Dans le but de simplifier l’accès à notre thèse, nous avons décidé de présenter succinctement l’organisation de celui-ci.
Dans cette thèse, nous abordons la parentalité à partir de la perspective des Sciences de l’éducation et plus spécifiquement du cadre épistémologique des recherches biographiques en formation des adultes.
La recherche biographique en formation des adultes s’intéresse à l’étude des histoires de vie produite par les personnes sur leur propre parcours de vie et plus particulièrement sur les processus d’apprentissage spontané, d’autoformation implicite. Cet intérêt aux histoires de vie des individus est au cœur de la manière dont nous abordons la parentalité. En délimitant l’histoire de vie du parent à la période qui commence au moment où l’adulte s’est senti devenir parent jusqu’au moment de l’interview.
Nous cherchons à obtenir des données sur le devenir parent. Ainsi nous distinguons, d’une part l’histoire de parent comme étant l’ensemble des données produites par l’adulte au sujet de cette période durant laquelle il devient parent. Il s’agit dans notre étude des récits de parentalité, des éléments du parcours de vie et de la description de son réseau de parentalité. Nous nommons récits de parentalité les récits qui en constitue les motifs, les séquences, les morceaux choisis que le parent utilise pour narrer cet épisode de son existence.
À partir de notre posture de chercheur en formation des adultes, nous nous intéressons depuis de nombreuses années aux processus d’apprentissage chez la personne adulte en situation (Luethi, 2010).
Ce statut de chercheur doit nous permettre d’acquérir la distanciation nécessaire pour pouvoir nous extraire de notre statut de praticien et tendre à une objectivité suffisante en vue de mener une recherche scientifique. Il s’agit là d’un des défis de cette recherche. Albarello décrit cette tension entre engagement et distanciation comme un des enjeux centraux pour le praticien-chercheur (Albarello, 2012).
L’objectif premier de cette recherche est l’étude de la parentalité à partir du point de vue de parents, ayant fait appel entre 2009 et 2011 à un dispositif de soutien à la parentalité en Suisse romande
« Histoires de Parents ». Nous cherchons à rendre évidente la manière dont les parents décrivent l’apprentissage de la parentalité telle qu’ils l’ont vécu et ce qu’ils en retiennent au moment de la recherche. Sur le plan théorique, nous faisons appel au concept d’épreuve. Le concept d’épreuve en formation des adultes décrit une forme d’apprentissage expérientiel rendu apparent par l’analyse des récits autobiographiques. Notre méthodologie d’analyse s’appuie sur le concept d’épreuve biographique tel que mobilisé dans l’analyse des processus de formation et d’apprentissage en formation des adultes dans notre groupe de recherche Mimèsis et formation3. Nous considérons cet apprentissage comme un processus de changement par lequel un adulte se transforme tant sur le plan comportemental, identitaire, que cognitif en vue de s’adapter à une situation. Cette transformation peut s’avérer volontaire ou involontaire, implicite ou explicite et imposée ou choisie. Les histoires de parent de notre panel, nous ont conduit à voir émerger une parentalité déterminée par un faire-face dont la chronologie principale est l’âge de l’aîné. De cette manière, nous ne déterminons pas la parentalité comme un ensemble de compétences ou de savoir stabilisé, mais nous cherchons à mettre en lumière la dynamique des réponses parentales aux situations rencontrées. La parentalité se révèle comme un vécu singulier qui traverse toutes les dimensions de l’être adulte et les changements importants que constitue ce devenir pour l’individu contemporain. Cette thèse s’articule autour d’un objet dynamique : la parentalité en tant que devenir parent, pour l’adulte lui-même. Ce devenir adulte s’effectue principalement dans le face-à-face avec les responsabilités sociales et éducatives du statut parental. Notre ancrage scientifique se situe en Sciences de l’éducation et plus spécifiquement dans le domaine de la formation des adultes. Le devenir implique un apprentissage fait de mouvements, de transformation, de changements. C’est ce processus diachronique que nous explorons de manière approfondie dans notre thèse.
