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Artefacts élastiques sur l’oscillateur de torsion

Dans le document Mouvement des dislocations dans l'hélium-4 (Page 44-46)

1.3 De la supersolidité à la plasticité

1.3.3 Artefacts élastiques sur l’oscillateur de torsion

Comme nous l’avons vu, le changement de période du TO est très similaire à celui du module de cisaillement. Il semblerait possible que le comportement du TO ne soit qu’un artefact du changement d’élasticité de l’hélium qui mime la perte d’inertie. Cet effet doit être très faible compte tenu que le module de cisaillement de l’4He est très faible devant celui du BeCu (µHeBeCu ≈ 2, 8 × 10−4) dont sont faits les TO. Toutefois le changement de la fréquence du TO est lui aussi très faible.

L’amplitude de la NCRI dépend énormément de la géométrie de la cellule et du TO. Si la tête de l’oscillateur n’est pas complètement rigide, dans le cas par exemple d’une géométrie avec une paroi extérieure très fine ou si le TO a des parties mobiles intérieures, alors le durcissement de l’4He solide peut accroître la rigidité du TO augmentant ainsi sa fréquence. Cet effet connu sous le nom de "glue effect" est encore plus important quand l’hélium est confiné dans un anneau proche de la surface extérieure [80].

Même si la cellule est assez rigide, l’hélium qui est très mou se découple élas- tiquement du reste de l’oscillateur, oscillant avec un déphasage à une amplitude plus élevée. Son durcissement réduit ce comportement ce qui augmente la fréquence du TO. Cet effet est réduit lorsque l’hélium est confiné dans un volume étroit et qu’il varie alors en ω2 ce qui permet de le distinguer d’un véritable changement d’inertie [81, 82], c’est-à-dire une supersolidité où la variation de la période doit être dépendante de ω.

Mais dans la plupart des TO, la tige de torsion est généralement fixée au centre de l’une des extrémité de la cellule cylindrique remplie d’hélium. Ainsi, bien que le module de cisaillement du métal soit plusieurs ordres de grandeur au-dessus de celui de l’4He, si la surface sur laquelle la tige de torsion est attachée est assez fine, alors l’hélium solide peut jouer un rôle prédominant dans la transmission de la torsion depuis la tige vers le reste de la cellule. Dans ce cas la fréquence du TO peut croître significativement lorsque l’4He se rigidifie [83].

Enfin, la façon la plus directe par laquelle l’hélium solide peut affecter la fré- quence du TO est via sa contribution à la rigidité de la tige de torsion elle-même. Dans la plupart des expériences de TO, l’hélium est injecté via un canal traversant la longueur de la tige de torsion. Ainsi quand l’4He durcit, il rigidifie aussi la tige de torsion [84]. Cet effet indépendant de la fréquence est très difficile à distinguer d’un changement d’inertie. Si une telle tige de torsion possède un rayon extérieur rext et un rayon intérieur rint, alors le changement de frequence du TO causé par celui du module de cisaillement de l’hélium est donné par :

∆félastique f0 = 1 2 µHe µtige 1 r ext rint 4 − 1 (1.42) Ce changement est donc très sensible (à la puissance 4) aux rapports des rayons de la tige de torsion. Dans la plupart des expériences, il varie entre 1,25 [59] et 10 [58] avec une certaine incertitude due à la difficulté à usiner de telles pièces. En mesurant cet effet dans les différentes expériences de TO et en le comparant aux variations de fréquence effectivement mesurées, on peut alors retrouver la variation de module de cisaillement de l’4He µ

Figure 1.24 – Changement de fréquence des TO induit par la variation du module de cisaillement de l’4He. La ligne rouge représente l’effet maximum dans le cas où le module de cisaillement est réduit de 100 %. Les différentes expériences sont celles de Hunt, Pratt [59, 60], Aoki [61], Penzev [63], Kondo [62], Zmeev (corrigée) [65], Kim [42, 43], Rittner [58], Choi [85, 86] et Fefferman [66].

Sur la Figure 1.24 qui résume ces travaux, la ligne rouge représente l’effet maxi- mum dans le cas où le module de cisaillement est réduit de 100 %. Ainsi pour toutes les expériences situées sous cette barre la variation de la fréquence observée peut être attribuée uniquement à la réduction du module de cisaillement de l’hélium dans la tige et non à un changement d’inertie. Dans tous les cas l’effet dû à l’hélium est à soustraire de l’effet mesuré dans toutes les expériences, on doit au moins en tenir compte dans l’analyse.

Cette étude publiée par Beamish et al. en 2012 [84] va plus loin puisqu’elle

(a) (b)

Figure 1.25 – Comparaison des géométries de cellules (a) et des périodes (b) entre le premier TO utilisé en 2004 [42, 43] et le dernier utilisé en 2012 [87].

explique aussi d’autres comportements du TO par des effets élastiques dans les cas des expériences proches de la ligne rouge. Ainsi la vitesse critique mesurée dans les TO est comparable à la déformation critique des mesures élastiques qui serait induite par les mouvement du TO. De même, la dissipation observée dans les mesures élastiques explique la dissipation des TO. Si cet effet reste trop faible pour expliquer encore certaines expériences de TO, il faut se souvenir qu’il existe de nombreux artefacts possibles comme expliqué plus haut.

Récemment, Chan et son groupe ont construit une cellule pleine de Vycor spéci- fiquement conçue pour annuler l’ensemble des artefacts connus [87]. Ainsi, la cellule est très rigide, avec une tige de torsion pleine et fixée sur une paroi épaisse de la cellule (voir Figure 1.25(a)). On voit sur la Figure 1.25(b), contrairement à ce qui a été observé 8 ans plus tôt, qu’aucun changement de la fréquence n’a pu être me- suré dans cette expérience. Cela prouve que les résultats précédents étaient bien à attribuer au module élastique de l’4He et pas à de la supersolidité.

Toutefois notons que l’anomalie élastique de l’4He solide n’explique pas toutes les expériences récentes qui ont montré des propriétés intéressantes de l’hélium à ces températures. En particulier, nous pouvons citer les mesures d’écoulement de masse de Ray et Hallock [88–90] qui appliquent une différence de potentiel chimique aux deux extrémités d’un cristal d’hélium-4. Ils observent ainsi un écoulement en dessous de 0,6 K qui présente un minimum encore inexpliqué autour de 80 mK. De même, le pic de chaleur spécifique observé par Lin et al. [91] dans de l’4He solide à la même température (∼80 mK), bien qu’il ait été attribué dans un premier temps à la transition de phase supersolide, reste tout aussi incompris aujourd’hui.

Dans le document Mouvement des dislocations dans l'hélium-4 (Page 44-46)