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prépondérante : les hypothèses d’une théorie réaliste de l’intégration

2. La balance offensive/défensive

Si nous refusons de considérer la politique interne et la politique internationale comme deux domaines séparés, mais que nous considérons au contraire que l’émergence d’un système politique interne n’est qu’un cas particulier de la compétition internationale, alors nous pouvons considérer que la théorie de l’équilibre de la puissance de Waltz et la loi du monopole d’Elias ne sont pas opposées mais complémentaires comme deux cas particuliers du réel. Ce qui nous conduit à chercher un critère objectif permettant de déterminer dans quels cas chacune de ces théories s’applique de préférence à l’autre. Ce critère est la condition d’une théorie réaliste intégrale, ce que Waltz ne nous offre pas jusqu’au bout. En revanche, c’est le point qu’a le mieux approfondi Jervis (1978). L’enjeu pour lui est d’expliquer pourquoi la coopération internationale est plus ou moins possible ou impossible selon les circonstances. Le problème de départ est celui du « dilemme sécuritaire » : en anarchie, même les Etats qui cherchent uniquement à se protéger sont obligés de prendre des mesures qui menacent objectivement leurs voisins (augmentation de leur capacité militaire). De plus, le meilleur moyen de se protéger du risque d’agression est bien souvent d’attaquer le premier. Voilà pourquoi, quand bien même tout le monde préférerait la paix et la coopération internationale, tout le monde continuerait encore à anticiper la guerre et à se focaliser sur les gains relatifs, ce qui rend toute coopération pratiquement impossible. Cependant, et c’est là le point qui nous intéresse, le « dilemme » n’est pas une constante chez Jervis, mais plutôt une variable. En effet, le risque encouru à faire confiance à autrui en situation d’anarchie est parfois fort, parfois faible, notamment en fonction de l’état de la balance entre offensive et défensive (1978, p. 187). L’intérêt de cette variable est que, contrairement à d’autres qui font

118 appel aux perceptions et aux idées, elle ne fait appel qu’à des éléments exogènes (les technologies disponibles et la géographie) et permet donc de rester dans le cadre d’un strict réalisme structurel.

Lorsque les moyens offensifs disponibles ont l’avantage sur les moyens défensifs, les guerres sont efficaces et se résolvent par des batailles décisives. Par conséquent, le dilemme sécuritaire est fort : il est de plus en plus risqué de faire confiance à ses voisins et de plus en plus tentant de s’engager dans des guerres préventives, d’attaquer le premier. De façon générale, la meilleure protection est l’attaque, ou la soumission pour les faibles, et la coopération est dangereuse. A l’inverse, lorsque les moyens défensifs ont l’avantage, les guerres sont peu efficaces, les batailles peu décisives, et la décision finit souvent par se jouer sur l’attrition, l’épuisement des ressources humaines et matérielles. Le dilemme sécuritaire tend à disparaître : les attaques sont coûteuses et incertaines, même contre des puissances plus faibles ; le risque de se faire attaquer par surprise est de plus en plus acceptable puisque les moyens de défense sont plus forts. La meilleure protection est la défensive et le compromis devient une alternative de plus en plus intéressante à l’affrontement.

Même si les guerres sont des événements historiques dans lesquels entrent souvent beaucoup de hasard et de contingence, il est néanmoins possible d’identifier les facteurs structurels qui encadrent en quelque sorte cette contingence1. Ces facteurs ne prédisent pas le sort des armes lors d’une bataille ou d’une guerre particulière mais, toutes choses égales par ailleurs, contraignent fortement la nature, la dynamique de ces conflits et le type de société qu’ils produisent. Parmi ces facteurs qui font pencher la balance offensive/défensive, la démographie et la technologie, qui déterminent les moyens militaires disponibles, jouent un rôle central (Jervis, 1978, p. 196). Ainsi, il est communément admis que durant la guerre de 1914-1918, les moyens militaires disponibles (notamment la mitrailleuse) donnaient l’avantage à la défense et rendaient les offensives extrêmement coûteuses et inefficaces ; à l’inverse, l’apparition des divisions blindées et du soutien aérien ont permis, au début de la seconde guerre mondiale, de rendre l’avantage à l’offensive (Quester, 1977). La géographie aussi joue un rôle parce que certains milieux favorisent la défense (protection par des mers et des océans, des déserts, des montagnes, des forêts denses etc.) tandis que d’autres favorisent

1 De même, Dobry (2009, p. XII-XIII) considère les crises politiques comme des phénomènes « de part en part historiques, de part en part non nécessaires, de part en part habités par le hasard » tout en prétendant « s’en saisir au moyen d’un schème théorique qui, par portée générale, déborde amplement cette singularité ».

