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b) Les liens entre l’unheimlich et l’impur

Dans le document Le dualisme tragique de Tommaso Landolfi (Page 128-134)

Chapitre premier Synthèses préliminaires

B.7. b) Les liens entre l’unheimlich et l’impur

Il nous faut à présent montrer qu‟il y a non seulement quelque chose de nécessairement insuffisant, dans la création littéraire telle que la conçoit Landolfi, mais aussi quelque chose de nécessairement impur. En effet, pour Landolfi, l‟écriture ne doit pas représenter la réalité, mais créer une autre réalité, ce qui revient à actualiser le « possible », au lieu de

semplicemente ed esattamente: poesia creatrice del mondo fenomenico) ». En citant ce passage dans son article « La magia del linguaggio tra nostalgia delle origini e riflessione metalinguistica nell‟opera di Tommaso Landolfi » (in Un linguaggio dell‟anima, cit., p. 93-100), Mauro Serra ne manque pas de signaler qu‟une telle conception de la la littérature trouve son modèle chez des auteurs comme Novalis. Quant à la conscience des limites de cette conception, elle peut être notamment illustrée par des textes de Valéry. Mauro Serra cite l‟un et l‟autre auteur dans son article et ces deux noms nous semblent emblématiques du romantisme exacerbé et de la modernité métalittéraire qui coexistent chez Landolfi.

317 RV, p. 307. Ce passage est écrit le 1er août 1958. 318

RV, p. 317.

319 DM, p. 681 (c‟est Landolfi qui souligne). Cf. Cristina Terrile, L‟arte del possibile. Ethos e poetica nell‟opera di Tommaso Landolfi, cit., p. 125: « Sulla parola grava un perpetuo „stato di insufficienza‟, e la lotta fra l‟ideale

poetico e la limitata riformabilità del mezzo espressivo non può essere che accanita. Lo stesso concetto di scrittura come lotta è, per Landolfi, promessa di sconfitta, segno inequivocabile di distanza dall‟arte ».

rendre compte du « réel ». Or, le possible est pur, tandis que le réel est impur : dans Ottavio di Saint-Vincent, où se développe l‟antithèse entre le « réel » et le « possible » dans le discours du narrateur et dans celui du protagoniste, il est ainsi question du « poetico alone del forse320 ». Essayer d‟actualiser le possible, qui par essence est pur et poétique, c‟est donc risquer, d‟une part, d‟échouer dans cette tentative, à cause de la nature insuffisante des mots, mais c‟est aussi, d‟autre part, risquer de contaminer la pureté du possible, en le rendant en quelque sorte « réel », par la forme que lui donnent les mots sur la page.

En outre, l‟autre réalité que l‟auteur crée par ses mots, à qui il ne veut pas attribuer la fonction de représenter la réalité, peut aussi s‟avérer étrange et inquiétante, lorsque les mots, loin de révéler une « patria celeste » ou d‟actualiser le « poetico alone del forse » comme le voudrait l‟auteur, échappent à son contróle pour donner corps à une réalité obscure que nourrissent sans doute des obsessions en partie inconscientes : au lieu d‟être les instruments purs grâce auxquels l‟auteur forge une autre réalité édénique, les mots révèlent alors une matière impure qui ne vient pas de la réalité rejetée, mais du monde intérieur de l‟écrivain lui-même321. Ainsi, d‟une part, les mots sont sans doute « contaminés » par la réalité dont ils portent la trace ; mais, de surcroît, les mots sont peut- être non seulement contaminés par la réalité extérieure, mais aussi par l‟« énergie » de l‟écrivain qui tente de leur donner une consistance physique, car il s‟agit sans doute d‟une

