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1.3 La mort cellulaire par la protéine E4orf4 de l'Adénovirus

1.3.1 E4orf4 dans son contexte naturel d'infection virale

1.3.1.1 Adénovirus, transformation et mort cellulaire

Les virus sont des micro-organismes très efficaces qui réussissent à assurer leur réplication, assemblage et dissémination en dépit de leur génome relativement modeste. Afin d'y parvenir, ils encodent souvent des protéines multifonctionnelles qui ciblent des fonctions stratégiques de la cellule hôte 365. Chez l'adénovirus, les gènes codant pour ces protéines

sont regroupés dans 4 unités transcriptionnelles (El à E4), dites précoces, puisqu'elles sont transcrites tôt durant l'infection. Le programme de transcription virale s'initie par la transcription du gène E1A qui vise l'établissement d'un état permissif pour la réplication virale chez la cellule hôte. Puisque les adénovirus infectent des cellules épithéliales quiescentes, les niveaux de déoxynucléotides et de protéines impliquées dans la synthèse de l'ADN sont insuffisants pour supporter la réplication virale. E1A force la progression de la cellule en phase S en ciblant deux familles de protéines cellulaires qui assurent le contrôle de la prolifération. Premièrement, El A se lie aux membres de la famille de suppresseurs de tumeur du rétinoblastome (Rb), libérant le facteur de transcription cellulaire E2F. Une fois activé, E2F joue un rôle important dans la synthèse de l'ADN, la progression dans le cycle

cellulaire, ainsi que dans l'activation transcnptionnel des gènes adénoviraux de la région E2. Deuxièmement, El A se lie à p300/CBP de la famille des histones acétyl transférases pour inhiber sa fonction de coactivateur transcriptionnel. Cette liaison cause la répression transcriptionnelle de gènes qui préviennent l'entrée en phase S, permettant ainsi la progression du cycle cellulaire366. En liant ces mêmes molécules, El A sensibilise

également les cellules au programme de mort cellulaire intrinsèque, en déclenchant les mécanismes de contrôle de la division cellulaire régis par le suppresseur de tumeur p53367.

El A influence la signalisation de p53 à différents niveaux. D'abord, la libération des membres de la famille E2F par E1A mène à l'activation transcriptionnelle du gène de p53

368. E2F induit également la production de pl4ARF qui inhibe l'activité ubiquitine ligase de

MDM2 qui normalement favorise la dégradation de p53 369. E2F favorise également la

stabilité de p53 en se liant à p300/CBP. Cette liaison inhibe la boucle d'amplification négative induite par p53 et p300/CBP, qui normalement active la transcription de MDM2 pour favoriser l'autodestruction de p53 37°. Finalement, El A augmente les niveaux de p53

en se liant à SUG1, une sous-unité régulatrice du protéasome responsable de la dégradation de p53 371. Une fois stabilisée, p53 déclenche la voie intrinsèque de l'apoptose, par exemple

en induisant l'expression de BAX au niveau transcriptionnel 7 .

À cette étape de l'infection, la mort de la cellule hôte serait délétère pour la réplication virale. Afin d'entraver son propre effet proapoptotique, E1A transactive les gènes de deux produits de l'unité de transcription E1B (E1B 55 kDa et E1B 19 kDa)3 7 3. Le rôle majeur de

E1B 55 kDa pendant la phase précoce d'infection est d'inhiber l'activité transcriptionnelle de p53 en s'y liant directement374. E1B 55 kDa lie également la protéine virale E4/ORE6.

Ensemble, les deux protéines virales dirigent p53 vers la dégradation par le protéasome 375.

