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A propos du cadre méthodologique de l’étude

1. La sélection de vidéos SBI

Nous avons rencontré des difficultés concernant le choix des vidéos à étudier dans le cadre de cette thèse.

En effet, comme nous avons pu le voir précédemment, les vidéos traitant de « symptômes fonctionnels » n’étaient pas en nombres suffisants, d’après l’indexation réalisée. Contrairement à nos attentes : seules 4 vidéos sur 13 étaient étiquetées « troubles fonctionnels » par les médecins. Nous avons donc dû choisir des vidéos qui s’y rapprochaient fortement, comme énoncé précédemment. Nous pouvons discuter de cette démarche, dans le sens où une seule consultation peut souvent ne pas suffire à identifier un SBI, d’où la nécessité de revoir le patient, ou de passer par une prescription d’examens complémentaires. Dans les deux cas, il s’agira d’éliminer toute cause organique.

Cependant, il s’agissait bien ici de SBI. En effet, pour les 9 vidéos choisies étiquetées « somatique » et « psychologique » ou « somatique » (seul), le symptôme n’était pas expliqué biomédicalement par le

médecin. Deux cas de figures se présentaient en sortie de consultation :

- Prescription d’examens complémentaires,

- Réassurance du patient, tout en essayant d’apporter une explication « rationnelle ».

De plus, lors de l’interview des médecins concernés, avec prise de recul, ces derniers ont reconnu qu’ils pouvaient être face à un symptôme fonctionnel :

«…En effet j’aurai pu lui demander « est ce qu’il y a quelque chose qui ne va pas », c’est ce que j’ai raté il me semble » (PC 14),

« …Elle avait pleins de symptômes…ça pouvait être des symptômes liés à l’angoisse, au stress »

(CAR 01),

« Tous les arguments allaient côté psychosomatique » (AS 13),

Ou bien, à l’impact du vécu sur le symptôme organique :

« C’est son vécu du symptôme organique qui en fait sa fonctionnalité ». (RV 25)

D’autres cas de figures différents se sont néanmoins présentés et il est intéressant de les aborder. Un des médecins interviewés a déclaré être certain de ne pas avoir été en présence de SBI (pas de critères orientant la consultation vers du SBI), en étant persuadé d’être « passé à côté du diagnostic » du symptôme, qui, pour lui, avait une réelle explication organique (FB 27, vidéo classée en

69 « somatique » par le médecin). Une non reconnaissance du SBI ? Nous discuterons de ce cas plus en aval dans cette thèse.

Un autre médecin a classé sa vidéo en « somatique » alors qu’aucun argument n’a été trouvé permettant cette catégorisation. Il a admis, lors de l’entretien, que la consultation aurait pu être classée dans la catégorie « trouble fonctionnel » pour un patient sur les deux : « Ouais peut-être le

gamin mais la maman j’la survole tellement que c’est impossible de la classer ». (VP 03/04)

Un autre médecin a classé sa vidéo en « somatique » alors que lors de la consultation, il fait explicitement le lien entre le contexte et le symptôme : « « le mal de tête que vous avez il est dans un

contexte où c'est l'hiver, c'est p’têtre plus les choses de pensées, de préoccupation...les courses à faire »

(RV 11).

Un des médecins n’a pas reconnu sa consultation comme « trouble fonctionnel » alors que, paradoxalement, il avait écrit lors du recueil des caractéristiques de la consultation (Thèse de V.Guerand) : « Comptable stressé ». Et il a qualifié le patient, lors de l’entretien, de « surmené avec un

virus ».

On est donc bien là dans le domaine du SBI, d’autant qu’aucune cause organique ne semble avoir été retrouvée lors du suivi de ces patients par les médecins.

Ces derniers entretiens mettent ainsi en perspective :

- Le manque d’une approche universelle convergente de la définition des troubles fonctionnels, parmi le corps médical.

- Le refus d’une place accordée au SBI dans leur consultation.

Plus globalement, pour ces vidéos, il est également intéressant de revenir, comme expliqué précédemment, sur le classement en « somatique » et « psychologique » de certaines consultations. Cette méthodologie de catégorisation semble permettre de « séparées » ces deux catégories. Serait-il inconvenant ou inopportun de penser qu’un symptôme « somatique » associé à un contexte « psychologique » puisse avoir un lien convergent ? Si le lien apparaît clairement en consultation, ne pouvons-nous-pas dire qu’il s’agit d’un « trouble fonctionnel », ou peut-être d’un « trouble à symptomatologie fonctionnelle » si l’on prend en considération la définition du DSM V ?

