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« N’avez-vous pas remarqué qu’à présent l’art se caractérise par sa capacité à faire échouer toute proposition visant fournir une définition de l’art, produisant sur demande un exemplaire que personne ne voudrait pas exclure mais que personne ne pourrait pas jamais soumettre à aucune des catégories conventionnelles ? »

Joseph Margolis50

a) Expérience esthétique et statut d’œuvre d’art

L’art contemporain continue à pousser à l’extrême ce qu’on attend d’une œuvre d’art. Cependant, quand bien même plusieurs d’œuvres tirent parti de notre difficulté à leur reconnaitre une valeur intrinsèque, ce n’est pas une raison suffisante pour leur refuser le statut d’œuvres d’art : il faudrait juste adopter une définition de l’œuvre d’art avec comme condition suffisante et nécessaire son aptitude à susciter l’attention du spectateur. En revanche, le Sac à dos atteint la limite de sa propre débâcle en tant qu’œuvre d’art : dépourvu de l’inclination à susciter l’attention du spectateur, le Sac à

50MARGOLIS Joseph, What, After All, is a Work of Art? Lectures in the Philosophy of Art, University

Park, Pennsylvania State University Press, 1999, p. 15. Traduction de l’auteur. Dans l'originel : « Art,

don't you know, is distinguished (nowadays at least) by its power to defeat any would-be postulation of defining traits, by producing on demand an exemplar no one would want to exclude but no one could quite subsume in a canonical way. »

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dos n’engage guère nos compétences exégétiques, de même qu’il ne suscite pas une

réponse phénoménologique (comme l’œuvre d’art minimaliste). Il ne semble même pas correspondre à notre appétit pour des spéculations conceptuelles. Et alors même s’il parvenait à trouver sa famille d’artéfacts dans l’inclination à modeler et intensifier l’expérience du paysage, son statut d’œuvre d’art demeurerait contestable. En effet, l’aptitude à susciter des expériences esthétiques ne constitue pas condition suffisante pour octroyer le statut d’œuvre d’art à l’objet déclencheur d’une telle expérience : une éruption volcanique suscite des sentiments de sublime51 sur celui qui la regarde de façon plus saisissante qu’une peinture de Pierre-Jacques Volaire du Vésuve en éruption sans que ceci ne soit pas suffisant pour l’octroyer le statut d’œuvre. Pas même un dispositif capable de modeler notre expérience du paysage ne saurait gagner instantanément ce statut. Ceci est rendu particulièrement explicite dans la description célèbre de Tony Smith de sa promenade nocturne en voiture sur une autoroute inachevé du New Jersey. Une expérience considérée par l’artiste comme plus saisissante qu’une

51 En parlant ici d’expérience esthétique sublime, je pense notamment à la notion du sublime tel comme

elle est conçue par Emmanuel Kant dans la Critique de la faculté de juger. Kant caractérise comme tels les sentiments éprouvés devant les objets de la nature qui, en raison de leur grandeur absolue, suscitent l’inadéquation de notre imagination pour présenter l’Idée d’un tout. En bref, l’imagination « atteint son

maximum et dans l’effort pour le dépasser, elle s’abîme en elle-même, et ce faisant est plongée dans une satisfaction émouvante » (sublime mathématique) ; ou, assurée la perception de sécurité par rapport à l’objet sublime, devant des forces supérieures aux nôtres il se produit soit un sentiment d’impuissance soit la découverte en nous d’un pouvoir de résistance « qui nous donne le courage de nous mesurer avec

l’apparente toute-puissance de la nature » (sublime dynamique). KANT Emmanuel, Critique de la faculté de juger, Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, 1984, p. 91, 99.

