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Les arrhes-dédit ne concernent que la formation du contrat

Dans le document Les arrhes : étude franco-chinoise (Page 74-77)

Section I La divergence fonctionnelle des arrhes en droit chinois et en droit français

1. Les arrhes-dédit ne concernent que la formation du contrat

65. Le dédit doit intervenir avant l'exécution du contrat Les arrhes-dédit, et

plus généralement la faculté de dédit conventionnelle, permettent aux deux parties de revenir sur leurs consentements donnés. Cette faculté connaît cependant une limite temporelle : son exercice doit intervenir avant toute exécution du contrat. Les auteurs

sont unanimes sur ce point335, et la jurisprudence interprète le commencement

d'exécution comme une renonciation à la faculté de repentir336.

66. Un débat doctrinal sur le caractère définitif du contrat assorti d'une clause de dédit En France, l'incidence de la faculté de dédit sur le caractère définitif

du contrat principal fait l'objet d'une controverse doctrinale impressionnante. Selon certains, « l'exercice de la faculté de repentir met un terme au processus de formation du contrat »337. Le contrat ne devient définitif tant qu'il existe cette prérogative. C'est

la théorie dite de la formation progressive du contrat, développée d'abord par le

Professeur Mousseron338, et défendue par beaucoup d'autres339. Pour certains, la clause

de dédit ne fait pas obstacle à la perfection du contrat. La clause de dédit est ainsi

présentée comme une exception portée à la force obligatoire du contrat340. D'après ces

auteurs, la clause de dédit autorise une rupture anticipée du contrat avant son terme

335 L. Boyer, « La clause de dédit », in Mélanges P. Raynaud, 1985, n°5 et s.,

336 Cass. Civ. 1re, 15 juillet 1961 : Bull.civ., I, n°318; Cass. Civ. 3e; 30 octobre 1962 : Bull.Civ., III, n° 401; Cass. Civ. 16 octobre 1968 : JCP 1968. IV. 184.

337 Ch. Corgas-Bernard, La résiliation unilatérale du contrat à durée déterminée, PUAM, 2006, n°16, p.24

338 J.-M. Mousseron, « La durée dans la formation des contrats », in Mélanges Jauffret, 1974, p.519 et s., et spéc. p.520; 339 R. Baillod, « Le droit de repentir », RTD. Civ. 1984, 227 et s., et spéc. 233 et s.; J. Calais-Auloy, « La loi sur le démarchage à domicile et la protection des consommateurs », D.1973, chron. 266; A. Benet, « Indemnité d'immobilisation, dédit et clause pénale », JCP. N., 1987, pp.115-116 : « Alors que l'option apparaît au seuil du processus de formation du

lien contractuel en vue, le pouvoir de se dédire se situe à une étape plus avancée de son avènement ». C. Hamann, « La

spécificité de la clause de dédit », RDI. 1997, p.169, n°7.

340 M. Fabre-Magnan, Droit des obligations, 1- Contrat et engagement unilatéral, op.cit., p.284 : « La faculté de dédit

suppose également qu'un contrat ait été conclu, et même plus précisément qu'un engagement ait été pris par celui qui verse les arrhes ». Ph. Maulaurie, L. Aynès, Ph. Stoffel-Munck, op.cit., n°886, p.465 : « La faculté de dédit confère à son bénéficiaire d’un droit de retrait unilatéral d'un contrat déjà conclu » ; Y. Panerre, L'extinction unilatérale des engagements

, Thèse, édition Panthéon-Assas, 2012, n°718, p.776 ; Ch. Larroumet, Droit civil, T. III, Les obligations, Le contrat, 2e Partie : Effets, 6e éd., Economica, 2007, n°593, p.616 ; J. Carbonnier, Droit civil, Les biens, les obligations, Quadrige/Puf, 2004, n°1029, p.2116 ; Ph. Delebecque, « L'anéantissement unilatéral du contrat », in L'unilatéralisme et le droit des

obligations, Economica, 1999, p.61 et s. ; F. Collart-Dutilleul, Les contrats préparatoires à la vente d'immeuble, Thèse