119 l’offensive (territoires compactes, favorisant les communications rapides et le peuplement dense). Braudel (1990) a beaucoup insisté sur ce rôle structurant du milieu, soulignant notamment la capacité de résistance des régions montagnardes (p. 42-45). La géographie importe également dans la mesure où de vastes espaces sont plus difficiles à contrôler que de petits espaces (Jervis, 1978, p. 194 ; Van Evera, 1999, p. 163). Ainsi, durant la seconde guerre mondiale, alors que la blitzkrieg s’était révélée extrêmement efficace en Europe continentale, permettant de conquérir des Etats entiers en quelques semaines, la défensive a repris l’avantage lorsque la guerre s’est protée dans les vastes espaces d’Afrique du Nord et de Russie qui permettaient des retraites très élastiques (Hart, 1973, p.184). De ce point de vue, la balance offensive/défensive dépend aussi de l’interdépendance stratégique qui limite le cadre géographique des rapports de force militaires à un territoire étroit, ou au contraire l’étendent au-delà des continents et des océans. L’élargissement de l’interdépendance stratégique peut notamment être repéré à travers l’élargissement du cadre géographique des ennemis et des alliés possibles, c'est-à-dire du système international1 : entre le XVème et le XVIème siècle, la France est par exemple passée d’un système relativement limité au territoire national et à ses marches (possessions anglaises, Bourgogne) pendant la guerre de cent ans, à un cadre beaucoup plus étendu sous François Ier, incluant des guerres en Italie, des conflits incessants avec l’Espagne et l’Autriche et une alliance avec la Sublime Porte. D’où l’ambiguïté des effets des technologies qui facilitent les déplacements de troupes : elle peuvent dans un premier temps faciliter les conquêtes militaires et donc l’avantage offensif ; mais elles peuvent aussi dans un deuxième temps élargir le théâtre des opérations, faire rentrer de nouvelles puissances dans le conflit et finalement dissoudre l’avantage offensif initial dans un espace plus vaste, plus difficile à maîtriser et finalement, dominé par un nouvel avantage défensif, transposé en quelque sorte à une échelle supérieure (Hishleifer, 1995, p. 45). Ce mécanisme explique pourquoi l’avantage offensif est souvent de courte durée car il finit par être, pour ainsi dire « vaincu par sa conquête », alors que les périodes d’avantage défensif sont en général relativement stables, tant qu’une innovation technologique ne vient pas les perturber. Corrélativement, le rôle que peut avoir un avantage défensif local est lui aussi ambigu. Dans un premier temps il limite l’efficacité et la portée de la violence, mais dans un deuxième temps il peut aussi entretenir cette violence en la protégeant contre les interventions extérieures et contre l’élargissement du théâtre des opérations. Des zones géographiques

1 Aron (1962, p. 103) définit ainsi un système international : « J’appelle système international l’ensemble constitué par des unités politiques qui entretiennent les unes avec les autres des relations régulières et qui sont toutes susceptibles d’être impliquées dans une guerre générale. »