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C‟est sans doute à travers cette fiction, écrite en 1956 et publiée en 1958, que Landolfi expose le plus clairement l‟articulation entre le « réel » et le « possible » qui structure aussi bien sa pensée ou sa vision du monde que sa poétique. Cf. OSV, p. 871 : « Alla sua prossima felicità colla duchessa non pensava poi tanto, ché egli era forse di coloro i quali, come oggi si dice, scontano in anticipo gli eventi e fino i sentimenti : a lui bastava che una cosa fosse possibile per intenderla già avvenuta e per giudicare in certo modo inutile che avvenisse. Figuriamoci per le cose ormai bene o male in atto ; che, perduto il poetico alone del forse, ti aggrediscono e scuorano con tutta la brutalità e d‟altra parte l‟uggiosa inconsistenza del reale » ; p. 886 : « Il nostro tutto è un mondo di possibilità inattuabili. E il guaio è che, inattuate, non divenute realtà e lungi da ciò, esse per così esprimersi avvizziscono, muffiscono e infine muoiono anche come tali, come possibilità cioè, non lasciando che il rimpianto; se pur lasciano qualcosa ». C‟est nous qui soulignons.

321 Dans son article où il signale quelques correspondances entre les textes de Landolfi et les œuvres picturales

d‟artistes comme Odilon Redon, Francisco Goya, ou même Jéróme Bosch, voire Bruegel l‟Ancien, Giorgio Andreozzi (op. cit., p. 214) développe une intéressante définition de la poétique landolfienne à travers une comparaison entre Landolfi et le peintre suisse Johan Heinrich Füssli (1741-1825), auteur du célèbre tableau intitulé « The nightmare » Ŕ avec un jeu de mot entre nightmare (le cauchemar) et night mare (la jument nocturne) Ŕ : « Del pittore svizzero, Landolfi condivide certamente questa continua tensione verso l‟assoluto che l‟arte dovrebbe incarnare, ma allo stesso modo non conosce altra via se non quella di dare corpo a quel mondo parallelo e inquietante che è in realtà tra le pieghe del quotidiano, e che quest‟ultimo spesso sostituisce stravolgendone l‟ordinato, tranquillo scorrere ». La comparaison établie par Andreozzi et la définition qu‟il propose, faisant écho aussi bien à l‟unheimlich freudien qu‟à l‟idée typiquement landolfienne d‟une « autre réalité », ont pour mérite de mettre l‟accent sur le romantisme, voire sur l‟hyper-romantisme qui anime l‟œuvre de Landolfi jusque dans son versant le plus ouvertement inquiétant, et de suggérer que le comique ou le grotesque (très apparents dans « The nightmare » comme dans La morte del re di Francia par exemple, un texte auquel on songe spontanément à la lecture de la définition d‟Andreozzi) sont une réaction de défense à la fois contre l‟échec de la quête romantique d‟absolu et contre le potentiel angoissant des fantasmes morbides ou monstrueux que l‟on trouve chez Landolfi.

énergie que Landolfi lui-même perçoit comme impure. La contamination du mot pur vient donc de l‟extérieur, mais aussi de l‟intérieur.

Il nous semble opportun sinon nécessaire d‟illustrer cette idée par l‟exemple de La moglie di Gogol (OM). En effet, dans cette nouvelle, le lecteur apprend, d‟un soi-disant ami intime et biographe de Gogol, que ce dernier avait pour épouse une sorte de magnifique poupée gonflable animée, qu‟il pouvait modeler au gré de sa volonté. Cette créature, qui symbolise l‟œuvre littéraire, tout en symbolisant également la matière et le corps dans ce qu‟ils ont de plus consistant, est à l‟entière disposition du prétendu Gogol ; celui-ci apparaît donc à la fois comme son maître, voire comme son créateur et d‟une certaine manière comme son père.

Cela est d‟autant plus vrai qu‟il lui donne lui-même un nom (Caracas), et qu‟en revanche il ne veut pas révéler à son ami le nom « dell‟autore di sì bell‟opera322 », comme s‟il souhaitait effacer l‟existence du constructeur Ŕ de l‟« auteur » Ŕ de son épouse en en taisant le nom, tandis qu‟à l‟inverse il s‟approprie Caracas en lui attribuant lui-même un nom. Or, nous relèverons ici, tout particulièrement, un détail : Caracas attrape la syphilis, maladie à laquelle le narrateur se réfère par des expressions telles que « morbo vergognoso » ou « sozza infermità », alors que son « mari » n‟a jamais eu de contacts avec d‟« autres femmes », et que son « épouse » est continuellement sous son contrôle. « Vedi dunque », dit Gogol à son ami, « qual‟era il nocciolo di Caracas : essa è lo spirito della sifilide !323 ». Nous proposerons d‟interpréter la maladie de Caracas dans cette nouvelle comme le symbole d‟une impureté honteuse qui se trouve au cœur même de l‟énergie investie par l‟écrivain dans les mots ; une impureté qui viendrait donc de l‟écrivain lui- même, et qui ne permet pas aux mots d‟être détachés de la réalité sociale mais aussi