3 Groupes de recherche Mimèsis et formation :
https://www.unige.ch/fapse/recherche/groupes/ssed/formation-adultes/mimesis/
13 Organisation du document
Premièrement, il s’agit pour nous d’apporter une précision sur la manière dont nous mobilisons les termes « histoire de parent », « récit de parentalité » et les récits de parentalité. Nous considérons l’histoire de parent comme l’ensemble des données produites par les parents pour répondre aux questions de notre entretien. Celles-ci ne couvrent pas l’intégralité d’une histoire de vie, mais se limitent au devenir parent. D’autre part, nous distinguons donc le récit de parentalité produit par la réponse à la question
« Comment je deviens parent ? » et qui peut-être décliné en séquences, en extraits que nous nommons ici les récits de parentalité. Les données des récits de parentalité sont croisées avec les données provenant du réseau de parentalité et du parcours de parentalité.
Notre thèse s’organise de la manière suivante :
Le chapitre un de notre document permet donc au lecteur de comprendre le fil rouge de notre recherche et le contexte général de celle-ci.
Le chapitre deux décrit le concept de parentalité tel que mobilisé en éducation familiale, en psychologie et en sociologie.
Nous abordons durant le chapitre trois le soutien à la parentalité et la place réservée aux récits et à l’autobiographie dans les dispositifs de soutien à la parentalité.
Le chapitre quatre décrit les cadres théoriques et méthodologiques dans lesquels nous avons puisé pour élaborer notre problématique décrite dans le chapitre 5.
Le chapitre 6 nous permet de présenter une méthode d’analyse originale qui s’appuie sur le parcours herméneutique de Ricœur. Pour produire les données à analyser. Nous rencontrons des parents ayant participé d’une manière ou d’une autre au dispositif « Histoires de Parents » et nous leur proposons de nous décrire leur parcours de parentalité et la manière dont ils sont devenus parents. Quelles expériences, moment clés, rencontres ont constitué pour eux l’essentiel de cette étape de leur vie depuis le moment ou ils ont commencé à se considérer comme parent. En compléments de ces récits nous les questionnons sur leurs trajectoires de vie durant leur devenir parent et sur la manière dont ils envisagent leur réseau familial.
Ce sont ces données que nous explorons ensuite en trois étapes distinctes inspirées du cercle herméneutique de Ricœur :
- Notre première étape d’analyse a consisté en une écoute très attentive des entretiens afin de nous laisser immerger dans les récits des parents eux-mêmes.
Cette première étape nous a permis de prendre conscience de la différence notable qui existait entre notre horizon d’attente de chercheur en éducation et les récits de parentalité qui nous étaient donnés en réponse à notre grille d’entretien. Si dans un premier temps, nous avons abordé les récits avec notre regard d’expert, par contre, dès les premiers entretiens nous avons réalisé que la manière de décrire la parentalité des parents nous était étrangère et surprenante. Nous avons dû adapter notre écoute et notre prise en compte des récits de parentalité. Clairement, la parentalité pour le parent se décline en récits d’action, en épreuve. Il ne s’agit pas simplement d’expérience individuelle, le parent décrit des actions qui s’inscrivent dans des structures communes et comparables d’un entretien à un autre.
Les parents nous imposent d’aborder la parentalité hors de l’angle de l’expertise pédagogique. Ils nous ont conduits à voir émerger premièrement des déroulements d’actions constituées par des thématiques, des enjeux, des intérêts sur des aspects de la parentalité dont nous n’avions pas mesuré l’importance pour les parents. La parentalité est premièrement pour les parents tissée de situations très concrètes, de problèmes logistiques et pratiques.
- Notre deuxième étape d’analyse consiste en une exploration narrative approfondie d’extraits à l’aide d’une instrumentation sémiotique issue des travaux de Baudouin et d’Everaert ; puis à comparer ces éléments avec tant le parcours de parentalité, que les réseaux de parentalité produisent par notre questionnement.