120 difficiles à contrôler, comme le maquis corse ou le far west américain, ont pour cette raison longtemps connu un niveau limité de violence et de compétition militaire, mais ont aussi été, pour cette même raison, des poches de résistance au monopole de la violence étatique, maintenant un niveau de violence privée plus élevé qu’ailleurs1. C’est aussi ce qui explique, toutes choses égales par ailleurs, que l’Europe, lorsqu’elle était un théâtre d’opérations militaires relativement clos, illustré par la neutralité des Etats-Unis (avant 1942) a été plus propice à l’offensive que lorsqu’elle s’est ouverte militairement au monde (après 1942). De même qu’en élargissant le cadre de l’interdépendance stratégique, l’avantage offensif tend à s’épuiser, de même, en limitant ce même cadre, l’avantage défensif tend à préserver une violence locale relativement plus effective et moins coûteuse. C’est la raison pour laquelle la balance offensive/défensive ne doit pas simplement être étudiée au niveau systémique mais aussi au niveau local afin de déceler les contraintes géographiques particulières. En résumé, la balance offensive/défensive est donc le produit d’une part du cadre géographique de l’interdépendance stratégique (le champ de bataille en quelque sorte) et d’autre part des moyens humains et matériels, défensifs ou offensifs, disponibles pour le contrôler (les armes). L’analyse des déterminants ultime de la violence nous renvoie donc à des niveaux d’analyse et à des champs d’étude qui se situent de ce point de vue en amont de la science politique : la biologie, la géographie, l’écologie, la démographie et l’innovation technologique. Cette dernière n’est certes pas exogène par rapport au développement politique, social et économique mais le caractère largement imprédictible des découvertes elles-mêmes aussi bien que de leurs implications pratiques et notamment militaires qui, du fait de la compétition, s’imposent aux acteurs indépendamment de leur volonté2, en fait un facteur autonome, en amont de la politique (Lynn-Jones, 1995, p. 690).

Certains auteurs ont cherché à rajouter à ces variables exogènes des variables politiques liées au comportement des Etats et de leur population. Déjà, Jervis incluait dans les facteurs favorisant la défensive des éléments spirituels comme l’attachement d’une population à son pays (1978, p. 195). De même, Glaser et Kaufmann prennent en compte le nationalisme qui

1

Anderson et Hill (1979), par exemple, dressent le tableau contrasté d’un Ouest américain « pas si sauvage » au XIXème siècle, où l’anarchie prévaut mais où la violence se maintient à un niveau limité permettant le respect du droit de propriété.

2 Ainsi, l’arc et l’arbalète se sont diffusés dans l’Europe médiévale malgré leur image d’armes traitresses et leur interdiction au concile de Latran II en 1139 (Contamine, 1980, p. 438). Plus tard, l’artillerie s’est également diffusée malgré le discours dominant sur son caractère « diabolique » qui l’accompagnait, parfois même dans la bouche des ingénieurs militaires (p. 259). Enfin, la physicienne Lise Meitner, dont les travaux sur la fission nucléaire ouvrirent la voie à la bombe atomique, s’est publiquement opposée à cette application. En matière militaire, la compétition est toujours plus forte que les intentions.

121 favorise la défense (1998, p. 66-67). De son côté, Hopf (1991) inclut dans sa caractérisation de la balance offensive/défensive les « croyances stratégiques » des dirigeants de grandes puissances quant à la stabilité du système international et Van Evera (1998 ; 1999) considère que les politiques qui visent à équilibrer la puissance dominante (balancing), favorisent la défensive, alors que les politiques qui tendent à rallier la puissance dominante (bandwagonning) favorisent l’offensive. Cependant, Fearon (1995b, p. 9-10) fait justement remarquer que les facteurs qui ne reposent pas sur des éléments extérieurs aux acteurs mais renvoient à des comportements et à des perceptions endogènes doivent être écartés comme tautologiques. Cela revient en effet à dire que la défensive est favorisée par les comportements défensifs. Ainsi définie, la théorie de la balance offensive/défensive perd de son intérêt explicatif et sort du cadre du réalisme, c'est-à-dire d’une théorie reposant uniquement sur des variables structurelles matérielles, extérieures aux représentations des acteurs. En fait les croyances stratégiques et l’orientation des décideurs vers des politiques d’équilibre ou pro-hégémonie est précisément ce que la balance offensive/défensive sert à expliquer. C’est l’avantage à la défensive qui facilite l’équilibre entre puissances et la formation des coalitions anti-hégémoniques. En revanche l’avantage à l’offensive fragilise les équilibres et incite à attaquer ou à se soumettre à la puissance dominante : l’alliance de nombreux Etats allemands et de la Russie avec Napoléon (Wohlforth, 2002) ou la collaboration de la France de Vichy, par exemple. De la même manière, l’avantage défensif favorise l’esprit de résistance et l’attachement d’un peuple à son territoire, alors que l’avantage offensif favorise l’esprit de conquête des dominants et la soumission « collaboratrice » des vaincus. Et il n’est pas un hasard de retrouver les mouvements de résistance dans les régions qui sont dotées d’un avantage défensif naturel (montagnes, maquis).

