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Les approches normatives de la fin du 20 ème siècle

Dans le document UNIVERSITÉ DE NICE SOPHIA ANTIPOLIS (Page 128-132)

CHAPITRE II : MODELES DE TAUX DE CHANGE

Section 3 Les approches normatives de la fin du 20 ème siècle

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appelle information systémique). Mais, en réalité, on constate que les agents n’ont pas accès à l’in-formation de manière égalitaire. De plus, l’inl’in-formation n’est pas gratuite et elle peut coûter très chère d’ailleurs. La recherche de l’information est une activité privilégiée. C’est ça le paradoxe mis en évidence par Stiglitz & Grosman (1980). En effet, ce qui est censé être gratuit et à la portée de tout le monde est au contraire très recherché.

A cause des résultats peu fructueux des modèles macroéconomiques de court terme et de ceux de la microstructure, les analyses se sont recentrées de nouveau sur la détermination du taux de change à moyen et à long termes en se basant sur des fondements macroéconomiques. Cette réorientation de la recherche à la fin du 20ème a beaucoup été favorisée par les situations déficitaire et excédentaire de la balance courante des pays du G7 alors que leurs taux de change ne s’ajustaient pas ou ne corres-pondent pas à ces situations-là. Donc l’approche issue de cette réorientation de la recherche avait pour but de prédire ce que doit être le taux de change d’équilibre, qui doit être en cohérence avec l’évolu-tion des fondamentaux. C’est la raison pour laquelle cette nouvelle approche est considérée comme une approche normative. Comme nous allons le voir dans la section qui suit, les développements théoriques ont donné naissance à plusieurs concepts nouveaux et modèles de taux de change. Ces concepts seront présentés avec beaucoup d’intérêt puisque la seconde partie de ce document va s’ap-puyer sur certains de ces concepts ou modèles pour des applications empiriques.

Section 3 : Les approches normatives de la fin du 20ème siècle

La fin du 20ème siècle a été caractérisée par le déséquilibre des balances des paiements. Par exemple, la balance des paiements des USA a enregistré des déficits courants vis-à-vis du Japon. Mais malgré cette réalité économique, cela ne se traduisait pas dans le taux de change yen/dollar. Le taux de change est pourtant censé refléter les niveaux des fondamentaux selon les analyses par les fondamentaux. Donc, un pays qui accumule des excédents commerciaux vis-à-vis de ses partenaires doit voir sa monnaie s’apprécier par rapport à celles des partenaires, et, inversement, un pays qui enregistre des déficits commerciaux doit voir sa monnaie se déprécier. Cependant, ce n’est pas ce qui s’est passé entre le dollar et le yen. Cette réalité a emmené l’économiste américain Williamson J. (1985) à considérer que les monnaies étaient sujettes à d’importants «désalignements», c'est-à-dire à des déviations importantes et persistantes par rapport à leur niveau d’équilibre. D’après lui, le dollar était surévalué de 39% en 1985, tandis que le yen était sous-évalué de 19%. Pour lui, le coût des

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«désalignements»des monnaies était trop élevé pour l’économie mondiale. En effet, le désalignement des monnaies entraine une mauvaise allocation des ressources, des déséquilibres extérieurs, des faux signaux aux marchés, etc. A causes de ces facteurs, le TCR attire à la fois l’attention des économistes et des pouvoir publics [MacDonald (2000), Stein J. (1995, 2002), Driver & Westway (2004) et Égert & Halpern (2005)].

Par exemple, de nombreux économistes [Williamson & J (2004), Goldstein & Lardy (2005), Goldstein (2005) et Bergsten (2006)] considèrent que la monnaie chinoise, le yuan, doit être réévaluée de 15 à 40%, ce qui permettra une réévaluation de l’ensemble des devises asiatiques et donc une réduction des déséquilibres mondiaux. A l’inverse, des économistes comme McKinnon R (2005), Bosworth (2004) et Aglietta M. (2005) considèrent que la Chine ne devrait pas réévaluer sa monnaie pour éviter l’erreur que le Japon avait commise après son «Endaka» (la réévaluation du yen).

