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CHAPITRE 2 ÉTAT DES CONNAISSANCES

2.2 Auto-organisation des boîtes quantiques

2.2.2 Auto-organisation dans les multicouches

Il est également possible de faire le dépôt sur une surface dont la contrainte n’est pas uniforme, en mettant à profit les champs de déformation générés par les îlots d’un plan inférieur dans la matrice. Ainsi, il est possible de stimuler l’organisation tridimensionnelle des boîtes quantiques lors de la croissance d’une multicouche.

Lors de l’encapsulation des boîtes quantiques, le matériau déposé directement sur les îlots doit s’adapter au paramètre de maille à la surface de ces derniers. L’inhomogénéité de la

déformation ainsi créée dans la couche d’encapsulation cause donc des sites de germination préférentiels à la surface de celle-ci, puisque le paramètre de maille est plus grand directement au-dessus des îlots enfouis. Un alignement vertical des BQ des différents plans est donc obtenu pour des couches de séparation d’épaisseur suffisamment faible [16-18,69] (voir figure 2-3). Ainsi, il est facile de rapprocher suffisamment les points quantiques des différentes couches pour entraîner leur couplage électronique en utilisant cette propriété des multicouches. Cependant, il y a augmentation de la taille des îlots d’une couche à l’autre pour un alignement vertical, accompagnée, pour compenser, d’une diminution de leur densité surfacique [16-18]. En effet, la diffusion préférentielle et donc l’accumulation des atomes au-dessus des BQ enfouies cause la formation d’îlots pour une couverture inférieure que dans le cas d’un dépôt sur un substrat non déformé [70].

D’autre part, dû à la superposition des champs de déformation, cet alignement vertical n’est pas parfait, comme illustré à la figure 2-4, où on présente le résultat d’un calcul de la déformation à la surface causée par une chaîne d’inclusions sphériques enfouies [16] : lorsque deux nanostructures sont très près l’une de l’autre, un seul minimum d’énergie élastique (plus profond) apparaît à la surface de la couche séparatrice. De même, il y a une probabilité importante de germination au-dessus de la position centrale entre deux BQ enfouies, à la position d’un minimum très peu profond. Cela entraîne une nette amélioration de l’uniformité en taille et en distance entre les îlots d’une couche à l’autre, en plus de l’augmentation de la taille moyenne et de la diminution de la densité surfacique [16-18].

Figure 2-3 : Image de microscopie électronique en transmission en vue transversale de cinq couches de BQ d’InAs séparées par 36 MC de GaAs(001). [69]

Figure 2-4 : Déformation à la surface ε en fonction de la position latérale x (exprimée en unités d’épaisseur de la couche de séparation L), calculée pour des inclusions sphériques, supposées beaucoup plus petites que la distance les séparant et que la dimension de la couche de séparation. Les flèches du bas et du haut indiquent respectivement les positions des BQ enfouies et des sites de germination préférentiels pour la prochaine couche. [16]

Figure 2-5 : a) Vue transversale en microscopie électronique en transmission d’un super-réseau de 100 périodes de BQ de PbSe/Pb1-xEuxTe(111) présentant un empilement de type CFC (ABCABC).

b) Vue plane montrant un ordre hexagonal pour la 100e couche. [19]

Un autre type d’organisation a été intensément étudié par Springholz et al. [19,20,71] pour des multicouches de PbSe/Pb1-xEuxTe(111), pour lesquelles les îlots peuvent adopter une

configuration tridimensionnelle de type cubique face centrée (CFC), c’est-à-dire que les nanostructures se positionnent selon une séquence ABCABC, comme les atomes dans une

structure CFC (voir figure 2-5 a)) [19]. Les observations en vue plane sur ces échantillons montrent que les BQ forment un réseau bidimensionnel hexagonal très uniforme sur la 100e couche, comme montré à la figure 2-5 b) : la distribution de la distance de séparation entre les îlots d’un même plan est passée de ± 47 % pour la première couche à ± 6 % à la centième. Ils ont attribué ce type d’organisation à l’anisotropie élastique importante de ces matériaux en se basant sur un calcul de la distribution d’énergie de déformation élastique créée par une source ponctuelle de contrainte dans une matrice anisotrope semi-infinie [71]. Le paramètre A = Y<111>/Y<100>, correspondant au rapport des modules d’Young dans les directions cristallographiques indiquées en indice, caractérise le degré d’anisotropie du matériau. Comme pour les systèmes à structure CFC et cubiques simples (CS) les BQ plus proches voisins se trouvent respectivement dans les directions <111> et <100>, A > 1 pour les CFC (AGaAs = 1,83, AInAs = 2,08, AInP = 2,03 ASi = 1,56, AGe = 1,64, AII-VI > 2) et A < 1 pour les CS (tels les IV-VI). Cela signifie que pour les matériaux

CS, la déformation provenant d’une source de contrainte ponctuelle est plus importante dans les directions {111} que {100}. Le minimum de déformation dans la couche de mouillage n’est alors plus directement au-dessus de l’îlot et l’alignement se fait avec un angle α par rapport à la direction de croissance, comme illustré à la figure 2-6.