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Ibid., p. 682. Dans CAN (p. 533), c‟est Filano, le créateur de la machine volante, qui donne à celle-ci son nom, annoncé de manière grandiloquente : « Eccola. Il suo nome è CANCROREGINA ». Le rapport entre Filano et Cancroregina est tout à fait comparable à celui entre Gogol et Caracas. On aura d‟ailleurs remarqué la proximité des deux noms : Cancroregina et Caracas. D‟après nous, ils sont associés, dans l‟imaginaire de Landolfi, à une trivialité d‟ordre anal, à laquelle ressortit une grande part du comique grotesque dans La moglie

di Gogol. En effet, par exemple, le « mari » de Caracas la gonfle à l‟aide d‟une pompe passée « attraverso lo

sfintere anale » (p. 682). Nous citerons encore (p. 682 et p. 686) : « Quando disse di punto in bianco, con voce estremamente rauca e sommessa, da Venere nel Toro : “voglio fare popò” [...]» et « Le inserì la cannula nell‟ano ». Enfin, quand Caracas est sur le point d‟exploser, le narrateur la décrit en ces termes : « La sua pancia, le sue cosce, i fianchi, il petto, quanto potevo scorgere del deretano, avevano raggiunto inimmaginabili proporzioni ». Or, ce mot, deretano, figure aussi dans un passage de la PL (p. 160) où l‟on trouvait une pareille dimension anale et enfantine : « più in là il Carcarale, come una vecchia inferma che non abbia la forza di volgersi, mostra in eterno il suo deretano, elemento imprevisto e grottesco nella conversazione ; pesa, questo

deretano, sui discorsi dei giovani e con lui dovrà fare i conti ogni loro parola ». Nous observons ainsi que dans

ce passage (où l‟italique est de nous), les mots eux-mêmes semblent se charger d‟une trivialité, ou d‟une « pesanteur », voire d‟une impureté liée à l‟analité : c‟est quelque chose que nous allons bientót commenter et analyser.

physique dont l‟écrivain veut s‟affranchir324. Ainsi, l‟« esprit de la syphilis » dont Caracas serait l‟incarnation du « souffle créateur » insufflé en elle par Gogol325

.

Parfois, d‟ailleurs, dans les fictions de Landolfi, il apparaît nettement que la dimension unheimlich est directement liée au mot, c‟est-à-dire aux mots en tant que signifiants détachés de leur fonction référentielle. Landolfi lui-même semble alors se heurter à l‟étrangeté de certaines de ses créatures textuelles, qui échappent ou tendent à échapper au contróle de l‟auteur : c‟est en ce sens, c‟est-à-dire par rapport à la question méta-littéraire de la création, que le fantastique en tant que dimension spécifique, coïncidant à peu près avec ce que Freud a nommé l‟unheimlich, est bien inscrit au cœur de l‟écriture landolfienne. Cela éclaire pourquoi Caracas, alors qu‟elle semble d‟abord pouvoir prendre les plus douces apparences que son époux souhaite lui donner, finit par être désignée par le narrateur de la nouvelle comme « una presenza inquietante e, giova esser chiari, ostile » : « Nicolaj Vasilevič aveva la bizzarra impressione che colei andasse acquistando una propria, sebbene indecifrabile, personalità, distinta dalla sua, e gli sfuggisse per così dire di mano »326.

