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2.3.1 Principe de câblage

L’un des principaux problèmes a été de trouver une méthode qui permette tout d’abord de mesurer les échantillons avec le moins de bruit possible, et également d’éviter les sur-tensions capables de les détruire. Ces sur-tensions sont présentes non seulement sur tout objet capable de se charger électriquement (individu, pin-cette, câbles flottants ...), mais aussi sur la masse. Bien que disposant dans notre laboratoire d’une masse de mesure indépendante des autres appareils, il s’est avéré que cette dernière était non seulement parasitée, mais communiquait également de manière obscure avec les appareils électriques environnants, induisant de forts pics de tension lors de la mise en marche de ces derniers. Après un nombre particu-lièrement conséquent d’échantillons "grillés", nous avons résolu le problème en introduisant de hautes résistances des deux côtés de la jonction, et en mesurant à l’aide d’une masse virtuelle.

Pour réaliser la masse virtuelle, nous appliquons de chaque côté de la jonction la même tension U, mais de sens opposé. Ainsi nous avons une tension 2U aux bornes de l’échantillon sans que celui-ci ne voit de masse. Si tout le câblage est réalisé de façon parfaitement symétrique, le "milieu" de la jonction restera toujours à 0 V par rapport à la masse réelle. Bien que protégée par de hautes résistances (100 kΩ), la mesure est faite proche du potentiel de masse sans pour autant y être connecté réellement. De plus, comme les câbles sont constitués de paires torsadées suivant rigoureusement le même chemin, ils rendent la mesure insensible aux perturbations électriques extérieures. Si un champ électrique quelconque induit une tension, la perturbation aura le même signe dans les deux câbles. Comme la tension appliquée à l’échantillon est égale à la différence de tension entre les deux câbles, l’échan-tillon ne verra pas cette perturbation. Seul le potentiel de masse virtuel sera déplacé par rapport au potentiel de masse réel.

Pour les câbles de mesure, le principe est le même: rester parfaitement bipolaire, afin de diminuer au maximum les influences de champs extérieurs.

F. 2.6 – Plan de câblage de l’échantillon

Dans le plan de câblage du cryostat (figure 2.6), nous remarquons en plus de la symétrie induite, deux diviseurs de tension. Ces derniers, situés à 4K dans le cryostat, permettent d’utiliser une tension environ 120 fois plus haute en dehors du cryostat qu’à l’intérieur. Le bruit de mesure en est ainsi diminué10. La raison pour laquelle ces diviseurs ne sont pas situés plus bas dans le cryostat est que le niveau à 4K est le seul niveau du cryostat avec une température constante tout au long d’une mesure. Comme la valeur des résistances est dépendante de la tempé-rature, le diviseur de tension changerait avec la tempétempé-rature, ce qui introduirait des complications. Les résistances annexes de 135Ωsont données par la résistance des câbles allant à la température ambiante.

Comme nous mesurons la tension aux bornes des pré-résistances de 100 kΩ, la résistance de l’échantillon est inclue dans cette mesure. Pour obtenir dI, nous cal-culons11:

dI = dImesuredV

200kΩ (2.5)

Comme l’amplification pour dI et dV peut être variée indépendamment (voir le chapitre suivant), il est possible de mesurer dI et dV très exactement pour un large

10. Non seulement le diviseur de tension, en étant dans le cryostat, se trouve dans une cage de Faraday, mais la température de 4K permet de diminuer fortement le bruit des résistances du diviseur de tension.

domaine de résistances12de l’échantillon et donc avec une haute résolution.

2.3.2 Appareillage

La tension appliquée à l’échantillon est constituée d’une tension variant len-tement (V) et d’une tension rapide modulée13 (U · sin(ωt)). Ces deux tensions sont additionnées puis ce signal monopolaire est converti en un signal bipolaire. Cette étape est particulièrement sensible, c’est pourquoi nous utilisons quatre ac-cumulateurs — deux pour chaque appareil14— afin d’être indépendant du réseau électrique.

F. 2.7 – Appareillage de mesure utilisé

La mesure se fait en parallèle à l’aide de deux amplificateurs à détection syn-chrone (appelés "lock-in" par la suite), l’un responsable de la mesure du courant, l’autre de la mesure de la tension. Le signal bipolaire mesuré est converti en si-gnal monopolaire tout en étant fortement amplifié (amplificateur différentiel di-rectement à la sortie du cryostat). Plus loin, la composante continue du signal est extraite à l’aide d’un amplificateur filtre. La composante alternative est filtrée à l’entrée du lock-in par un filtre correspondant.

12. Dans de très bonnes conditions nous obtenons une résolution de 60nVaux bornes de 50kΩ, ce qui correspond à un courant de 1pA.

13. Une fréquence idéale du système est 117,17 Hz, car elle n’est ni un multiple de 50 Hz ni d’aucune autre résonnance électromagnétique dans notre laboratoire.

14. Afin de convertir un signal monopolaire en un signal bipolaire, nous avons besoin d’un géné-rateur de tension bipolaire et donc de deux accumulateurs.

Ainsi pour chaque point de mesure, dI, dV, I, et V sont mesurés en parallèle et envoyés à un ordinateur. Du fait du grand nombre d’appareils de mesure (mesures et commandes de ces derniers), nous ne pouvons enregistrer que deux à trois points de mesure par seconde. Pour des mesures nécessitant une plus grande vitesse, les signaux de sortie sont reliés en parallèle à un oscilloscope enregistrant lui-même les données.

Enfin, la résistance des câbles est conséquente (environ 1,3 kΩde résistance pure de câble de l’extérieur du cryostat à l’échantillon) pour des raisons de thermalisa-tion. La capacité des câbles est également grande pour des raisons de filtrage. Notre fréquence de mesure est ainsi limitée: environ 200 Hz à 10kΩou 20 Hz à 100kΩ, ce qui correspond avec fcoupure = 1

2πRC à environ 80 nF soit 40 nF par câble.

2.3.3 Actionnement des jonctions à cassure

La structure simple ou double est montrée dans un système de poussoir qui permet de l’étirer en la courbant (fig. 2.8).

F. 2.8 – Mécanisme d’actionnement des jonctions à cassure avec structure située en dessous du piston. (N.B.: Sur cette photo la structure n’est pas contactée.)

Le système comprend une vis différentielle qui tourne d’une part dans la partie basse sur laquelle est déposée la jonction et d’autre part dans la partie haute sur laquelle est monté le piston. La différence entre les deux filetages (ici 50 µmpar tour complet), est responsable du déplacement de la partie basse vers le piston, courbant ainsi la jonction.

Pour chaque échantillon, le courant tunnel de la jonction est mesuré en fonc-tion du déplacement du système de vis différentielles D. Comme ce courant est dépendant de la distance entre les électrodes d, il est possible d’obtenir le facteur de démultiplication entre le déplacement de la vis et le déplacement des électrodes l’une part rapport à l’autre. Nous utilisons la formule dite "standard" pour de petites tensions et une barrière tunnel rectangulaire:

d∝ − ln(G)~ √

2meΦ (2.6)

avec Φ le travail de sortie de l’aluminium, me la masse de l’électron, G la conductance. dest donc proportionnel à ln(G). Si l’on ajuste le logarithme de la conductance pour différentes positions de la vis différentielle par une droite, nous trouvons la dépendance de la distance.

Cette formule nous donne des valeurs15entre 40 000 et 200 000 suivant la mesure, le type de piston utilisé et la distance intersupports. De plus il faut considérer que la valeur du travail de sortie dépend de la forme des électrodes, donnant lieu à une variation de l’ordre de 20% d’après [Sche 00].