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La borne ;;;: la mise en scTne du « passager »

Chapitre 2 ;;;: La mise en scTne de l’interface

4. Interfaces médiatisées

4.1. La station de covoiturage (ecov)

4.1.1. La borne ;;;: la mise en scTne du « passager »

La borne est destinée à l’usage des passants piétons ;;;: elle se situe de maniTre visible sur une zone piétonne le long de la voirie (par exemple un trotoir). Ses concepteurs misent à

Son aspect familier tient au fait qu’il s’agit d’un horodateur détourné (Illustration 20). On reconnaît sa forme de mât et les éléments qui la composent ;;;: un écran, un terminal bancaire, une imprimante de tickets.

Malgré cete familiarité, plusieurs indices inhabituels aident à comprendre qu’il s’agit d’une modalisation. D’abord, la borne de covoiturage est reconnaissable à son chapeau jaune sur lequel est inscrit le nom de l’expérimentation « covoit’ici », composé de deux termes ;;;: « covoit », diminutif appartenant au langage familier de « covoiturage » ;;;; « ici », déictique qui, accolé à « covoit » constitue une invitation à passer à l’action dans la situation actuelle. Le détournement du « map marker » de Google rapporté de l’espace virtuel à l’espace public renforce le déictique « ici ». Cet emprunt à Google est d’ailleurs clairement signalé dans un document de présentation de la charte graphique du service (Illustration 21).

Illustration 20 : Illustrations de la borne de covoiturage. De gauche à droite : photo du modTle d'horodateur détourné pour concevoir la borne (Source : htps://www.parkeon.fr/innovation/, consulté le 16/08/2018) ; deux photos de bornes covoit'ici (Source ;;;: ecov).

Cet aspect à la fois familier et inhabituel est une invitation lancée à la curiosité des piétons, pour qu’ils se rapprochent et endossent, dans un premier temps, le rôle de « lecteur ». En efet, la borne se donne à lire. Deux autocollants y sont posés. Le plus visible, sur fond blanc, comporte le texte suivant ;;;:

QUIZZ ;;;: TOP, je ne suis pas un horodateur, je m’adresse d’ailleurs uniquement aux piétons, je leur permets de trouver en quelques minutes un covoiturage, je suis je suisa une borne covoit’ici. Plus d’infos sur covoitici.fr. Ce texte reprend des éléments de discours typiques du jeu télévisé « Qestion pour un champion », dont je retranscris ici un extrait28 ;;;:

Top déesse, déesse grecque, aussi appelée Coré, je suis associée avec ma mTre au culte des mystTres d’Eleusis. Enlevée par HadTs et séquestrée aux enfers, je suis recherchée pendant neuf jours et neuf nuits.

Illustration 21 : Illustrations du logo covoit’ici (Source ;;;: ecov). De haut en bas, de gauche à droite ;;;: extrait de la charte graphique ;;;; illustration du « map marker » de Google ;;;; logo covoit’ici.

On retrouve bien le « top » et le « je suis » caractéristiques de cete émission. La mise en scTne du jeu télévisé donne un ton ludique à la borne. Elle permet de lui donner la parole (la premiTre personne, « je suis » renvoie à la borne) et d’impliquer indirectement le « lecteur » en le metant dans le rôle du « participant au jeu ». La précision « je m’adresse aux piétons » confrme au piéton transformé en « lecteur » que le texte s’adresse bien à lui. La deuxiTme précision « je leur permets de trouver en quelques minutes un covoiturage » est une invitation à endosser le rôle de « passager ». Ce texte exprime donc la démarche qu’il invite à suivre, du « piéton » au « lecteur », du « lecteur » au « passager ». La phrase « plus d’infos sur covoitici.fr » ne fait pas partie du cadre du jeu télévisé (cete phrase est séparée du reste par un retour à la ligne et un surlignage jaune). Elle lance une invitation complémentaire ;;;: transformer le rôle de « lecteur curieux » en « internaute » en allant visiter le site internet du service.

Sur le deuxiTme autocollant, temporaire (on ne le retrouve pas sur d’autres bornes), est écrit sur fond rouge le texte suivant ;;;:

Le mot de la borne ;;;: vous pouvez déjà m’utiliser pour faire du covoiturage, mais soyez indulgents, je suis encore en test. En cas de problTme appelez le ;;;: 07 68 22 12 22*

PS ;;;: je fonctionne 24h/h24, 7 jours sur 7. * prix d’un appel [a].

La premiTre personne renvoie encore à la borne. Avec l’emploi de la deuxiTme personne, de l’auxiliaire modal « pouvoir » (« vous pouvez déjà m’utiliser ») et de l’impératif (« soyez indulgents », « appelez »), l’invitation à participer se fait plus pressante ;;;: l’autocollant s’adresse directement à ses « lecteurs » et les considTre d’ores et déjà comme des « utilisateurs ». Cet autocollant permet aux concepteurs de recadrer la situation à distance en cas de problTme.

