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Le bourgeonnement cellulaire induit par E4orf4 requiert la réorganisation dynamique du cytosquelette d'actine.

protéine E4orf4.

3.1 Des agents chimiques qui interfèrent avec la dynamique de l'actine modifient l'activité de E4orf4.

3.1.1 Le bourgeonnement cellulaire induit par E4orf4 requiert la réorganisation dynamique du cytosquelette d'actine.

Le bourgeonnement membranaire est un processus dynamique qui se manifeste par des événements de sortie et d'entrée de bourgeons membranaires se produisant simultanément sur toute la surface cellulaire. Un modèle proposé par Mills explique la formation de bourgeons membranaires suite à une augmentation de la contraction actine-myosine II (figure 3-1, réf19). Selon ce modèle, la contraction des filaments corticaux d'actine par la

myosine II cause la constriction de la membrane plasmique excepté aux endroits où il y a bris de liason entre la membrane et le cytosquelette. Ces bris sont causés par le clivage de protéines d'ancrage à la membrane (ex. la fodrine). La combinaison de la contraction et des bris locaux entre le cytosquelette et la membrane causerait la sortie des bourgeons. Jusqu'à tout récemment, très peu de données permettaient d'expliquer l'entrée des bourgeons. Lors de l'apoptose classique, l'augmentation de l'activité de contraction de la myosine II, de même que les bris de liaison entre le cytosquelette et la membrane plasmique décrits dans ce modèle sont attribués à l'activité des caspases 427. Or, E4orf4 induit du bourgeonnement

sans activation des caspases. Ceci permet de soupçonner un mécanisme différent pour l'induction du bourgeonnement par E4orf4.

Figure 3-1. Modèle classique d'induction du bourgeonnement membranaire. Voir le texte pour la description du modèle.

La distribution de l'actine-F en présence de E4orf4 a été comparée à sa distribution dans une cellule où le bourgeonnement membranaire typique a été induit par un traitement au nocodazole (figure 3-2). Un traitement prolongé avec une forte dose de nocodazole (lOOng/ml pendant 16 heures) induit la dépolymérisation des microtubules et mène à l'apoptose. Le marquage de l'actine-F a été réalisé à l'aide de la phalloïdine fluorescente (A488) qui lie les filaments d'actine. Ce marquage révèle que le traitement au nocodazole et l'expression de E4orf4 induisent un changement dans la morphologie cellulaire comparativement à la cellule témoin (VV) (figure 3-2). L'apparition des petits bourgeons membranaires de surface par le traitement au nocodazole est associée avec la présence de l'actine-F principalement au niveau du cortex cellulaire. Cependant, contrairement au modèle classique d'induction du bourgeonnement (figure 3-1), l'actine-F est également présente en périphérie des bourgeons, suggérant que le modèle proposé par Mills est incomplet. En comparaison, le bourgeonnement induit par E4orf4 semble impliquer le corps cellulaire en entier, puisque les bourgeons sont moins nombreux, mais beaucoup plus volumineux. Surtout, la cellule présente un marquage polarisée de la phalloïdine, très intense dans la région juxtanucléaire. L'actine-F est également présente en périphérie des bourgeons.

VV Nocodazole E4orf4

Figure 3-2 Le bourgeonnement cellulaire induit par E4orf4 est associé avec une réorganisation du cytosquelette d'actine. Microscopie confocale comparant le marquage de

l'actine-F (phalloïdine-A488) d'une cellule 293T non traitée (VV), traitée avec lOOng/ml de nocodazole pendant 16 h ou exprimant E4orf4-mRFP depuis 24 heures. L'encadré montre la surface de la cellule traitée au nocodazole afin de comparer le bourgeonnement membranaire de surface avec le bourgeonnement cellulaire polarisé induit par E4orf4. À noter, la formation de la structure riche en actine-F près du noyau (N) en présence de E4orf4. Barre, 10|am.