De nombreux auteurs (par exemple Brooks, 1997) ont tendance à opposer le néoréalisme de Waltz et le réalisme « néo-classique » issu de Jervis en les présentant comme des théories inconciliables. D’autres auteurs (par exemple Christensen et Snyder, 1990) présentent ces théories comme complémentaires, mais dans la mesure où Waltz permet d’expliquer le système international, tandis que Jervis permet d’expliquer les politiques étrangères particulières des Etats. Pourtant, la théorie de la balance offensive/défensive constitue une excellente solution réaliste au problème que nous avons mis en évidence dans la théorie de Waltz : le fait qu’il déduit l’équilibre de la puissance directement de l’anarchie alors que

122 celle-ci se révèle plus ambiguë dans ses conséquences. De ce point de vue la théorie de Jervis a également une portée systémique. Elle nous permet en effet de distinguer deux types d’anarchie : l’anarchie offensive et l’anarchie défensive1. Ainsi, Hirshleifer (1995) considère que la stabilité de l’anarchie ou son évolution vers un monopole dépend du caractère plus ou moins décisif des affrontements (p. 32-33) et donc de la balance entre offensive et défensive (p. 44-46)2.

Un système où les facteurs humains, matériels et géographiques donnent globalement un avantage important à l’offensive, a tendance à ressembler au modèle idéal-typique décrit par Elias dans la loi du monopole.

1. Les guerres sont rapidement décisives et ont des résultats importants qui peuvent aller jusqu’à l’élimination totale du vaincu. Elles sont donc souvent rentables. L’attaque est jouable même sans compter sur un grand avantage matériel, grâce à l’effet de surprise et à une victoire rapide. Par conséquent, même les puissances les plus pacifiques sont incitées à anticiper la guerre, voire à lancer des attaques préventives pour éviter d’en subir (Van Evera, 1998).

2. L’interdépendance stratégique entre alliés est très forte puisque la défaite d’un partenaire augmente l’avantage relatif de l’adversaire, ce qui amplifie encore le risque d’escalade de la moindre crise vers la guerre généralisée (Christensen et Snyder, 1990).

3. En même temps, l’avantage offensif augmente le risque de défection ou de proclamation de neutralité de puissances plus faibles qui espèrent ainsi être épargnées par l’agresseur. Cela peut aller jusqu’à la vassalisation ou au ralliement à la puissance hégémonique (bandwagoning) afin de profiter de ses conquêtes et même à la défiance entre alliés dans la mesure où il peut être plus tentant d’absorber un allié que d’avoir à compter sur lui. Les alliances sont donc à la fois vitales mais fragiles, ce qui concourt à l’instabilité du système3.

1 Il s’agit donc d’être à la fois plus simple que Waltz, en renonçant à sa distinction centrale entre hiérarchie et anarchie ; mais aussi plus complexe, en distinguant plusieurs types d’anarchies. Mais cette complexité accrue permet d’étendre la portée de la théorie à la politique interne. Elle permet d’intégrer les dynamiques de la formation de l’Etat dans une théorie générale de la politique.

2 Hirshleifer (1995, p. 33) qui étudie non seulement l’anarchie entre humains mais aussi entre animaux, pointe un autre facteur susceptible de mettre fin à l’anarchie : la viabilité en termes de ressources. Si un système n’offre de ressources suffisantes que pour la survie d’un seul compétiteur, même en cas d’avantage défensif l’anarchie fera place au monopole par le simple jeu de la sélection naturelle.

3 Les périodes d’avantage offensif ne sont pas nécessairement des périodes où la guerre est plus fréquente. En effet, un avantage offensif peut inciter les plus faibles à se soumettre sans combattre, comme le montrent les

123 4. L’équilibre de la puissance est au mieux transitoire puisque le moindre avantage relatif peut être utilisé pour éliminer des adversaires. De fait, l’anarchie offensive favorise plutôt l’hégémonie du plus fort, voire l’unification du système. La paix peut prendre la place de la guerre, mais sous la forme déséquilibrée d’une capitulation ou d’un

Anschluss, où des puissances vaincues, ou qui anticipent la défaite, cèdent aux

exigences de leurs adversaires. En bref, la guerre est une option tellement efficace que seul le monopole de la violence peut y mettre fin.

