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Auteurs et lecteurs : désigner et jouer avec le régime de distribution des textes textes

1 Le « numérique », perturbation et reconfiguration des ordres documentaires

1.2 Faire document et/ou documentariser : désigner la valeur informationnelle informationnelle

1.2.2 Auteurs et lecteurs : désigner et jouer avec le régime de distribution des textes textes

« L’invention de l’auteur comme principe fondamental de désignation des textes, le rêve d’une bibliothèque universelle, réelle ou immatérielle contenant tous les ouvrages jamais écrits, l’émergence d’une définition nouvelle du livre, associant indissolublement un objet, un texte et un auteur, constituent quelques-unes des innovations qui, avant ou après Gutenberg, transforment le rapport aux textes. […] Toujours, le livre vise à instaurer un ordre, que ce soit l’ordre de son déchiffrement, l’ordre dans lequel il doit être compris, ou bien l’ordre voulu par l’autorité qui l’a commandé ou permis. Cependant cet ordre, aux multiples figures, n’a pas la toute-puissance d’annuler la liberté des lecteurs. Même bornée par les compétences et les conventions, cette liberté sait comment détourner et reformuler les significations qui devaient la réduire. Cette dialectique entre l’imposition et l’appropriation, entre les contraintes transgressées et les libertés étudiées, n’est pas la même partout, toujours et pour tous. » 214

214 Chartier, Roger. L’ordre des livres : lecteurs, auteurs, bibliothèques en Europe entre XVI° et XVIII° siècles. Paris : éditions Alinéa, 1992. pp. 7 et 8

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1.2.2.1 Figurer les textes et leurs pratiques

A la lecture des ouvrages et des cours au collège de France de ou dirigés par Roger Chartier215 sur l’histoire du livre et de lecture, de la très belle anthologie d’Alain Brunn sur l’auteur216, des livres de Martine Poulain217, Anne-Marie Chartier et Jean Hébrard218, Henri-Jean Martin219 ou Annette Béguin-Verbrugge, sur les pratiques de lecture, les objets-livres ou l’illettrisme, ou encore à la lecture du bien plus récent ouvrage de Julia Bonaccorsi sur le « devoir-lire »220 il apparaît clairement qu’aujourd’hui encore, il y a, au centre de l’historicité de nos pratiques de l’écrit, un objet originel, toujours prégnant, et parfois sacralisé : le livre, et autour de cet objet deux figures sociales, qui se « rencontrent » par lui et autour de lui, l’auteur et le lecteur. Ces deux figures seraient selon toute logique chacune des deux côtés de l’énoncé (du côté de son énonciation et du côté de sa réception) et chacune à la fois des modèles et des sujets par les pratiques desquelles se concrétisent, se créent et se transforment les autorités et libertés de l’écrit. Comme pour le discours, je n’ai pas la prétention de faire une synthèse exhaustive de l’ensemble des productions scientifiques sur les notions d’auteur et de lecteur, mais bien de poser la manière dont ces notions peuvent me permettre de comprendre la construction et l’échange de valeur dans les pratiques info-documentaires. Ce qui m’intéresse dans ces deux notions c’est leur historicité, leur modélisation qui sous-tendent une possible normalisation des pratiques de l’écrit et la manière dont elles sont définies, dans l’imaginaire collectif, comme chez certains experts, dans leur rapport dialogique au texte au risque d’oublier le foisonnement

215 Chartier Roger. (dir.). Les pratiques de la lecture. Paris : Payot, 2003. (Petite Bibliothèque Payot). Chartier Roger et Cavallo Guglielmo (dir.). Histoire de la lecture dans le monde occidental. Paris : Le Seuil, 2001. (Points Seuil). Chartier Roger. Écrit et cultures dans l’Europe moderne [en ligne]. Paris : Collège de France, 2007-2013. Consulté de 2011 à 2015. Disponible sur : <http://www.college-de-france.fr/site/roger-chartier/>.

216 Brunn Alain. L’auteur. Paris : Flammarion, 2001. (GF, Corpus, Lettres).

217 Poulain Martine (dir.). Histoire des bibliothèques françaises [4] : les bibliothèques au XX° siècle. Paris : Éditions du cercle de la librairie, 2009.