Cette expérience confirme que E4orf4 induit un bourgeonnement cellulaire atypique. Puisque le bourgeonnement induit par E4orf4 requiert l'intégrité du cytosquelette d'actine

408, et que la dynamique de l'actine est associée avec plusieurs processus qui impliquent

une déformation des membranes, comme la formation de lamellipodes, de filopodes et de vésicules, on peut supposer que la dynamique de l'actine est au coeur du mécanisme d'induction de ce bourgeonnement cellulaire atypique. De plus, l'augmentation du marquage et le changement de distribution de l'actine-F par rapport à la cellule témoin suggèrent que le bourgeonnement cellulaire induit par E4orf4 implique la polymérisation, ou du moins, la réorganisation des filaments d'actine préexistants (figure 3-2).

Afin de préciser l'importance de la dynamique de l'actine pour le bourgeonnement cellulaire déclenché par E4orf4, les cellules 293T transfectées avec E4orf4-GFP ont été traitées avec une faible dose de cytoD (5nM), afin de stabiliser les filaments d'actine. La drogue a été ajoutée 8 heures après la transfection, soit avant l'apparition du bourgeonnement cellulaire, pour une période d'environ 16 heures. Les résultats démontrent que la stabilisation de l'actine-F affecte grandement la morphologie de la cellule et des bourgeons. En absence de cytoD, l'expression de E4orf4 cytoplasmique déclenche la réduction du volume cellulaire, la formation de gros bourgeons, à raison de 3 à 5 par cellule, suivie de la déadhérence des cellules (figure 3-3A; E4orf4). L'ajout d'une faible dose de cytoD multiplie le nombre de bourgeons et semble inhiber la condensation de la cellule. Les cellules s'aplatissent et le contour des cellules devient difficile à discerner (figure 3-3A; E4orf4 +cytoD).

Afin de déterminer l'impact de la stabilisation de l'actine sur la dynamique du mouvement des bourgeons, ces cellules ont été analysées in vivo par microscopie en temps réel à raison d'une acquisition par 5 secondes pendant 5 minutes. Le nombre d'événements d'entrée ou de sortie d'un bourgeon a été disséqué pour au moins 30 cellules. La moyenne des résultats obtenus révèle qu'une faible dose de cytoD diminue le ratio du nombre d'entrées de bourgeons sur le nombre de sorties. Des résultats similaires ont été obtenus avec une dose de cytoD de lOnM administrée pendant 3 heures (non montré) ou avec la surexpression d'un mutant dominant négatif de la petite GTPase Racl (T17N). Classiquement, l'activité de Racl stimule la polymérisation d'actine associée à la formation de lamellipodes 428. Le

mutant T17N a été utilisé comme outil pour inhiber la polymérisation d'actine et confirmer les résultats obtenus par l'utilisation d'un agent chimique.

A)

B)

0.9 0.8 .2 0.7 O 0.6 "55 0.5 ai ^ 0.4 F 0.3 ai 0.2 0.1 0 . 0 - DMSOcytoD Rac 5nM T17N E4orf4-GFP

Figure 3-3 La stabilisation des filaments d'actine inhibe la rétraction des bourgeons et la réduction du volume cellulaire induits par E4orf4. (A) Les cellules 293T transfectées avec

E4orf4-GFP ont été traitées ou non avec 5nM de cytochalasine D (cytoD) pendant 16 heures pour stabiliser les filaments d'actine. Les images prises en contraste de phase sur des cellules positives pour E4orf4-GFP comparent le bourgeonnement cellulaire polarisé induit par E4orf4 au bourgeonnement membranaire résiduel observé chez les cellules positives traitées avec la cytoD. À noter, la cytoD semble inhiber la réduction du volume cellulaire induite par E4orf4. Barre, lOum. (B) Les cellules en (A) ont été analysées par microscopie en temps réel à raison d'une acquisition par 5 secondes pendant 5 minutes. La moyenne du nombre d'événements (sortie ou entrée d'un bourgeon) par cellule par minute a été calculée à partir des données récoltées chez au moins 30 cellules. Une expérience similaire a été réalisée avec des cellules 293T transfectées avec E4orf4 et un mutant dominant négatif de Racl (T17N). La diminution du ratio du nombre d'entrées de bourgeons sur le nombre de sorties en présence de cytoD ou de Racl T27N suggère que la polymérisation d'actine contribuerait à l'entrée des bourgeons.