C’est cette situation d’anarchie offensive qui explique les grands mouvements historiques d’unification territoriale et de concentration du pouvoir. Ainsi, la Chine a été un foyer assez précoce d’unification militaire à grande échelle notamment grâce à une géographie favorable. Le territoire chinois, sans obstacles majeurs et parcourus par de grands fleuves facilitant les communications, a simplifié les conquêtes par rapport à une Europe extrêmement découpée par les mers et les montagnes et à plus forte raison par rapport à une Afrique cloisonnée par les déserts (Diamond, 1999, p. 331). L’unité de monde chinois a été largement facilitée par cette géographie favorable à l’offensive. Même à une époque de division comme celle des Royaumes combattants, aucun des « Etats partiels » ne pouvait asseoir ses frontières sur ces protections naturelles que sont les mers et l’importance des frontières terrestres entre eux ne faisait que faciliter les invasions (Cosandey, 2008, p. 545). Plus récemment, le cas de Taïwan montre à l’inverse qu’un territoire insulaire a pu servir de refuge relativement stable aux opposants à l’unification du continent par les Manchoue au XVIIème siècle ou par les communistes au XXème siècle. D’un point de vue technologique, l’intensification de la compétition entre royaumes de la Chine antique a été le résultat d’un brusque basculement de la balance offensive/défensive lié à l’apparition d’armées de masses et à la sophistication des techniques de siège (Van Evera, 1998, p. 36). L’invention de la fonte du fer (500 av. J.- C.) avait entraîné la production en grande quantité d’armes mais aussi d’outils qui permettaient l’augmentation de la production agricole et donc de la densité de population et le défrichement qui entrainait à son tour une meilleure maîtrise de l’espace (Gernet, 1964, ch. V). Les guerres qui ont suivi ont été beaucoup plus nombreuses, massives, décisives et dépourvues de règles (massacres, tromperies etc.), jusqu’à l’unification finale en 221 av. J.-C.

exemples de l’annexion par l’Allemagne de l’Autriche et des Sudètes en 1938 et de la Bohème-Moravie en 1939. Inversement, les périodes d’avantage défensif peuvent être des périodes où la guerre est plus présente, précisément parce qu’elle est plus longue et moins décisive, comme c’était le cas au XVIIIème siècle. Il faut distinguer d’une part le fait que la violence soit efficace et d’autre part le fait que la violence ait effectivement lieu. Sur cette distinction, voir Fearon (1995a).

124 (Van Evera, 1998, p. 37). De même, l’unification militaire de la France médiévale et l’affirmation de la centralisation royale, impensables dans un contexte dominé par la supériorité défensive des châteaux forts, sont devenues possibles à partir de l’apparition de l’artillerie au XVe siècle, qui permit notamment à Charles VII de reconquérir rapidement la Normandie aux Anglais, réduisant 60 places fortes en un an seulement (Bean, 1973, p. 207). Capable de raser les fortifications et donc de rendre l’avantage à l’assaillant, l’artillerie avait également la particularité d’être extrêmement coûteuse et donc de limiter la compétition aux grands souverains au détriment des plus petits seigneurs dépassés par la nouvelle technologie (Guenée, 1971, p. 214). Face aux explications économiques de la formation de l’Etat, cette explication réaliste a au moins l’avantage de la cohérence : l’apparition d’un monopole de la violence sur de vastes territoires s’explique d’abord par la mutation des moyens disponibles pour l’exercice de cette violence.

A l’inverse, un système où les moyens humains et matériels ne suffisent pas à surmonter voire accentuent les avantages naturels de la défensive a tendance à ressembler au modèle idéal- typique de l’équilibre de la puissance décrit par Waltz.

1. Les guerres sont peu efficaces et la décision se joue plutôt sur l’attrition et l’épuisement. Leurs résultats sont limités voire nuls, ce qui en fait des entreprises