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œuvre d’art mais impossible de reproduire dans le contexte de la galerie ou du musée.52 Aussi célèbre que cette description de Tony Smith soit devenue, ni la voiture ni le paysage lui-même n’ont pu jamais gagner le statut d’œuvre d’art. Bref, peu importe la prédisposition d’un objet naturel ou artificiel à susciter une expérience esthétique, la seule expérience ne peut l’attribuer le statut d’œuvre d’art. Identiquement, le projet de Viollet-le-Duc pour la restitution du mont Blanc à un état censé originel rend évidente l’exigence d’une intention visant transformer un simple objet dans un objet capable de signification. Si elle s’était concrétisée, cette intervention directe sur le paysage « aurait créé une montagne à partir d’une montagne et, ce qui est plus extraordinaire encore, transformé un pic en œuvre d’art. »53. Le pic aura gagné une signification qu’y était inexistant originellement. Malgré leur capacité à susciter des expériences esthétiques ou à articuler et diriger le regard de l’utilisateur, les objets visés par le Sac

à dos et les Horizontaux, et peut-être même ces deux artéfacts, résistent à être

52 SMITH Tony et WAGSTAFF Samuel, « Talking with Tony Smith: ‘I view art as something vast »,

Artforum, New York, vol. 5, n. 4, décembre 1966, p. 14-19. Dans les propres mots de l’artiste : « Ce fut

une expérience révélatrice. L’autoroute et une grande partie du paysage étaient artificielles, mais on n’aurait pas pu appeler ça une œuvre d’art. En même temps, cela a produit sur moi un effet que l’art ne m’avait jamais fait et qui m’a libéré d’un bon nombre d’idées que j’avais sur l’art. J’avais le sentiment qu’il existait une réalité qui n’avait jamais encore trouvée son expression artistique (…) il est impossible d’imaginer cela, de lui donner un cadre ; il fait le vivre ». GOLDBERG Itzhak, « On the

road again » dans : Dominique Chateau, Herman Parret et Père Salabert (dirs.), Esthétiques de la nature, Paris, Publications de la Sorbonne, 15 septembre 2007, p. 103.

53 DANTO Arthur, La transfiguration du banal : une philosophie de l’art, traduit de l’anglais par Claude

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reconnues comme œuvres d’art. Il pourrait s’avérer vrai que la foule visée par le Sac à

dos demeure une multitude de personnes rassemblées, de même que les habitations pavillonnaires visées par les Horizontaux ne sont finalement que des structures architectoniques insérées dans le paysage, tandis que les Horizontaux et le Sac à dos ne seraient rien que des simples instruments. Leur échec probable en tant qu’œuvres d’art peut être attribuable à la difficulté à entretenir le moindre échange avec un public soucieux de porter son attention à des œuvres nettement circonscrites. En outre, les conditions de réception nécessaires à la constitution du paysage comme œuvre d’art, à la condition qu’il est l’objet d’un dispositif capable d’encadrer le regard, ne sont pas pour le moment réunies.

b) La capacité de toute œuvre à attirer notre attention

On n’est pas loin de l’hypothèse proposée par Arthur Danto originalement dans

La transfiguration du banale, d’une définition de l’œuvre d’art fondée sur la capacité

de toute œuvre à attirer notre attention et à susciter la production de discours dans de bonnes circonstances. Ceux-ci impliquent « l’atmosphère d’une théorie artistique et d’un savoir concernant l’histoire de l’art. »54 Cette définition admet des artéfacts qui ne sauraient être reconnus le statut d’œuvre d’art sur la base de ses qualités perceptuelles uniquement, mais elle fait obstruction à tout ce qui n’attire pas notre attention et ne suscite pas finalement la production de discours, c’est-à-dire « une chose uniquement,

54Idem, ibidem, p. 217.

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ni à propos de rien ni à propos de quoi que ce soit. »55 En bref, tout artéfact qui est dépourvu de la volonté d’orienter le regard sur d’autres choses, simplement parce qu’il n’affiche que sa valeur utile, se voit déclassifié. Ce n’est pas pourtant la résistance du

Sac à dos et des Horizontaux à susciter le discours qui est la seule et unique raison de leur échec en tant qu’œuvres d’art : leur nature d’instrument est tellement évidente que cela peut s’avérer fatal. Le Sac à dos et les Horizontaux ne renvoient qu’à leur valeur en tant qu’instruments, et il y a peu si ce n’est même rien dans ces deux artéfacts qui suscite des actes d’indentification artistique et d’interprétation capables de les transformer en œuvres d’art.