Ces expériences suggèrent qu'une nouvelle polymérisation d'actine serait impliquée dans la dynamique du bourgeonnement induit par E4orf4, plus précisément dans la rétraction des bourgeons. Ce résultat a été obtenu alors que très peu de données dans la littérature permettaient d'expliquer la rétraction des bourgeons. Deux études indépendantes publiées en 2006, l'une chez Dictyostelium 29 et l'autre chez des érytrocytes 43°, ont démontré

l'importance de la polymérisation d'actine pour la rétraction des bourgeons chez des cellules non-apoptotiques. Ces données récentes appuient les résultats obtenus avec E4orf4 et suggèrent que le mécanisme de bourgeonnement atypique déclenché par E4orf4 pourrait

s'appliquer à d'autres stimuli. Aussi, un rôle pour la polymérisation de l'actine dans la rétraction des bourgeons expliquerait la présence de l'actine-F en périphérie des bourgeons induits par le nocodazole (figure 3-2) et permettrait de compléter le modèle d'induction du bourgeonnement classique proposé par Mills (figure 3-1). De plus, il semble exister une corrélation entre la stabilisation des filaments d'actine et la perte de la réduction du volume cellulaire induite par E4orf4. Ceci suggère un rôle pour la polymérisation d'actine non seulement dans le bourgeonnement, mais également dans la condensation du corps cellulaire qui normalement, est précurseur de la mort de la cellule.

3.1.2 La dynamique de l'actine participe à la condensation nucléaire induite par E4orf4.

Lors de l'apoptose classique, la réorganisation du cytosquelette est considérée comme un sous-programme responsable des changements morphologiques nécessaires à l'élimination des cellules. Ce sous-programme serait une conséquence de l'activation des caspases. Le clivage de certains substrats des caspases, dont l'actine elle-même, mènerait entre autres à l'augmentation de la contraction par l'activation soutenue de la myosine II, au démantèlement des points focaux d'adhérence, et à la perte de liaison entre le cytosquelette et la membrane plasmique, provoquant le bourgeonnement membranaire et la réduction du volume cellulaire 19. Cependant, le rôle potentiel du cytosquelette d'actine en amont de

l'activation des caspases dans la signalisation de la mort cellulaire a reçu très peu de considération jusqu'à présent. Pourtant, l'étude menée par le Dr. Lavoie en 2000 montre que l'utilisation d'une forte dose de cytoD inhibe non seulement le bourgeonnement, mais également la condensation nucléaire. Ces résultats suggèrent un rôle nécessaire pour l'intégrité du cytosquelette d'actine dans la transmission du signal de mort induit par E4orf4. Cependant, ces expériences ne permettent pas de déterminer si la réorganisation dynamique de l'actine est impliquée. La corrélation obtenue entre la stabilisation des filaments d'actine par une faible dose de cytoD et la perte de la réduction du volume cellulaire induite par E4orf4 (figure 3-3A) suggère un rôle pour la polymérisation d'actine dans la mort cellulaire.

Afin de vérifier l'importance de la réorganisation dynamique de l'actine pour la mort cellulaire, les cellules 293T transfectées avec E4orf4 ont été soumises ou non à une faible