Poulain Martine (dir .). Lire en France aujourd’hui. Paris : Éditions du cercle de la librairie, 1993.

218 Chartier Anne-Marie et Hébrard Jean (dir.). Discours sur la lecture : 1880-2000. Paris : BPI, Fayard, 2000.

219 Martin Henri-Jean. Histoire et pouvoirs de l’écrit. Paris : Albin Michel, 1996.

220 Bonaccorsi Julia. Le devoir de lecture : Médiations d’une pratique culturelle. Paris : Hermès, Lavoisier, 2009.

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socio-historique des pratiques concrètes. Avant d’entrer dans le dialogue de ces deux pratiques que sont l’auctorialité et la lecture, je vais d’abord m’intéresser au fait que dans ces nombreux ouvrages d’histoire, de sociologie ou d’anthropologie de l’écrit, il est souvent question des « figures » de l’auteur et du lecteur : ce qui peut être mis en parallèle avec la façon dont moi-même et d’autres chercheurs en SIC employons souvent le terme de configuration ou reconfiguration lorsqu’il s’agit d’interroger les formes du document, et en particulier du document numérique. Il est possible de supposer que, derrière cette terminologie de la figure et de la configuration, se nichent deux modes de normalisation de la culture écrite : celle des formes documentaires et celle de la modélisation des pratiques. La première correspondrait au processus de stabilisation dans l’objet concret du document des transactions communicationnelles, l’autre fixerait socialement (et donc dans des relations de pouvoir ?) les rôles des individus par rapport à la chose écrite, alors même que, peut-être, dans la pratique, ces objets concrets comme leur relation aux individus sont sans doute plus touffus et plus mouvants que ne laissent supposer ces figures. Les individus peuvent au cours de leur vie, selon les espaces et temps sociaux, être tour à tour, voire en même temps auteur et lecteur. Les formes documentaires connaissent des canons, des motifs (parfois séculaires) mais évoluent, bougent dans leur agencement, se re-configurent. On verra qu’avec le numérique, il devient même parfois encore plus difficile de clairement séparer les actes de lecture et d’écriture, comme de distinguer les formes fragmentaires, les « petites formes »221 des formes finalisées, instituées comme lorsque l’on peut distinguer les chapitres ou les feuillets du livre. En même temps , l’avantage du terme de figure est justement de souligner la forme comme mode essentiel d’existence et de reconnaissance des objets, que ces objets soient documentaires ou non, et de souligner le travail même du chercheur en sciences humaines et sociales qui consistent à faire surgir

221 Candel Étienne, Jeanne-Perrier Valérie et Souchier Emmanuël. Petites formes, grands desseins : d’une grammaire des énoncés éditoriaux à la standardisation des écritures. In Davallon, Jean (dir.), L’économie

des écritures sur le web, volume 1 : Traces d'usage dans un corpus de sites de tourisme. Paris :

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des manières de faire, des régularités222 au risque, à ne jamais oublier, de les normaliser223. Figurer, si l’on retourne vers les dictionnaires224, c’est bien dessiner les contours, donner de la consistance, rendre cernable, caractériser, donner une forme en prélevant/représentant les traits fondamentaux. Derrière l’idée de figure, on retrouve le concept d’iconicité tel que l’entend C. S. Pierce - la figure ressemble à l’objet qu’elle dénote par quelques traits fondamentaux, et (donc) la possibilité de reconnaître l’objet par sa figuration.

« La figuration ainsi entendue est cette activité universelle, et propre aux humains, de fabrication, de décoration, de transformation ou de mise en situation d’un objet, ou d’un ensemble d’objets, en vue de le convertir en image, c’est-à-dire en un signe qui soit à la fois iconique et indiciel (selon la terminologie de Peirce). Précisons que l’iconicité n’est pas la ressemblance, puisqu’il lui suffit pour opérer qu’une unique qualité de la chose figurée soit reconnaissable dans l’image, voire dans le seul intitulé qui la désigne. »225

Du côté des formes documentaires, la reconnaissance de leur configuration est un moyen de rattacher le document à d’autres documents du même genre, et donc de les faire entrer dans une/des échelles de valeur : la forme documentaire est à la fois l’icône d’autres formes documentaire du même « genre » et l’indice (ou un faisceau d’indices, un index) d’une valeur.