c) L’œuvre d’art et le contexte de son utilisation

Vue sous cet angle, il devient évident que la réponse de Danto au problème des indiscernables peut ne pas être aussi inclusive qu’on pourrait le penser. Le fait qu’elles soient difficiles de distinguer – les boîtes de Brillo originelles conçues dans un contexte de marchandisage des Brillo Box fabriquées en contreplaqué peint par Andy Warhol pour le contexte de la galerie – et le fait que nous sommes prêts à octroyer à celles-ci le statut d’œuvres d’art (de même qu’on aura reconnu dans le mont Blanc reconstruit d’après le projet de Viollet-le-Duc une œuvre d’art) constitue pour Danto le problème des indiscernables. Finalement, le constat que les facsimiles de Warhol n’affichent pas de la valeur intrinsèque à partir d’où l’on peut déduire leur statut en tant qu’œuvres d’art, a conduit Danto à chercher dans le contexte de leur utilisation le fondement de

55Idem, « The Artworld », The Journal of Philosophy, vol. 61, n. 19, octobre 1964, p. 580. Traduction

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Figure 41. Nuno Pedrosa, Verticaux (détail), tôle acier peinte avec pliage, poignées acier inoxydable, treuils électriques, rivets, câbles nylon, ballon latex, câbles et interrupteurs électriques, dimensions variables, 2008 (photo de l’auteur)

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ce statut. Les boîtes Brillo sont dépourvues d’une qualité possédée par le facsimile en contreplaqué peint de la boîte Brillo : l’attention que nous sommes prêts à lui octroyer en tant qu’œuvre d’art, et le « langage à l’aide duquel les œuvres d’art sont identifiées,

en ce sens qu’un objet n’est une œuvre d’art que grâce à une interprétation qui le constitue en œuvre. »56

d) L’œuvre comme point d’appui pour la production de discours

Les changements de paradigme réalisés par l’art minimaliste ou l’art conceptuel ne remettent pas non plus en question la condition selon laquelle toute œuvre d’art doit attirer notre attention. Ces catégories d’œuvres suscitent la production d’évènements discursifs et, à cet égard, ne diffèrent pas des paradigmes précédents. À titre d’exemple, la réflexion menée par Rémy Zaugg sur presque une dizaine d’années en s’appuyant sur une seule œuvre, la sculpture Untitled, Six Steel Boxes de Donald Judd du Musée de Bâle, démontre assez bien comment l’œuvre d’art minimaliste supporte aussi facilement la production du texte (des « perceptions réflexives » dans la terminologie de Zaugg), que toute autre œuvre d’art. Suite à la publication de l’édition allemande des textes de l’artiste, Jean-Christophe Ammann admet « qu’on a du mal à imaginer

comment l’auteur a pu s’y prendre pour envisager autant de points de vue, systématiquement et de manière inattendue, face à une simple juxtaposition d’objets cubiques en acier usiné en série ».57 La publication des réflexions d’à peu près trois

56 Idem, La transfiguration du banal : une philosophie de l’art, p. 218.

57 AMMANN Jean-Christophe, « Die List der Unschuld » [1982] dans : Rémy Zaugg, La ruse de

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cents pages de Zaugg rende effectivement obsolète le remarque de Felix Ingold à propos de la « très regrettable ‘absence de commentaire’ dont souffrent les œuvres d’art abstrait concret ».58La fécondité de l’œuvre d’art minimaliste, rendue manifeste dans la diversité de points de vue adoptés par Rémy Zaugg vis-à-vis de cette sculpture de Judd, met en évidence le rôle fondamental remplit par le déploiement d’une « atmosphère de théorie » dans la constitution de toute œuvre d’art. En revanche, si les modalités de réception ont subi des changements évidents avec l’apparition de l’art minimaliste, le type d’usage qu’on fait d’une œuvre d’art en tant qu’objet de contemplation esthétique, formelle ou même conceptuelle, comme point d’appui pour la production d’évènements discursifs, est resté fondamentalement d’actualité.

