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Bilan des mécanismes et identification des paramètres de premier ordre

1.4 De la caractérisation de l’interaction à la mise au point d’une démarche

1.4.1 Bilan des mécanismes et identification des paramètres de premier ordre

Pour caractériser l’interaction front de flamme/film, il est nécessaire d’identifier les para-mètres prépondérants qui décrivent les quatre éléments et leurs liens.

La Figure 1.9 synthétise les principaux phénomènes introduits dans les sections précé-dentes. Des notations ont été adoptées pour le Film Liquide (FL), le Front de Flamme (FF), la Paroi (P) et l’Écoulement Gazeux (EG). Pour ne pas dégrader la lisibilité du schéma, les liens qui existent en termes d’échanges thermiques sont accompagnés du symbole "∗" et sont précisés dans la section suivante. Les interactions présentées sur la Figure 1.9 et non commentées ci-après reprennent largement des éléments des travaux de Bruneaux [24].

Plusieurs auteurs ont étudié certains de ces mécanismes et leurs couplages avec des ap-proches différentes. Par exemple, des travaux [6] se sont intéressés à l’influence de la tempé-rature de paroi sur les propriétés du mélange gazeux. D’autres études concernent l’analyse expérimentale de l’évaporation de gouttes sur une paroi chauffée [25] et de la combustion de gouttes et de films liquides déposés sur une paroi [26]. Il existe davantage d’études numé-riques poussées [27, 28]. Parmi celles-ci, l’approche développée par Desoutter et al. [5, 29], dédiée à l’étude des interactions intervenant lorsqu’un front de flamme se propage en présence d’un film liquide de carburant sur la paroi, se rapproche de notre problématique scientifique générale. Elle montre, dans une configuration laminaire, que l’interaction est gouvernée prin-cipalement par l’évaporation contrairement aux travaux impliquant exclusivement la paroi. Comme l’analyse phénoménologique l’a montré dans la section précédente, l’évaporation joue effectivement un rôle déterminant dans l’interaction avec l’écoulement réactif.

De façon générale, l’évaporation d’un liquide (FL→EG) est le résultat, d’une part, des transferts thermiques, qui entraînent un changement de phase liquide/vapeur (vaporisation) [20] à l’interface liquide/gaz, et d’un transport [23] de ces vapeurs dans la phase gaz d’autre part. Ce transport dans la phase gazeuse pilote le changement de phase et la vitesse d’évapo-ration ~Vg

vapà l’interface lors d’une évaporation "lente" [30], alors que dans le cas de transferts thermiques intenses, le changement de phase peut être limité par la cinétique des gaz [20].

Film Liquide

(FL)

Front de

Flamme

(FF)

Paroi

(P)

Ecoulement

Gazeux

(EG)

Mélange inhomogène (indirect) Transferts thermiques* Flux de chaleur pariétal* Limitation géométrique Echange convectif*, cisaillement interfacial et modification de sa structure

Déviation des filets fluides, accélération des gaz par diminution de la densité et relaminarisation dans les gaz brûlés du fait de l’augmentation de la viscosité Transport, plissement et étirement Apparition de couches limites aérodynamique et thermique, impact sur la turbulence Changement de phase* du film, transfert de masse dans l’écoulement et altération des couches limites Condition d’adhérence à la paroi et échange thermique* qui dépend des propriétés du film

Figure 1.9 – Bilan des principaux mécanismes intervenant dans l’interaction front de

1.4 De la caractérisation de l’interaction à la mise au point d’une démarche

L’évaporation de film liquide a été étudiée essentiellement numériquement, là encore. L’approche théorique la plus connue vient de Nusselt, qui a été, par exemple, confrontée à des résultats numériques [31] dans le cadre de l’examen de l’effet de la géométrie du film. Les outils numériques ont été utilisés dans le cadre d’approches globale [32] et locale, en considérant les propriétés physiques constantes [33], puis plus récemment et avec moins d’hy-pothèses, Laaroussi et al. [34] se sont intéressés à l’effet de la masse volumique variable sur l’écoulement. Beverley et al. [35] a confronté la théorie à l’expérience dans une configuration monodimensionnelle isotherme avec l’hypothèse du "film stagnant". Dans ce cas, le change-ment de phase engendre un gradient de concentration responsable d’un transfert de masse par diffusion moléculaire qui est alors le mécanisme limitant.

Du point de vue de la thermique liée au changement de phase, la chaleur latente de vaporisation LV est un élément important dans ce phénomène qui peut varier sensiblement en fonction des fluides. C’est un indicateur de l’énergie nécessaire à transférer à l’interface

liquide/gaz. Les conditions thermodynamiques de cette interface (int) jouent directement

sur la fraction massique de la vapeur (et donc sur la richesse à l’interface Φint), puis avec l’aérodynamique, sur le transfert de masse et la composition du gaz au sein de la couche limite massique. La température à l’interface du liquide est donc un paramètre essentiel, conditionné par l’équilibre des transferts thermiques incluant l’effet du processus du changement de phase. Parmi ceux-ci, l’échange thermique entre la paroi et le film (P↔FL) dépend de son épaisseur

df l, de son régime d’écoulement et de l’écart de température avec celle de paroi TW.

