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B – LA SOCIETE CONGOLAISE SOUS L’EMPRISE COLONIALE

B – LES GROUPES ETHNIQUES IMPLANTES AU SUD

B – LA SOCIETE CONGOLAISE SOUS L’EMPRISE COLONIALE

De plus en plus, l’histoire contemporaine du Congo est assimilée aux débuts de l’implantation française. C’est effectivement à partir de la fin du XIXe siècle que la France dans le cadre de sa politique coloniale prend possession du territoire du Kongo.

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- Frobenuis, cité par Dominique Ngoïe Ngalla, op cit.

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Remontant l’Ogoué, puis l’Alima, Pierre Savorgnan De Brazza, explorateur au service de la France, pénètre la Léfini jusqu’au fleuve Congo et atteint M’bé, la capitale du royaume Batéké, dirigé par le roi Makoko.

Né en 1852, Pierre Savorgnan de Brazza, explorateur Français d’origine Italienne va jouer un rôle très important dans la possession du territoire du Congo qui deviendra plus tard une colonie francaise. En effet ses expéditions en Afrique entre 1875 et 1897 furent à l’origine du Congo francais.

En 1880, le roi Makoko signe un traité d’amitié avec Pierre Savorgnan De Brazza. Ce traité marque le point de départ de l’occupation française au Congo. Ce traité qui sera ratifié en Novembre de la même année par le parlement francais à 444 voix contre 3 stipule qu’<<Au nom de la France et en vertu des droits qui m’ont été conférés le 10 septembre par le roi Makoko, le 3 octobre, j’ai pris possession du territoire situé entre la rivière Djoué et Impila. En signe de cette prise de possession, j’ai planté le pavillon français à Okila, en présence de Ntaba, Scianho-Ngacko, Juma, Voula, chefs vassaux de Makoko et de Ngaliema, représentant officiel de son autorité en cette circonstance. J’ai remis à chacun des chefs qui occupent cette partie du territoire un pavillon français afin qu’ils l’arborent dans les villages en signe de ma prise de possession au nom de la France. Ces chefs officiellement informés par Ngaliema de la décision de makoko s’inclinent devant son autorité et acceptent le pavillon et (…) donnent acte de leur adhésion à la cession du territoire faite par makoko…>>

Trois années plus tard, un autre traité est signé entre le lieutenant de Vaisseau Cordier et le roi Maloango, chef du royaume Loango. Par ce traité, le lieutenant Cordier reconnaît la région du kouilou Niari et établit la souveraineté de la France sur cette partie du territoire congolais. Une loi du 17 décembre 1882 fonde la colonie du Congo Français dirigé par Pierre Savorgnan De Brazza en qualité de Commissaire du Gouvernement(48).

Brazzaville est fondée en 1884. Le 5 février 1885, la France formalise sa domination sa nouvelle conquête en signant avec l’Association Internationale du Congo une convention délimitant la nouvelle colonie.

Le 29 décembre 1903, la colonie prend le nom du territoire du Moyen Congo et devient dès 1910 une des quatre colonies fédérées au sein de la grande Afrique Equatoriale Française (A.E.F).

A partir de là, l’occupation française s’opère progressivement. Mais ne se fait pas sans réelles difficultés ; le règne de Brazza fut en effet marqué par de graves incidents nés de l’implantation des sociétés concessionnaires dans cette région et surtout de la résistance des autochtones quant à la pénétration militaire française tout le long de la partie Loango et vers le Nord du pays.

Durant cette période, les autochtones livrèrent une farouche opposition à De Brazza qui fut obligé de conduire dans la Haute-Sangha une campagne de deux ans très dure.

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- Il faut souligner qu’à l’époque le Gabon était une composante du territoire congolais. Le territoire comprenait le Congo et le Gabon. Les deux entités sont séparées le 27.02.1886 mais toujours placées sous une même et seule autorité.

Dans le sud du Kongo, entre Loudima et Loango, les Kongolais menèrent une guerre incessante de résistance contre l’occupation coloniale entre 1909 et 1911.

Les tribus des régions du Nord, une bonne partie du pays Batéké, les pays Bakota, les hauts bassins du kouilou, de la Mossaka et de l’Ofia n’ont jamais reconnu aucune autorité. En 1913, par exemple, l’administration coloniale usa des armes pour mater une importante rébellion dans la région de la Likouala.

Dans le même registre, le caractère brutal et immoral de l’occupation coloniale suscita la montée de part et d’autre du Congo des mouvements à caractère religieux et nationaliste pour faire front à la présence coloniale. Ainsi, dès 1921, Pierre Simon Kibangou crée du côté de Stanley pool, un mouvement messianique dénommé le Kimbanguisme(49).