2. Le cadre de l’entretien

Les résultats de l’étude nous ont permis de mettre en évidence une différence dans la qualité des échanges lors des entretiens. Le cadre de réalisation de l’entretien peut être un facteur influençant, comme développé ci-après. Il est ici vu comme un élément indirect influençant les réponses du médecin : le type d’entretien et sa durée ; l’appétence au SBI par le médecin et enfin le lieu de l’entretien.

i. Type et durée d’entretien

Comme énoncé précédemment, les échanges étaient plus approfondis et plus long au domicile et au cabinet que par téléphone, à une exception près.

70 On pouvait alors craindre une perte d’information lors des entretiens téléphoniques. Il n’en est finalement rien, les médecins ayant fourni pour la plupart des éléments très structurants pour les résultats de cette thèse (entretien AS 13, PC 14 et VP 03/04). De plus, une étude sur « les méthodes qualitatives en psychologie et science humaine de la santé » viendrait appuyer cette constatation (49) (Page 43). En effet, l’entretien réalisé par téléphone ne nuirait pas à la qualité des échanges et donc à la qualité des résultats de l’étude.

ii. La qualité des échanges

Un point différenciant clairement la qualité des échanges est le degré d’appétence au SBI. En effet, si on se focalise sur les trois entretiens réalisés par téléphone, deux concernaient des médecins qui n’avaient pas de formation ou d’intérêt spécifique pour le sujet. Le troisième médecin interviewé par téléphone, au contraire, était titulaire d’un DU, intitulé « psychothérapie du médecin généraliste » qui traite notamment du sujet des SBI.

Cette différence s’est clairement fait ressentir au cours de l’entretien téléphonique : le médecin était particulièrement intéressé par le sujet, l’entretien a duré 50 mn et le médecin ne semblait pas manquer d’arguments et d’explications pour répondre aux questions posées. A la fin de l’entretien, ce médecin nous a même remercié de l’avoir interrogé et de lui avoir permis de s’exprimer sur le sujet.

iii. Le lieu de l’entretien

La réalisation des entretiens aux domiciles des médecins semble être un facteur de qualité des échanges, à la différence des entretiens téléphoniques, et même de ceux réalisés au cabinet, plus « informel ». En effet, les médecins sont sur un territoire familier, ainsi on peut supposer qu’ils se sentent plus à l’aise et plus en confiance, ce qui leur permet de s’exprimer et de se livrer plus facilement.

Si cette observation semble avoir du sens, elle ne peut cependant être un résultat en soit, puisqu’il existe un biais à celle-ci. En effet, les médecins interrogés à leur domicile, dans le cadre de cette thèse, n’étaient pas insensibles au sujet des SBI. En effet, l’un des médecins anime des groupes « Balint » et dira : «…Tous mes patients ont des signes fonctionnels ». (PG 10)

Un autre, actuellement à la retraite, dit s’être intéressé, pendant toute sa carrière, au sujet et dira : «…C’est ça qui fait la richesse de la médecine générale parce qu’on est le spécialiste du patient et de

la globalité dans lequel il est avec son histoire ». (RV 25)

Le dernier dira : «…J’ai fait un module optionnel de psychosomatique…c’est quelque chose qui

m’attirait… », «…J’ai participé à des groupes Balint, c’est hyper enrichissant ». (CA 19)

Suite à ces différentes constations, sans pouvoir affirmer avec certitude que le type (présentiel ou téléphonique) et le lieu (domicile ou cabinet) d’entretien ont eu un impact significatif sur la qualité des échanges et donc sur les résultats de l’étude ; on peut néanmoins affirmer que l’attrait et la formation professionnelle reçu du médecin pour ce sujet ne peut rendre l’échange que plus riche et qualitatif.

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3. Les limites de l’étude

i. Les vidéos

Sur les 13 entretiens prévus initialement (une vidéo sélectionnée par médecin qui donnera lieu à un entretien), seulement 11 entretiens ont pu être réalisés. En effet, comme évoqué plus haut, il nous a été difficile de trouver des vidéos pertinentes dans le cadre de cette thèse.

Pour l’un des médecins, il n’y avait aucune vidéo qui pouvait nous évoquer le thème du SBI ou « symptôme fonctionnel ».

Pour un autre médecin, nous avons rencontré un problème technique : il manquait des vidéos. Sur les vidéos restantes, aucune ne pouvait nous être utile, ne présentant aucune approche SBI. Nous n’avons de ce fait, pas pu analyser leur vidéo ni recueillir le témoignage de ces deux médecins pour notre étude.

