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A. Catlin, Belden et Gibbs, voyageurs romantiques

1. Biographies et itinéraires

a. George Catlin (1796-1872)

George Catlin est sans aucun doute l’un des plus fameux voyageurs de l’Ouest que nous connaissions aujourd’hui, en son temps un peintre pionnier dans la représentation des groupes autochtones d’Amérique du Nord.

Né en Pennsylvanie, Catlin se destine tout d’abord à devenir avocat mais décide ensuite de se consacrer à la peinture. C’est à Philadelphie qu’il aperçoit pour la première fois une délégation amérindienne. « Emerveillé » face à ce spectacle, il décide alors de consacrer sa vie à recueillir et fixer les images des coutumes des Amérindiens des Plaines (Catlin, 1959 :X-XI). Entre

1830 et 1838, il va ainsi effectuer six voyages dans l’Ouest, principalement dans les vallées du Missouri et du Mississippi (cf annexe 2.2.c.). Malgré les restrictions d’accès au territoire amérindien alors en cours, le superintendant des Affaires Indiennes du Missouri, William Clark49,

autorise le passage de Catlin à l’ouest du Mississippi (Donaldson, 1886 : 425).

Catlin voyage ainsi de 1831 à 1832 le long de la rivière Kansas et visite la nation Kaw. A l’été 1832, il remonte le Missouri vers Fort Union sur le bateau à vapeur Yellowstone avant de redescendre le fleuve en canoë. Ce voyage durant lequel Catlin produit une impressionnante série de tableaux lui fait rencontrer de nombreuses nations indiennes établies sur les rives du Missouri, parmi lesquelles les Blackfeet, les Mandan ou encore les Apsaalooke. Son voyage le moins documenté en raison de l’absence de journal est celui qu’il effectue ensuite en 1833. Cette année- là Catlin remonte la rivière Platte jusqu’au Fort Laramie où il peint des Cheyenne et des Arapaho.

49 William Clark est l’un des deux commandants fameux de l’expédition d’exploration transcontinentale Lewis et Clark

28 Il visite également les principaux villages Pawnee et Omaha le long de la Platte (Donaldson, 1886 :425-475). L’année 1834 le voit s’orienter vers le sud-ouest puis à nouveau vers le Missouri avant un hivernage à la Nouvelle-Orléans et un départ au printemps 1835 pour le Minnesota. Arrivé aux chutes de Saint-Anthony, il redescend le fleuve en canoë. Ce tour lui permet de peindre des Sioux-Dakota, des Menomonee, des Winnebagoe ou encore des Chippewa. Le dernier voyage en territoire indien de Catlin a lieu en 1836, principalement dans l’actuel Wisconsin et dans l’Illinois. S’il ne retournera plus dans les Plaines par la suite, il se rendra en Floride en 1837-1838, puis en en Amérique latine et sur la côte ouest des Etats-Unis en 1852- 1855 (Donaldson, 1886 :475-524).

Voyageur infatigable, Catlin laisse à la fin de sa vie quatre cents tableaux, portraits et scènes de vie amérindienne, ainsi que plusieurs centaines d’objets dont environ cent cinquante sont toujours conservés aujourd’hui, principalement à la Smithsonian Institution.

b. George Gibbs (1815-1873)

George Gibbs est un géologue et un abondant correspondant de la Smithsonian Institution qui va se spécialiser dans les langues autochtones de l’ouest des Etats-Unis. Né à New York, il est destiné par sa famille à une carrière dans le droit comme Catlin, mais y renonce lorsqu’il part pour l’Ouest avec le régiment des fusiliers montés d’Oregon à l’automne 1849. Il devient alors collecteur adjoint des douanes puis est rattaché à la Commission indienne de l’Oregon. Il va s’y passionner pour les Amérindiens. Contrairement à Catlin, qui retourne hiverner à l’Est entre ses expéditions, Gibbs va choisir de demeurer douze ans dans l’Ouest avant son retour à Washington en février 1861 : après un bref voyage au nord de la Californie en 1851 lorsqu’il participe en tant qu’interprète à l’expédition du colonel Redick McKee50, il s’installe

définitivement dans l’état de Washington. Il y est à nouveau recruté par une expédition gouvernementale, la Pacific Railroad Survey des 47ème et 49ème parallèles pour laquelle il exerce la

fonction de géologue et d’ethnologue de 1853 à 1855. Il est enfin attaché en tant que géologue et interprète à la Northwest Boundary Survey chargée de dessiner la frontière canado-américaine51.

Durant toutes ces années, il va étudier les langues des populations amérindiennes rencontrées et préparer des vocabulaires exhaustifs qu’il envoie ensuite à Joseph Henry et Spencer Baird (Bushnell, 1938 :1-2).

