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A3-1 – LE FORUM NATIONAL POUR UNE CULTURE DE LA PAIX

DES CRISES INTERETHNIQUES AU CONGO

A3-1 – LE FORUM NATIONAL POUR UNE CULTURE DE LA PAIX

Au sortir des affrontements de 1993-1994, le chef de l’Etat a organisé à Brazzaville le Forum National pour une Culture de la Paix avec le concours de l’UNESCO. Tenu le 19 décembre 1994 devant les leaders de la classe politique nationale, des chefs traditionnels et plusieurs chefs d’Etat de la sous région, ce forum consacrait la nécessité d’instaurer un climat de paix entre les différentes forces politiques. Ce forum dont l’aboutissement s’est soldé une année après par la signature d’un pacte pour la paix, est apparu comme le couronnement de toutes les initiatives -en faveur de la paix- engagées par la classe politique.

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Haut lieu de tolérance, de recherche effective de la paix et de l’unité nationale, de retours aux valeurs traditionnelles de dialogue, le forum pour une culture de paix a permis avec la caution des chefs d’Etat et de gouvernement de la sous région, des majestés le roi Moko, la reine Ngalifourou, le prince héritier de Loango ainsi que les autres notabilités locales, de favoriser l’équilibre d’un pays qui menaçait de rompre.

En dépit de son caractère solennel et de la richesse de ses prétentions, le forum pour la paix n’a pas pu prévenir la conflagration d’une atrocité inouïe qui a secoué le Congo de juin à octobre 1997, conflagration à l’issue de laquelle, la démocratie a été remise en question. A la suite de cette conflagration, un forum pour la réconciliation a été convoqué.

A3-2 – LE FORUM NATIONAL POUR LA RECONCILIATION L’UNITE LA

DEMOCRATIE ET LA RECONSTRUCTION DU CONGO (F.R.N.R.U.D.R.C)

Tenu du 5 au 12 janvier 1998, le F.N.R.U.D.R.C est intervenu à la suite de la deuxième guerre civile qui a fait selon les sources autorisées plus de 15 000 morts. En effet, après la victoire militaire du président Dénis Sassou Nguesso, le nouveau pouvoir a organisé un forum de réconciliation pour <<exorciser les démons de la division et la peur qui s’était emparée des populations des deux capitales>> à la suite des derniers événements et surtout réfléchir sur l’avenir du Congo particulièrement dévasté et ruiné par la guerre. Les participants à ce forum entendaient <<jeter leurs querelles dans le fleuve, enterrer la hache de guerre pour laver leurs cœurs de la haine>> et faire de sorte que telles extrémités ne se reproduisent plus.

Placé sous le signe du recueillement et de l’unité nationale, le forum est apparu comme un véritable tribunal contre le régime déchu de Pascal Lissouba. Prévu au départ pour accueillir 600 participants, « la paix des braves » a enregistré plus de 1500 participants venus de tous les horizons. D’après les organisateurs près de 3000 demandes de participation ont été enregistrées témoignant ainsi de l’attention que le peuple accordait à cette manifestation. Ceci pour un budget de plus de 800 millions de francs CFA <<la paix n’a pas de prix, une goutte d’eau dans la mer à côté des dépenses de prestige de Pascal Lissouba>> affirment les nouvelles autorités.

Durant les 8 jours de travaux, le forum a focalisé son propos pour critiquer le pouvoir déchu. Les participants reprochaient à l’ancien régime d’avoir <<dilapidé et gagé les richesses du Congo pour se procurer des armes afin de se maintenir au pouvoir, alors que les salaires n’étaient pas payés et que les populations souffraient>>. Pour eux, le régime de Lissouba a semé la haine, la division et la terreur durant les cinq années de son mandat avec deux guerres civiles qu’il a personnellement provoquées. A cette occasion, les victimes du régime déchu sont montées au créneau pour conter leurs malheurs. De l’abus de pouvoir à l’exclusion systématique des ressortissants du nord en passant par des licenciements abusifs, bref tout a été dit pour fustiger le pouvoir déchu.

