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Moscovici décrivait les RS en trois dimensions : l’information, le champ de représentation et l’attitude qui « achève de dégager l’orientation globale par rapport à l’objet » (Moscovici, 1976, p. 69). L’interdépendance entre la représentation et l’attitude est donc présente dès le début du concept. Certains auteurs (Herzlich, 1969) attribueront la primauté de l’attitude influant sur la sélection et l’interprétation d’informations nécessaires à la construction d’une RS. Cependant, la pensée Moscovicienne, sous-tend qu’il est nécessaire d’avoir une première représentation de l’objet avant de développer une attitude sur ce dernier. Si les travaux des psychologues pionniers dans l’étude des attitudes ne contredisent pas cette tendance (Ajzen, 1996; Pratkanis & Greenwald, 1989), ils restent cependant une vision de l’attitude comme un trait individuel, qui constitue une orientation des valeurs sociales perçues comme communes à un groupe (Thomas & Znaniecki, 1918).

3.2.7.1 Architecture de la pensée sociale

La hiérarchie entre les différents niveaux de pensée sociale sera modélisée par Rouquette (1996, 1998, 2009). Pour cet auteur, 4 types de structures cognitives complémentaires permettent à la pensée de se référer à un objet social. Schématisé dans le tableau 3.1, ils sont « ordonnés du plus stable au plus labile, du plus pérenne au plus éphémère, du plus consensuel au plus conflictuel, et du plus général au plus particulier » (Hidalgo, 2016, p. 489).

-Variations

intra et inter individuelle + Idéologie + Niveau d’intégration -Représentations sociales Attitudes Opinions

Cette hiérarchie repose sur un modèle récursif, chaque niveau intègre son subordonné, ainsi les opinions sont intégrées dans les attitudes, elles-mêmes intégrées par les RS, qui sont coordonnées par l’idéologie. Cette structure en « gigogne » sera testée et validée par les travaux de Rateau (2000) qui mettront en avant une prégnance de l’idéologie sur les représentations. Ils cibleront également la dépendance de l’attitude sur les éléments centraux de la représentation. Cette relation se montrera unilatérale, un changement d’attitude ne se répercutant que sur les éléments périphériques (Moliner & Tafani, 1997; Tafani, 2001).

3.2.7.2 Modèle bidimensionnel

Si ces travaux confirment une relation entre la représentation et l’attitude, ils présentent ces deux cognitions de façon séparée. Or les représentations sociales ont une fonction évaluative (Beauvois & Deschamps, 1990). Les travaux de l’école d’Aix défendent la présence de dimensions normative et fonctionnelle dans les éléments du noyau central (Abric & Tafani, 1995; Guimelli, 1998; Lheureux, Rateau, & Guimelli, 2012; Rateau, 1995a); les éléments normatifs prescrivant « ce qui devrait être ». Au-delà de la norme, la part évaluative des RS donnera lieu au modèle bidimensionnel développé par Moliner (Moliner, 1988, 1994, 1995a, 1995b, 2001b).

Cette théorie prend appui sur les travaux étudiant de façon structurale les représentations et mesurant la polarité des réponses (Moliner, 1994, 1995a; Roussiau & Soubiale, 1996). Les résultats montrent que seule une minorité d’éléments sont évalués avec une consonance neutre. Moliner considère donc que l’évaluation est la seconde dimension structurante de la RS. Symbolisée par un facteur descriptif/évaluatif, elle s’ajoute aux critères structurants (chap 3.2.5) pour dégager 4 types de cognitions constituant la représentation (synthétisées dans le tableau 3.1).

Dimension évaluative

Neutre polarisé

Dimension structurale

central

Définition : permet de cerner la spécificité de l’objet (ou catégorie d’objet)

Norme : constitue un jugement global de ce que devrait être l’objet (ou la catégorie d’objet)

périphéri que

Description : concrétise la définition en donnant des

exemples possibles de l’objet (ou catégorie d’objet)

Attentes et craintes : éléments conditionnels, fortement valués, ils sont la projection des espoirs ou craintes du groupe face à l’objet (ou catégorie d’objet)

Tableau 3.2 : Synthèse des éléments constitutifs de la RS d’après le modèle bidimensionnel

3.2.8 Pratiques et représentations

Cette thèse n’interroge pas les pratiques ou usages de l’ENT ni des autres objets, cependant comme nous le verrons dans les paragraphes suivants, nous ne pouvons occulter l’articulation entre les pratiques et les représentations.

La place des pratiques dans ce contexte n’est pas univoque. À la fois indicateur de représentations non verbalisées (Jodelet & Moscovici, 1989) elles peuvent aussi être induites par les éléments du noyau qui « fonctionnent [...] comme des schèmes c’est-à-dire qu’[ils] sont prescripteurs des comportements et des pratiques» (Abric, 2011, p. 277) .

Pourtant, les pratiques ont également un rôle dans la formation et l’évolution de la représentation. Ainsi, les études de Flament (1987) montrent comment chez les infirmières, les pratiques imposées par les contraintes de terrain, si elles sont en contradiction avec les représentations, vont dans certaines conditions modifier les EC de celle-ci. Pour que les processus cognitifs nécessaires à ces modifications puissent être mis en place, il faut que la situation engageant les contraintes soit envisagée comme irréversible. Nous pouvons donc voir une référence de causalité circulaire entre pratiques et représentations sociales qui « s’engendrent mutuellement » (Abric, 2011, p. 230). Nous retrouvons le même paradigme que celui concernant l’attitude influençant la construction de la RS mais nécessitant une représentation pour exister. Alors que d’après Flament « actions et rétroactions

s’enchaînent et vouloir donner une priorité à l’un ou l’autre relève plus de la rhétorique que de l’approfondissement » (Flament, 2001, p. 55), nous souhaitons nous attarder sur la particularité de notre terrain face aux représentations de nos objets d’études. Le métier d’enseignant, l’information et la communication dans celui-ci préexistant à l’ENT, les représentations de ces trois objets peuvent être considérées comme devançant les pratiques de l’outil. Cependant, l’institution a rendu l’ENT obligatoire en contraignant les enseignants à une pratique quotidienne (aussi minime soit-elle). Ces actions sont noyées dans la volonté de centraliser les informations sur ce type de plateforme et s’additionnent du discours social ayant pour projet une ascension du numérique. Ces derniers éléments mettent en place une situation permettant l’évolution des RS de tous nos objets.