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SECTION 2. ETAT DES LIEUX SUR LES DISPOSITIFS PÉDAGOGIQUES ET LEUR CONCEPTION

2. DES APPROCHES THÉORIQUES « HISTORIQUES »

Pour mieux saisir la portée des courants théoriques les plus modernes, régissant la conception des systèmes d’information pédagogiques, il convient de rappeler les tenants et aboutissants de leurs prédécesseurs. Sur cette question, l’ouvrage [BRUILLARD, 1997] se révèle utile. Il retrace en effet l’évolution historique des applications de l’informatique à l’éducation, depuis ses débuts dans les années 60 jusqu’à la fin des années 90. Quatre courants informatiques peuvent ainsi être identifiés34 : l’enseignement programmé, l’EAO,

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Par ailleurs, des auteurs comme Stéphanie Jean-Daubias et Jean-Philippe Pernin se sont déjà livrés à une synthèse critique des courants historiques sur la conception des systèmes en éducation. Nous nous en tenons ici à des éléments de rappel, qui réfèrent implicitement aux travaux de ces auteurs.

l’EIAO1 et l’EIAO2. Ces courants sur la conception, on va le voir, sont en relation étroite avec diverses approches théoriques et analytiques de l’apprentissage.

2.1.L’ENSEIGNEMENT PROGRAMMÉ, LA CYBERNÉTIQUE ET LE BEHAVIORISME.

Le premier courant se dénomme « enseignement programmé ». Il remonte aux années cinquante et soixante et découle directement de la cybernétique et de la psychologie comportementale ou « behaviorisme ».

Empreinte de la théorie mathématique de l’information de Shannon, la cybernétique a été créée par Norbert Wiener. Elle constitue la science qui, pour comprendre et faciliter les processus naturels ou mécaniques visant à atteindre un but par l’action, en caractérise les contrôles et les rétroactions (feedback). Le terme cybernétique provient d’ailleurs des mots grecs kubernetes, qui signifie « le pilote » et kubernêsis, qui signifie au sens propre « action de manœuvrer un vaisseau » et au sens figuré « action de diriger, de gouverner » (Encyclopédie Universalis).

La psychologie comportementale – ou behaviorisme –, quant à elle, est empreinte des travaux du reflexologue Ivan Pavlov. Centrée sur l’analyse des processus stimulus-réponse, elle prône une approche selon laquelle il est entièrement possible de comprendre l’intellect des individus en observant leur comportement. Pour les psychologues behavioristes, il n’y a pas de distinction entre apprentissage et développement. Chaque comportement de l’individu est la conséquence d’un apprentissage, autrement dit le résultat d’une mutation de l’organisme par des stimuli. Ramenée au domaine pédagogique, cette approche considère que tout apprentissage efficient pour l’individu a une incidence directe sur son comportement moteur. On considère alors comme possible et avantageux d’exprimer les objectifs d’une formation en termes de comportements à acquérir. De plus, le rôle du formateur consiste à commander les variables contextuelles qui conduiront à la mise en place des comportements visés.

Ces deux courants alimenteront directement le courant de conception de l’enseignement programmé, dont l’un des instigateurs est Skinner. L’enseignement est alors appréhendé comme un processus de commande, au cours duquel une certaine quantité de savoir et de connaissances est acquise. Ce courant considère que l’enseignement classique pèche par son manque de rétroaction. Il s’agit alors de créer des systèmes mécaniques (l’informatique n’est alors que balbutiante), fondées sur des algorithmes mathématiques, afin d’augmenter ces rétroactions.

2.2.LE COURANT EAO ET L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE.

Le second courant se nomme EAO (Enseignement Assisté par Ordinateur). Il remonte aux années 70. Il est contemporain de l’avènement de l’intelligence artificielle et du cognitivisme, mais ne se coordonne pas d’emblée avec les résultats de ces recherches. Il correspond surtout aux premières applications éducatives de l’informatique.

L’objectif de conception consiste alors à exploiter des jeux de questions-réponses pour rendre adaptable le système, notamment en laissant à l’apprenant la possibilité d’évoluer à son rythme. Trois composantes de la pédagogie tentent d’être prises en compte : le what, le who et le how. Toutefois, aucun des systèmes ne parvient à les traiter simultanément de manière satisfaisante.