dose de cytoD pendant 16 heures, de façon à stabiliser les filaments d'actine tout en préservant l'intégrité du cytosquelette. Les cellules ont ensuite été fixées, et l'ADN a été coloré au DAPI afin d'évaluer la condensation nucléaire. Le même traitement a été imposé à des cellules transfectées avec le vecteur vide (VV) ou avec RhoA VI4, une forme active de RhoA qui induit une augmentation de contraction suffisante pour provoquer du bourgeonnement membranaire dans les cellules 293T (non montré). Les résultats obtenus montrent qu'à cette dose, la cytoD inhibe d'environ 4x la condensation nucléaire induite par E4orf4. Par contre, la mort de type nécrotique, caractérisée par un gonflement du noyau, induite par la surexpression de RhoA VI4, n'est pas inhibée par ce traitement. De plus, cette dose de cytoD ne semble pas être toxique pour les cellules témoins (figure 3- 4A). Cette expérience suggère que la nouvelle polymérisation d'actine pourrait contribuer à l'activation des effecteurs responsables de la condensation nucléaire induite par E4orf4. D'après les conclusions de l'expérience avec la cytoD, une stimulation de l'élongation des filaments d'actine devrait amplifier le phénotype de condensation nucléaire. Afin de vérifier cette prémisse, les cellules 293T transfectées avec le vecteur vide ou E4orf4-GFP ont été soumises à des doses croissantes de jasplakinolide pour stimuler l'élongation des filaments d'actine. Après 12 heures de traitement avec des doses de 0 à lOOOnM, les cellules ont été fixées et l'ADN à été coloré au DAPI. L'observation de la morphologie nucléaire a révélé une intensification du phénotype de condensation nucléaire chez les cellules traitées avec des faibles doses de jasplakinolide (25 à lOOnM). La proportion de noyaux dont le volume nucléaire est extrêmement petit et où le marquage au DAPI est très intense (noyaux ultracondensés), a donc été évaluée. C'est avec 25nM de jasplakinolide que la proportion de noyaux ultracondensés est la plus augmentée, passant de 25 % chez les cellules non traitées à 50% chez les cellules traitées (figure 3-4B). Suite à ce traitement, le bourgeonnement cellulaire aussi s'intensifie, c'est-à-dire que le nombre de cellules ayant plus que 5 bourgeons par cellule augmente de 17.5% à 47%. Puisque la drogue lie l'extrémité (-) de l'actine-F, on s'attend à ce qu'elle empêche le renouvellement du réservoir d'actine-G nécessaire à la polymérisation d'actine. D'ailleurs, l'effet amplificateur de la drogue diminue avec la dose jusqu'à 250nM où l'intégrité du cytosquelette est complètement perdue. L'actine-F forme alors d'immenses agrégats et la

dynamique de l'actine est complètement inhibée de même que la condensation nucléaire (figure 3-4B).

A)

_0j 3 I Condensation nucléaire Nécrose Hyperbourgeonnement « cellules) DMSO 17.5 Jasplakinolide 47 CytoD 5nM W E4orf4 00 200 300 400 500 600 700 800 900 1000 Jasplakinolide (nM)

Perte de l'intégrité du cytosquelette d'actine

W RhoAV14 E4orf4 Inhibe la dynamique de l'actine

Figure 3-4 L'élongation des filaments d'actine participe à la condensation nucléaire induite par E4orf4. (A) Les cellules 293T transfectées avec le vecteur vide (VV), myc-RhoA V14 (forme

active) ou avec myc-E4orf4 ont été traitées avec du DMSO (-) ou avec 5nM de cytochalasine D (cytoD) pour stabiliser le cytosquelette d'actine. Les drogues ont été administrées 8 heures après la transfection avant l'induction du bourgeonnement et les cellules ont été fixées 16 heures après le traitement. L'expression de RhoA V14 ou de E4orf4 a été révélée par immunofluorescence à l'aide d'un anti-myc. Le pourcentage de condensation nucléaire ou de nécrose a été déterminé grâce à la coloration de l'ADN au DAPI. Les données représentées graphiquement sont la moyenne de deux expériences indépendantes (n=500). (B) Les cellules 293T transfectées avec le vecteur vide (VV) ou avec E4orf4-GFP ont été traitées avec une dose croissante de jasplakinolide qui inhibe la dépolymérisation des filaments d'actine. Le traitement a été administré 24 heures après la transfection pour une période 12 heures précédant la fixation des cellules. Le pourcentage d'ultracondensation nucléaire a été déterminé chez les cellules positives grâce au marquage de l'ADN au DAPI. L'actine-F a été révélée avec la phalloïdine-A594 afin d'évaluer l'intégrité du cytosquelette d'actine (non montré). Les données du graphique représentent la moyenne de deux expériences indépendantes (n=700). Le pourcentage d'hyperbourgeonnement (>5 bourgeons par cellule) a été déterminer sur les cellules vivantes exprimant E4orf4-GFP, 3 heures après l'ajout de 25nM de jasplakinolide (n=400).

L'ensemble de ces résultats suggère un rôle important pour la dynamique de l'actine dans la signalisation de la mort cellulaire induite par E4orf4. Selon cette hypothèse, il est primordial d'identifier la nature précise et les effecteurs des changements à l'actine induits par E4orf4, afin d'évaluer le rôle de ces effecteurs en amont ou en aval de Src dans la signalisation du programme de mort cytoplasmique induit par E4orf4.