Tours, 1983, n°167 et s. ;p.204 et s. ; B. Boccara, « De la notion de promesse unilatérale ( régime fiscal et vente de fonds de commerce) », JCP 1970, I, 2357 bis, n°6 ;

convenu341, ou encore une résiliation unilatérale342, dont l'exercice s'analyse en une

« inexécution licite du contrat »343. Pour finir, il faut aussi mentionner une voie

intermédiaire, qui attribue à la volonté des parties un rôle prédominant en la matière344.

La question, à cause de son caractère académique, ne suscite pas beaucoup de contentieux. On peut néanmoins citer un ancien arrêt qui semble donner raison à la thèse

de formation définitive du contrat345.

Quoi qu'il en soit, ce débat doctrinal n'a pas d'incidence sur la question qui nous intéresse ici, à savoir le champ d'application de la clause. Le dédit a pour fonction principale d'assurer « la plénitude du consentement donné, que celui-ci soit définitif ou provisoire »346. Il n'en va pas de même pour les arrhes-résolution en droit chinois.

2 Les arrhes-résolution concernent aussi l'exécution du contrat

67. La définition des arrhes-résolution La définition des arrhes-résolution est

donnée par l'article 117 de L'Interprétation judiciaire sur la LCS :

« Après avoir versé les arrhes, les parties peuvent conformément aux termes de la convention, résoudre le contrat principal, celui qui les a données, en les perdant, et celui qui les a reçues, en restituant le double.

« Les dispositions de la Loi Chinoise des Contrats concernant la résolution trouve à s'appliquer pour régir les conséquences de cette rupture ».

Ainsi, les arrhes-résolution se présentent en effet comme une variante de résolution conventionnelle autorisée par la loi, ce qui justifie le terme utilisé.

341 G. Helleringer, Les clauses du contrat, Essai de typologie, LGDJ, 2012, n°353 et s., p.195 et s. Contra., Ph. Stoffel- Munck, « La rupture du contrat, Rapport français », in Travaux de l'Association Henri Capitant, Le contrat, Journées

Brésiliennes, Tome LV/ 2005, p.803 : « Ces facultés ( droit de rétractation en droit de la consommation, et la faculté de dédit conventionnelle) sont enfermées dans un délai si bref à compter de la conclusion du contrat, que parler de « rupture » à leur propos n'est pas adéquat : on ne rompt que ce qui est tangible, et ici, la relation contractuelle n'a pas eu le temps d'acquérir de consistance concrète : dès lors, la rétractation dissipe l'illusion d'un contrat plus qu'elle ne le rompt ».

342 J. Redouin, op.cit., p.59 et s. ; H., L., J. Mazeaud, F. Chabas, Leçon de droit civil, T. II, V. 1, Obligations, Théorie

générale, op.cit., n°139, p.137. Contra., Ch. Corgas-Bernard, op.cit., n°15 et s., p.23 et s.

343 C. Chabas, L'inexécution licite du contrat, LGDJ, 2002, n°38, p.35 ;

344 S. Mirabail, La rétractation en droit privé français, LGDJ, 1997, pp.122-123 : « Bien qu'il ressorte des développements

précédents que le schéma calqué sur la formation progressive du consentement correspond généralement à l'intention manifestée par les parties, il n'est pas exclusif, car la clause de dédit, contrairement aux droit de repentir légaux, n'est pas réglementée. Elle pourra donc être aménagée au gré des parties. (… ) La portée de la clause dépend donc uniquement de la volonté des parties. Il n'existe pas un schéma juridique type de la faculté de dédit. Il n'existe que des cas d'espèces. Il est donc nécessaire de rechercher chaque fois qu'ont voulu les parties ».