Une étude expérimentale du même groupe a ensuite démontré que, pour ces matériaux, le type d’alignement dépend en fait de l’épaisseur de la couche de séparation entre les couches d’îlots, passant de vertical à CFC, puis, pour des couches plus épaisses, l’organisation entre les îlots des différentes couches disparaît [20]. De plus, pour des conditions de croissance identiques, la densité surfacique d’îlots sur la 30e couche est beaucoup moindre dans le cas de l’alignement vertical, tandis que pour l’organisation anti-alignée, elle reste plus près de la densité équivalente à celle du dépôt d’une couche unique. Le modèle de l’îlot isolé, mais cette fois avec une taille finie (calculs par éléments finis), a permis d’expliquer cette transition [20] de la manière suivante : pour une couche de séparation de faible épaisseur, la distance entre les minima d’énergie élastique situés de part et d’autre de l’îlot enfoui sont rapprochés et un seul îlot se forme. Ces deux modèles décrivent bien l’empilement de type ABCABC pour PbSe/PbTeEu et prédisent une organisation de type ABAB pour les semi-conducteurs II-VI, III-V et IV-IV sur substrats (001), avec un faible α dans le cas des deux derniers groupes de matériaux (voir figure 2-6) [20,71]. Des résultats similaires ont été obtenus par Quek et Liu [72], qui ont comparé les systèmes CdSe/ZnSe (II-VI) et InAs/GaAs.

a)

b)

a)

b)

Figure 2-6 : Angle α d’alignement des îlots par rapport à la direction de croissance en fonction de l’anisotropie élastique A = Y<111>/Y<100> de la matrice pour les surfaces a) (001) et b) (111), selon le calcul de l’énergie de déformation élastique causée par un îlot ponctuel enfoui dans une matrice semi- infinie. Les lignes pointillées représentent la transition entre un alignement vertical ou alterné selon le schéma. [71]

Le régime d’organisation anti-aligné a été observé plus récemment pour les boîtes quantiques des systèmes InGaAs/GaAs [21,73] et Si/Ge [22]. Gutiérrez et al. [73] ont obtenu pour InAs/GaAs un angle d’alignement α = 23° pour des échantillons de faible densité surfacique (∼ 109 cm-2) et un anti-alignement avec un angle α ~ 50º, comme observé par [21], pour des

empilements de plans d’îlots de densité plus élevé (2⋅1010 cm-2). L’angle d’alignement d’environ 23° avait été prédit par Holy et al. [71] et serait dû à l’anisotropie dans le GaAs. À densité plus élevée, l’anti-alignement se fait à un angle plus grand et est probablement dû, dans ce cas, à l’addition des champs de déformations des îlots voisins. Pour le système InAs/InP, l’anti- alignement a été observé sur des multicouches de « bâtonnets » (des nanostructures fortement anisotropes dans le plan de croissance, dont les dimensions latérales sont de l’ordre de l0 nm par 100 nm) [23], tandis qu’une étude récente sur l’organisation des îlots en fonction de l’épaisseur des couches de séparation a montré une transition entre les régimes aligné et non corrélé (aléatoire) avec les couches précédentes [74].

Quelques études théoriques ont considéré des plans latéraux de boîtes quantiques (plutôt qu’un îlot unique) dans leurs simulations de l’auto-organisation [75-77]. Shchukin et al. [75] ont fait des calculs de minimisation d’énergie pour une structure constituée de deux plans d’îlots

bidimensionnels disposés en réseaux carrés, un enfoui et un à la surface, dans le modèle de déformation continue. Ils ont trouvé une oscillation entre les régimes aligné et anti-aligné avec l’augmentation du ratio H/D entre l’épaisseur de la couche séparant les plans d’îlots H et la période du réseau latéral D, tandis que la taille des BQ n’a pas d’effet significatif sur les résultats de leurs calculs. Meixner et Schöll [76] ont obtenu les deux types d’organisation avec des simulations Monte Carlo cinétique, dépendant de l’épaisseur de la couche de séparation et de la couverture de la surface (pourcentage de la surface occupée par les îlots). Ils ont trouvé une transition de l’anti-alignement vers l’alignement vertical, puis vers une organisation sans corrélation avec les couches précédentes avec l’augmentation de la couverture. Pei et al. [77] ont pour leur part effectué des calculs d’éléments finis de déformation continue pour un réseau latéral carré de BQ en forme de lentilles et obtenu une transition entre des structures alignées ou non (alignement partiel ou anti-alignement) qui survient pour un certain ratio H/h entre l’épaisseur de la couche de séparation et la hauteur (h) des îlots. Ils ont trouvé que cette transition existe pour des matériaux avec des propriétés élastiques isotropes, mais survient pour un ratio H/h plus petit pour une matrice avec une anisotropie plus grande. Cette étude a cependant été effectuée pour h constant, en variant uniquement H.

Il convient aussi de mentionner qu’un autre type d’organisation, généralement qualifié d’alignement oblique, a été répertorié pour les multicouches d’îlots de Ge/Si (voir figure 2-7) [22,78]. Ce type d’organisation semble survenir lorsque le dépôt se fait sur une couche de séparation non plane, dans des conditions où on aurait normalement un alignement vertical.

2.3 Propriétés optiques des multicouches de boîtes quantiques de