De l’autre côté de la rive, le plus puissant des mouvements fut incarné par le Matswanisme, crée par André Gérard Matswa. Ancien tirailleur de l’armée française, ancien comptable de l’assistance publique dans les hauts de Seine (en France), André Gérard Matswa et son mouvement constituent une menace pour la pérennité de l’occupation française. En juillet 1926, Matswa crée une amicale des originaires de l’A.E.F, une sorte de société de secours mutuel. Cette association dénommée l’AMICALE s’est fixée pour objectifs de promouvoir l’entraide, l’éducation, la coopération entre les peuples, l’égalité des statuts entre noirs et blancs, le bien-être des populations et la perpective de prendre en mains leur destin.

Par le biais de cette amicale, il met ouvertement en cause les débordements du régime colonial. Pour parer cette agitation, l’administration coloniale le condamne à trois ans de prison et cinq années d’interdiction de séjour, verdict qui provoque un véritable tollé au sein des autochtones plus précisément les Balaris, ethnie du prophète(50). Déporté au Tchad, Matswa meurt en 1942. Bref la théorie de la pénétration pacifique telle qu’elle a été développée par les apologistes du colonialisme, est un leurre car le Congo, « conquête pacifique, n’a jamais été conquis ni pacifié ».

Pour assurer son hégémonie dans les territoires occupés, la puissance colonisatrice met en place les bases d’une véritable remise en cause de la cohésion et de la solidarité des peuples colonisés.

Aussi le déclin des anciennes couches sociales qui existaient bien avant la pénétration s’opère-t-il au profit de nouvelles classes plus proches des colonisateurs aussi bien dans leur lutte que par leur collaboration. Avec cette logique, ce sont les fondements même de la société qui se détruisent. Pour expliquer cette réalité, G. Destanne de Bernis soulignait déjà que <<la colonisation ne saurait s’interpréter comme un simple rapport de domination externe. On sait que le pouvoir colonial a

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- Sur la question du messianisme au Congo, lire M. SINDA « Le Messianisme congolais et ses incidences politique » Paris 1973.

Lire aussi, Abel KOUVOUAMA, « Messianisme et révolution au Congo », Thèse de 3e cycle Paris V, 1979.

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- Il est à noter que André Matswa était considéré comme un prophète par ses partisans. Cette appellation était aussi attribuée à Simon Kibangou de l’autre côté de la rive.

toujours cherché à s’appuyer sur des couches sociales internes et pour ce faire, il a profondément infléchi l’évolution de ces structures>>(51).

Autrement dit, la colonisation en affaiblissant puis en détruisant le pouvoir central autochtone, en l’isolant par des procédés tels que la corruption, la promotion des peuples au détriment des autres, les divisions antagonistes, a détruit et sapé cette logique ascendante des autochtones vers un équilibre national, laissant des nations morcelées en micro-entités locales qu’ils ont diversement organisées au mépris des réalités traditionnelles, structurelles, linguistiques ou culturelles propres à chaque entité. Ce qui fait dire à Marien Ngouabi qu’après avoir contenu les peuples <<dans un système administratif dont les contours épouseront approximativement les limites des groupes linguistiques et tribus, les colonisateurs vont faire de nouveaux territoires, un ramassis incohérent de tribus>>(52). La masse des peuples subit la domination étrangère avec toutes les conséquences que cela comporte dans un contexte de perte totale de leurs repères historiques.

Déjà bien avant, le développement de la traite négrière a crée des tensions non seulement entre les seigneurs mais aussi entre les classes sociales à l’intérieur de la seigneurie. Les négriers ont accéléré la décomposition de l’organisation des territoires en royaumes pour « hégémoniser » leur autorité.

La colonisation est venue achever cette décomposition. En superposant cette société et ce, pour les besoins de la cause, la colonisation a veillé soigneusement à ce que l’autorité traditionnelle ne soit plus restaurée en destituant les chefs traditionnels au profit des « taupes » à la solde du colonisateur. Cette situation s’accélère avec la politique de hiérarchisation des peuples à l’intérieur des colonies. Dans le cadre de la perspective de la cession du pouvoir aux colonisés, la puissance colonisatrice a assuré la formation progressive de l’élite intellectuelle locale. Celle-ci sous le couvert de la puissance colonisatrice jouira de nombreux privilèges et facilités de la part du colon au détriment de la masse des peuples.

En faisant du pouvoir l’unique source d’enrichissement, une véritable bataille s’opère pour la conquête et la préservation de celui-ci. Les populations à travers cette lutte se déterminent par rapport à leurs ethnies et se replient sur elles. La période post-deuxième guerre mondiale qui s’ouvre avec la démocratisation de la colonie congolaise, assure la mesure de ce repli ethnico-identitaire. C’est de là que va partir l’interpénétration de l’ethnie dans la vie politique. De là, comment expliquer les rivalités interethniques qui se manifestent à l’heure actuelle dans la société congolaise tant et si bien que l’analyse historique de cette société a montré qu’à l’origine toutes les communautés vivaient dans un grand ensemble sociétal ?

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- Cité par Marien Ngouabi, op cit. P 103

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CHAPITRE II

LES FACTEURS DES RIVALITES

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