Dans une certaine rupture avec le modèle behavioriste, ce courant tente de mieux prendre en compte le profil de l’apprenant. Il pèche cependant au niveau de l’absence d’une théorie de la représentation des connaissances et d’une théorie de l’apprentissage qui soient applicables dans le cadre de la conception des systèmes.

2.3.LES COURANTS EIAO, LE COGNITIVISME ET LE CONSTRUCTIVISME.

Le troisième courant de conception se nomme EIAO (Enseignement Intelligemment Assisté par Ordinateur) et remonte aux années 80. Par rapport à l’EAO, il correspond à une meilleure prise en compte, au niveau des systèmes, des apports théoriques fournis par le cognitivisme mais aussi de ceux fournis par le constructivisme (Piagétien notamment). Ces courants de pensée replacent tous deux le sujet au centre du processus d’apprentissage. On ne se centre donc plus sur la présentation des connaissances à acquérir, mais sur le sujet apprenant, lequel construit ses connaissances en interaction avec le système.

Le cognitivisme, tout d’abord, appréhende les phénomènes mentaux comme une somme d’éléments discrets (mots, neurones, etc.) interconnectés de manière logique. Le cerveau est assimilé à un ordinateur et on considère que l’étude des programmes informatiques en facilitera la compréhension. Avec le cognitivisme, l’apprentissage est analysé comme une série de computations (déduction, induction, comparaison, etc.) et modélisé à l’aide de réseaux de neurones.

Le constructivisme de Piaget considère que « les connaissances passent d’un état d’équilibre à un autre par des phases transitoires au cours desquelles les connaissances antérieures sont mises à défaut. Si ce moment de déséquilibre est surmonté, c’est qu’il y a une réorganisation des connaissances, au cours de laquelle les nouveaux acquis sont intégrés au

savoir ancien » [PIAGET, 2005]. Ainsi, le sujet apprenant produit ses connaissances à travers l’enchaînement de phases de ruptures et de rééquilibration. Deux notions essentielles permettent de saisir ce processus : l’assimilation et l’accommodation. L’assimilation désigne tout d’abord l’incorporation « brute » par l’apprenant d’informations issues de son environnement. Ces informations vont pouvoir s’ajouter à son système de connaissances ou bien engendrer un déséquilibre. Quant à l’accommodation, elle désigne la modification par l’apprenant de son système de connaissances, en réponse au déséquilibre provoqué lors des assimilation.

C’est dans cette perspective théorique qu’apparaît la notion de micro-monde. L’objectif essentiel de cette notion est de créer des univers ayant à la fois valeur d’exemple et de modèle du monde réel, au sein desquels d’autres personnes vont pouvoir exprimer leur créativité et en observer les conséquences directes. Le système LOGO a notamment été développé dans ce cadre.

L’avantage de ce courant est que l’apport des théories constructivistes conduit à prescrire des fonctionnalités nouvelles dans la conception des systèmes (évaluation, adaptation et personnalisation, apprentissage des méthodes et modes de raisonnement, etc.). Toutefois, aucun système informatique ne parvient à réaliser l’ensemble de ces fonctions. En outre, il paraît toujours difficile de mettre en application les résultats de l’intelligence artificielle et du cognitivisme.

Enfin, on distingue un quatrième courant, qui propose une variante du précédent. Il s’intitule encore EIAO, mais signifie cette fois « Environnements Interactifs d’Apprentissage avec Ordinateur ».

Il remontre aux années 1990. Cette époque se caractérise par la proposition des premières problématiques pluridisciplinaires sur la question des systèmes d’information pédagogiques, notamment par le croisement des théories SHS et des théories informatiques. Ces travaux cherchent à rétablir de la médiation humaine dans les systèmes. Ils commencent à s’intéresser davantage à la caractérisation des usages. On met alors de côté l’intelligence artificielle pour se recentrer sur l’interactivité du système. De même, on délaisse la structuration des connaissances, pour se recentrer sur l’activité du sujet apprenant.