Le travail de Williamson (1985) s’était donné l’ambition de définir de nouvelles normes en ce qui concerne la détermination des taux de change et leurs évolutions dans le temps. En d’autres termes, pour chaque monnaie, il faut définir un taux de change d’équilibre et une zone dans laquelle celui-ci doit évoluer. Son projet final a consisté à calculer un taux de change d’équilibre pour chacune des monnaies des pays de G7, et, ensuite, à définir sa marge de fluctuation («zones-cibles»). Cette marge de fluctuation correspond en fait à la marge d’erreur de calcul du taux de change d’équilibre. Enfin, chaque pays doit maintenir son taux de change à l’intérieur de sa «zone-cible». Cette analyse est connue couramment sous la dénomination de la théorie des «zones-cibles», qui a été prolongée par d’autres auteurs comme nous le verrons dans cette section. Toutes ces analyses sont qualifiées des analyses normatives de long terme de la fin du 20è𝑚𝑒 siècle ou des analyses macroéconomiques modernes de taux de change.

La proposition de Williamson (1985) a connu un très grand succès et a beaucoup pesé dans les accords de Louvre en 1987 du G7. On peut même dire que sa proposition a marqué l’esprit des décideurs politiques de l’époque, notamment ceux des pays de G7, comme on peut le constater à travers ce communique de la réunion du 𝐺7 en 1993 : « We agreed that exchange rate should reflect the economic fundamentals and that excess volatility is undesirable. We reviewed recent development in the foreign exchange markets and affirmed our continued commitment to close cooperation in exchange markets.” (Wall Street Journal, 30 april 1993, C-13).

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Ce communiqué ci-dessus semble très clair, cependant il y a beaucoup d’ambigüité dans cette déclaration. En effet, qu’est-ce qu’on appelle en réalité taux de changed’équilibre ? Quelle sont les variables qu’on retient comme ses fondamentaux ? Qu’est-ce qu’on appelle volatilité excessive ? Voilà autant de questions claires auxquelles il faut répondre sans aucune ambiguïté possible. Bien que le développement d’un modèle de taux de change d’équilibre n’ait commencé que tardivement avec le travail de Williamson (1985), rappelons que cette notion remonte à Nurkse (1945), qui soulignait que le FMI a été créé pour fournir un cadre nécessaire permettant de corriger les déséquilibres fon-damentaux des taux de changes des pays membres de l’institution, mais qu’il devrait d’abord trouver un consensus nécessaire sur le concept de « déséquilibre » ou d’« équilibre » du taux de change. En effet, Nurkse argumentait que la PPA ne peut pas fournir une définition de l’équilibre du taux de change, car elle est incapable de donner des interprétations précises. Pour lui, la seule définition sa-tisfaisante de l’équilibre du taux de change est celle qui considère que la balance des paiements est en équilibre sur une certaine période. En poursuivant, il affirmait qu’il n’existe aucune considération ou justification théorique qui permette de dire qu’un simple arbitrage de la PPA ait une signification économique pour la balance des paiements.

Cette nouvelle approche conduit à d’importants modèles, dont le FEER (Fundamental Equili-brium Exchange Rate), le DEER (Desired EquiliEquili-brium Exchange Rate), le NATREX (Natural Ex-change Rate) le BEER (Behavioral Equilibrium ExEx-change Rate), le RERE (Real ExEx-change Rate Equi-librium) et le LRER (Long-Run Real Exchange Rate EquiEqui-librium). Malgré ces divergences concep-tuelles, tous les auteurs désignent la même chose à quelques nuances près Williamson (1994). D’abord, ils sont tous d’accord sur le concept de taux de change réel d’équilibre (TCRE). Aussi, ils sont tous d’accord sur ce qu’on appelle les fondamentaux du TCRE. En effet, ils sont tous unanimes sur le principe que le TCRE est affecté par l’afflux permanent de capitaux, par l’amélioration des termes de l’échange, par l’accumulation des avoirs extérieurs nets et par le biais de productivité. Donc, a priori, il n’y as pas de contradiction conceptuelle entre les différent modèles. Toutefois, il convient de noter que nous avons trois types d’approche qui ont émergé de cette réorientation de la recherche. En effet, nous avons l’approche macroéconomique (FEER, DEER), l’approche économé-trique (BEER) et l’approche dynamique (NATREX).