Dans l‟imaginaire de Landolfi, la créature tend à échapper au contróle de son créateur327. Or, la créature, c‟est d‟abord le mot, que l‟écrivain essaie d‟animer en lui insufflant son « énergie », qui malheureusement semble pouvoir contaminer la parole d‟une impureté qui viendrait de l‟écrivain lui-même. Il y a donc pour nous une dimension fantastique de l‟écriture landolfienne en tant que création de mots, ou, en d‟autres termes, en tant que fabrication de signifiants, qui se fait parfois indépendamment de la volonté de l‟auteur : c‟est aussi dans cette perspective que prennent tout leur sens des expressions

324 Voici le commentaire que propose Crisitina Terrile (L‟arte del possibile. Ethos e poetica nell‟opera di Tommaso Landolfi, cit.), p. 28 : « Il rapporto dell‟artista con la sua multiforme creatura, risucchiata

dall‟impietosa spirale della realtà e delle sue più meschine apparenze, degenera in effetti sempre più ; non soltanto costei gli trasmette la sifilide Ŕ proprio a lui che aveva sognato una donna pura, indenne da contagio Ŕ, ma, per di più, manifesta i bisogni fisiologici meno nobili, invecchia e diventa una bigotta inacidita, scivolando progressivamente verso una ripugnante e ormai irremediabile materialità ».

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La moglie di Gogol (OMB), p. 684 : « Altra cosa è tentar di stabilire in che propriamente consistesse la qualità comune a tutte quelle forme. Può darsi fosse né più né meno che il soffio creatore medesimo di Nicolaj Vasilevič ». Dans la suite de notre travail, nous aurons maintes fois l‟occasion de revenir sur le thème de la créature et d‟analyser ce que la créature représente pour Landolfi. Nous reviendrons également à plusieurs reprises sur l‟emploi récurrent d‟adjectifs extrêmement forts se référant au dégoût ou à la honte et sur l‟image obsessionnelle de la maladie ou de la mutilation.

326 La moglie di Gogol (OMB), p. 684.

327 Nous citerons un passage de son journal RV (p. 278), où la propre fille de l‟écrivain suscite non seulement

l‟admiration de son père, mais aussi ce sentiment d‟étrangeté que Landolfi a auparavant décrit dans de si nombreuses fictions : « È precoce da far paura, o così pare a me che non so di bambini ; è sul punto di parlare, di levarsi dalla culla colle sue forze Ŕ possibile ? Anche sua madre era un pochino spaventata, iera sera. (La figlia di X aveva, a quanto dissero, sguardo tanto consapevole da risultare intollerabile agli stessi genitori, che la portarono in culla dal pediatra; il quale tuttavia sembra non le trovasse nulla.) / Era così nervosa ieri, così noialtri: che sarà di questa figlia? / Ma il solo parlarne mi ha un po‟ calmato ».

comme « fantastique post-freudien » ou « fantastique linguistique », sous la plume de Ferdinando Amigoni ou Stefano Lazzarin328. En effet, l‟écriture consiste pour Landolfi à faire des mots les instruments de sa maîtrise sur la réalité extérieure, tant qu‟ils n‟apparaissent pas eux-mêmes comme des choses étranges. Voilà pourquoi la dimension unheimlich de l‟écriture landolfienne prend place dans une problématique qui dépasse le cadre du registre fantastique et touche aux rapports entre la création littéraire, les mots et la réalité329.

Conclusion

Nous dirons que Landolfi n‟est un écrivain de récits fantastiques que dans un sens très large, qui correspondrait à la définition suivante : les récits fantastiques sont des récits où sont présents des éléments irrationnels, mais qui se distinguent cependant des contes en raison du caractère étrange de ces éléments irrationnels. Le fantastique de Landolfi est donc surtout intertextuel, au sens où l‟on y retrouve des grands motifs récurrents de la littérature fantastique du XIXe siècle. En revanche, le fantastique de Landolfi se distingue du fantastique canonique tel que Todorov le définit, par le fait qu‟il est le plus souvent étranger au doute mis en avant par Todorov.

Par ailleurs, en ce qui concerne le surréalisme, il est primordial de ne pas assimiler Landolfi à ce mouvement, mais aussi de cerner les raisons pour lesquelles on peut être tenté de le faire. Tout d‟abord, l‟onirisme constitue une veine importante du fantastique landolfien, ce qui nous amène à reconnaître une ressemblance entre Landolfi et le surréalisme : par leur onirisme moderne, des récits comme Il mar delle blatte, ou comme le rêve de Rosalba dans La morte del re di Francia (DIA) peuvent éventuellement être qualifiés de surréalistes. Mais Landolfi ne partage pas l‟abandon à l‟inconscient en littérature prôné par les surréalistes (notamment la « poésie involontaire », qu‟il stigmatise), ni leur programme idéologique.