Du côté des pratiques, les figurer est une manière de les rendre visibles et lisibles malgré et avec leurs ambivalences. Reste alors au chercheur à comprendre comment ces figures

222 Chauviré Christiane et Ogien Albert (dir.). La régularité. Paris : Éditions de l’EHESS, 2003. (Raisons pratiques).

223 C’est sans doute-là une des difficultés épistémologiques et éthiques fondamentales des sciences sociales et des SIC en particulier : à régulariser les pratiques info-communicationnelles, à les formaliser, à les « figurer », le chercheur prend toujours le risque de fournir une arme à tous ceux qui, pour répondre à des enjeux politiques, à des crises (au sens foucaldien), vont vouloir mettre en place une ingénierie sociale, développer des dispositifs, sans que l’on sache toujours de quel côté de la médiation, cela va tendre : celui de la connivence dénoncée par Béaud, ou celui d’un autre partage du symbolique. (Béaud, Paul. La société

de connivence-média, médiations et classes sociales. Paris : Aubier, Res Babel, 1984).

224 Le Trésor de la Langue Française en ligne et le Petit Robert.

225 Descola Philippe. Ontologie des images. Paris : Collège de France, 2009. Cours du 11 mars 2009. Disponible sur : <https://www.college-de-france.fr/media/philippe-descola/UPL62016_Descola.pdf>

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deviennent des normes implicites ou explicites qui, pour un temps du moins, fixent les statuts des documents dans les échanges symboliques au sein de l’école, et les rôles des individus dans la distribution (au sens d’une répartition de la valeur) des textes et des documents. Au cœur même des pratiques de figuration, que ce soit du côté du chercheur qui crée des figures de la pratique ou du côté des gestes éditoriaux et auctoriaux qui créent des configurations, des agencements textuels, il est question de mettre en situation, en rapport, de placer les objets, les individus, les pratiques, les représentations, les uns par rapport aux autres et donc de créer de la valeur, valeur d’échange et valeur d’usage.

1.2.2.2 Fonction auteur et autorités

Pour comprendre la manière dont les figures d’auteur et de lecteur sont un moyen de caractériser les pratiques de production et de réception des documents en les répartissant de chaque côté de l’objet et par là-même de désigner comment et par qui peuvent se vivre des pouvoirs sur les textes, les inscriptions et interprétations des énoncés, il faut sortir du rapport spéculaire entre le texte, l’auteur et le lecteur, l’un faisant l’existence des autres et inversement. Ainsi Alain Brunn nous rappelle dans son introduction qu’interroger le rapport de l’auteur au texte c’est finalement sortir l’auteur de son « évidence » (et donc de son invisibilité) et, par là-même de cette double légende de l’écrivain romantique, maître de son œuvre, et de l’œuvre, forteresse isolée de la doxa par son originalité.

« Ces textes induisent des figures d’auteur (pour garder encore un terme neutre) et celles-ci en retour légitiment leur texte : est auteur qui a fait œuvre, mais l’œuvre n’est jamais que ce qu’a fait l’auteur. »226

Lors même de la naissance formelle de la notion d’auteur, à l’époque moderne, les débats furent longs entre Fichte, Kant, Diderot et d’autres, et trouvèrent des réponses juridiques variées selon les pays, sur ce qui fait œuvre et donc auteur, et sur ce qui permet de distinguer un texte d’un autre pour pouvoir en faire un objet isolable et alors commercialisable. Dans cette même opération vont également se définir les rôles de