Pour atteindre plus efficacement la saturation des données, et éviter un biais trop important, nous avons donc analysé deux autres vidéos de médecins déjà interviewés pour enrichir nos résultats. Ces vidéos analysées n’ont pas fait l’objet d’entretien car, ayant déjà interrogé ces médecins sur d’autres vidéos, il n’y avait pas de questions spécifiques et pertinentes qui nécessitaient un complément à l’entretien déjà réalisé.

Ceci n’a probablement pas impacté nos résultats car nous sommes arrivés à saturation des données après l’analyse de la moitié des entretiens par « théorisation ancrée ».

Un des médecins (CA 19) a voulu montrer qu’il savait rechercher et éliminer les causes organiques dans sa consultation (pour les étudiants futurs docteurs) du fait de la présence de la caméra. Cette volonté est très positive, mais porte pour autant préjudice à cette étude (biais), dans la mesure où le médecin n’a pas été assez authentique dans son attitude.

« Le fait qu’il évoque lui-même « le stress »…j’aurais pu rebondir plus là-dessus mais pour moi il avait compris…là je pense que…j’ai été…stressée par la vidéo… ». (CA 19)

ii. Les médecins

Nous avons vu que les médecins ne sont pas tous égaux face à l’attrait et à la connaissance des SBI. Ceci n’est pas une limite de l’étude, bien au contraire, elle représente un résultat qui légitime la problématique de cette thèse et les autres résultats qui en découlent.

Cependant, un biais identifié lors de l’étude concerne les caractéristiques des médecins interviewés. En effet, l’un de ceux-ci n’exerçait malheureusement plus la médecine générale au moment de l’entretien, alors que cette thèse est orientée sur cette population. Cependant, la vidéo analysée datant bien de sa période d’exercice en médecine générale, et le médecin étant en capacité de discuter sur celle-ci, ce biais peut être considéré comme mineur.

Néanmoins, de par le fait que ce médecin a choisi de faire de la médecine d’urgence, on peut penser que la médecine libérale et plus particulièrement le sujet des SBI ne sont pas « attrayant » pour celui- ci (entretien VP 03/04) ; ceci s’est confirmé lors de l’analyse de la vidéo et de l’entretien par un type de prise en charge et des réponses très orientés « médecine d’urgence » et centrés « maladie » dans

72 la démarche diagnostique et thérapeutique.

« D’ailleurs c’est pour ça que j’ai arrêté la ville…parce que je vois bien qu’il y a tout ce travail en profondeur faire…du coup j’suis dans l’activité…hospitalière d’urgentiste… ».

Ainsi, ce changement radical de pratique de la médecine semble avoir eu un impact sur la qualité de l’entretien.

iii. Les patients

Nous pouvons également discuter de certains biais relevés du côté des patients.

Un patient ne parlait pas français lors de la consultation. A cause de la barrière de la langue et de la différence de culture, le médecin ne pouvait pas approfondir le diagnostic de ce symptôme fonctionnel pourtant clairement identifié, ni transmettre au patient sa perception de ce symptôme. Quand le médecin posait des questions au patient, pour essayer d’avancer dans le diagnostic, le patient ne comprenait pas les questions, et donc, leur pertinence. (Vidéo PG 10)

Concernant le ressenti des patients recueilli à la fin des consultations par le thésard V.Guerand, les patients ont tous répondu par la positive aux questions. Cependant, les patients ne semblaient pas tous satisfait des consultations, comme évoqué précédemment lors de l’analyse des vidéos. (PG 10, MC 26, VP 03/04) On peut se demander si leurs réponses sont authentiques et reflètent la véracité de leur pensée. Le fait que les deux questions aient été posées dans le cadre d’une étude par un étudiant a peut-être influencé leurs réponses, occultant le fond de leur pensée.

Concernant la consultation du médecin AD 23, le patient a répondu par « oui » à la dernière question du questionnaire (« la caméra a-t-elle changé quelque chose), en indiquant avoir été « mal à l’aise », et la caméra ayant été jugée « intrusive » durant la consultation. On peut donc se demander si les résultats issus de l’analyse de cette vidéo ne sont pas biaisés.

iv. Les entretiens

Concernant les entretiens, un biais a été identifié et remonté par deux médecins : les entretiens portent sur des évènements remontant à 2 ans. On peut supposer une perte de pertinence et d’objectivité des réponses aux questions posées, ainsi qu’un manque de précision dans les réponses.

« …Deux ans d’écart, donc décalage…si on voulait apporter de la précision, il aurait fallu que je vous vois juste après cette consultation…j’aurai eu surement plus de choses à vous dire deux ans plus tôt ». (PG 10)

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