50 Cet Agent indien est chargé par le gouvernement de conclure des traités de mise en réserve avec les Autochtones de

la région nord-californienne (Bushnell, 1938 :14, 22-23).

29 Gibbs retourne finalement dans l’Est en 1861 (ARSI, 1874 :222). En 1867, il obtient un poste au sein de la Smithsonian et ne retournera donc pas dans l’ouest jusqu’à sa mort. Pendant ces années passées à Washington, Gibbs ambitionne de réaliser une publication réunissant l’ensemble des données connues sur les langues nord-américaines afin de déterminer les origines des amérindiens. Henry s’y oppose toutefois, considérant que les données fiables permettant une telle réalisation sont insuffisantes (Hinsley, 1981 :51 et 55). Gibbs va produire en 1863 une publication majeure, Instructions for research relative to the Ethnology and Philology of America (Gibbs, 1863), guide pratique de collecte qui sera diffusé auprès des correspondants de la Smithsonian à travers le pays.

c. George Pfouts Belden (1844-1871) ou The White Chief

George Pfouts Belden, soldat, trappeur, chasseur et guide, a passé une douzaine d’années de sa vie dans l’Ouest, où il vécut auprès de plusieurs groupes amérindiens jusqu’à sa mort prématurée en 1871. A travers ses multiples péripéties en territoire indien, il incarne la figure de l’aventurier romantique par excellence52. Bien que s’étant engagé dans l’armée lors de la Guerre de

Sécession, il ne se départira jamais de ses affinités avec les populations amérindiennes des Plaines. Belden fuit le domicile familial situé à Brownville (cf annexe 2.2.d.) en 1859 afin de devenir trappeur et vivre dans les Plaines, auprès des Amérindiens (Brisbin, 1875 :20-22). Le jeune homme poursuit un mythe, celui du « noble sauvage ». En 1859, arrivé à Fort Randall (Dakota du Sud), il rencontre un voyageur français établi au sein d’un village yankton non loin du fort. Décidant de le suivre, il va prendre une compagne amérindienne et être intégré formellement au groupe dont il partage le quotidien. Il décide toutefois de partir l’été suivant en voyage le long du Missouri supérieur et parvient non loin du Fort Benton (Montana), avant de continuer son voyage vers un village santee53. Séduit par ces derniers, il décide d’y résider de

manière permanente (Brisbin, 1875 :89-96). Commence peu de temps après une seconde période de la vie aventureuse de Belden : alarmé par les informations qui lui parviennent sur la Guerre de Sécession et les apparentes victoires successives des sudistes sur l’Union, il décide de s’engager dans l’armée et retourne à Fort Randall. Il est ensuite enrôlé au sein du premier régiment d’infanterie du Nebraska afin de remplacer les soldats réguliers partis à l’est. Belden se retrouve alors face aux Amérindiens mêmes qui l’avaient accueilli parmi eux et sillonne le nord-ouest des

52 La vie de Belden nous est connue grâce à l’ouvrage du militaire James Brisbin qui rassemble diverses notes et

journaux lui ayant été confiés par l’aventurier en juillet 1870 (Brisbin, 1875 :512).

53 Les Santee occupaient alors un territoire situé à l’est du Dakota du nord et du sud actuel ainsi qu’au Minnesota et en

Iowa. Ils ne vivaient donc pas dans la région du fort Benton. Belden précise dans ses notes qu’ils appartiennent au groupe des « Ti-ton-wans » (actuels Lakota) au même titre que les Oglala, ce qui est une erreur. Il confond ainsi manifestement cette bande avec une autre bande lakota.

30 Plaines afin de pacifier la région (Brisbin, 1875 :306-307). Au fil de ses affectations, il servira notamment dans les forts Laramie, Reno, Phil Kearny (1867), Fetterman et enfin Steele (1868)54.

Ses années militaires se passent toutefois mal : malgré son admiration du travail «civilisateur » pionnier effectué par l’armée étasunienne à l’ouest, il se considère comme l’esclave de ses supérieurs (Brisbin, 1875 :414). Arrêté plusieurs fois par ces derniers parce qu’il persiste à porter mocassins et vêtements en peau de daim à la manière des Amérindiens (Brisbin, 1875 :414), il est finalement jugé en cour martiale et démis de ses fonctions militaires le 4 novembre 186955. Il décide alors au printemps 1870 de repartir seul dans les Plaines afin de

continuer son activité de chasseur56. Il est pour la dernière fois aperçu aux alentours de mai 1870

à la gare de Kearney (Nebraska) « vêtu de peau de daim, avec une plume d’aigle dans les cheveux et un large fusil sur son épaule » (Brisbin, 1875 :512).