « en même temps on a traité la mycose, on a tout fait et c’est toujours là donc

bon… ». (RV 25)

h. Réactions de satisfaction

Le patient exprime une amélioration à son symptôme physique :

« J’ai l’impression d’être plus souple » (RV 11).

Le fait que le médecin déclare que l’examen clinique est négatif provoque un effet de suggestion sur la patiente et semble avoir un impact thérapeutique positif :

« Ah bon, eh ben de suite je crois que je vais aller mieux en fait » (CAR 01).

Le patient exprime sa satisfaction par des remerciements :

« Très bien ! Merci ! » (RV 11), « merci de m’avoir écoutée ». (AD 23) Le patient exprime qu’elle est rassurée :

« Ben déjà là voilà, avec l’examen que vous m’avez fait, vous me dites qu’il n’y a rien, bon y a pas de raison qu’il y est quelque chose… » (CAR 01).

i. Désaccord/incompréhension du patient

Dans la vidéo PG 10, le patient ne semble pas rassuré sur une origine non cardiaque de sa douleur car à la fin de la consultation, alors que le médecin a déjà expliqué qu’il n’y avait rien, il dit « le cœur alors…

le cœur…pas… », « Pas de problème ça ? » en montrant l’ECG.

iii. Motivations de la demande du patient

a. Motivations apparentes/verbalisées

Le patient semble très souvent avoir besoin d’être rassuré sur son symptôme. En effet, ce besoin de réassurance semble s’expliquer de différentes façons.

Le caractère inhabituel du symptôme

« C’est normal d’avoir que d’un côté ? Ça a rien de bizarre ? D’habitude j’ai mal à la tête j’ai mal partout mais là ici…non…rien de particulier ? » (MVD 05).

37 L’intensité du symptôme

« ben je sais pas mais c’est ça qui doit me préoccuper… », « Forte douleur » (RV 11). Le retentissement fonctionnel

Le patient de la vidéo PG 10 semble être inquiet de ne plus pouvoir courir. Le patient demande en effet, à ce sujet : « je peux courir toujours ? » (PG 10)

La récurrence du symptôme et son côté invalidant (AD 12) La peur d’avoir une maladie « grave » (CAR 01, CA 19)

b. Motivations « cachées »

Dans la vidéo FB 27, il n’y a pas spécialement de motivation/crainte verbalisées par la patiente en consultation. Néanmoins on sent une certaine anxiété/angoisse dans sa manière de s’exprimer pouvant nous faire suggérer un besoin de réassurance de la patiente.

La patiente de la vidéo RV 25 semble avoir besoin de se plaindre et d’être écoutée car elle exprime beaucoup de plaintes.

La crainte principale de la patiente de la vidéo CAR 01 est de ne plus pouvoir subvenir aux besoins de son fils si elle tombait malade, crainte qu’elle finit par exprimer à la fin de la consultation.

La présence de maladies dans la famille du patient semble être une des raisons qui pousse le patient à venir consulter, probablement suite à l’inquiétude qui s’est formée en lui. (Sans qu’il soit conscient que cette inquiétude concerne celle qu’il a pour ses proches autant que pour lui-même). (AD 12)