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l’éditeur et du lecteur et les modalités nationales de la propriété intellectuelle. Roger Chartier, Michel Foucault, et avec eux Alain Brunn, insistent bien sur la naissance à l’époque moderne, naissance esquissée par des apparitions, innovations tout au long du Moyen-âge, de la fonction auteur, au cœur même de ce que Roger Chartier désigne comme « la culture de l’imprimé »227. Pour ce dernier, le livre imprimé est cette alliance indissoluble entre une organisation matérielle du texte (dérivée du codex), des pratiques de production et d’échange de ces textes qui s’appuient fondamentalement sur différentes pratiques d’attribution des textes (attribution morale, juridique et marchande se croisant sous ces autorités du texte que sont les auteurs et les éditeurs) et des pratiques de lecture qui vont de plus en plus s’éloigner de l’oralité. Avec le changement d’échelle dans le passage du manuscrit à l’imprimé, avec la progressive diffusion sociale d’une littératie, avec la montée en puissance du pouvoir économique et politique du tiers état, l’écrit sort de la doxa de l’Église et de l’État, et les textes de leur anonymat, en même temps que se diversifient les usages de l’écrit. Face à la démultiplication des matériaux de l’écrit, face à leur large diffusion jusque dans les milieux populaires, face à la nécessité pour la Loi comme pour le Commerce de régir la circulation des livres, des journaux et autres libelles, s’inventent en même temps des modes sociaux et juridiques de production, de désignation et de hiérarchisation des textes : l’éditeur et le geste éditorial, l’auteur et son nom, et des modes de lecture entre sociabilités nouvelles (cercles de lecture, salons, café, lycée et université) et individuation de la lecture (lecture silencieuse).

« La révolution du Lire est donc celle du livre. […] possibilités nouvelles et aux geste inédits portés par une innovation technique de grande expérience, celui de l’écrit composé en caractères mobiles et imprimé à presse, une large place sera faite à l’ère du manuscrit qui connaît la première diffusion d’une façon de lire [lire en silence] ensuite généralisée et obligée, et qui installe une hiérarchie des objets écrits, toute ensemble fonctionnelle et sociale, immédiatement déchiffrables dans leurs formes mêmes. »228

227 Chartier Roger (dir.). Les usages de l’imprimé. Paris : Fayard, 1987.

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Plusieurs points importants ressortent de cette citation.

 Le premier est que l’Imprimé introduit de nouveaux usages de l’écrit et, en même temps, en systématise et généralise déjà en germe voire éclos au temps du manuscrit.

 Le deuxième est que si dans cette citation Roger Chartier ne parle ni d’éditeur et d’auteur, il pose pour la reprendre tout au long de son livre l’idée de « formes » voire de « formules éditoriales » comme concrétisation des modes de hiérarchisation des textes : et l’on retrouve ici l’idée que la culture écrite est une culture matérielle et visuelle qui donne à voir le texte et son contexte/cotexte de communication, et ceci dans un objet que l’on peut qualifier de document.

 Le troisième est que contrairement à Elizabeth Eisenstein229, Roger Chartier ne fait pas de l’innovation technique de l’imprimerie la source de toutes les (r)évolutions mais bien leur lieu concret ; et donc des Imprimés (et non du livre) les objets qui, et par leur circulation et leur appropriation, et par la généralisation de certains usages et partages des textes, vont faire de l’écrit la culture de tous.

 Le quatrième, hors du texte, venant de ma lecture de cette introduction pour ma thèse, et dérivant des trois premiers points, est l’étrange jeu intellectuel qui consiste, pour nombre de passages de cette introduction, à pouvoir remplacer l’idée d’ « Imprimé » ou de « culture de l’imprimé » par celles du « numérique » ou de « culture numérique ». Juste un petit exemple particulièrement significatif du point de vue qui est le mien sur le « numérique ».

Ainsi

« Mais la culture de l’imprimé peut se comprendre aussi, en un sens plus étroit, comme l’ensemble des gestes neufs secrétés par une production de l’écrit et de l’image en une forme nouvelle. […] Avec l’imprimerie, l’éventail des usages de l’écrit s’élargit, et corollairement, se constitue un réseau de pratiques spécifiques, qui définissent une culture originale. Trop longtemps,

229 Eisenstein Elizabeth L. La révolution de l’imprimé. Paris : la Découverte, 1991. (Textes à l’appui, Anthropologie des Sciences et des Techniques)

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elle a été réduite à la seule lecture – et à une qui est celle d’aujourd’hui ou celle des lettrés anciens. »