e) Du symbole au abstrait, de l’objet au instrument

En outre, si l’œuvre Brillo Box peut très bien avoir suscité des questions d’ordre ontologique, la sculpture Six Steel Boxes met l’accent sur son statut d’objet (quoique pas encore comme artéfact). Reconnaître une œuvre d’art dans le monde vécu n’est pas la même chose que de lui accorder une valeur comme artéfact, instrument ou outil.59 En bref, pas encore la prise de conscience par rapport à la condition d’artéfact de toute œuvre d’art, mais quand bien même par rapport à son condition d’objet comme

58 INGOLD Felix Philipp, « Une tentative : expliquer l’art » [1984] dans : Idem, ibidem, p. 286. 59 J’adopte les notions d’instrument et d’outil telles qu’elles sont conçues par Gilbert Simondon dans

L’invention dans les techniques. Ce qui importe à retenir c’est que « l’instrument équipe le système sensoriel, il sert à prélever de l’information, tandis que l’outil sert à exercer une action. » SIMONDON

Gilbert, L’invention dans les techniques : cours et conférences, Paris, Éditions du Seuil, « Collection

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le fait la sculpture minimaliste. En revanche, le Sac à dos et les Horizontaux n’exhibent pas leur nature d’artéfacts uniquement, ils introduisent la possibilité d’une pratique artistique qui ne désavoue pas la subordination à des fins utiles et qui bénéficie en effet de la valeur utile qui est propre à tout instrument. C’est à propos d’un changement de perception comparable que Rosalind Krauss nous rappelle, dans son article La sculpture

dans le champ élargi, que le piédestal dans la sculpture monumentale plus traditionnelle a servi habituellement de « médiation entre le lieu réel et le signe

emblématique ».60 Un changement décisif se produit à l’aube de l’ère moderniste avec l’abolition graduelle de cet élément transitionnel. En effet, « par la fétichisation du

socle, la sculpture s’étend vers le bas et absorbe son piédestal, qui se coupe ainsi de tout lieu réel. »61 La sculpture moderniste devient conséquemment pure abstraction et obtient ainsi son autonomie. En revanche, bien qu’elle soit largement indifférente à sa condition d’artéfact,62 la sculpture minimaliste va jusqu’au bout du procès d’abolition

60 KRAUSS Rosalind, L'originalité de l'avant-garde et autres mythes modernistes, traduit de l’anglais

par Jean-Pierre Criqui, Paris, Éditions Macula, « Collection Vues », 2004, p. 115.

61 Idem, ibidem, p. 116.

62 Il faut chercher dans la critique institutionnelle et dans d’œuvres telles Minning the Museum et

Metalwork 1793-1880 de Fred Wilson, ou Aren’t They Lovely d’Andrea Fraser, pour que la condition

d’artéfact de l’œuvre d’art soit prise en considération par l’artiste au moment de sa création. En tout rigueur, c’est la critique de la codification institutionnelle qui occupe ici les deux artistes (dans la forme d’une prise de conscience par rapport au pouvoir de sublimation ou de refoulement du musée), plutôt que la condition d’artéfact des œuvres stricto sensu. Malgré cela, une fois que la critique institutionnelle « opère à l’intérieur du musée pour le recadrer et pour en reconfigurer l’audience » et s’occupe de

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du piédestal commencé par le modernisme. En effet, ce processus trouve expression dans ce que Krauss désigne des « structures axiomatiques », lesquelles interagissent avec l’espace de la galerie dans un « processus de repérage des propriétés axiomatiques

de l’expérience architecturale ».63 En plus de cela, on va assister également à l’émergence des « sites marqués », lesquels résultent d’une « combinaison d’éléments

du paysage et du non-paysage » et renvoient « à des transformations concrètes de site,

mais aussi à d’autres formes de marquage », ou à ce que Krauss appelle de

« construction de site », des interventions qui se caractérisent par une combinaison de paysage et d’architecture.64 Si la sculpture moderniste avait coupé tout lien avec le réel devenant surtout autoréférentielle, la sculpture minimaliste et le land art refusent l’autoréférentialité exacerbée du modernisme devenant « ce qui, sur ou devant un

bâtiment, n’était pas le bâtiment ; ou ce qui, dans le paysage, n’était pas un paysage. »65 L’œuvre Verticaux est bien évidemment figurative, mais identiquement à la sculpture moderniste, ni la condition d’artéfact ni la condition d’objet de cette sculpture n’est plus évidente du fait de sa surconscience stylistique et de son inefficience en tant qu’instrument. On pourrait même dire à propos de cette sculpture

pouvoir cathartique sur le public », la condition d’artéfact de toute œuvre devient manifeste. FOSTER

Hal, Le Retour du réel : situation actuelle de l’avant-garde, traduit de l’anglais par Yves Cantraine,

Frank Pierobon et Daniel Vander Gucht, Bruxelles, La lettre volée, « Collection Essais », 2005, p. 239.