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Paragraphe 1 : Le modèle du FEER

Le modèle du FEER proposé par Williamson (1985)26 est une approche macroéconomique et l’auteur met l’accent sur le moyen terme qui est l’horizon nécessaire pour que l’économie soit en l’équilibre interne (plein emploi) et l’équilibre externe (le solde courant correspond à des flux de financement soutenables). Le FEER est défini comme le TCR qui assure, à moyen terme l’équilibre interne au sens du NAIRU (Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment ) et l’équilibre externe d’une économie librement ouverte à l’échange international au sens du modèle MFD (Mundell-Fle-ming-Dornbusch). A travers cette définition, nous appréhendons que le TCRE (Taux de Change Réel d’Équilibre) est un concept normatif. Aussi, nous comprenons que le concept de FEER est en effet intéressant en ce sens qu’il fait référence à deux critères. Premièrement, le FEER doit réaliser l’équi-libre de la balance de base (c'est-à-dire entre le solde du compte courant et les flux de capitaux struc-turels). Deuxièmement, le FEER tient compte du niveau désiré de l’équilibre interne (notamment l’arbitrage inflation/chômage) par les pouvoir publics, ainsi que des changements structurels de l’éco-nomie.

Cependant, un des principaux problèmes du FEER est sa faisabilité Williamson (1985 et 1994), lui-même, reconnait son caractère difficilement opérationnel. En effet, bien que le FEER soit fonction des fondamentaux de l’économie (tels que le progrès technique, le taux de chômage, l’infla-tion, la producl’infla-tion, la balance courante, etc.), il est difficile de le calculer à cause des problèmes méthodologiques. En fait, il faut définir, pour chaque pays, le niveau de la production de plein emploi («production potentielle») et le solde courant soutenable tout en respectant la cohérence mondiale des objectifs nationaux (i.e., les objectifs économiques nationaux seraient identiques pour tous les pays du monde). Ainsi, Williamson propose de calculer le FEER en simulant des modèles macro-écono-métriques multinationaux. Finalement, il est évident que le FEER ne peut être calculé qu’avec une certaine marge d’erreur. Cette marge d’erreur justifie la définition d’une bande de fluctuation («zones-cibles»)autour du FEER. Un aspect du FEER est que c’est une approche en termes de statique com-parative, comme le rappelle Borowski & Couhard (1999).

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Parallèlement, des travaux menés au sein du FMI [Artis & Taylor (1993), Bayoumi, Peter, Steve, & Mark (1994)] pour la détermination du FEER ont conduit au concept de DEER (Desired Equilibrium Exchange Rate), qui est défini comme étant le TCR qui assure l’équilibre interne et ex-terne à moyen terme d’une économie. Cette définition met l’accent sur le fait que le TCRE est le TCR qui est cohérent avec l’équilibre macroéconomique et les objectifs sous-jacents à cet équilibre. Le DEER introduit un aspect normatif dans la définition du TCRE, et c’est la raison pour laquelle il y’a le terme « désiré » dans la dénomination. En effet, le FMI souhaitait que la recherche de DEER par les pays soit un objectif en soi. En effet, le DEER analyse le taux de change d’équilibre en fonction du solde courant et de l’emploi.

Dans le document UNIVERSITÉ DE NICE SOPHIA ANTIPOLIS (Page 128-132)