Ensuite, les propriétés de l’écoulement gazeux, comme sa température Tg et sa vitesse

~

Vg, ont un impact sur le transfert thermique convectif et sur le comportement du film li-quide (EG→FL). Dans cette interaction lili-quide/gaz, un cisaillement τ est engendré par un gradient de vitesse dans la couche limite aérodynamique. Ce cisaillement peut mettre en mou-vement le liquide et entre en jeu dans la déformation de son interface. Plusieurs configurations d’écoulements diphasiques ont fait l’objet d’études, essentiellement numériques [36, 37, 38], et parfois expérimentales, basées sur l’étude de l’évolution de l’épaisseur en fonction des ca-ractéristiques de l’écoulement gazeux [39]. Alekseenko et al. [40] ont pu estimer des données permettant d’étudier la stabilité de l’interface du film. Le comportement de ce film est égale-ment lié au type de liquide impliqué et à l’inclinaison de la paroi [19]. On recense également des études expérimentales dédiées à l’analyse de l’écoulement en proche paroi pour estimer le cisaillement interfacial engendré par le gaz pour différentes températures afin d’investiguer le couplage existant entre la mécanique des fluides et la thermique qui modifie en retour ce cisaillement [21]. Il reste aussi des verrous dans cette thématique qui ont justifié la création d’un Groupement De Recherche (GDR), initié récemment par Ruyer-Quil [41].

Dans cette analyse, qui n’inclut pas encore l’écoulement réactif, les paramètres importants à retenir relatifs aux trois éléments sont :

(P) la température de paroi TW;

(FL) l’épaisseur du film df l, son régime d’écoulement et la chaleur latente de vaporisation

LV du fluide ;

(EG) la température Tg ainsi que la vitesse ~Vg de l’écoulement gazeux qui joue à la fois sur la vitesse d’évaporation ~Vg

vap, avec la fraction massique de la vapeur à l’interface (fonction des transferts thermiques), et sur le cisaillement interfacial τ qui influence le comportement du film.

La présence de l’écoulement réactif ajoute d’autres liens, car le front de flamme modifie l’aérodynamique de l’écoulement (FF→EG) et engendre des transferts thermiques dirigés

vers le film (FF→FL) et la paroi (FF→P). Ils influencent en retour l’évaporation, et par voie de conséquence, les propriétés du mélange spatialement inhomogène en richesse à proximité du film.

Ces inhomogénéités et la stratification qui en découle souvent, influencent fortement le comportement de l’écoulement réactif et sont liées de manière indirecte à la présence du film (FL→FF). Cet effet a fait l’objet d’études récentes dans le cadre d’écoulements laminaire [42, 43, 44] et turbulent [45, 46]. Il modifie les caractéristiques propagatives du front ainsi que les limites d’inflammabilités par rapport au cas homogène.

Si on considère dans un premier temps la flamme laminaire de prémélange stratifiée, ses caractéristiques géométriques et propagatives vont d’abord dépendre de l’orientation du gradient de richesse par rapport à la normale au front. Deux cas limites d’orientation sont observés [47].

1. Le gradient de richesse est normal au FF ; on se réfère alors au cas de l’interaction fron-tale sur la Figure1.3. Lors de sa propagation, le front de flamme rencontre une richesse qui évolue spatialement au cours de l’interaction. Cette configuration est localement et géométriquement monodimensionnelle.

2. Le gradient de richesse est parallèle au FF ; ce cas correspondrait à une interaction latérale. Le front rencontre alors à chaque instant des zones de richesses différentes et se propage alors à une vitesse non uniforme, ce qui a pour effet de modifier sa topologie.

Dans le premier cas, a priori plus simple, le front de flamme rencontre un gradient de richesse ∇Φ positif lorsqu’il se rapproche du dépôt de film liquide. La propagation d’un front dans un milieu air/méthane d’une richesse de 1, puis graduellement de plus en plus riche, a été étudiée expérimentalement par Kang et Kyritsis [44]. Ils ont observé une augmenta-tion de la vitesse de flamme SL stratifiée par rapport au cas homogène dans la plupart des expériences. Ils expliquent ce comportement par un "effet de support" de la réaction par le dégagement de chaleur en aval où la température est plus importante. Ils ont également ob-servé une augmentation significative des limites d’inflammabilité qui peut être la cause de la génération d’hydrogène en mélange riche. Ces observations expérimentales sont en désaccord avec les conclusions des travaux numériques de Pires Da Cruz et al. [48], menées dans une configuration monodimensionnelle, démontrant que des verrous scientifiques subsistent dans la prédiction de la combustion stratifiée.

Il ressort que la valeur du gradient de richesse de la stratification est un paramètre im-portant pour caractériser l’inhomogénéité du mélange en configuration monodimensionnelle. La plupart des travaux utilisent la vitesse de propagation du front SL pour décrire le com-portement de la flamme de prémélange stratifiée. C’est pourquoi, ce paramètre est considéré comme pertinent dans notre étude.

Nous venons de voir que l’évolution spatiale de la richesse joue sur celle du comportement de la combustion partiellement prémélangée, et modifie en retour, les couplages présentés sur la Figure 1.9 avant d’aboutir à l’extinction du front de flamme. Il existe en effet différentes phases d’interaction qu’il est nécessaire de présenter.

1.4 De la caractérisation de l’interaction à la mise au point d’une démarche

1.4.2 Définition des phases d’interaction en configuration