63 KRAUSS Rosalind, L’originalité de l’avant-garde et autres mythes modernistes, p. 123. 64 Idem, ibidem, p. 121.

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qu’elle n’était conçue que pour être regardée, qu’elle est plus efficiente en installation sur le sol de la galerie que comme instrument. En revanche, la condition d’instrument des Horizontaux et du Sac à dos est assez évidente et ils ont été conçus pleinement comme tels. Il n’y pas de piédestal dans ces artéfacts, de même qu’il n’y a pas de place pour le symbolique, mais ils ne sont pas tout de même autoréférentiels. Au contraire, ils sont des figures crées pour un fond très propre. Identiquement à la sculpture minimaliste, les Horizontaux et le Sac à dos existent dans le monde, mais ils agissent sur le réel au lieu d’y exister simplement.

f) Controverse et légitimation d’une nouvelle catégorie d’œuvres

Le fait toutefois est que les Horizontaux et le Sac à dos sont des cas insolites et limites. S’il est peu fréquent de penser aux œuvres d’art comme instruments ou même comme artéfacts. Et si nous y pensons, cela sera vraisemblablement – pour utiliser la terminologie de Randall Dipert – qu’au bénéfice d’une idée de l’œuvre d’art n’ayant que l’intention non-subordonnée de se voir accordée ladite intention.66 Aujourd’hui même nous ne sommes pas encore prêts à accorder des intentions subordonnées et des finalités non-ambigües, mais il est néanmoins possible de discerner et tirer parti de la condition d’objet de toute œuvre d’art. Même cette inclination ne serait semble-t-il pas une réalité sans la convergence d’un bon nombre d’évènements discursifs ayant leur

66 Pour Randall Dipert, l’intention non-subordonnée à des fins utiles est une intention qui s’accomplit

au moment de sa propre reconnaissance, telle l’intention d’être interprétée. Nonobstant le fait d’être un artéfact, les intentions subordonnées à des fins utiles d’une œuvre d’art ne doivent pas être prises en compte au moment de la contempler. DIPERT Randall, Artifacts, Artworks and Agency, Philadelphia, Temple University Press, 1993, p. 112-116.

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origine dans l’art minimaliste. Un changement de perception et un élargissement des modalités de réception forgés dans le rencontre prolifique du publique avec l’œuvre d’art minimaliste et la chaîne d’évènements discursifs qu’elles suscitent. James Meyer rappelle à ce propos comment le succès des œuvres de Donald Judd et Robert Morris « découle en grande mesure de la portée du discours – le discours de Judd, Lippard, Michelson, et Krauss, aussi bien que le discours de Morris lui-même ». En fait, « profitant de la controverse qui s’est développée autour de leurs œuvres, Morris et Judd sont devenus les meilleurs défenseurs de leur propre œuvre (…) ; les autres artistes, ayant écrit moins, n’ont pu rivaliser. »67 En plus, la critique de l’œuvre d’art minimaliste énoncée par Michael Fried dans les articles « Shape as Form » et « Art and Objecthood » est devenue bénéfique du point de vue du minimalisme car elle apportait aux œuvres d’art contestées l’attention désirée, intervenant de façon positive dans le procès de son légitimation. Elle a ajouté à l’« atmosphère de théorie » qui s’était construite avec l’ensemble des textes des artistes et des critiques d’art apologétiques du minimalisme. De même que l’œuvre de Morris et de Judd a profité de cette polémique, il semble opportun d’admettre que le statut du Sac à dos et des Horizontaux est précaire en raison de l’inexistence d’une « atmosphère de théorie » capable de

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