Nous inclinons pourtant à employer les termes surréel et surréalité, pour désigner la

328 La première expression est employée par Ferdinando Amigoni (op. cit., p. 66-94) et la deuxième par Sergio

Romagnoli notamment (« Landolfi e il fantastico », cit.).

329 Nous rappellerons ici l‟influence exercée par Dostoïevski sur Landolfi et l‟admiration que ce dernier porte à

l‟écrivain russe. Or, Dostoïevski n‟est pas pour Landolfi un écrivain fantastique, mais un écrivain ouvert à une « autre réalité » où tout est possible, y compris que deux et deux ne fassent plus cinq (cf. RV, p. 326). Le réalisme de Dostoïevski et de certains autres auteurs russes ne consiste donc pas à raconter des histoires emblématiques d‟une société donnée ou de questions morales générales, mais à donner vie, par leurs livres, à des événements exceptionnels : Landolfi expose cette idée centrale dans la longue tirade qui ouvre un des courts dialogues de Teatrino (MDB, p. 265).

réalité fictionnelle qui tend à prendre la place de la « réalité », notion à laquelle Landolfi donne un sens particulier sans toutefois la définir de manière très explicite et synthétique. Deux autres notions auxquelles il nous semble opportun de recourir sont l‟« étrange » et le « symbolique ». En effet, si la « réalité », représentée dans les récits réalistes, est bannie du monde fictionnel de Landolfi, celui-ci n‟est pas peuplé pour autant que d‟êtres surnaturels, car chez lui l‟irréel n‟est pas l‟opposé du « réel ». Le monde landolfien est toujours plus ou moins étrange, parce qu‟il n‟est pas « réel » au sens où l‟écrivain l‟entend. C‟est pourquoi Landolfi peut raconter l‟histoire d‟un homme solitaire qui tue un rat avec l‟aide de son chien avant de l‟enterrer solennellement, ou consacrer cinquante pages à l‟histoire d‟un singe mis à mort pour avoir imité la messe et profané ainsi une église. Ces histoires n‟ont rien de strictement invraisemblable, au contraire de celles racontées dans Il racconto del lupo mannaro ou Il mar delle blatte ; mais elles sont étranges.

Enfin, sans doute serait-il judicieux de recourir à la notion de « symbolique », pour désigner ce qui chez Landolfi relève des mots, des sentiments, de l‟imaginaire, des rêves, ou encore des désirs, et acquiert dans son écriture autant de réalité que la réalité tangible des choses matérielles et des lois de la raison. En un certain sens, l‟ « autre réalité » à laquelle Landolfi tente de donner toute sa consistance n‟est peut-être pas autre chose que la réalité symbolique, que l‟écrivain oppose à la réalité matérielle tout en aspirant à lui donner une pareille consistance « physique ». On peut ainsi être tenté de parler d‟une véritable tentative de substitution du « réel » par le symbolique, puisque des personnages ou des choses comme une jeune mariée, une maison et un ramoneur deviennent tout autre chose dans le monde de Landolfi que ce qu‟ils sont dans la réalité telle qu‟on la conçoit habituellement.

Mais, pour conclure, il importe de mesurer la différence qui existe entre, d‟un cóté, notre perspective, lorsque nous nous efforçons de situer Landolfi par rapport à l‟histoire littéraire du fantastique, en essayant d‟évaluer s‟il est légitime ou non d‟employer à son sujet des adjectifs tels qu‟« étrange », « fantastique », « surréel », « surréaliste » ou encore « symbolique », et, de l‟autre, celle de Landolfi lui-même, qui recourt pour sa part aux notions de « réel » (ou de « réalité »), de « possible » (ou de « possibilité »), qui emploie des adjectifs comme « physique » ou « vrai », ou encore qui parle d‟une « autre réalité », afin de définir, dans des textes épars et aux statuts différents, ce qui constitue sa poétique à un niveau qui dépasse le strict cadre du fantastique.

Chapitre deuxième. Les fondements de l’œuvre narrative et

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