Faire appel à une instrumentation d’analyse originale, nous a permis de prendre de la distance avec notre interprétation habituelle des histoires de parents. En effet, notre instrumentation s’intéresse
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premièrement aux ingrédients des récits de parentalités. Nous avons donc fait évoluer notre méthode d’analyse vers une prise en compte toujours plus attentive de la structure des récits de parentalité et de leurs différents ingrédients. Pour cela, nous découpons un récit de parentalité, en séquences d’épreuves singulières signalées par l’analyse cinétique. Après ce découpage, nous mobilisons les travaux d’une chercheuse en sémiotique narrative Everaert (2007). C’est en nous appuyant sur cette méthodologie d’analyse originale que nous avons distingué les références concrètes, abstraites, les structures narratives, thématiques, ainsi que les réseaux d’actants des récits de parentalité. Dans le même temps, nous avons comparé ces données avec les données du parcours de vie et de la configuration familiale du parent.
L’analyse de l’ensemble des données de notre panel a permis la mise en évidence d’une horloge de la parentalité constituée entre autres de contraintes liées au développement de l’enfant. Il s’agit ici du fil rouge qui constitue notre présentation de l’analyse des histoires de parent. Nous prendrons le temps dans ce document de présenter précisément cette instrumentation. Cette analyse se veut donc dans un premier temps centrée sur les constituants objectifs des récits sans chercher à les interpréter.
- Notre troisième étape d’analyse présente une synthèse compréhensive prenant en compte les résultats des deux premières étapes.
Durant notre troisième étape dite compréhensive au sens de Ricœur, nous avons cherché à faire la synthèse des deux premières étapes et à monter en généralités nos résultats, afin de rendre évidents pour le lecteur les aspects transversaux des histoires de parent. Pour cela, nous avons été attentifs à décrire nos résultats en suivant une chronologie déterminée par l’âge de l’aîné du parent. Un aspect essentiel de cette étape a été de bien distinguer la parentalité en « JE » d’une parentalité en « NOUS ». En effet, notre étude ne porte pas sur le groupe familial, mais bien sur l’histoire de parent d’un individu. Cette distinction entre famille et parent s’avère une des distinctions les plus difficiles à tenir au moment de la compréhension, car tous les modèles de représentation contemporains sont imbibés d’une parentalité étudiée à partir du groupe famille, de la dyade parent-enfant ou de la triade des parents et de l’enfant.
Le fait de tenir à une compréhension de la parentalité telle que déclinée en « JE » est un exercice difficile auquel nous avons voulu nous astreindre durant ce travail de recherche.
Cette méthodologie d’analyse en trois étapes permet d’articuler approche compréhensive et approche explicative des histoires de parent. Elle permet aussi d’avoir un regard élargi qui permet de prendre en compte avec sérieux les récits des parents, tout en restant attentif aux structures qui les influencent et les nourrissent. Ainsi nous portons une attention au récit de parentalité comme forme de langage permettant d’avoir accès pour une part aux références de la personne, que celle-ci sélectionne dans une communauté de sens et d’autre part à la forme singulière du récit en « JE ». Il s’agit par notre analyse de rendre visible l’interaction entre les dimensions individuelles et collectives des histoires de parent.
Les chapitres 7 à 10 décrivent la synthèse de nos résultats et de notre parcours de compréhension des histoires de parent, qui a conduit à l’émergence de notre concept d’horloge de la parentalité. Celle-ci émerge du croisement des récits de parentalité avec les données du parcours de parentalité. Dans ces chapitres, nous décrivons les quatre épreuves communes qui ont émergé de notre analyse et détermine une chronologie du devenir parent.
La conception – l’autorisation – la scolarisation – l’individuation
Cette structure des histoires de parent est un des apports majeurs de notre travail et constitue pour nous le cœur de notre parcours de recherche. En effet, ces épreuves communes rendent compte de la manière dont chaque parent répond de manière singulière aux contraintes imposées par ces étapes nécessaires.
Cette constatation nous oblige aussi à reconnaître l’importance de facteurs inattendus que seule l’histoire de parent révèle et qui sera l’objet d’une présentation détaillée dans notre synthèse conclusive. Ces cinq épreuves sont le fruit de notre exploration des histoires de parent. Durant ce chapitre, nous explorons et décrivons avec précision tant les dimensions standards, qu’individuelles et communes des histoires de parent, étape par étape.
Finalement, le chapitre 8 nous permet de faire la synthèse de nos résultats et de présenter les limites et les perspectives de notre travail.
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