345 Cass. Civ 1re, 6 octobre 1965 : Bull.civ., I, n°516. 346 Ch. Corgas-Bernard, op.cit., n°17, p.24.

Contrairement à l'article 1590 du Code Civil français qui ne parle des arrhes qu'à

propos de la promesse de vente347, L'article 117 de l'interprétation ne pose aucune limite

s'agissant du contrat concerné. Par conséquent, tout contrat peut assortir d'une clause d'arrhes, que ce soit à exécution instantanée ou successive.

68. Le principe : les arrhes-résolution demeurent efficaces pendant la phase d'exécution du contrat La différence majeure entre ces deux clauses réside dans le

fait que les parties peuvent toujours faire jouer les arrhes-résolution pour mettre fin au contrat, et ce même après son commencement d'exécution.

Il est vrai que cette différence n'est pas toujours mise en avant par la doctrine chinoise. Inspirée par la théorie étrangère, la plupart des auteurs chinois considèrent que le

commencement d'exécution du contrat fait obstacle à la mise en œuvre de la clause348.

Cette proposition doctrinale ne trouve pas sa justification dans les textes de la loi, et elle est en outre démentie par la jurisprudence. C'est ainsi que dans la vente immobilière,

l'acquéreur peut toujours renoncer à la vente après avoir payé une partie du prix349. Il en va

de même pour les contrats à exécution successive. Le locataire peut résoudre

unilatéralement le bail de manière anticipée en perdant les arrhes versées350.

69. Un éventuel tempérament : la clause ne pourrait plus être invoquée lorsque le contrat a été exécuté pour une grande partie A plusieurs reprises, les

juges refusent de donner effet à la clause d'arrhes-résolution après avoir constaté l'état

avancé dans l'exécution du contrat. Dans une décision de 16 octobre 2009351, le

tribunal a refusé le jeu des arrhes lorsque l'acquéreur a déjà acquitté plus de 9/10 du prix de l'immeuble. Le tribunal de base de Shaoxing a retenu la même solution dans une espèce similaire352. Dans un autre arrêt rendu le 18 mars 2014353, le tribunal

supérieur de Guangdong a affirmé que « l'usage de la clause d'arrhes-résolution est soumis au principe de la bonne foi », et le fait d'exécuter le contrat pendant un certain temps et d'accepter la prestation de l'autre partie crée une croyance légitime chez son cocontractant, qui fait obstacle à la résolution unilatérale.

347 Même si la jurisprudence a ensuite appliqué ce texte dans d'autres contrats que la promesse de vente. 348 V., Han Shiyuan, Traité général sur le droit des contrats, 3e éd., La Presse Juridique, 2011. p.513

349. Tribunal de base de Xinshi, Xinjiang, 1 juin 2011, référence : CLI.C.378883 ; Premier Tribunal intermédiaire de Chongqing, 19 juillet 2004, référence : CLI.C.1182968 ; Premier Tribunal intermédiaire de Shanghai, 17 décembre 2010, référence : CLI.C.357738.

350 Tribunal de base de Yulin, Guangxi, 16 mai 2012, référence : CLI.C.1194965 ; Tribunal supérieur de Hubei, 21 mai 2008, référence : CLI.C.147360.

351 Tribunal de base de Yangpu, Shanghai, 16 octobre 2009, référence : CLI.C.576039. 352 Tribunal de base de Shaoxing, Zhejiang, 25 mai 2013, référence : CLI.C.2470780. 353 Tribunal supérieur de Guangdong, 18 mars 2014, (2013)粤高法民一申字第265号.

Malgré ce tempérament jurisprudentiel, il ne fait aucun doute que les arrhes- résolution ont un champs d'application beaucoup plus large que celui des arrhes-dédit.

B Les arrhes-dédit du droit français et les arrhes-résolution du droit chinois : une différence quant à leurs effets juridiques

70. Si les arrhes-dédit donnent à son titulaire un droit de repentir ( l ), les arrhes-

résolution, quant à elles, permettent seulement aux contractants de faire obstacle à une demande en exécution forcée du contrat ( 2 ).

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