Devient

« Mais la culture numérique peut se comprendre aussi, en un sens plus étroit, comme l’ensemble des gestes neufs secrétés par une production de l’écrit et de l’image [et du son] en une forme nouvelle. […] Avec le numérique, l’éventail des usages de l’écrit s’élargit, et corollairement, se constitue un réseau de pratiques spécifiques, qui définissent une culture originale. Trop longtemps, elle a été réduite à la seule lecture – et à une qui est celle d’aujourd’hui [la navigation] ou celle des lettrés anciens [lecture cursive]. » L’idée sous-jacente derrière ce pastiche, qui peut être comprise comme une hypothèse contextuelle de ma thèse, est que le numérique est peut-être une (r)évolution, mais une (r)évolution qui contrairement aux discours médiatiques, et aux discours de certains chercheurs en SIC, ne fait pas sortir la production et le partage du symbolique de la culture écrite, mais au contraire, diversifie et reconfigure cette dernière. Et peut-être, contrairement aux mirages de l’écran comme outil de visualisation, le numérique renforce-t-il la place de la culture écrite en généralisant la textualisation de nombreuses pratiques communicationnelles de la même façon que la lecture silencieuse a avec l’imprimé généralisé le rôle du texte inscrit et du document dans les pratiques d’enregistrement, classement, partage et appropriation des connaissances (au travail, à l’école, à la maison, dans la création). Si la culture de l’imprimé est celle de la reliure, des autorités et de la lecture cursive silencieuse, celle du numérique reste un champ de recherche énorme mais dont on a déjà quelques enseignements qui seront développés dans le chapitre suivant de la première partie.

Le nom de l’auteur, dans cette culture de l’imprimé, a donc le pouvoir de désigner les textes, mais aussi de les relier aux autres, de les inscrire dans un genre de discours. Parler d’auteur, c’est donc à la fois, comme le synthétise Alain Brunn, parler d’une figure historique spécifique, celle de la modernité, parler d’une autorité, d’un mode de hiérarchisations des textes, et d’une fonction construite par l’œuvre. Puisqu’il s’agit de comprendre comment se construit la valeur info-documentaire, et comment elle se reflète dans une hiérarchie sociale des pratiques du Lire et de l’Écrire, c’est bien, même si les trois aspects sont indissociables, les liens entre auctorialité et autorité qui sont ici les plus

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significatifs. Ce glissement de l’écrivain à l’auteur permet à la fois de sortir du champ littéraire, et de révéler le rôle de hiérarchisation, de distinction qu’a le nom de l’auteur, mais aussi celui de l’éditeur, des traducteurs, de la collection etc. Si plusieurs historiens et spécialistes de la culture écrite ne sont pas d’accord avec Michel Foucault sur ce chiasme du XVIII° qui renverrait les discours scientifiques dans « l’anonymat d’une vérité établie » et ceux du littéraire vers leur origine auctoriale, nombre d’entre eux sont d’accord avec lui sur la possibilité de distinguer sujet et auteur pour faire de l’auteur une fonction sociale qui permet, en plus d’instaurer un régime d’appropriation des textes et d’attribution pénale, de les hiérarchiser, de leur apposer une valeur par des indices de fiabilité, de rapprocher ou exclure les textes d’un discours par des traits communs, des continuités ou au contraire des ruptures230. Le propre de la fonction auteur est de participer de la distribution des textes, d’être l’incarnation, dans l’objet documentaire, de la négociation des énoncés dans ces lieux institués que sont les savoirs.

«[…] la fonction auteur est liée au système juridique et institutionnel qui enserre, détermine, articule l’univers des discours, elle ne s’exerce pas uniformément et de la même façon sur tous les discours à toutes les époques et dans toutes les formes de civilisation, elle n’est pas définie par l’attribution spontanée d’un discours à son producteur, mais par une série d’opérations spécifiques et complexes : elle ne renvoie pas purement et simplement à un individu réel, elle peut donner lieu simultanément à

230 Au plus près de la notion d’auteur, apparaît chez Foucault, un autre concept fondamental de sa/ses théorie(s) du discours, celui de formation discursive. Je ne prendrai pas le temps de le développer ici précisément, car il s’inscrit dans la continuité des concepts présentés dans le corps de ma thèse d’archive, de dispositif, d’énoncé et d’auteur, tout en faisant fortement écho à la notion de genre de discours chez