En outre, l’utilisation de la borne repose sur une écran tactile qui donne accTs à une application connectée au systTme d’information global du service covoit’ici. Cete application appartient à la famille des applications dénommées « guichet » ou « front ofce » en référence à la situation de face-à-face du même nom. A l’inverse du guichet en face-à-face, ce n’est pas le client qui formule sa demande, mais l’interface qui suggTre les demandes. L’utilisateur clique sur les afrmations qui correspondent à sa demande, renseigne les informations demandées, réalisent les actions prescrites.

Les illustrations 22, 23, 24, 25 et 26 décrivent le parcours de l’utilisateur qui souhaite formuler une demande de covoiturage ;;;: un écran d’accueil, une séquence

d’identifcation, une séquence de formulation de la demande de covoiturage, un retour à l’écran d’accueil qui correspond au temps d’atente d’un « conducteur » et la séquence de signalement du départ. En plus de ces séquences, des fenêtres à valeur informative de plusieurs types émaillent le parcours utilisateur ;;;: des exemples en sont présentés en illustration 27.

Cete description montre comment la mise en scTne imaginée par le concepteur pour inviter l’utilisateur à endosser le rôle de passager et à se conformer au scénario prescrit est inscrite dans la structure de l’application.

D’abord l’application crée le rôle de passager en le raccordant à des usages connus. Elle appartient à la famille des applications de guichet en ligne, destinées aux clients pour la formulation de demandes ou la réalisation d’opérations à partir d’un espace personnel accessible par une procédure d’identifcation. On peut noter par ailleurs que la fenêtre de choix de la destination (avec des propositions de destination et une case « autres destinations ») reprend celle que l’on peut avoir l’habitude de voir par exemple à un guichet automatique bancaire, où des montants usuels sont proposés tandis que les autres montants sont accessibles grâce à une case « autre montant ». On peut également noter la reprise des couleurs conventionnelles de l’annulation (rouge) et de la validation (vert), ou d’une nomenclature classique pour ce type d’application (« aide », « retour », « ok », « se déconnecter », « veuillez patienter quelques instants »).

Illustration 22 : Ecran d'accueil de l'interface utilisateur de la borne de covoiturage. Source ;;;: ecov.

Illustration 24 : Séquence de formulation d'une demande de covoiturage. Source ;;;: ecov.

Illustration 25 : Écran d'accueil de l'interface de la borne lorsqu'une demande de covoiturage est en cours. Source : ecov.

Ensuite, la reprise de ces conventions est la base de création du nouvel univers covoit’ici. Les fenêtres de patience contiennent, de maniTre classique une animation illustrative du traitement en cours ;;;: cete animation réutilise, sous forme de logo, le panneau à messages variables qui est, comme nous allons le voir, un élément caractéristique de la station de covoiturage. De même, l’afchage de la demande en cours sur l’écran d’accueil reprend la typographie du panneau à messages variables reconnaissable à sa pixellisation. C’est également la typographie qui est adoptée pour le logo covoit’ici présenté précédemment. L’équilibre entre familiarité et création d’un nouvel univers Illustration 26 : Séquence de signalement du départ. Source ;;;: ecov.

Illustration 27 : Exemples de fenêtres informatives de l'interface utilisateur de la borne. Source ecov.

traduit l’intention d’amener les gens à s’approprier facilement le rôle inédit de « passager ».

De plus, l’appropriation du rôle repose sur un processus d’apprentissage qui s’appuie sur des fenêtres informatives. Ces derniTres apportent les connaissances nécessaires à l’utilisation de la borne et à la réalisation du covoiturage. La procédure s’adapte partiellement au niveau de connaissance de l’utilisateur, grâce à la case « ne plus afcher cete information » contenue dans la fenêtre d’explication du temps d’atente estimé. Elle prévoit donc, d’une utilisation à l’autre, un apprentissage du rôle de « passager ».

Enfn, des marques de confrmation et de réassurance sont présentes tout au long de la procédure ;;;: l’intitulé « covoiturage pour Meulan Piscine » confrme à la personne la destination choisie ;;;; l’intitulé « vous allez signaler votre départ » reprend l’intitulé de la case sur laquelle vient de cliquer la personne (« signaler mon départ ») ;;;; l’intitulé « le ticket a été validé » confrme le succTs de la démarche prescrite « saisissez le code fgurant sur votre ticket ». La structure linéaire rythmée par des opérations de validation, les indications précises sur les informations à saisir (le numéro de téléphone, le mode de passe, le numéro du ticket), l’afchage du prénom sur la fenêtre de patience à l’issue de la procédure d’identifcation (« bonjour Julien »), tout cela renforce le sentiment d’assurance que le concepteur cherche à installer chez l’utilisateur. Ainsi tout est organisé de maniTre à confrmer à l’utilisateur qu’il adopte bien le comportement atendu de lui. De cete maniTre, le concepteur pallie l’absence physique du guichetier et maximise la probabilité que l’utilisateur mTne jusqu’au bout le programme d’action du rôle de « passager ».

Ainsi, en empruntant des conventions familiTres, et en multipliant les réassurances, les professionnels s’assurent, malgré leur absence, que les utilisateurs de la borne interprTtent leur rôle de maniTre conforme.