Pour extérioriser cette litanie, nous avons recueilli le témoignage d’un ingénieur en travaux publics radié de la fonction publique pour indiscipline. Ce dernier racontait les larmes aux yeux devant

tous les participants sa traversée du désert <<En réalité dit-il, j’ai été licencié parce que je suis de la même ethnie que le président Sassou. Je suis Mbochi. J’ai vécu l’enfer pendant six ans, alors que mes deux filles aînées sont à l’université en France. Sans argent, sans travail, j’étais réduit à la mendicité. Tout ça parce que j’ai refusé de faire des choses contraires à l’éthique de ma profession. Pascal Lissouba mérite le châtiment du seigneur tout-puissant. Vous avez vu comment il a détruit Brazzaville avant de s’enfuir ? Vous avez déjà visité la ville ? C’est horrible ! près de 1500 cadres ou simples fonctionnaires du nord vous raconteront la même histoire>>

D’autres sont montés à la tribune pour exprimer leur haine, leur ressentiment, leur déception et la soif de vengeance qui ronge les cœurs pour avoir perdu un parent ou un proche. Bref, un climat qui ne laisse pas du tout perplexe un néophyte de la géopolitique congolaise. Un pouvoir part avec son cortège de malheurs, un autre arrive en entretenant la rancune envers l’autre et ainsi de suite.

Pour répondre à leur volonté d’œuvrer pour une véritable réconciliation, qui passe avant tout par la paix et l’unité nationale, tous les participants se sont dit favorables à « une démocratie apaisée » c’est à dire la dilution de tous les partis politiques toutes tendances confondues au sein d’un groupement politique unique dénommé Front Démocratique Patriotique (F.D.P) pour, disent les représentants des partis politiques et délégués de la société civile, <<vouloir placer l’intérêt de la nation au-dessus de leurs intérêts personnels>>

A l’issue des travaux présidés personnellement par le nouvel homme fort du Congo, les participants au forum ont adopté des décisions ci-dessous :

*l’abrogation de la constitution en vigueur qui devenait nulle de tout effet après l’alternance par la force et son remplacement par un acte fondamental ;

*la dissolution de toutes les institutions élues ;

*l’élection à mains levées des membres du Conseil national de la transition, organe législatif de transition, dont la mission principale consiste à contrôler l’action du gouvernement d’union nationale et de salut public(179) ;

*la fixation de la période de transition à trois ans modulables, 1998-2001 ;

*l’organisation du recensement administratif en 1998 et 1999 pour dresser un état précis de la population. Un recensement spécial au cours du dernier trimestre de 1999 permettra d’établir les listes électorales en l’an 2000 ;

*l’organisation en 2001 d’un référendum constitutionnel, d’une élection présidentielle ainsi que des élections locales et législatives ;

*l’adoption d’un régime présidentiel : la future constitution à adopter optera pour un régime présidentiel dans lequel le président de la république, élu pour un mandat de sept ans renouvelable une seule fois, sera le chef de l’Etat, chef de Gouvernement. Le parlement sera composé d’une seule

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- Il est à noter le régime mis en place par l’acte fondamental est une sorte de régime présidentiel dans lequel le président de la République est chef de gouvernement.

chambre, l’Assemblée Nationale. Trois institutions garantiront l’équilibre des pouvoirs (la cour suprême, la Haute Cour de Justice et le Conseil Constitutionnel).

A côté de ces grandes décisions qui prenaient l’allure de programme politique, d’autres recommandations ont été adoptées à savoir :

*la traduction devant les juridictions nationales et internationales des personnes physiques ou morales concernées ou impliquées dans les deux guerres de Brazzaville.

Par cette recommandation, le président Sassou entendait <<combattre l’impunité et, au demeurant, contraindre les partisans de l’ancien régime à renoncer définitivement aux thèses régionalistes et tribalistes de P. Lissouba>>

*l’organisation régulière d’un tournoi national de Foot-Ball dénommé « challenge Dénis Sassou Nguesso pour l’unité et la réconciliation nationale » ;

*la mise en place d’une autorité morale, à l’instar de la commission de vérité et réconciliation en Afrique du Sud, chargée d’exorciser le mal congolais ;

*l’érection d’une stèle en mémoire des victimes des deux guerres et la création d’un musée de guerre.

En fin de compte, le F.N.R.U.D.R.C, à l’instar des forums qui l’ont précédé, a eu pour ambition de mettre un terme à la violence et de réunir toutes les populations dans la reconstruction nationale, de réconciliation, de paix et d’unité nationale. Mais tout comme les autres forums et pacte, le F.N.R.U.D.R.C n’a jamais pu atteindre les objectifs qu’il s’est fixés confortant ainsi la problématique de l’écart grandiose qui existe entre la parole donnée par l’homme politique congolais et la réalité sur le terrain. Ce qui est d’autant plus vrai que dans le cas particulier du Congo – généralement- les mutations constitutionnelles ne sont pas toujours légion dans un domaine où amour-propre, enrichissement sans cause et sans risque et volonté de puissance coexistent. D’où le fossé entre le discours et la réalité.

B – INADEQUATION ENTRE LE DISCOURS POLITIQUE ET L’APPLICATION

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