La protéine E1B 19 kDa quant à elle, montre une certaine homologie avec la molécule anti- apoptotique Bcl-2. E1B 19kDa prévient l'apoptose induite par la voie intrinsèque en se liant, entre autres, aux molécules cellulaires Bak, Bax et Bik pour inhiber leurs effets pro- apoptotiques ' ' . E1B 19 kDa prévient également l'apoptose en influençant la transcription. En effet, il semble que E1B 19 kDa lie Btf (Bcl-2-associated transcription factor), un répresseur transcriptionnel. Lorsque Btf est surexprimé dans les cellules Hela, une réponse apoptotique sensible à E1B 19 kDa est induite . En somme, en transactivant

El B, El A favorise la réplication virale tout en échappant aux points de contrôle majeurs du cycle cellulaire.

Synthèse d'ADN, Progression dans le cycle

cellulaire. Expression et stabilisation de p53. E1B55k

l

u

Prolifération Apoptose E1B 19k

(Évasion du système immunitaire)

Figure 1-7 Transformation de la cellule hôte par les oncogènes viraux E1A et E1B. En liant les

régulateurs clés du cycle cellulaire pour forcer la prolifération cellulaire, El A sensibilise également la cellule hôte à l'apoptose en stabilisant p53. L'effet proapoptotique de E1A est entravé par l'expression de E1B 55kDa et E1B 19kDa . L'effet anti-apoptotique des protéines virales codées dans la région E3 est également illustré. En bleu, les protéines d'origine cellulaire. En rouge, les protéines d'origine virale.

En plus de transactiver E1B, El A régule l'activation des autres gènes précoces des régions E2, E3 et E4 373. El A active la transcription des gènes cellulaires c-fos et junB composant

le facteur de transcription AP-1, qui favorise la transcription des gènes précoces 3 7 9 , 3 8°. Les

produits de la région E2 sont impliqués directement, avec d'autres protéines cellulaires, dans la réplication de l'ADN viral par des mécanismes qui ne seront pas décrits ici. Les produits de la région E3 regroupent des molécules jugées non essentielles pour la

T O I T Q ' ) réplication virale, mais qui procurent un avantage non négligeable pour le virus

L'infection virale déclenche plusieurs réactions chez la cellule hôte qui visent la destruction de la cellule infectée, entre autres via le déclenchement de la voie extrinsèque de l'apoptose. Encore une fois, l'adénovirus a réagi à cette réponse au cours de l'évolution par l'expression de molécules transmembranaires codées dans la région E3. Pour ne citer que quelques exemples, le produit du gène E3/19K bloque la présentation d'antigènes à la surface de la cellule hôte 3 8 3'3 8 4. D'autres produits, comme le complexe E3/10.4K-14.5k

inhibent directement les voies extrinsèques de l'apoptose en stimulant l'intemalisation et la dégradation des récepteurs de mort Fas et TNFR1 " . Avec E1B, les molécules E3 préviennent la mort prématurée de la cellule infectée en assurant l'inhibition des voies classiques de l'apoptose 367. L'action conjuguée des oncogènes viraux E1A, E1B et des

molécules codées dans la région E3 crée un contexte cellulaire très semblable à celui d'une cellule transformée où la division cellulaire se produit de manière incontrôlée et où les programmes d'apoptose classique et la réponse immunitaire sont inhibés (figure 1-7). Les protéines de la région E4 quant à elles régulent diverses fonctions, notamment la transcription des gènes viraux, l'épissage de TARN, le transport des ARNm et la mort cellulaire. Les fonctions virales de E4orf4, notre modèle d'étude, seront précisées plus loin. Douze à 40 heures après l'infection, la phase tardive du cycle de réplication virale débute par la synthèse d'un long transcrit polycistronique contrôlé par un promoteur majeur. Ce long transcrit sera épissé en 18 ARNm codant presqu'exclusivement pour les protéines de structure qui formeront la capside virale. Suivront la formation de virions, l'encapsidation de l'ADN virale et la dissémination. À cette étape, le virus doit composer avec le fait qu'il ne peut exploiter les mécanismes de mort cellulaire par apoptose qu'il a lui-même inhibés. L'étude des mécanismes de mort cellulaire déclenchés par les protéines virales en fin d'infection est donc une excellente stratégie pour révéler de nouveaux programmes de mort alternatifs activables dans les cellules transformées.